Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, la santé au travail doit trouver toute sa place dans la réalisation des objectifs de notre politique nationale de santé publique.
Elle trouve ses racines dans la loi Villermé de 1841. Depuis lors, le cadre législatif l’encadrant n’a cessé de croître, afin de protéger davantage les salariés ; je pense notamment à la loi du 9 avril 1898 qui prévoyait l’indemnité des salariés en cas d’accident survenu au travail. Quant aux lois de 2002, de 2011 et de 2016, elles furent autant d’étapes renforçant le droit à une protection de la santé au travail.
En 2019, en France, quelque 16 millions de travailleurs relevaient d’un service de santé au travail interentreprises, ou SSTI. On estime à 7 millions le nombre de visites réalisées chaque année. Mais les médecins du travail et les collaborateurs médecins ont perdu près de 10 % de leurs effectifs entre 2015 et 2019.
Démographie médicale en peine, contenu et qualité hétérogène de l’offre des SST, difficile développement de la prévention primaire en entreprise : voilà les défis que notre système doit relever.
Aussi, de la stratégie nationale de santé 2018-2022 mise en place par le Gouvernement aux réflexions menées par l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, en passant par les rapports parlementaires, nombreux sont les travaux qui ont clairement identifié les problématiques de ce système ces dernières années.
Les rapporteurs de ce texte, ici, au Sénat, ont rédigé un rapport proposant des évolutions destinées à garantir un service universel de la santé au travail de qualité pour tous les travailleurs. Les auteurs de la proposition de loi, à l’Assemblée nationale, se sont quant à eux penchés sur la manière de moderniser la santé au travail en France, via la rénovation de sa gouvernance.
Je me réjouis que les parlementaires se saisissent d’un sujet plus que jamais déterminant, à la faveur de la crise sanitaire. Leurs travaux auront, entre autres, permis d’alimenter les réflexions des partenaires sociaux qui, dans l’ANI, ont repris plusieurs des propositions formulées.
Oui, il aura fallu de longues discussions et de nombreuses négociations avant de parvenir, le 9 décembre 2020, à la conclusion de l’ANI pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail, signé par la quasi-totalité des partenaires sociaux, excepté la CGT.
Mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est le fruit d’un long processus de démocratie sociale et parlementaire et, à l’instar des députés, il nous faut veiller à ce que la transcription de l’ANI dans la loi respecte aussi bien son contenu que son équilibre.
La proposition de loi s’articule autour de quatre axes. Premièrement, renforcer la prévention au sein des entreprises et décloisonner la santé publique et la santé au travail. Deuxièmement, améliorer la qualité du service rendu par les SST. Troisièmement, renforcer l’accompagnement de certains publics, notamment vulnérables, et lutter contre la désinsertion professionnelle. Quatrièmement, et enfin, réorganiser la gouvernance de la santé au travail, que celle-ci soit interne aux SST ou concerne le pilotage national et territorial de celle-ci.
À l’instar de l’ANI, cette proposition de loi renomme les missions des SST en services de prévention et de santé au travail, offre un socle pour ces derniers et crée un passeport prévention.
La commission des affaires sociales, saisie au fond, s’est réunie le mercredi 23 juin 2021 pour examiner le rapport de nos collègues Stéphane Artano et Pascale Gruny – je loue le travail d’enrichissement qu’ils ont fourni.
Bien que la commission partage les principaux objectifs de la proposition de loi, elle a veillé à garantir le caractère opérationnel de plusieurs de ses dispositions phares et à réunir les conditions d’un développement effectif de la prévention au sein des entreprises.
La commission a précisé la définition de l’offre socle de services proposée par les services de prévention et de santé au travail interentreprises, les SPSTI ; elle a réaffirmé le rôle du médecin du travail dans l’animation et la coordination d’une équipe pluridisciplinaire, qui a vocation à se diversifier ; elle a étendu aux services de prévention et de santé au travail des obligations de mise en conformité aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité, en faveur d’une meilleure protection et d’une exploitation plus efficace des données en santé au travail.
Néanmoins, certaines dispositions qui nous semblaient importantes ont été supprimées ou modifiées lors de l’examen du texte en commission : à l’article 17 bis, la mutualisation du suivi de l’état de santé des salariés en cas de pluralité d’employeurs a été supprimée et, à l’article 20, des modifications ont été apportées à la désignation des représentants. Nous proposerons donc de rétablir ces articles dans leur rédaction issue de l’Assemblée nationale.
Enfin, nous entendons nous assurer du rôle central des acteurs de la santé au travail au sein des conseils locaux de santé mentale, dont nous savons l’importance.
Mes chers collègues, la transcription dans la loi de l’ANI respecte aussi bien son contenu que son équilibre. Concours de circonstances, elle intervient au moment où la Commission européenne a publié, il y a quelques jours, le cadre stratégique qui viendra orienter sa politique en matière de santé et de sécurité au travail.
À l’échelle nationale, nous pouvons collectivement nous réjouir d’un texte qui, demain, protégera davantage les travailleurs français. Ainsi, si toutes les orientations de cette proposition de loi ne sont pas dénaturées ou modifiées durant nos débats, notre groupe votera en sa faveur.