Premièrement, le moment est venu de légiférer sur les comités de direction et sur les Comex, et pas uniquement parce qu'hier, le président de la République a tweeté en ce sens. Je constate une forme de parallélisme, de double symétrie avec les années 2009 et 2010.
En 2009, la loi Copé-Zimmermann a été en quelque sorte boostée par une forme d'alchimie particulière entre les médias et la société civile, qui ont tous plébiscité les quotas. C'est à la suite d'un rapport de l'Igas, dont j'étais rapporteure, que Le Monde a titré « 40 % de femmes dans les conseils d'administration ». Les médias se sont enflammés, tout comme les réseaux de femmes. Les mêmes qui disaient deux ans plus tôt qu'elles ne seraient jamais des « femmes quotas » ont finalement estimé que ces quotas seraient la clé permettant d'ouvrir toutes les portes qui leur étaient fermées.
D'ailleurs, lorsque nous nous étions rendues en Norvège avec Marie-Jo Zimmermann, le ministre conservateur Ansgar Gabrielsen nous avait raconté que le matin même où il avait présenté sa loi sur les quotas dans les CA en conseil des ministres, il pensait qu'elle ne serait pas acceptée et avait donc saisi le plus grand quotidien national du pays afin de valoriser cette mesure des quotas en première page. Cela prouve bien que cette alchimie entre les médias, les institutions, les élus et la société fonctionne.
À l'époque je me rappelle avoir été conviée à une réunion avec Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann pour voir comment mettre en place des quotas de 40 % de femmes dans les CA. Ensuite, la machine parlementaire a été lancée de façon incroyablement efficace sous l'impulsion de Marie-Jo Zimmerman et Jean-François Copé puisqu'elle a permis de faire passer la loi en un an. Aujourd'hui cette alchimie entre les diverses parties prenantes existe également.
La seconde symétrie est également intéressante. En 2009, le code Afep-Medef avait intégré la notion d'objectifs de progression que les entreprises devaient respecter, en autorégulation, pour arriver à 40 % de femmes dans les conseils d'administration. Un an après, la loi Copé-Zimmermann a imposé ce quota. Le code Afep-Medef a également intégré récemment la notion de parité dans les comités de direction. Je pense qu'un peu plus d'un an plus tard, la loi le confortera encore. Cela prouve que, nonobstant les réserves et les réticences, il y a aujourd'hui un consensus global sur la mise en place des quotas dans les comités de direction et les Comex.
Concernant la loi Copé-Zimmermann, je suis sans réserve pour les quotas, seul antidote à la cooptation masculine, qui est, elle-même, une sorte de quota invisible, caché, sans critères pertinents. Les quotas tels que nous les préconisons obéissent au contraire à des règles très strictes, d'ailleurs fondées sur la jurisprudence européenne. Il faut présenter des candidats masculins et féminins à compétences comparables et pour une période transitoire.
Le Haut Conseil à l'égalité a instauré, depuis 2019, une revue systématique de l'impact des quotas et des avancées en matière de parité. Son premier volet est sorti en décembre 2019, il concernait les quotas dans le secteur privé. Le deuxième est sorti récemment et traite des quotas dans le secteur public et la fonction publique. Le troisième sortira le 2 juillet et portera sur la parité dans les ordres et chambres professionnels.
Concernant le secteur privé, nous avons pu constater que les quotas fonctionnaient. C'est la seule façon de faire progresser les choses.
Attention toutefois, ils fonctionnent lorsque les effets sont mesurés. Nous avons tous en tête le chiffre magnifique de 45 % de femmes dans les conseils d'administration au sein du SBF 120. Si nous regardons toutes les entreprises cotées en deçà de cet indice, les femmes n'étaient que 31,4 % au sein des conseils des plus petites capitalisations boursières en 2018 - nous ne disposons pas de chiffres plus récents. Dans les conseils des entreprises non cotées d'au moins 500 salariés et 50 millions d'euros de chiffre d'affaires, nous ne compterions qu'environ 24 % de femmes. Dans les conseils des entreprises de plus de 250 salariés et de plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires, entrées dans le champ de la loi Copé-Zimmermann par la loi de 2014 et concernées par ce même dispositif paritaire depuis le 1er janvier 2020, nous comptions environ 22 % de femmes en 2018. Nous sommes donc loin du compte lorsqu'il n'y a pas d'évaluation. Cette évaluation existe lorsqu'il y a un enjeu d'image de marque de l'entreprise ou pour les grandes capitalisations boursières qui ont des services de ressources humaines extrêmement développés.
Deuxièmement, se pose toujours la question de la proportionnalité. Souhaitons-nous 40 ou 50 % de femmes ? La parité, c'est 50 %. Nous estimons, pour des questions juridiques de proportionnalité des mesures et du respect du principe d'égalité des chances, que nous devons conserver un quota de 40 %, suivant en cela la jurisprudence européenne. Une parité stricte imposerait de remplacer tout départ d'une femme par une femme et tout départ d'un homme par un homme. Les entreprises elles-mêmes nous disent qu'elles recherchent plutôt un pourcentage de 43 % de façon à bénéficier d'une certaine flexibilité dans les nominations devant avoir lieu souvent dans un délai court. Atteindre 50 % avec un écart maximum de deux personnes entre les deux sexes mènerait à un taux finalement peu éloigné du montant de 43 % cité plus haut.
En revanche, en ce qui concerne cette loi Copé-Zimmermann, nous revendiquons deux propositions fortes.
La première serait d'étendre les objectifs paritaires aux instances de gouvernance de toutes les SA et SCA, quel que soit leur nombre de salariés, présentant un minimum de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires, et cela de façon progressive et par palier.
La seconde serait d'appliquer les dispositifs paritaires aux membres des comités de nomination, auxquels il faudrait donner un rôle de premier plan, en particulier dans le contrôle de la conformité à la loi de la composition des conseils d'administration et de surveillance. Ce contrôle est d'autant plus important que, depuis la loi PACTE, les sanctions ont été renforcées : la nullité de la nomination entraîne désormais la nullité de la délibération. Il faudrait donc assurer un contrôle du processus de sélection des membres et notamment des directeurs et directrices générales délégués (nommés sur une short list paritaire) obligatoirement nommés, avec identification des talents internes à l'entreprise. Nous souhaiterions donc que ce comité de nomination soit également paritaire.
Nous poursuivons en outre un objectif très clair de collecte et d'évaluation des données, précisément car les quotas ne fonctionnent que lorsqu'ils sont évalués. Nous avons eu beaucoup de difficultés pour obtenir des informations et connaître le nombre d'entreprises concernées, le pourcentage de femmes parmi les différents collèges, etc. Nous souhaiterions pour cette raison que deux suivis soient réalisés :
- un contrôle externe officiel via Infogreffe et plus généralement assuré par les greffes des tribunaux de commerce. Le HCE propose que les entreprises concernées par ces obligations paritaires remplissent, une fois par an, à l'occasion du dépôt de leurs comptes, un formulaire pour déclarer la composition de leur conseil, de sorte que le greffe puisse s'assurer de leur conformité ;
- un suivi interne par les comités de nomination des conseils d'administration.
Sans parler d'un suivi qualitatif avec la réalisation d'études plus poussées qu'il faudrait confier à des chercheurs.
En ce qui concerne strictement l'évaluation de la loi Copé-Zimmermann, il faudrait un système de contrôle bien plus renforcé et un accompagnement des petites entreprises concernées, qui pour certaines ne sont même pas informées des textes législatifs qui s'appliquent à elles.
Mon troisième point porte sur l'approche de la proposition de loi Rixain, qui est en cours et arrivera bientôt au Sénat. C'est une avancée formidable, je tiens à le dire. Je salue le fait que les cadres dirigeants soient concernés dans leur ensemble, avec la définition reprise de l'article L. 3111-2 du code du travail, insistant sur des valeurs fondamentales telles que l'indépendance dans l'organisation du temps de travail, l'autonomie de décision, le niveau de rémunération, tous éléments permettant de déterminer clairement qui sont les cadres dirigeants, lesquels constituent le vivier pertinent pour les membres des Codir et des Comex. Je suis également favorable à la définition que vous avez retenue de l'instance dirigeante. Nous sommes en revanche plus réservés sur deux points.
Viser les cadres des instances dirigeantes semble exclure les mandataires sociaux. Je pense que nous devons viser à la fois les cadres dirigeants et l'ensemble des membres de l'instance dirigeante telle qu'elle est définie dans cette proposition de loi.
De plus, la notion de groupe telle que vous l'avez retenue au sens de l'article L. 233-16 du code du commerce est moins large que celle retenue par le code du travail à l'article L. 2331-1 (« comité de groupe au sein d'un groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante dont le siège social est situé sur le territoire français et les entreprises qu'elle contrôle », en donnant une définition plus étendue de la notion d'influence dominante à son alinéa 2. Cette définition du code du travail est déjà utilisée pour d'autres sujets tels que les congés de reclassement. Ainsi, l'article L. 1233-71 du code du travail mentionne le champ d'application suivant : « dans les entreprises ou établissements d'au moins 1 000 salariés ainsi que dans les entreprises mentionnées à l'article L. 2331-1 ». Si nous adoptons le même champ d'application pour la proposition de loi, l'obligation de quotas sera appliquée aux entreprises qui composent le groupe, et non au groupe lui-même, qui n'a pas d'entité morale comme le soulignait très justement la ministre du travail Élisabeth Borne. Le groupe n'est pas un sujet de droit, contrairement aux sociétés qui exercent leur activité au sein de celui-ci et qui sont des personnes morales juridiquement distinctes et autonomes. Si l'obligation pèse sur les entreprises d'au moins 1 000 salariés et sur celles qui composent un groupe d'au moins 1 000 salariés, alors la sanction sera prise au niveau de l'entreprise ne respectant pas l'obligation et pas au niveau du groupe. Dès lors, la pénalité financière devrait être calculée en fonction de la masse salariale de l'entreprise négligente, et non au niveau du groupe. Dans ce cadre, je ne vois pas d'obstacle à l'intégration des groupes dans le champ de cette proposition de loi.
Étudions également le champ d'application de ces quotas dans les Codir et le Comex. Il est vrai que le seuil de 1 000 salariés a été retenu. Pour ce qui est des quotas dans les conseils d'administration et les conseils de surveillance, nous avions retenu le seuil de 500 salariés et de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires. Il serait intéressant de retenir ce seuil pour le rendre commun à toutes les dispositions imposant des objectifs chiffrés pour ce qui est de la gouvernance et des instances de direction. Dans le code du travail et d'une façon générale, les entreprises sont soumises à de telles exigences et obligations, avec des seuils différents, que la fixation d'un seuil unique semblerait de bon aloi. Je préconise de le fixer à 500 salariés, même si nous sommes aujourd'hui descendus à 250 pour les conseils d'administration. Soyons réalistes, nous pourrons envisager plus tard de le redescendre à 250 salariés. Nous sommes en revanche contre la sectorisation des dispositifs paritaires en fonction de la place des hommes ou des femmes dans un secteur donné. Cela reposerait sur un effet miroir des femmes dans les instances de direction. Les patrons d'entreprises le disent eux-mêmes : cette représentation miroir n'engage absolument pas à un sursaut et à une mise en oeuvre de procédés et de procédures pour construire un vivier conséquent de femmes susceptibles d'être nommées. Pour cette raison, nous préconisons plutôt un seuil de 500 salariés pour toutes les entreprises.
Par ailleurs, les délais d'application de la sanction peuvent s'étirer sur dix ans, avec plusieurs paliers : cinq ans pour le seuil de 30 %, huit ans pour le seuil de 40 %, plus deux ans pour la sanction, ce qui mène à dix ans. De plus, c'est le futur qui est utilisé : l'entreprise « pourra se voir appliquer » une sanction. Dans la mesure où il y a déjà des précautions méthodologiques d'analyse des motifs de la défaillance de l'entreprise, ce futur ne me semble pas pertinent. Je privilégierais un indicatif présent à valeur d'impératif. Ce délai de dix ans me semble en outre trop important. Au sein du HCE, nous recommandons un objectif de 40 % dans un Comex de plus de huit membres en cinq ans, avec une étape à 20 ou 30 % en trois ans, en faisant la différence pour les Codir et les Comex de plus de huit membres ou de moins de huit membres. Il faudrait proposer que dans les instances de direction de moins de huit membres, soit exigée au moins une femme dans les trois ans, et que chaque sexe soit ensuite représenté avec un écart maximal de deux dans les cinq ans...
Voilà pour ce qui est de la proposition de loi Rixain, que je salue. Ce sera une avancée majeure, même si nous souhaitons quelques aménagements.
En quatrième point, je souhaite évoquer un sujet très important souligné par Marie-Jo Zimmermann. Nous devons mieux lier la parité et l'égalité professionnelle. L'article 8 de la loi Copé-Zimmermann introduisait l'obligation annuelle d'échanger sur la politique d'égalité professionnelle dans l'entreprise. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel comprend un certain nombre de dispositions supplémentaires relatives aux sociétés anonymes et par actions. Désormais, la délibération annuelle de leur conseil d'administration ou de surveillance sur la politique de la société en matière d'égalité professionnelle et salariale se fait également sur la base des indicateurs contenus sur ce thème dans la base de données économiques et sociales (BDES), sur des indicateurs relatifs aux écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes, publiés chaque année, et sur le plan pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, lorsqu'il est mis en oeuvre. Par ailleurs, le rapport sur le gouvernement d'entreprise, joint au rapport annuel de gestion, contient également des informations sur la manière dont la société recherche une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du comité mis en place. Il s'agit de la fameuse définition de ce qui pourrait être un Codir. Nous avons toutefois retenu une autre définition.
L'article 8 est conforté par d'autres exigences et surtout par le recours obligatoire à des indicateurs très précis, et notamment celui de la BDES. Il faut mieux lier ces exigences paritaires, qu'elles soient au niveau de la gouvernance ou au niveau de l'Index Pénicaud - qui vise les rémunérations - aux négociations collectives sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail. Aujourd'hui, le recours à la négociation collective sur l'égalité professionnelle, via l'accord égalité ou le plan unilatéral de l'employeur en l'absence d'accord, ne se fait qu'en cas de défaillance de l'entreprise pour les deux index en question : pour ce qui est de l'Index Pénicaud, cela ne se fait que si l'index est inférieur à 75. Pour ce qui est de l'index parité, qui va être mis en place, cela ne se fait que si le seuil de 40 % n'est pas atteint. À ce moment-là, les mesures de rattrapage sont intégrées dans l'accord égalité professionnelle, ou, à défaut d'accord, dans le plan unilatéral de l'employeur. Ce n'est que si l'employeur ne se conforme pas à cette obligation que la négociation sur l'égalité professionnelle, visée à l'article L. 2242-1 du code du travail, porte également sur des mesures de correction. Il me semble extrêmement dommage que la négociation collective n'intervienne qu'en cas de défaillance et d'échec.
Marie-Jo Zimmermann a tout à fait raison lorsqu'elle affirme que les accords « égalité » ne sont pas à la hauteur de nos espérances. Depuis la mise en place de l'Index Pénicaud, la Direction générale du travail (DGT) ne nous fournit plus le nombre d'accords signés. Si cette donnée existe peut-être encore, nous n'en avons plus la visibilité au sein du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CSEP), qui n'existe plus depuis 2019. Nous disposions à l'époque de l'état d'avancement très clair de la signature des accords égalité et des pénalités imposées à un certain nombre d'entreprises. Aujourd'hui, l'Index Pénicaud a en quelque sorte envahi l'entièreté du paysage de l'égalité professionnelle. Il me semble extrêmement important de lier beaucoup plus les index mentionnés avec la négociation collective.
Pour ce qui est de l'Index Pénicaud, je pense que c'est un outil formidable pour mettre en tension les organisations sur l'égalité professionnelle. Je salue également le fait que la note de l'index ne sera pas globale, mais sera donnée par indicateur, grâce à une disposition de cette PPL.
Je tiens toutefois à émettre trois réserves. Il me semble d'abord qu'instaurer un nombre de points positifs pour une simple application de la loi, celle d'attribuer une augmentation salariale aux femmes de retour de congé maternité, disposition intégrée dans la loi de 2006, n'est pas une bonne chose. Toute obligation légale qui n'est pas respectée devrait se voir sanctionnée par un malus. Appliquer la loi est la règle pour tous. Nous savons bien que celle-ci impose que les femmes reçoivent une augmentation égale à la moyenne des augmentations générales et individuelles. De plus, cet indicateur ne concerne que l'attribution effective ou non et non le montant attribué, lequel peut s'élever à un euro. La notion de moyenne des augmentations individuelles et générales a disparu. Nous devrions la réintégrer dans le texte. En tout cas, nous devons travailler sur le sujet avec l'idée d'un malus.
Ensuite, les indicateurs concernant la rémunération, les augmentations et les promotions ne prennent pas en compte le montant des augmentations et l'ancienneté. Ce n'est pas uniquement l'égalité salariale qui est en cause, mais aussi l'égalité promotionnelle. Dire qu'une femme et un homme touchent le même niveau de salaire lorsque la première est dans l'entreprise depuis huit ans, et le second depuis deux ans, ou vice-versa, ce n'est pas la même chose. Autrement dit, la durée entre deux promotions doit également être visée. De plus, le seuil de pertinence retenu au cas où les entreprises feraient leurs comparaisons sur la base des catégories professionnelles et non des coefficients professionnels est de 5 %. Il me semble trop élevé. Les entreprises prennent toutes les CSP, et non les coefficients conventionnels, exercice beaucoup plus difficile mais essentiel, car il prend en compte les classifications des emplois et donc leur valorisation, conformément au principe : salaire égal pour un travail de valeur égale. Le seuil de pertinence me semble un peu trop élevé.
Au-delà des réserves que j'émets sur cet index, j'estime que la publication de l'index devra être accompagnée de la publication des indicateurs qui doivent obligatoirement figurer dans l'accord égalité ou le plan unilatéral de l'employeur, au nombre de trois, parmi lesquels la rémunération. Je rappelle qu'il y a neuf domaines de négociation (article R. 2242-2 CT), dont l'embauche, la formation, la promotion professionnelle, la qualification, la classification, les conditions de travail, la sécurité et la santé au travail, la rémunération effective et l'articulation de l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, etc. Dans la négociation collective, un accent doit également être mis sur la mixité et sur le temps partiel, qui n'est pas vraiment rendu visible dans l'index. Il faut, à mon avis, lier la publication de l'index à celle des trois indicateurs de l'accord du plan. Sinon, l'arbre de l'index cachera la forêt des accords égalité.
En cinquième point, je souhaite défendre le nouvel article 6 bis de la proposition de loi Rixain sur l'équité salariale. Il se réfère très clairement aux notions de diplôme, de responsabilités, d'expérience, d'autonomie, d'initiatives, de pénibilité et aux éléments listés dans l'article L. 3221-4 du code du travail, qui définit ce qu'est un travail de valeur égale. Je pense que nous nous trouvons là au coeur du sujet qui va nous préoccuper dans les mois à venir : la revalorisation des métiers majoritairement féminins. Tous les métiers du care, des soignants, des services à la personne, auxquels j'ajouterais les métiers de l'enseignement, sont sous-valorisés. Ils sont pourtant essentiels dans la société. Il faudra absolument retravailler sur l'exercice des classifications. Le Medef a exprimé de nombreuses réserves lorsque le CSEP a travaillé sur ce sujet. Nous savons bien que c'est au niveau des négociateurs de branches qu'est réalisé cet exercice. Il s'agit de leurs prérogatives. Pour autant, nous n'avons pas de grande visibilité sur ces secteurs des services à la personne et ces métiers du care, qui sont encore injustement sous-valorisés. La notion d'équité salariale est extrêmement importante. Elle nous vient du Québec. Elle ne nous conduit pas uniquement à comparer des emplois identiques ou proches, mais aussi à comparer des emplois différents. C'est ça, la notion d'équité salariale. Dans un hôpital, je peux comparer une infirmière de bloc opératoire et un informaticien de niveau 2. Ils ont pu étudier le même nombre d'années pour obtenir leur diplôme, peuvent avoir autant d'expérience l'un que l'autre. Le niveau de responsabilités peut éventuellement être plus élevé chez les infirmières. Pour autant, la progression possible de ces dernières dans les coefficients conventionnels est bien moindre que celle des informaticiens. Leur carrière n'est pas la même. Elles sont moins payées. C'est ce qu'il faut regarder. Cette notion d'équité salariale est très difficile à atteindre. Au Québec, elle est mise en place au niveau des entreprises. C'est sans doute plus simple. En France, cela se fait au niveau des branches.
La visibilité sur cet exercice, qui relève d'une obligation de la négociation collective, est extrêmement faible. Je pense que l'idée d'un rapport fait au Parlement sur cette question est centrale, même s'il sera très compliqué à établir. Ce rapport permettra d'enrichir et d'alimenter la négociation de branches sur les classifications.
Enfin, mon dernier point porte sur l'article 5 de la proposition de loi Rixain qui modifie le code de l'éducation. Vous le savez tous, environ 200 000 postes seront créés dans les filières numériques. Un métier créé sur trois comportera une composante numérique. Deux métiers sur cinq toucheront à la transition numérique et énergétique. Or les femmes sont presque inexistantes dans les filières du numérique, elles ne représentent que 30 % des salariés. Elles occupent majoritairement des fonctions support. C'est un scandale. Le métier du codage était, à l'origine, majoritairement féminin. Il est devenu mixte et sera bientôt majoritairement masculin depuis l'avènement de la culture geek. Ce n'est donc pas une destinée ou une essentialisation des compétences. Il s'agit simplement d'une culture sexiste qui a évincé les femmes. Il est temps de créer des objectifs chiffrés sous forme de quotas dans les filières du numérique. Je pense que le ministre de l'éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, à qui sera remis un rapport sur cette question le 9 juillet - rapport initié par Mme Roiron, déléguée ministérielle sur les questions d'éducation et d'égalité - mettra en place d'importantes mesures. Les objectifs chiffrés ne devront pas uniquement relever d'indicateurs de suivi, comme le prévoit l'article 5, mais ils devront à terme mener à des quotas assortis de sanctions. Nous ne pouvons plus attendre. Nous sommes confrontés à un impératif catégorique d'instaurer des quotas dans les filières scientifiques numériques pour les filles pour pallier ce phénomène d'hémorragie et d'éviction injuste.
Je précise que j'interviens en tant que présidente du HCE sur les questions liées à la parité. Pour ce qui est de l'égalité professionnelle, j'interviens davantage en tant qu'ancienne secrétaire générale du CSEP et en tant que future présidente du HCE renouvelé. Nous allons désormais intégrer une formation sur l'égalité professionnelle à côté de notre formation aux droits des femmes. Elle sera paritaire, formée de tous les partenaires sociaux, de personnalités qualifiées et de l'administration. Elle traitera de tous les sujets d'égalité professionnelle et notamment de sujets à l'ordre du jour aujourd'hui : le télétravail et la sous-valorisation des métiers majoritairement féminins. Nous attendons le décret d'un jour à l'autre.
Voilà ce que je pouvais dire sur ce sujet. J'ai l'espoir que cette proposition de loi portée par Mme Rixain, et par votre délégation qui fait tant de choses magnifiques, vienne très rapidement dans votre instance et qu'elle soit adoptée le plus vite possible. Nous travaillons déjà ensemble, et allons encore renforcer nos liens dans ce futur HCE.