Intervention de Erwan Balanant

Mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement — Réunion du 7 juillet 2021 à 12h30
Audition de M. Erwan Balanant député auteur du rapport de mission gouvernementale : « comprendre et combattre le harcèlement 120 propositions »

Erwan Balanant :

Madame la Présidente, je vous remercie pour cette occasion de pouvoir échanger avec vous. Cette interaction est de nature à nourrir nos futures réflexions.

Je souhaite revenir brièvement sur le contexte d'écriture de ce rapport. Je tiens à le préciser, il n'est pas issu de faits personnels. J'ai été en pension dans un collège puis lycée breton, et je n'ai pas le souvenir d'avoir été victime de harcèlement. Cette réflexion est issue du rapport que m'avait confié Marlène Schiappa en 2017 sur le harcèlement de rue. J'ai pour ainsi dire « remonté la pelote » : tout commence à l'école, qui est le lieu de l'apprentissage de la socialisation. Il faut donc traiter la question du harcèlement dès l'école.

A l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'école de la confiance, j'ai été surpris de n'y trouver aucune disposition relative à la lutte contre le harcèlement scolaire. Je l'ai été d'autant plus quand j'ai constaté que les mots de « harcèlement scolaire » étaient absents du code de l'éducation. J'ai donc déposé un amendement visant à instaurer un droit à une scolarité sans harcèlement lors de l'examen du texte. Il semblait dans un premier temps ne pas être accepté par le ministère, mais par un mouvement de séance - comme vous en connaissez aussi au Sénat - l'amendement a été voté. Cela ne représente que le début de mon travail : Édouard Philippe m'a par la suite confié une mission sur le harcèlement scolaire. Quels constats ai-je pu dresser ?

Premier constat : en matière de harcèlement, il y a eu des avancées, une amélioration en raison d'une prise de conscience sur ce phénomène. Mais il faut désormais aller plus loin et plus vite, une nouvelle politique publique doit être mise en place. J'y reviendrai.

L'actualité aujourd'hui, avec la condamnation à quatre à six mois de prison avec sursis, de 11 coupables dans l'affaire Mila nous rappelle le fléau qu'est le cyberharcèlement. Un enfant cyberharcelé n'a plus de répit. Avant, vous pouviez vous ressourcer chez vous. Désormais, le cyberharcèlement est permanent. Un certain nombre de choses pourrait être faites. Par exemple, les parents pourraient interdire l'utilisation du téléphone dans la chambre de l'enfant, ou encore, tous les téléphones, y compris ceux des parents, pourraient être mis le soir sur un guéridon. Il faut d'ailleurs s'appliquer à soi-même ce que l'on demande aux enfants.

Deuxième constat : avec le cyberharcèlement, le harcèlement peut très vite, à travers la viralité, sortir du cadre des camarades de classe, pour prendre une dimension nationale, voire mondiale. L'affaire Mila l'a montré de manière paroxystique.

Troisième point : le cyberharcèlement laisse des traces - sur le développement de l'enfant, mais aussi sur les réseaux sociaux et ceci à vie. Il faut faire comprendre aux enfants que les contenus demeurent, même si la personne qui les a reçus les supprime. Il restera une rémanence perpétuelle sur les réseaux sociaux, car, même si les forces de l'ordre ont retiré ces contenus, d'autres personnes peuvent les avoir stockés.

Voilà le constat. Il faut une grande politique publique sur le sujet. Le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement doivent devenir une grande cause nationale pendant un an. Il y a eu une prise de conscience à la suite des travaux de Debarbieux, et tous les gouvernements successifs ont agi, participant à cette prise de conscience. Mais il faut aller plus loin, car la prévention du harcèlement à l'école permet d'agir sur les autres périodes de la vie : harcèlement au travail, dans la rue, en politique, etc.

Cette politique doit définir un interdit. Le cyberharcèlement et le harcèlement scolaire ne sont pas bien définis dans le code pénal. Le code de l'éducation doit être réécrit et il faudrait décliner, dans le code pénal, un délit de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement similaire à ce qui existe en matière de harcèlement au travail. Cela permet de créer un interdit, non pas dans un but unique de répression, mais car il est important dans une société de dire ce que l'on accepte et ce que l'on n'accepte pas. Le code pénal sert à définir des interdits sociétaux, il est le pivot de toutes les politiques publiques que l'on va mettre en place.

Dans les 120 propositions présentées dans mon rapport, toutes ne proposent pas des choses nouvelles. Certaines visent aussi à développer les choses qui existent, à augmenter les moyens consacrés, ou encore généraliser les dispositifs qui fonctionnent.

Le programme pHARe, « clé en main », va sortir de l'expérimentation et être généralisé à l'ensemble des académies à la prochaine rentrée. Toutefois, il reste sur la base d'une participation volontaire des établissements. Or, une politique de prévention du harcèlement doit se faire dans chaque école, collège et lycée.

Le deuxième axe, dans le domaine du « cyber », concerne les parents, qui ne connaissent pas nécessairement les pratiques de leurs enfants sur les réseaux sociaux. J'ai 50 ans et je pense maîtriser les réseaux sociaux. Mais cela ne veut pas dire y avoir les mêmes pratiques que les jeunes. Je suis surpris, dans mon cercle familial, de voir les interactions qu'ont les jeunes sur les réseaux sociaux. Je ne plaide pas pour leur interdiction, car les réseaux sociaux sont aussi des outils intéressants, mais il faut que les parents soient formés. Il faut une campagne de sensibilisation sur les dangers du téléphone. Je vais faire un parallèle avec la voiture. C'est un outil de liberté, mais aussi dangereux qui il est dans les mains d'un chauffard.

Enfin, cette politique publique doit comporter un axe « réseaux sociaux ». Ils doivent prendre leurs responsabilités Ils ne peuvent pas se contenter de se cacher derrière leurs conditions générales d'utilisation et y renvoyer.

Il faut faire sortir la lutte contre le harcèlement scolaire du silo de l'éducation nationale : il faut une politique interministérielle. Sous forme de boutade, je dis souvent qu'il faut un ministre de la jeunesse auquel serait attaché à ministre délégué à l'éducation nationale. Il faut créer un groupement d'intérêt public - ou une autre forme de coopération - qui regrouperait différents acteurs sur la question du harcèlement et du cyberharcèlement. Cela a été fait pour l'enfance en danger - et fonctionne bien. Cela permettrait de disposer d'un bras pour cette politique interministérielle.

Il faut une prise de conscience de l'ensemble de la société, non seulement sur ce fléau, mais aussi sur la nécessité de changer la société pour la tourner vers plus d'empathie et vers plus d'écoute. Cela nécessite aussi un changement de l'école. Notre école a les défauts de ses qualités : elle est capable de grandes choses, mais a aussi des travers. L'école forme des individus et laisse peu de place au travail de groupe. À titre personnel, je serai ainsi favorable à des notes de groupe.

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