Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entamons aujourd’hui l’examen en séance publique de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, afin de franchir, ensemble, une nouvelle étape dans la transformation et la réforme de notre dispositif de santé au travail.
Je souhaite rappeler le choix réalisé par le Gouvernement, au début du mois de mars 2020, de proposer aux partenaires sociaux d’engager une négociation sur cet enjeu essentiel d’amélioration de la santé au travail.
Les partenaires sociaux, après six mois de négociation, ont conclu un accord solide et équilibré au début du mois de décembre 2020.
La signature de cet accord national interprofessionnel (ANI) par le Mouvement des entreprises de France (Medef), la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), l’Union des entreprises de proximité (U2P), la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Force ouvrière (FO), la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) et la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) nous prouve la capacité des partenaires sociaux à construire une vision convergente en matière d’évolution de la santé au travail, après un travail approfondi, rendu encore plus essentiel en cette période de crise sanitaire.
Le contenu de ces négociations est riche : développement de la prévention primaire, promotion de la qualité de vie au travail ou encore développement d’une offre de services en santé au travail efficace et adaptée auprès des entreprises et de leurs salariés. Nous aurons, je le sais, largement l’occasion d’y revenir dans les débats.
Je me réjouis de la vitalité de notre dialogue social, qui, en cette période de crise, prend encore plus pleinement son sens. Nos partenaires sociaux ont su dépasser leurs antagonismes pour se faire force de proposition et concrétiser l’ambition d’une santé au travail résolument orientée vers la prévention.
La démocratie parlementaire a ensuite pris très rapidement le relais, avec le dépôt, dès le 23 décembre 2020, de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, portée par les députés Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean, et son adoption par l’Assemblée nationale en février dernier.
Ce texte est désormais soumis à l’examen de votre assemblée. Cette nouvelle étape doit conforter l’existence d’une vision, partagée le plus largement possible, de la santé au travail dans notre pays.
Je souhaite à cet égard souligner l’engagement et le travail de fond de chacun d’entre vous sur les questions de santé au travail, tout particulièrement celui de la commission des affaires sociales du Sénat, notamment des rapporteurs Pascale Gruny et Stéphane Artano, au travers de leur rapport d’information réalisé dès 2019 et des échanges nourris qu’ils ont eu avec les deux députés rapporteurs du texte à l’Assemblée nationale.
D’ailleurs, ces échanges montrent aussi, je crois, notre capacité à mener un travail efficace entre les deux chambres. C’est un autre bon indicateur au moment où nous abordons l’examen de ce texte, qui a donc été largement partagé. Cette forte implication doit permettre de donner corps à la négociation fructueuse des partenaires sociaux, en construisant le socle de sa traduction législative.
Le Gouvernement se félicite de cette méthode de transposition – inédite, il est vrai – et veillera jusqu’à l’issue de la navette parlementaire à assurer le respect des équilibres obtenus par les organisations patronales et syndicales.
Évidemment, la traduction de l’ANI du 10 décembre dernier ne se limite pas à un ensemble de mesures législatives. Un important chantier réglementaire, mais également organisationnel, est engagé, et les partenaires sociaux en sont bien logiquement des acteurs majeurs.
Je souhaite d’ores et déjà valoriser certaines avancées inscrites dans cette proposition de loi, qui accélère la modernisation de notre système de santé au travail.
Je n’en citerai que quelques-unes, puisque nous allons débattre du texte, à commencer par le renforcement de l’approche préventive de la santé au travail et de la traçabilité collective de l’exposition aux risques professionnels, notamment chimiques.
Par ailleurs, la qualité des prestations des services de prévention et de santé au travail, les SPST, sera améliorée par la définition d’une offre de services socle. Cette dernière, qui sera déployée auprès de l’ensemble des entreprises, y compris de petite taille, par les SPST, constitue une avancée très importante.
Je pense aussi à la création d’une procédure de certification de ces services, qui, associée à la tarification en plus complète transparence, permettra de soutenir leurs efforts de qualité sur l’ensemble du territoire.
Je pourrais citer d’autres points, comme la lutte contre la désinsertion professionnelle par la constitution de cellules dédiées dans les services de prévention et de santé au travail interentreprises, les SPSTI, pour favoriser le maintien en emploi, ou encore le renforcement des équipes des services de prévention et de santé au travail au travers d’une formation plus homogène des infirmiers et de la possibilité donnée, pour les infirmiers qualifiés, d’exercer en pratique avancée, ainsi que du développement des délégations de tâche.
Votre commission, mesdames, messieurs les sénateurs, a effectué un travail important sur le texte adopté par l’Assemblée nationale, sans le dénaturer ni trahir les intentions de ses auteurs ou modifier les équilibres parfois délicats auxquels étaient parvenus les partenaires sociaux.
Je souhaite souligner un point sur lequel la proposition de loi a subi une nette évolution lors de son passage en commission des affaires sociales au Sénat : tenant compte des réalités de fonctionnement des petites entreprises, la commission a retenu que celles-ci pourraient définir leurs actions de prévention sans se voir imposer le formalisme d’un programme annuel de prévention.
D’autres évolutions significatives, apportées par ses soins, semblent aussi devoir être mentionnées : l’ouverture aux travailleurs indépendants de l’offre socle des services de prévention et de santé au travail ; les ajustements apportés sur le rendez-vous de liaison, pour permettre d’anticiper la reprise d’activité du salarié ; la définition d’un cadre pour la santé au travail des salariés des particuliers employeurs et des assistants maternels, qui, avec des ajustements que je serai amené à proposer au cours du débat, me semble permettre d’instaurer, dans le cadre d’un dialogue social de branche, une prise en charge effective de ces publics.
Parmi vos amendements de séance, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai noté de nombreuses propositions visant à préciser les missions des services de prévention et de santé au travail sur certaines thématiques ou certains publics spécifiques, parfois en les priorisant.
Je comprends parfaitement les enjeux ainsi portés. Il me semble toutefois inapproprié, voire contre-productif, d’entrer dans ce niveau de précision au stade où nous en sommes. Mais nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet au cours de la discussion.
Me fondant sur les déplacements que j’ai réalisés depuis plus d’un an, je veux enfin témoigner de la forte attente des salariés et des entreprises pour que les services de prévention et de santé au travail les accompagnent au quotidien.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire au cours de mon audition par votre commission des affaires sociales, j’ai également pu constater la forte mobilisation de ces services au cours de la crise sanitaire, mobilisation centrée actuellement sur la vaccination et l’accompagnement à la reprise et au retour progressif en entreprise.
Le retour d’expérience de la pandémie doit permettre de construire, ensemble, un modèle de santé au travail plus proche de l’entreprise et des salariés, plus orienté vers l’accompagnement et le conseil pour la mise en place de mesures de prévention collective.
Les acteurs, me semble-t-il, sont prêts aux évolutions portées dans la proposition de loi. Il est en effet essentiel de moderniser notre système de santé au travail, pour qu’il puisse s’adapter et répondre aux enjeux des parcours professionnels du XXIe siècle. Pour cette raison, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutiendra résolument cette proposition de loi.