Intervention de Raymonde Poncet Monge

Réunion du 5 juillet 2021 à 16h00
Renforcement de la prévention en santé au travail — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Raymonde Poncet MongeRaymonde Poncet Monge :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur la prévention en santé au travail, vous auriez dû, monsieur le secrétaire d’État, nous proposer un projet de loi ambitieux, dépassant l’ANI signé en 2020 et prenant la mesure des responsabilités régaliennes sur la prévention de la santé des travailleurs.

C’est d’autant plus vrai que, en France, un écart de presque dix ans d’espérance de vie en bonne santé sépare l’ouvrier du cadre, et cela en grande partie du fait du travail.

Vous auriez dû inviter les parlementaires à un véritable travail et à un débat de fond. Mais vous les en avez privés par vos ordonnances de 2017, dont je veux rappeler ici une mesure inique : la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT. Alors que ces instances de proximité accomplissaient leurs missions au plus près des unités de travail et des salariés, lesdites ordonnances ont porté un coup inédit à la prévention en santé au travail, à l’analyse des risques professionnels et à leur réduction.

Monsieur le secrétaire d’État, nous aurions dû vous entendre sur les raisons de la non-signature par la France de multiples conventions de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, relatives à la santé au travail, en particulier les conventions n° 161 et 170.

À la place, nous avons une proposition de loi qui se contente d’une transcription incomplète de l’ANI. Le présent texte n’est pas à la hauteur des enjeux et, loin de marquer un coup d’arrêt à la dégradation des SST par les réformes antérieures, il prend prétexte de la pénurie annoncée des médecins du travail pour poursuivre, par de nombreux dispositifs, la démédicalisation de la santé au travail. En outre, à cause de lui, l’employeur risque d’échapper à sa responsabilité personnelle en matière de santé et de sécurité.

Pour contraindre le travail législatif, cette proposition de loi se présente comme une simple nécessité de transcription de l’ANI, tout en enjoignant de respecter l’équilibre auquel ce dernier est parvenu.

Pourtant, elle est loin de toujours en honorer l’esprit ; elle ne s’interdit pas de soustraire des points d’équilibre que les organisations syndicales, y compris les organisations signataires, nous invitent à réintroduire par voie d’amendements.

Respecter l’équilibre : cela rappelle douloureusement que les facteurs de pénibilité des expositions professionnelles ont été compromis en contrepartie de l’allongement de l’âge de la retraite… En 2017, six facteurs de pénibilité à l’origine de 90 % des expositions altérant la santé ont ainsi été retirés !

De plus, c’est dénier au législateur le principe que, en matière de santé et de sécurité au travail, tout ne se négocie pas. Derrière les statistiques, il y a des accidents du travail – plus de 500 morts sont comptabilisées chaque année dans le secteur privé –, des maladies professionnelles et des inaptitudes.

Nous ne pouvons être totalement tenus par l’accord de compromis signé dans le cas d’un équilibre des forces sociales ; vous conviendrez en effet que celui-ci reste en défaveur des salariés. Le législateur est légitime à avoir une expression propre en matière de santé en général et de santé au travail en particulier.

Aussi, notre groupe présentera plusieurs amendements, dont certains visent à supprimer les dispositifs actant l’effacement du médecin du travail. C’est une tendance ancienne, car, malgré les alertes, rien n’a été entrepris pour lutter contre les sous-effectifs ou pour renforcer l’attractivité, y compris pour les médecins collaborateurs.

Force est de constater l’inaction pour contrer la baisse des seuls professionnels protégés. Nous nous élevons notamment contre l’introduction des médecins praticiens correspondants. Rarement les médecins du travail, dont la spécialisation dure quatre ans, n’ont fait l’objet d’une telle dépréciation, voire d’un tel mépris. Cela explique que l’attractivité soit en berne.

Au-delà, c’est bien le lien entre santé et travail, pour prévenir à la source toute altération de la santé par le travail, qui est nié. Il n’est pas étonnant, dès lors, qu’une majorité de professionnels de toutes disciplines – médecins, infirmiers au travail, ergonomes – contestent un grand nombre de dispositifs et estiment que la prévention primaire n’est en rien confortée.

Cette proposition de loi a véritablement été élaborée contre l’avis de ces professionnels ; vent debout, ils dénoncent la plupart de ses dispositions.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires regrette, une fois de plus, une occasion manquée et appelle à une grande loi sur la santé au travail. Faute d’adoption des amendements que les membres de notre groupe ou d’autres collègues défendront, nous ne soutiendrons pas cette proposition de loi.

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