Intervention de Jean-Michel Blanquer

Mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement — Réunion du 7 juillet 2021 à 16h30
Audition de M. Jean-Michel Blanquer ministre de l'éducation nationale de la jeunesse et des sports

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports :

Je suis très heureux d'être auditionné devant votre mission. Je serai très attentif à vos conclusions, car ce sujet réclame de la créativité, du volontarisme. Nous voulons tous aller de l'avant. Le harcèlement est une question que je prends très au sérieux, dans la continuité d'une action engagée par le ministère depuis une dizaine d'années, qui a donné des résultats, même s'il convient maintenant d'aller plus loin.

Il s'agit d'un phénomène mondial. Nous pouvons donc l'analyser sous un angle sociologique ou anthropologique, mais aussi, paradoxalement, nourrir un certain optimisme, car certains pays parviennent à le combattre avec succès, de même que certains établissements. Il est donc possible de l'endiguer.

Je pense à Marjorie, Alisha, Marion et à toutes les victimes. Aucune forme de violence ne doit être tolérée à l'école ; celle-ci doit être un lieu de fraternité. Ce qui s'y joue n'est rien d'autre que l'avenir de notre contrat social. Le verdict dans l'affaire Mila marque un jalon. Nous ne voulons pas laisser le cyberharcèlement impuni.

En 2019, j'ai souhaité porter la question du cyberharcèlement à un niveau mondial, car la problématique posée par les réseaux sociaux est planétaire. Mme Brigitte Macron s'est fortement impliquée sur ce sujet et nous avons lancé un appel lors du G7 éducation contre le harcèlement à l'école. J'ai renouvelé cet appel en 2020 à l'Unesco, lors de la conférence internationale sur la lutte contre le harcèlement entre élèves, qui s'est tenue, hasard du calendrier, quelques jours après l'assassinat de Samuel Paty.

Nous avons commencé à faire reculer le harcèlement, mais le cyberharcèlement s'est fortement développé avec le confinement. Nous devons donc passer à une nouvelle étape, et vos travaux seront précieux dans cette optique. Nous avons renforcé le cadre juridique. L'article 5 de la loi pour une école de la confiance est ainsi rédigé : « Aucun élève ne doit subir, de la part d'autres élèves, des faits de harcèlement ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions d'apprentissage susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale. »

L'interdiction du téléphone portable en 2017 dans l'enceinte des collèges, en plus des écoles, a constitué un progrès incontestable. En 2018, nous avons nommé 335 référents académiques et départementaux et créé des ambassadeurs collégiens - on responsabilise ainsi les adultes comme les élèves pour inverser la dynamique et passer d'une logique de persécution du faible à la stigmatisation du harceleur. En 2019, nous avons lancé un plan national, avec dix mesures : formation systématique des professeurs et des familles ; création d'un comité national d'experts pour travailler sur les contenus pédagogiques et scientifiques ; création du prix « Non au harcèlement », auquel ont participé 40 000 élèves cette année, etc. Nous serons aussi très vigilants sur le harcèlement des élèves atteints de handicap. Nous avons ouvert un numéro gratuit, le 30 20, numéro d'écoute et de prise en charge des familles, tandis que le 30 18 permet de signaler les contenus indésirables sur les réseaux sociaux.

À la rentrée, nous généraliserons à toutes les académies le programme pHARe de prévention du harcèlement, que nous avons expérimenté dans six académies pendant deux ans, et qui s'inspire des programmes qui ont réussi ailleurs, comme en Finlande par exemple. Plusieurs membres du personnel seront formés, dans chaque établissement, au repérage et au traitement des cas de harcèlement. Des parcours pédagogiques sont créés, avec dix heures d'apprentissage annuel du CP à la troisième - ce n'est pas une brique de plus dans les programmes, car il me semble que cela fait partie de l'éducation morale et civique. La loi confortant le respect des principes de la République étend le « permis Internet » à la fin du primaire. Les équipes mobiles de sécurité de l'éducation nationale pourront aussi suivre des formations sur ces enjeux. Cette action va de pair avec le renforcement de la lutte contre les bandes. Le plan de lutte contre les violences en milieu scolaire prévoit la désignation d'un référent dans chaque département pour animer une cellule de lutte contre les violences en milieu scolaire.

Tout cela vient s'insérer dans le « carré régalien » qui sera mis en place à la rentrée et qui s'articule autour de quatre dimensions : valeurs de la République et laïcité ; instruction en famille et écoles hors contrat ; drogue, violences, bandes ; harcèlement. Dans les quatre cas, il s'agit de s'assurer du respect de la loi et des valeurs de la République. Des équipes dédiées, à l'image des équipes académiques « Valeurs de la République » qui existent déjà, seront créées, afin d'intervenir sur le terrain pour mener des actions de formation, en amont, ou bien pour aider les intervenants locaux à gérer des situations complexes, en aval. Notre objectif est que les quatre sujets soient bien traités dans toutes les académies, avec les moyens en ressources humaines nécessaires. Je veillerai à ce que les 30 rectorats soient prêts à la rentrée.

Ainsi, notre système éducatif s'organise progressivement pour faire face à tous ces défis. Nous cherchons à diversifier les angles d'attaques, à avoir une vision à 360°, en mobilisant tous les acteurs, y compris les élèves. Vous posez la question de la notation dans les établissements : l'installation du conseil d'évaluation de l'école en septembre va dans ce sens. L'idée est d'évaluer tous les établissements de France en cinq ans. Nous en avons déjà évalué 15 % cette année. L'évaluation commence par une auto-évaluation, puis se poursuit par l'intervention d'une équipe pluridisciplinaire extérieure. Le climat scolaire et la politique de lutte contre le harcèlement font partie des critères.

Nous comptons beaucoup sur la responsabilisation de tous les acteurs. Nous aurons certainement à prendre d'autres mesures sur le cyberharcèlement. Le sujet dépasse le cadre de l'école et constitue une question de société, à l'échelle nationale et internationale, mais nous ne devons pas nous laisser déborder.

4 commentaires :

Le 26/07/2021 à 09:49, aristide a dit :

Avatar par défaut

"Le harcèlement est une question que je prends très au sérieux, dans la continuité d'une action engagée par le ministère depuis une dizaine d'années, qui a donné des résultats, même s'il convient maintenant d'aller plus loin. "

Et les filles qui sont harcelées pour qu'elles ôtent le foulard qu'elles portent sur la tête, vous en pensez quoi ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 26/07/2021 à 09:51, aristide a dit :

Avatar par défaut

"L'interdiction du téléphone portable en 2017 dans l'enceinte des collèges, en plus des écoles, a constitué un progrès incontestable. "

Il y a plein de collégiens qui ont des portables dans les collèges, et qui s'en servent... De la théorie de la loi à la pratique...

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 26/07/2021 à 09:53, aristide a dit :

Avatar par défaut

"Tout cela vient s'insérer dans le « carré régalien » qui sera mis en place à la rentrée et qui s'articule autour de quatre dimensions : valeurs de la République et laïcité "

Les valeurs de la République dans un cadre "régalien", qu'est-ce que c'est drôle la République française...

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 26/07/2021 à 09:58, aristide a dit :

Avatar par défaut

"Dans les quatre cas, il s'agit de s'assurer du respect de la loi et des valeurs de la République."

C'est quoi les valeurs de la République pour vous ? Discrimination religieuse visuelle pour les foulards, avec supposition de la religion au faciès, et demande de leur religion aux enfants pour savoir quel menu leur servir à la cantine ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion