Intervention de Annick Billon

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 9 juin 2021 : 1ère réunion
Échange avec le centre pour les droits des femmes polonais et des sénatrices polonaises sur la situation des droits des femmes en pologne et la législation en matière de violences intrafamiliales

Photo de Annick BillonAnnick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat français :

Concernant votre première question, nous sommes parlementaires. Nous faisons la loi et avons également un pouvoir de contrôle de son application. C'est ce que nous nous attachons à faire régulièrement. Nous n'avons toutefois pas de baguette magique. Nous menons des travaux pour vérifier l'application de la loi puis nous faisons le maximum avec tous les moyens à notre disposition pour mettre en application ce qui a été voté. C'est le rôle du Parlement.

Concernant la proposition de loi que j'ai portée en début d'année, sachez qu'Emmanuel Macron a annoncé en 2017 qu'il inscrirait un seuil d'âge dans la loi, fixé à 15 ans. Il avait pour objectif d'établir un interdit pour toute relation sexuelle entre un adulte et un enfant de moins de 15 ans. En 2018, le Gouvernement s'est emparé de ce sujet au travers de la secrétaire d'État Marlène Schiappa et de la garde des Sceaux Nicole Belloubet. Un projet de loi est sorti, sans faire référence à ce seuil d'âge. Pourquoi ? À l'époque, le Conseil d'État a émis un avis selon lequel cette disposition risquait d'être inconstitutionnelle. Il s'agissait à l'époque d'un seuil de non-consentement impliquant un non-respect des droits de la défense. De plus, un certain nombre de dispositions étaient déjà en vigueur, et notamment l'atteinte sexuelle en deçà de 15 ans. Ajouter une présomption de non-consentement dans la loi aurait entraîné une double qualification, ce qui n'était pas possible. Un an et demi plus tard, nous avons donc eu pour objectif de trouver un dispositif en mesure de contourner cet obstacle. Nous avons cherché à fixer un seuil d'âge à 15 ans, un interdit clair dans la loi. L'enfant n'a pas à prouver les critères du viol que sont la violence, la menace, la contrainte ou la surprise. Les droits de la défense sont toujours conservés puisque l'accusé a la possibilité de prouver qu'il ne connaissait pas l'âge de la victime. Vous comprendrez que les agresseurs sont mis dans une position difficile, puisque plus de 80 % des agressions sexuelles sur mineur sont commises par une personne de son entourage, connaissant donc son âge.

Il existe un seuil de non-consentement. Pour autant, la loi n'est pas faite pour poser un interdit moral ou pour fixer l'âge auquel les jeunes doivent avoir des relations sexuelles. Aussi, pour préserver les relations consenties entre adolescents, nous avons fixé un écart d'âge de cinq ans.

Dans un certain nombre de pays, le seuil d'âge existe déjà. J'avais proposé un seuil à 13 ans, et un renforcement de la protection entre 13 et 15 ans pour contourner plus facilement l'avis du Conseil d'État. Le texte final fixe un seuil à 15 ans avec des exceptions liées à l'écart d'âge de cinq ans. Ce texte a amené beaucoup de débats et d'incompréhensions. Expliquer le droit au grand public se révèle parfois être un exercice compliqué.

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