Intervention de Brigitte Grésy

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 1er juillet 2021 : 1ère réunion
Audition de Mme Brigitte Grésy présidente du haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes sur les dispositions de la proposition de loi visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle adoptée par l'assemblée nationale le 12 mai 2021

Brigitte Grésy, présidente du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes :

Dans le Forum Génération Égalité, nous réunissons avec l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et à l'initiative du HCE, seize instances de pays membres de la francophonie, dont beaucoup de pays africains. Cet événement vise à déboucher sur des recommandations. La première porte sur l'autonomisation économique et sur l'émancipation des femmes, la deuxième sur la place des femmes dans les instances de gouvernance et de direction. Nous nous engageons, avec les seize pays francophones, à porter ces recommandations. À ce titre, je pense que ceux qui ont soutenu les quotas peuvent influencer les autres. Nombre de pays africains sont meilleurs que nous en la matière, surtout en termes de parité politique. Nous avons tous à apprendre les uns des autres. En Europe, une directive sur la place des femmes dans les instances de gouvernance peine à être adoptée. Elle nous aidera également à rassembler nos efforts, puisque nous marchons tous en ordre dispersé. Pour autant, la France a eu un rôle assez moteur, vous l'avez dit. Voilà pourquoi le HCE a souhaité mettre en place un volet d'échanges et de retour d'expérience.

Je vous l'accorde, le mot « quota » est entré dans les moeurs. La notion d'index également, ce qui me semble très intéressant. Ce terme a l'air neutre mais il suppose une série d'indicateurs et une approche systémique. Il suffit d'assortir ces indicateurs d'un certain nombre de points pour déboucher sur une note et une évaluation. Si celle-ci n'est pas bonne, elle peut mener à des sanctions.

Nous disposons, avec la proposition de loi de Marie-Pierre Rixain, de deux outils très intéressants :

- l'index qui, sous le prétexte de compter, permet de déboucher sur une forme de régulation obligatoire ;

- la mise en oeuvre d'une forme d'égaconditionnalité pour Bpifrance. L'argent public n'est pas neutre. Il doit être attribué aux entreprises engagées dans une politique de mixité ou de parité au sein de la gouvernance. On pourrait l'élargir à un certain nombre de prêts accordés par Bpifrance. Nous voudrions que ce soit davantage le cas dans les plans de relance.

Ainsi, le quota en lui-même est en train de s'enrichir de mots d'accompagnement qui entrent dans les moeurs.

J'en viens à la question des sanctions. La sanction instaurée dans la loi Copé-Zimmermann est civile et non administrative. Toute personne ayant intérêt à agir peut porter une action contentieuse contre une nomination qui ne respecterait pas les principes paritaires, entraînant la nullité de la délibération. C'est très lourd. Pour rappel, la Norvège avait mis en place une sanction incroyable selon laquelle l'entreprise pouvait être dissoute si elle ne respectait pas la parité. Nous ne sommes pas allés jusque-là. Si la sanction établie est déjà importante en France, il faut cependant que quelqu'un ait intérêt à agir. Cette sanction civile est bien moins automatique qu'une sanction administrative. S'y ajoute évidemment le non-paiement de jetons de présence, avec rétroactivité lorsque l'entreprise a suivi son obligation paritaire. Ce n'est pas un signal très fort.

Les sanctions prévues pour la non-parité, l'inégalité de rémunération ou le non-accord sont quant à elles financières, instaurées par la direction du travail. Elles peuvent aller jusqu'à 1 % de la masse salariale. C'est plus fort. Cette question peut être mise sur la table.

Sur l'article 8, je rejoins vos propos. La loi de 2018 a quelque peu renforcé les obligations paritaires. Je pense que la façon de faire monter la négociation et l'accord versus le plan à l'agenda des entreprises et à la connaissance de tous est très importante. Une publication conjointe me semblerait le meilleur moyen d'intégrer la question de l'égalité, à la fois dans le conseil d'administration et au sein de l'entreprise.

Évidemment, élargir le vivier constitue une condition sine qua non. Je crois que les réseaux de femmes sont un atout inestimable, non seulement pour la réassurance contre le sexisme ambiant qu'ils procurent à ses membres, mais aussi pour la vision d'information collective sur l'ouverture des postes, leur transparence, la façon dont sont libellées les fiches de poste, la chasse au sexisme. Ces réseaux peuvent également être un formidable atout pour élargir le vivier et faire en sorte que des femmes posent leur candidature alors même que nous savons tous que les sexes sont fabriqués différemment depuis l'enfance. L'apprentissage de la légitimité ne se fait pas de la même façon pour une fille et pour un garçon. Cet écart n'est pas lié à notre essence mais à une socialisation différenciée. Le réseau est donc très important.

Sur la question des cumuls de mandat, certes, nous en constatons mais moins qu'en Norvège. Là-bas, la profession de certaines femmes est d'être administratrice. Ici, le cumul n'est pas extrêmement élevé, mais existe. Le non-cumul a déjà été évoqué.

La question des réseaux de femmes me semblerait être un moyen intéressant pour casser les systèmes d'éviction, d'auto-éviction et d'autocontrôle des femmes.

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