Mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement

Réunion du 7 juillet 2021 à 12h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Van Heghe

M. le Député Erwan Balanant, cher collègue, comme vous le savez, les auditions de notre mission créée au titre du droit de tirage du groupe Les Indépendants-République et Territoires sont consacrées au harcèlement en milieu scolaire, et notamment à sa dimension « cyber ».

Au terme de 5 semaines intenses d'auditions et de 2 déplacements sur le terrain, nous avons souhaité vous entendre sur un sujet que vous connaissez parfaitement et ainsi pouvoir librement échanger et confronter nos points de vue.

Au nom de tous mes collègues, je souhaitais donc vous remercier très sincèrement d'avoir répondu à notre invitation.

Il y a 2 ans en effet, à la suite de l'examen en séance du projet de loi pour l'école de la confiance dans lequel vous avez fait inscrire le droit pour les enfants à suivre une scolarité sans violence ni harcèlement, vous avez été chargé d'une mission par le Premier ministre sur cette question qui constitue une priorité du ministère de l'éducation.

À l'automne 2020 vous avez donc rendu public votre rapport qui présente un état des lieux très complet de la situation, fruit d'un travail qui fait honneur à son auteur, et qui est assorti de 120 propositions d'action.

Nul doute que le « rapport Balanant » constitue une référence incontournable en la matière, ce qui justifie votre présence parmi nous aujourd'hui.

Comme vous, nous estimons que ce fléau doit être combattu le plus efficacement possible. Surtout que la dimension « cyber » en a radicalement changé la nature, la portée et donc les conséquences dramatiques sur les élèves.

Le harcèlement tend alors à se disséminer, à se réfugier derrière un anonymat qui en démultiplie les conséquences dévastatrices. Il ne s'arrête plus aux portes de l'école, du collège ou du lycée mais crée un continuum qui ignore les lieux, les horaires et l'intime de la vie familiale.

Vous l'avez encore évoqué, le 18 mai dernier, en interrogeant le ministre de l'Éducation nationale sur cet aspect et je vous cite : « Tolérer la violence en ces lieux, c'est l'ancrer dans le développement des enfants et la cautionner dans la société des prochaines décennies ». Vous aviez rappelé à cette occasion que des solutions existent.

Nous sommes donc impatients de vous entendre pour un propos liminaire, avant que notre rapporteure Colette Melot suivie par nos nombreux collègues présents ce jour n'entament le débat dont je sais qu'il sera passionnant et à la hauteur de l'enjeu.

Mon cher collègue, je vous cède la parole sans plus attendre.

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

Madame la Présidente, je vous remercie pour cette occasion de pouvoir échanger avec vous. Cette interaction est de nature à nourrir nos futures réflexions.

Je souhaite revenir brièvement sur le contexte d'écriture de ce rapport. Je tiens à le préciser, il n'est pas issu de faits personnels. J'ai été en pension dans un collège puis lycée breton, et je n'ai pas le souvenir d'avoir été victime de harcèlement. Cette réflexion est issue du rapport que m'avait confié Marlène Schiappa en 2017 sur le harcèlement de rue. J'ai pour ainsi dire « remonté la pelote » : tout commence à l'école, qui est le lieu de l'apprentissage de la socialisation. Il faut donc traiter la question du harcèlement dès l'école.

A l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'école de la confiance, j'ai été surpris de n'y trouver aucune disposition relative à la lutte contre le harcèlement scolaire. Je l'ai été d'autant plus quand j'ai constaté que les mots de « harcèlement scolaire » étaient absents du code de l'éducation. J'ai donc déposé un amendement visant à instaurer un droit à une scolarité sans harcèlement lors de l'examen du texte. Il semblait dans un premier temps ne pas être accepté par le ministère, mais par un mouvement de séance - comme vous en connaissez aussi au Sénat - l'amendement a été voté. Cela ne représente que le début de mon travail : Édouard Philippe m'a par la suite confié une mission sur le harcèlement scolaire. Quels constats ai-je pu dresser ?

Premier constat : en matière de harcèlement, il y a eu des avancées, une amélioration en raison d'une prise de conscience sur ce phénomène. Mais il faut désormais aller plus loin et plus vite, une nouvelle politique publique doit être mise en place. J'y reviendrai.

L'actualité aujourd'hui, avec la condamnation à quatre à six mois de prison avec sursis, de 11 coupables dans l'affaire Mila nous rappelle le fléau qu'est le cyberharcèlement. Un enfant cyberharcelé n'a plus de répit. Avant, vous pouviez vous ressourcer chez vous. Désormais, le cyberharcèlement est permanent. Un certain nombre de choses pourrait être faites. Par exemple, les parents pourraient interdire l'utilisation du téléphone dans la chambre de l'enfant, ou encore, tous les téléphones, y compris ceux des parents, pourraient être mis le soir sur un guéridon. Il faut d'ailleurs s'appliquer à soi-même ce que l'on demande aux enfants.

Deuxième constat : avec le cyberharcèlement, le harcèlement peut très vite, à travers la viralité, sortir du cadre des camarades de classe, pour prendre une dimension nationale, voire mondiale. L'affaire Mila l'a montré de manière paroxystique.

Troisième point : le cyberharcèlement laisse des traces - sur le développement de l'enfant, mais aussi sur les réseaux sociaux et ceci à vie. Il faut faire comprendre aux enfants que les contenus demeurent, même si la personne qui les a reçus les supprime. Il restera une rémanence perpétuelle sur les réseaux sociaux, car, même si les forces de l'ordre ont retiré ces contenus, d'autres personnes peuvent les avoir stockés.

Voilà le constat. Il faut une grande politique publique sur le sujet. Le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement doivent devenir une grande cause nationale pendant un an. Il y a eu une prise de conscience à la suite des travaux de Debarbieux, et tous les gouvernements successifs ont agi, participant à cette prise de conscience. Mais il faut aller plus loin, car la prévention du harcèlement à l'école permet d'agir sur les autres périodes de la vie : harcèlement au travail, dans la rue, en politique, etc.

Cette politique doit définir un interdit. Le cyberharcèlement et le harcèlement scolaire ne sont pas bien définis dans le code pénal. Le code de l'éducation doit être réécrit et il faudrait décliner, dans le code pénal, un délit de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement similaire à ce qui existe en matière de harcèlement au travail. Cela permet de créer un interdit, non pas dans un but unique de répression, mais car il est important dans une société de dire ce que l'on accepte et ce que l'on n'accepte pas. Le code pénal sert à définir des interdits sociétaux, il est le pivot de toutes les politiques publiques que l'on va mettre en place.

Dans les 120 propositions présentées dans mon rapport, toutes ne proposent pas des choses nouvelles. Certaines visent aussi à développer les choses qui existent, à augmenter les moyens consacrés, ou encore généraliser les dispositifs qui fonctionnent.

Le programme pHARe, « clé en main », va sortir de l'expérimentation et être généralisé à l'ensemble des académies à la prochaine rentrée. Toutefois, il reste sur la base d'une participation volontaire des établissements. Or, une politique de prévention du harcèlement doit se faire dans chaque école, collège et lycée.

Le deuxième axe, dans le domaine du « cyber », concerne les parents, qui ne connaissent pas nécessairement les pratiques de leurs enfants sur les réseaux sociaux. J'ai 50 ans et je pense maîtriser les réseaux sociaux. Mais cela ne veut pas dire y avoir les mêmes pratiques que les jeunes. Je suis surpris, dans mon cercle familial, de voir les interactions qu'ont les jeunes sur les réseaux sociaux. Je ne plaide pas pour leur interdiction, car les réseaux sociaux sont aussi des outils intéressants, mais il faut que les parents soient formés. Il faut une campagne de sensibilisation sur les dangers du téléphone. Je vais faire un parallèle avec la voiture. C'est un outil de liberté, mais aussi dangereux qui il est dans les mains d'un chauffard.

Enfin, cette politique publique doit comporter un axe « réseaux sociaux ». Ils doivent prendre leurs responsabilités Ils ne peuvent pas se contenter de se cacher derrière leurs conditions générales d'utilisation et y renvoyer.

Il faut faire sortir la lutte contre le harcèlement scolaire du silo de l'éducation nationale : il faut une politique interministérielle. Sous forme de boutade, je dis souvent qu'il faut un ministre de la jeunesse auquel serait attaché à ministre délégué à l'éducation nationale. Il faut créer un groupement d'intérêt public - ou une autre forme de coopération - qui regrouperait différents acteurs sur la question du harcèlement et du cyberharcèlement. Cela a été fait pour l'enfance en danger - et fonctionne bien. Cela permettrait de disposer d'un bras pour cette politique interministérielle.

Il faut une prise de conscience de l'ensemble de la société, non seulement sur ce fléau, mais aussi sur la nécessité de changer la société pour la tourner vers plus d'empathie et vers plus d'écoute. Cela nécessite aussi un changement de l'école. Notre école a les défauts de ses qualités : elle est capable de grandes choses, mais a aussi des travers. L'école forme des individus et laisse peu de place au travail de groupe. À titre personnel, je serai ainsi favorable à des notes de groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Vous avez évoqué les parents. L'ignorance, l'éloignement font qu'ils ne sont pas tous conscients de ce qui se passe sur les réseaux sociaux.

Nous avons auditionné les réseaux sociaux. Ceux-ci n'ont pas avancé dans leurs propositions depuis la parution de votre rapport, sur le sujet de l'anonymat. Ils ont l'impression d'agir, mais en fait c'est loin d'être suffisant.

Nous nous sommes également rendus dans deux collèges, l'un en Seine-et-Marne et l'autre dans le Pas-de-Calais. Dans les deux établissements, le harcèlement est pris à bras le corps. Nous avons vu l'importance du travail de l'équipe pédagogique. Mais combien d'autres établissements ne s'inscrivent pas dans une telle démarche ! Il faudrait généraliser ce qui fonctionne dans ces établissements.

L'idée de grande cause nationale a également été évoquée avec les personnes auditionnées, notamment la Défenseure des droits. Les médias s'emparent parfois de ce sujet, mais souvent seulement lors de faits graves.

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

A la suite de mon rapport, j'ai déposé une proposition de loi visant à réécrire le code de l'éducation, le code pénal, et proposant un accompagnant des victimes. Il faut les accompagner, car le traumatisme peut être terrible - et avoir un coût pour la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Boulay-Espéronnier

Cela fait désormais 10 ans que cette problématique est prise à bras le corps. Toutefois, il demeure un sentiment de manque de coordination. On constate des différences énormes entre territoires, parfois même entre établissements dans la prise en compte et la lutte contre le harcèlement.

Je suis d'accord pour inscrire l'interdit dans la loi, mais pourquoi ne l'a-t-on pas fait avant ?

Il faut également travailler avec les plateformes, pour augmenter la compréhension des conditions générales d'utilisation. Elles sont souvent peu claires pour un enfant et ses parents. Personne ne les lit. Il est nécessaire d'avoir une telle prise de conscience de l'ensemble des acteurs qu'elle rejaillisse sur l'école. Il faut également travailler sur des thématiques transversales comme la citoyenneté.

Enfin, on nous a dit que l'école manque de moyens, de temps dans les programmes. Il est nécessaire de changer l'école. En effet, on peut mettre en place toutes les actions que l'on veut, mais si l'enfant y est imperméable, cela n'aura aucun effet.

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

Il y a eu une prise de conscience il y a 10 ans. Je souhaite rendre hommage au travail d'Éric Debarbieux, ainsi que de Luc Chatel qui a été le premier ministre de l'Éducation nationale à réfléchir au harcèlement scolaire et à mettre en oeuvre des actions pour lutter contre ce problème de société. 10 ans, c'est court dans le temps de la société : il faut alors accompagner le processus. Je fais un parallèle avec le harcèlement au travail : au départ, on trouvait également cela normal, puis il y a eu une prise de conscience menant à l'interdiction du harcèlement au travail, qui a constitué un point de rupture.

La prise de conscience du harcèlement scolaire se fait par itération, progressivement. Cela nécessite un changement structurel. Je prendrai un exemple : les études de climat scolaire. Lorsqu'un établissement diligente une telle étude, le résultat lui appartient : les données ne remontent pas au ministère. Il n'y a donc pas de chiffres sérieux sur le harcèlement scolaire. Ceux qui sont donnés sont calculés « au doigt mouillé ».

Ma première proposition consiste en la mise en place d'un baromètre pour mesurer le climat scolaire. Il me semble également important de noter les collèges et lycées, de différencier entre ceux qui agissent contre le harcèlement scolaire, et ceux qui ne font rien. Il peut exister des établissements qui ont d'excellents résultats scolaires mais qui ne mettent en place aucune politique de prévention du harcèlement scolaire, et avec pour conséquence un climat d'études très difficile.

Je me réjouis que le Sénat se soit saisi du sujet du harcèlement. Permettez-moi seulement d'exprimer un regret. Comme c'est souvent le cas sur ces sujets et les thématiques du care de manière générale, l'assemblée ici présente est très majoritairement féminine.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Que pensez-vous de l'anonymat sur internet ? On ne peut pas agir car les auteurs de cyberharcèlement, d'insultes ne sont pas retrouvés.

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

Il ne faut pas confondre anonymat et pseudonymat. Sous le contrôle d'un juge, les forces de l'ordre peuvent, dans le cadre d'une procédure judiciaire, retrouver une personne cachée derrière un pseudonyme, notamment grâce à l'adresse IP. Je pense qu'il ne faut pas interdire l'anonymat. C'est un outil pour les lanceurs d'alerte. En revanche, il faut changer la façon dont on perçoit, et se perçoivent les réseaux sociaux. Ils se présentent comme des tuyaux et pas comme des médias. Or, comme l'indique la loi du 29 juillet 1881, tout média est responsable de ses publications, à travers son directeur de publication qui est pénalement responsable. Facebook a supprimé le compte de Donald Trump. C'est donc bien qu'il a une ligne éditoriale.

Certes des associations comme la Quadrature du Net estimeraient que ces considérations sont « liberticides ». Mais ce n'est pas le cas. L'expression dans notre pays est libre, mais il y a des règles à respecter.

Debut de section - PermalienPhoto de Toine Bourrat

Un journal vérifie une information. L'information n'est pas diffusée tout de suite, permettant au directeur de rédaction de procéder à sa vérification. Sur les réseaux sociaux, tout va bien plus vite. En outre, l'anonymat facilite la diffamation.

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

Ce serait possible, à condition d'avoir un outil juridique plus puissant. L'affaire Mila est le premier jugement médiatique appliquant la loi du 3 août 2018, où un unique tweet, mais inséré dans une attaque « en meute » est un délit.

Pour moi ce n'est pas l'anonymat qu'il faut condamner, mais les propos. Le cyber doit être considéré comme un espace public comme les autres : des personnes qui proféreraient des insultes dans la rue se feraient arrêter en raison des propos qu'elles tiennent, et ce même si elles sont masquées.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

L'anonymat n'est pas le véritable enjeu ; c'est plutôt le sentiment d'impunité qui pose problème, d'autant que les harcelés connaissent bien souvent les harceleurs. Il faut pouvoir signaler un tweet haineux, un cyberharcèlement et que tout cyberharcèlement fasse l'objet d'une réponse rapide. L'affaire Mila a montré qu'on peut être considéré comme harceleur avec un seul tweet. Avec les réseaux sociaux, l'espace public entre dans la chambre.

Je suis régulièrement intervenu sur les moyens de Pharos. Avant l'assassinat de Samuel Paty, moins de 30 équivalents temps plein (ETP) y étaient consacrés. Depuis, ils ont augmenté. L'État doit mettre les moyens pour raccourcir le délai entre le constat et l'intervention.

Enfin, une attention toute particulière doit être accordée aux numéros d'appel, car parfois la victime en ressort plus détruite qu'avant de les appeler.

Debut de section - PermalienPhoto de Toine Bourrat

Certains, en l'absence d'anonymat, serait « moins courageux » dans leurs insultes. Certes des personnes ont été condamnées dans l'affaire Mila, mais il faut penser aux dégâts subis par cette jeune fille.

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

Je suis persuadé que les réseaux sociaux savent gérer la viralité. Par exemple, il pourrait y avoir le déclenchement d'une procédure bloquante lorsque l'algorithme note tout à coup une brusque augmentation d'une occurrence. E-enfance a fait un travail remarquable. Mila a reçu en moins de 24 heures plus de 100 000 tweets. Mais les algorithmes auraient pu « couper le feu ». Ils savent bien nous proposer d'acheter des biens en détectant nos préférences, ils peuvent donc casser la viralité.

Je réitère ici mon appréciation selon laquelle la question du statut juridique des plateformes est essentielle. Il s'agit bien d'un média véhiculant de l'information plutôt que d'un simple tuyau.

Debut de section - PermalienPhoto de Toine Bourrat

Faudrait-il limiter le nombre de comptes et de pseudonymes pouvant être créés à partir d'une même adresse mail ?

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

Il suffirait de se créer une nouvelle adresse mail pour contourner cette mesure. De même demander la carte d'identité pour s'inscrire sur les réseaux sociaux serait une atteinte excessive à la liberté d'expression.

Pour moi, plus tôt on apprend le-vivre ensemble aux enfants, plus tôt on pourra lutter contre l'insulte sur les réseaux sociaux. La culture des réseaux sociaux est somme toute jeune en France. Les premiers sont apparus il y a une quinzaine d'années, vers 2006-2007. La culture du vivre-ensemble doit être travaillée. C'est le rôle du politique. Il n'y a pas sur les réseaux sociaux cette culture du vivre-ensemble, telle qu'elle peut exister dans la rue. Les personnalités politiques ont aussi leur part de responsabilité. À titre personnel, je veille ainsi à ne plus envoyer de « piques » politiques sur les réseaux sociaux

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

C'est dommage car cela fait partie de la culture du débat.

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

La culture du débat, c'est la culture de la dispute, dans son étymologie du Moyen-Âge. L'art de la dispute est codifié, et fondé sur l'argumentation. Le débat public est une dispute avec des règles à respecter.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Il y a aussi une responsabilité des journalistes. Parfois, ils reprennent certaines rumeurs des réseaux sociaux, sans même les vérifier. Il existe un conseil de déontologie des journalistes, qui a été récemment mis en place. Mais on m'a dit qu'il ne fait rien, et que cela ne vaut pas la peine de le saisir.

Rappelons-nous de « l'affaire Baudis ». C'était une affaire épouvantable pour celui qui en a été la victime, mais d'aucuns disaient que « cela devait forcément être vrai, car on en parlait dans la presse dite sérieuse ».

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

Je pense que cette affaire aurait été différente si les réseaux sociaux avaient existé. Les réseaux sociaux peuvent aussi présenter des avantages et je suis content qu'ils existent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

J'ai organisé un débat avec des jeunes, et j'ai été surprise de constater que certains ne se rendent pas compte de ce qui constitue, concrètement, un harcèlement. Par exemple des moqueries peuvent constituer un harcèlement si elles sont répétées chaque jour. Or, les jeunes, auteurs ou destinataires de ces moqueries, ont été étonnés lorsque je leur ai fait cette remarque.

Je souhaite évoquer l'uniforme. En Martinique, il y a un uniforme, ce qui annihile les différences vestimentaires, et les enfants ne sont pas malheureux. Les jeunes sont prêts à en débattre. De même, les jeunes qui font actuellement leur service national universel ne sont pas concernés par cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Micheline Jacques

Dans l'école que je dirigeais à Saint-Barthélemy, tous les enfants doivent porter un T-shirt blanc. Nous avons organisé un concours de logo pour l'école.

Je pense par ailleurs qu'il faut organiser une refondation de l'école. À Saint-Barthélémy, 11 postes étaient disponibles après l'ouragan Irma. On a donc eu recours à des contractuels, ce qui peut être utile, mais il ne faut pas oublier qu'enseigner est une vocation !

Il faut également travailler avec l'enfant : souvent il ne parle pas de ce qu'il voit ou de ce qu'il subit pour ne pas être « une balance », par peur des représailles. Je rejoins ce qu'a dit ma collègue. Parfois le harcèlement part d'un sentiment de jeu. Les enfants ne se rendent pas toujours compte du mal qu'ils peuvent faire.

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

L'uniforme reflète une volonté d'être tous pareils, mais surtout d'être tous ensemble, de faire corps. Les jeunes en portent au Royaume-Uni et je n'ai pas le sentiment qu'ils soient malheureux.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Si, à titre personnel, je suis favorable à l'uniforme - en tant que représentante des Français de l'étranger, je peux affirmer que certaines écoles françaises à l'étranger en ont - j'attire votre attention sur le fait qu'il ne résout pas tous les problèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Van Heghe

En effet, j'ai moi-même porté la blouse au collège. Or, on ne peut pas tous être uniformisé et les moqueries portent sur d'autres choses - le physique notamment. On trouvera toujours ce qui fait une différence (Approbation de Mme Colette Mélot).

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

Il est naturel qu'il y ait des tensions entre les enfants. Ce qui n'est pas acceptable c'est que cela dure, ou qu'il y ait des pratiques qui vont au-delà de ces tensions.

Plus vite on casse la spirale du harcèlement, plus vite les problèmes sont résolus, et moins cela ne laisse de traces pour l'enfant. Comment casser cette spirale ? L'enfant a besoin d'un référent adulte. Je propose que dans les établissements, les formations ne se concentrent pas uniquement sur les enseignants ou les CPE, mais aussi sur le personnel technique, qui oeuvre à la cantine ou ailleurs. Il faut former tout le monde et apprendre à recueillir la parole.

Il est difficile de prévoir un grand plan général de formation, mais on peut avoir un plan plus modeste contenant un module pour « former à former », afin qu'il y ait ensuite dans chaque établissement une petite équipe. Certes cela représente des moyens, mais qui ne sont pas si considérables que cela.

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

Le système des élèves ambassadeurs fonctionne, mais j'ai la conviction qu'il est bien d'avoir un adulte, surtout au collège ou à l'école. C'est peut-être moins vrai au lycée, où on est en présence de quasi-adultes.

Il faut une présence adulte, un moyen pour l'enfant de parler, car parfois il a honte d'en parler à ses parents.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Comment former les parents ? Former les personnels, on le conçoit aisément, mais comment toucher les parents pour qu'ils ne soient pas désorientés ?

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

Je suis frappé par le fait que les parents ne peuvent pas rentrer dans les écoles. Cela s'explique certes aujourd'hui par les mesures de sécurité, contre le terrorisme puis contre la Covid-19. Mais je suis convaincu que la fin de l'école le samedi matin a joué un rôle négatif. C'était souvent un moment d'échange dans un contexte plus calme, plus apaisé que le soir ou le matin en semaine. Dans notre société où les hommes travaillent encore davantage que les femmes, c'était aussi l'occasion pour les pères d'aller à l'école. D'ailleurs, plusieurs associations de parents d'élèves m'ont indiqué qu'elles avaient commencé à décliner à partir du moment où il n'y a plus eu cours le samedi.

Il est important de mettre rapidement une politique pour former les jeunes aux comportements clés à adopter sur les réseaux sociaux. En effet, les parents sont perdus sur le cyber. En tant que parents, nous avons tous connus dans nos années scolaires, des situations de harcèlement scolaire - en tant que victime, harceleur, ou témoin - en revanche, les parents actuels n'ont pas vécu, en tant qu'enfants, puis jeunes, le phénomène du cyberharcèlement. C'est seulement maintenant qu'il y a les premiers parents ayant pu connaître un cyberharcèlement dans leur jeunesse. Peut-être que cela fera évoluer la prise de conscience de ses dangers d'ici quelques années...

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Les parents ne sont pas égaux et ne sont pas armés de la même manière pour encadrer, éduquer, accompagner leurs enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Micheline Jacques

On l'a bien vu lors de la crise de la Covid-19. Certains parents n'arrivaient pas à assurer la continuité pédagogique de leurs enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

Souvent, les parents se déchargent sur l'éducation nationale. En tant que conseiller régional, j'ai participé à plusieurs conseils d'administration de lycée. Or, à chaque fois, nous avons du mal à trouver des parents pour participer à cinq conseils d'administration par an. Et je ne parle même pas de l'organisation d'un évènement spécifique, par exemple la célébration des dix ans d'un lycée. On essaye d'impliquer les parents, mais cela ne les intéresse pas. Ils semblent venir en réalité « chercher une prestation ».

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

J'ai l'expérience d'écoles Diwan, qui ne sont pas publiques, mais qui sont gratuites. Elles fonctionnent grâce à l'aide et à l'implication des parents. Dans une grande ville comme Paris, c'est différent. Des réunions sont organisées à 18 heures ou 19 heures et, malgré mon emploi du temps, je suis parmi les seuls à être présent. Je me demande comment faire revenir les parents dans l'école.

Debut de section - PermalienPhoto de Toine Bourrat

Je partage ce constat. En tant qu'ancienne présidente de l'association des parents d'élèves des écoles de mes enfants, et ancienne élue locale, j'ai pu constater que certains parents demandent à l'enseignant de rendre des comptes sur tout : trop de devoirs, note injustifiée, exercice inadapté au niveau de l'élève,... Faisons aussi confiance aux enseignants !

Aujourd'hui lorsque votre enfant est absent, vous êtes très rapidement prévenu par SMS. Mais s'il se comporte mal, vous l'apprenez en décalé, parfois seulement à travers une remarque dans le bulletin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Belrhiti

Je pense que les programmes n'attachent pas suffisamment d'importance à la prévention et à la lutte contre le harcèlement scolaire qui reste trop souvent une variable d'ajustement.

Debut de section - PermalienPhoto de Micheline Jacques

Il ne faut pas oublier non plus la responsabilité des parents !

Debut de section - PermalienPhoto de Toine Bourrat

Il arrive en effet que les parents accordent plus d'importance à la parole de leur enfant qu'à celle de son professeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Van Heghe

Il me semble important de retirer le harcèlement scolaire de la notation des établissements. Est-ce que cela ne participerait pas à l'omerta sur le climat scolaire ? Certains chefs d'établissement pourraient, en effet, être tentés de minimiser les faits dans le leur pour ne pas voir cette note dégradée.

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

Je pense qu'il faut inverser les choses. Des études de climat scolaire ne remontent pas, et il faut sortir de cette situation car il faut évaluer correctement les choses. Cela peut se faire de façon anonymisée pour éviter les effets de réputation.

À mon sens, il faut passer par une labellisation des établissements, récompenser ceux qui ont une démarche active contre le harcèlement scolaire et qui mettent en place des outils particuliers. Cela diminuera finalement l'intérêt que certains établissements pourraient avoir à cacher les faits, inévitables, qui se produisent en leur sein. Je rappelle ici que les cas aigus de harcèlement scolaire se produisent en raison du déni de l'établissement. Par ailleurs, il y a un problème d'articulation entre la justice et la discipline scolaire. Pour moi, le dépôt d'une plainte est le résultat d'un échec. Le harcèlement scolaire est un délit, et il faut que cela soit sanctionné, mais je considère que c'est un échec car on n'a pas su briser la spirale du harcèlement scolaire avant, ou parce que la famille ne s'estime pas écoutée par l'établissement. Au moment de la plainte, la famille peut entendre de la part de l'officier de police judiciaire que le harcèlement scolaire n'existe pas dans les catégories qu'il a à disposition. Par ailleurs, souvent, à partir du moment où il y a dépôt de plainte, l'établissement considère que cela ne relève plus de sa compétence. Mais dans les faits, c'est pourtant le cas. La discipline scolaire doit être partie prenante de la résolution du cas.

Par ailleurs, la victime en a besoin pour qu'on la reconnaisse en tant que victime. Or, seule la justice peut donner ce statut. C'est la raison pour laquelle je préconise la création d'un délit de harcèlement scolaire, qui permettra aussi l'insertion d'une nouvelle case dans les dépôts de plainte.

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

Il peut y avoir une stratégie de « défausse » de certains chefs d'établissement avec la procédure « fait établissement ». Tous les chefs disposent de l'application pour signaler les incidents. Certains ont joué le jeu, mais d'autres ne font remonter que les cas les plus graves pour ne pas être identifiés comme des établissements à problème. Cela peut entraîner une distorsion entre les établissements, car les parents essayent d'éviter les établissements ayant mauvaise réputation.

En ce qui concerne le cyberharcèlement, trop souvent on considère que c'est extérieur à l'école, et donc que cela ne la concerne pas. Mais ce sont bien souvent des conflits qui ont vu le jour dans l'établissement et qui débordent sur les réseaux sociaux. L'élève va voir le chef d'établissement qui lui dit d'aller porter plainte. Alors qu'il y a déjà souvent une appréhension de l'élève pour aller voir le principal ou le proviseur, il est renvoyé vers la police, en lui indiquant que pour déposer plainte, comme il est mineur, il doit être accompagné de ses parents. Cela oblige par exemple une lycéenne d'expliquer à ses parents qu'une photo dénudée d'elle circule sur internet. J'ai également en tête un cas de « outing », qui impliquait pour l'élève de devoir révéler à ses parents son homosexualité.

Debut de section - Permalien
Erwan Balanant

Il me semble que la qualité de vie au sein de l'établissement pourrait être aussi un levier d'amélioration. Il existe des diplômes du fair play, ou des diplômes du médiateur. Il faut innover dans ces domaines et développer les compétences « molles », ou soft skills.

Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Van Heghe

Monsieur le Député, mes chers collègues, je vous remercie pour cet échange très riche.

La réunion est close à 14 h 20.