Nous voici réunis en CMP à la suite de l'examen par nos deux assemblées du premier PLFR de l'année 2021. Lors de son examen par le Sénat la semaine dernière, nous avons pris acte de la mise à jour des données macroéconomiques du Gouvernement, en particulier du taux de croissance prudent à 5 % ainsi que du déficit public à 9,4 points de PIB et de l'endettement à 117,2 % du PIB, signes de la très forte dégradation de nos finances publiques. Le rebond d'activité reste fragile et serait moins important que celui de nos principaux partenaires européens. Il convient désormais de regarder l'avenir et de définir une stratégie pour le redressement des comptes publics.
Concernant le budget de l'État proprement dit, j'ai émis de fortes réserves sur les reports opérés par le Gouvernement et qui atteignent un niveau exceptionnel cette année, allant dès lors, à mon sens, bien au-delà de l'autorisation parlementaire. Il apparaît clairement que l'augmentation des dépenses répond à un objectif de précaution et d'extrême prudence. La demande d'1,5 milliard d'euros supplémentaires au titre de la dotation pour les dépenses accidentelles et imprévisibles en est une parfaite illustration.
Tous, nous espérons que ce PLFR sera bien celui de la sortie de crise avec, en particulier, un soutien en faveur des entreprises encore touchées par les dernières contraintes et une pleine mise en oeuvre du plan de relance. Sur ce dernier point, la consommation des crédits réellement constatée à mi-année nous inquiète.
Plusieurs autres postes de dépenses publiques doivent également être surveillés de près, en particulier s'agissant de l'agriculture, marquée par plusieurs crises cette année.
S'agissant des mesures fiscales et budgétaires de ce texte, il y avait peu de mesures significatives, à l'exception du carry back, pour lequel le Gouvernement a finalement donné raison au Sénat qui l'avait proposé, en vain, dès l'été dernier.
Le Sénat soutient également la prolongation de l'octroi de garantie de l'État au titre des prêts garantis par l'État (PGE) ainsi que la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA), sur laquelle je reviendrai, car nous avons fait évoluer le dispositif pour le rendre pleinement opérationnel pour les PME de moins de 50 salariés.
Comme dans les précédents collectifs budgétaires pour 2020, le Sénat, en conscience et responsabilité, a donc largement voté les mesures du Gouvernement destinées, non plus à soutenir l'économie mais à l'accompagner en sortie de crise, avec le prolongement des dispositifs tels que le fonds de solidarité ou encore l'activité partielle.
Lors de l'examen en première lecture, le Sénat a adopté 92 amendements qui, outre les amendements rédactionnels et techniques, visent principalement à accompagner la sortie de crise et à soutenir la relance.
Pour soutenir les entreprises mais aussi faciliter la transition énergétique de l'économie, nous avons voté la mise en place d'un mécanisme fiscal de déduction pour le capital à risque ; un amortissement accéléré et temporaire des biens destinés à l'économie d'énergie et des équipements de production d'énergies renouvelables ; l'actualisation des seuils d'imposition pour les PME au titre de l'impôt sur les sociétés ; un relèvement temporaire à 30 % du taux de la réduction d'impôt sur le revenu pour la souscription au capital des PME - dit dispositif « Madelin » - et prorogé jusqu'à fin 2022, avec le même taux, la réduction d'impôt au titre de l'investissement dans les foncières solidaires chargées d'un service d'intérêt économique général (SIEG). Nous avons également prévu le financement d'une aide pour les entreprises issues d'une création en 2020 et qui, à défaut d'avoir repris un fonds de commerce et en l'absence de tout chiffre d'affaires, ne bénéficient d'aucun soutien ; ou encore l'extension aux discothèques, qui ont subi 15 mois de fermeture continue, du dispositif d'aide au paiement des cotisations et contributions sociales prévu par le projet de loi, avec une majoration du taux, à 20 % au lieu de 15 %.
Afin de valoriser la mobilisation des salariés pendant la crise et renforcer leur pouvoir d'achat, le Sénat a également prévu la possibilité de doubler le montant de la PEPA pour toutes les entreprises de moins de 50 salariés, dès lors qu'il est très difficile pour elles, dans les temps impartis, de mettre en place des accords de participation.
Dans le même ordre d'idée et afin d'assurer une égalité de traitement entre les personnels hospitaliers « en première ligne », le Sénat a adopté l'amendement que j'ai proposé à la commission, tendant à exonérer la majoration exceptionnelle des indemnités de gardes des internes durant la première vague de l'épidémie.
En soutien aux associations venant en aide aux personnes les plus défavorisées, nous avons également prorogé jusqu'à la fin de l'année 2022 le relèvement temporaire à 1 000 euros du plafond des dons éligibles à la réduction d'impôt sur le revenu de 75 % au titre du dispositif « Coluche ».
À l'initiative de plusieurs parlementaires, le Sénat a temporairement augmenté le plafond d'exonération d'impôt pour la contribution patronale sur les titres-restaurant, ou encore, dans une logique de relance de la consommation, voté un plafond à 50 000 euros jusqu'à la fin 2021 pour l'exonération de droits de mutation à titre gratuit applicable aux dons familiaux, avec des conditions de réemploi identiques à la mesure votée dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 et qui s'est achevée au 30 juin dernier.
Dans le cadre du plan de relance, nous avons aussi adopté un amendement de crédits que j'avais présenté afin que les travaux préalables à la reforestation entrent dans le champ des aides financières apportées aux communes (10 millions d'euros) ainsi qu'un amendement du Président Claude Raynal pour donner une enveloppe complémentaire au financement des autorités organisatrices de mobilités (AOM).
Le Sénat a également voté plusieurs amendements du Gouvernement, en particulier l'enveloppe budgétaire destinée à renforcer les moyens de soutien aux collectivités territoriales à la suite de la tempête Alex de l'automne dernier, l'élargissement aux régies départementales du dispositif de compensation des pertes d'épargne brute prévues pour les régies communales ainsi que l'abandon d'une créance du Fonds de développement économique et social (FDES) pour l'entreprise Ascoval.
Je ne cite pas tous les amendements qui ont été votés, faute de temps. Certains sont d'ailleurs assez éloignés des dispositifs liés à la crise sanitaire et économique ainsi qu'aux difficultés rencontrées par le monde agricole.
Par ailleurs, le Sénat a reporté au 1er janvier 2023 la suppression du taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) applicable au gazole non routier (GNR). C'est cette date que le Gouvernement avait annoncée aux secteurs concernés, qui ont été durement touchés par la crise et n'ont à ce jour que des solutions balbutiantes comme alternatives à l'utilisation du gazole.
Enfin, soucieux de bien suivre l'usage des crédits votés depuis le début de la crise sanitaire, nous avons prolongé jusqu'à la fin de l'année l'obligation pour le ministre de l'économie d'informer le président et le rapporteur général des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, avant toute opération réalisée au titre des participations financières de l'État sur des crédits ouverts sur le budget général ; ensuite, constatant que l'augmentation de 1,5 milliard d'euros demandée par le Gouvernement de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles était insuffisamment justifiée, le Sénat a ramené cette ouverture de crédits à 500 millions d'euros.
Le Sénat a été constructif et raisonnable dans ses propositions, preuve en est que l'article d'équilibre a peu évolué à la suite de nos travaux.
Depuis jeudi dernier, nous avons travaillé avec le rapporteur général de l'Assemblée nationale, que je remercie pour son écoute, pour parvenir à un texte commun.
Je suis globalement très satisfait qu'un certain nombre de mesures demeurent dans le texte, fruit de nos échanges ; je ne les cite pas toutes, faute de temps.
Tout d'abord, et assez logiquement, les mesures pour lesquelles le Gouvernement avait émis un avis favorable ou de sagesse ont été conservées, en particulier la reconduction pour 2021 du « filet de sécurité » pour certaines ressources spécifiques des collectivités territoriales d'outre-mer et de la Corse.
Ensuite, figure dans le texte l'exonération de la majoration exceptionnelle des indemnités versées au titre des gardes des internes. Il s'agit là d'une mesure d'équité fiscale.
De même, la PEPA pourra bien être exonérée à hauteur de 2 000 euros, sans condition, pour toutes les entreprises de moins de 50 salariés.
La suppression du tarif réduit de TICPE applicable au GNR est bien reportée au 1er janvier 2023, comme l'a souligné le Président Woerth.
S'agissant du soutien aux entreprises face à la crise, l'aide à la reprise de fonds de commerce sera exonérée d'imposition, au même titre que les aides du fonds de solidarité, par cohérence.
Figure également la prorogation jusqu'à fin 2022 du relèvement temporaire à 25 % du taux de la réduction d'impôt sur le revenu pour l'investissement dans les foncières solidaires chargées d'un service d'intérêt économique général (SIEG).
Par ailleurs, j'espère que le Président Raynal sera satisfait que 50 millions d'euros soient finalement prévus au titre de l'investissement des autorités organisatrices des mobilités (AOM). C'est un compromis raisonnable.
De même, le texte conserve les 10 millions d'euros supplémentaires au titre de la forêt dans le plan de relance. La définition des dépenses couvertes étant de nature réglementaire, il conviendra de s'assurer que l'administration prévoit bien, en conséquence, le bénéfice de ces aides aux travaux préalables à la reforestation comme souhaité.
Le Gouvernement, par la voix du ministre Olivier Dussopt, cherche une solution pour l'aide aux entreprises créées en 2020 et qui n'ont, faute de chiffre d'affaire déclaré, obtenu aucun soutien de l'État. Je surveillerai cela de près, de même que l'intégration dans le dispositif de l'article 10 des quelques cas de régies nouvellement créées et qui n'ont pas de perte d'épargne brute à déclarer.
S'agissant du contrôle de l'usage des crédits ouverts dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative, le texte conserve la prolongation jusqu'à fin 2021 de l'information préalable à l'usage des enveloppes budgétaires accordées au titre des participations financières de l'État.
En retenant la même logique, si l'ouverture d'1,5 milliard d'euros au titre de la dotation pour les dépenses accidentelles et imprévisibles a été rétablie, nous avons toutefois inscrit une obligation d'information du Parlement au moins trois jours avant la publication du décret prévoyant le versement de plus de 100 millions d'euros sur un programme.
Bien sûr, quelques regrets subsistent et nous devrons continuer de convaincre dans la prochaine loi de finances. Mais ce collectif sera indubitablement enrichi à la suite de son examen par le Parlement, si vous acceptez le texte que nous vous proposons.