Le phénomène de la violence est toujours présent dans notre société. Nous devons avoir conscience que la violence est pratiquée par ceux qui veulent maintenir leur emprise sur les plus faibles, femmes et enfants. Vous avez largement parlé des conditions de cette violence. N'oublions pas que l'État est l'institution qui doit la prévenir et la combattre. C'est pour ça qu'il est très important de protéger la Convention d'Istanbul en Pologne. C'est elle qui nous aide à créer une bonne législation, à prévenir et lutter contre la violence. Le renforcement des institutions, de tous les centres et des ONG portant assistance aux victimes est également essentiel.
Avant de devenir sénatrice, j'étais avocate. J'ai souvent eu à traiter de cas de violences à l'égard de la femme ou au sein des foyers. Plusieurs conclusions résultent de mon expérience. La violence est héréditaire. Ceux qui subissent la violence en deviennent souvent auteurs, faute d'assistance institutionnelle. C'est le cas même lorsque les violences ont été décelées, lorsque l'auteur a été condamné. L'absence de protection et d'assistance psychologique, de travail sur la victime, conduit à une reproduction du modèle vécu et à de nouvelles violences. Les victimes de violences, lorsque cette violence n'a pas été traitée, ont de très graves difficultés à construire une vie avec un autre partenaire. Elles rencontrent des problèmes relationnels, même dans leur travail. Cette question est éminemment importante. Enfin, 99 % des cas que j'ai eu à défendre en tant qu'avocate concernaient des personnes provenant de familles dysfonctionnelles. J'utilise intentionnellement ce terme, car il ne s'agit pas uniquement de violence, mais aussi de parents qui partaient de la maison, qui fuyaient, qui s'évadaient pour échapper à la violence. Aucune institution n'a été à même de s'en occuper pour qu'ils ne s'écartent pas du droit chemin. Parfois, il n'y avait pas de violence dans ces familles, mais il n'y avait pas de sentiments non plus, ni de tendresse.
En tant que juriste, je peux scruter l'horizon de la législation polonaise. La question la plus importante consiste à régler, dans le code pénal, le problème de la violence économique. J'ai souvent eu à traiter de ces cas de violences économiques et émotionnelles dans ma carrière, notamment dans des affaires de divorce. C'est un énorme problème, puisqu'elles sont très difficilement prouvables. Les témoignages de la victime et de l'auteur s'opposent. Ce dernier sait à merveille manipuler les autres. Il isole souvent la victime de sa famille, de ses amis. Il ne reste que lui et elle. Qui le tribunal va-t-il croire ? Les auteurs de telles violences sont souvent très intelligents. Ils savent très bien manipuler jusqu'au tribunal. Nous en percevons les effets par la suite, lorsque nous voyons des affaires liées à la protection et à la garde d'enfants. Nous devons régler ce problème en Pologne.
Nous devons, de plus, modifier la définition du viol. Nous parlons de plus en plus souvent de la violence sexuelle. « Non » signifie « non ». La femme ne peut pas être exploitée sexuellement lorsqu'elle est endormie ou sous emprise de l'alcool, par exemple. Les députés de la gauche ont déposé un projet de loi sur la modification de la définition du viol dans le code pénal mais il est resté sans suite. Enfin, nous devons modifier la question de la protection alternative et de la prise en compte de l'avis de l'enfant lorsqu'il faut décider de son sort. Il sait lui-même, instinctivement et sans forcément tout comprendre, si ses relations avec ses deux parents sont appropriées. S'il évite le contact avec l'un de ses parents, s'il n'en veut pas, quelque chose cloche.
Je suis très impressionnée de ce que vous avez dit concernant l'initiative législative en France, et sa manière d'aller de l'avant. J'aimerais que nous arrivions à mettre en oeuvre des solutions analogues en Pologne.