Intervention de Annick Billon

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 9 juin 2021 : 1ère réunion
Échange avec le centre pour les droits des femmes polonais et des sénatrices polonaises sur la situation des droits des femmes en pologne et la législation en matière de violences intrafamiliales

Photo de Annick BillonAnnick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat français :

Je constate, en vous écoutant, que la Pologne a décidé de s'emparer de ce sujet. Bien entendu, vous n'êtes pas encore totalement dans le cadre de l'article 31 de la Convention d'Istanbul. Pour autant, nous constatons une volonté d'avancer de votre part. C'est déjà important.

J'ai constaté que vous aviez mis en place certaines actions, parmi lesquelles l'aide médicale, psychologique ou familiale gratuite. Ces dispositifs assez innovants sont plutôt proches des victimes. Vous avez également mis en place un appui sur vos territoires, avec l'implication des communes. Je pense que les dispositifs qui commencent à apparaître dans votre pays semblent adaptés pour dispenser une réponse de proximité. Ils sont toutefois trop peu nombreux pour endiguer un phénomène d'une telle importance.

Comment arrivez-vous à organiser une thérapie forcée ? Ce point nous a interpellées ici.

Vous avez évoqué la garde alternée. Ce sujet a également fait débat en France. Certains sénateurs et députés étaient sensibles à la voix de certains pères et d'associations pour la rendre systématique et non exceptionnelle. Bien entendu, la délégation aux droits des femmes et la présidente du groupe d'amitié franco-polonais, Valérie Boyer, se sont opposées à cette systématisation. Les violences conjugales, lorsqu'elles existent, ne sont pas toujours décelées en raison d'un phénomène d'emprise parfois sous-jacent. Cette systématisation placerait des femmes déjà victimes dans des situations extrêmement compliquées. Nous nous sommes donc opposées à cette proposition de loi.

Vous l'avez dit, la loi doit correspondre à l'article 31 de la Convention d'Istanbul. Je souhaite également vous mettre en garde : tout ne sera pas résolu lorsque la loi sera votée. Aujourd'hui, la France a avancé en termes de législation, grâce à tous les groupes politiques. Si le Président Emmanuel Macron a porté la grande cause du quinquennat, certains députés ou sénateurs se sont aussi emparés du sujet. J'ai pu parler de ma proposition de loi sur la protection des enfants et le seuil de non-consentement. Je pense aussi aux travaux évoqués par Valérie Boyer tout à l'heure, ou à une proposition de loi sur le bracelet anti-rapprochement de notre collègue député Aurélien Pradié. Un certain nombre d'outils sont donc votés en France ; mais ils nécessitent désormais des moyens pour être appliqués. Les téléphones grave danger sont pour l'instant relativement peu attribués. Les parquets disposent également de bracelets anti-rapprochement, trop peu utilisés. Des ordonnances sont prononcées sans nécessairement être respectées. Les récentes affaires de féminicide ont mis en lumière des défaillances dans notre système judiciaire et de suivi. Désormais, les mains courantes et plaintes devraient systématiquement être transmises au parquet. Le garde des Sceaux s'est récemment adressé à toutes les juridictions au travers d'une note pour que la loi s'applique. En tant que sénateurs, nous sommes conscients des missions confiées aux forces de l'ordre, de sécurité, de police et de justice. Des moyens humains considérables sont nécessaires.

J'ai été interpellée lorsque vous avez indiqué qu'une victime se manifestant n'était en réalité pas davantage considérée comme une victime que son agresseur potentiel. Cela me semble être un frein considérable pour avancer dans le sens de la protection des victimes et de la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales.

Nous vous avons écoutés avec beaucoup d'attention. Nous vous avons présenté un état des lieux de la situation actuelle et un état d'avancement de ce que nous avons mis en place ces dernières années. Je crois avoir été complète. Vous avez vous-mêmes été très précises sur la situation du droit et des chiffres en Pologne. Vous ne disposez apparemment pas de statistiques comme nous en bénéficions en France. Cet échange a été très intéressant et constructif. Je peux éventuellement vous proposer de vous adresser des informations complémentaires sur certains textes de loi et certaines mesures prises ces dernières années.

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