Intervention de Annie Le Houerou

Réunion du 5 juillet 2021 à 16h00
Renforcement de la prévention en santé au travail — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Annie Le HouerouAnnie Le Houerou :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui nous est présentée comme une première ; mais, nous le savons bien, ce texte assurant la transposition d’un accord national interprofessionnel n’est que prétendument d’origine parlementaire.

Je salue l’engagement des partenaires sociaux et l’ensemble des acteurs qui ont pris part à ces négociations, ainsi qu’aux travaux préalables. Toutefois, faute d’un accord ambitieux, nous n’obtenons qu’une proposition de loi a minima.

L’objectif est pourtant d’une importance considérable : il s’agit de transformer un système de santé au travail jugé unanimement à bout de souffle – manque de médecins du travail, coordination insuffisante des multiples acteurs, couverture imparfaite des besoins des petites et moyennes entreprises, des travailleurs indépendants, des salariés multi-employeurs ou des salariés portés.

La création d’une cellule de prévention de la désinsertion professionnelle au sein des services de prévention et de santé au travail interentreprises est porteuse d’espoir pour les salariés comme pour les employeurs.

Cette structure est constituée d’un panel représentatif des différents intervenants de ces services. Toutefois, les parties prenantes ne seront pas en mesure d’identifier une problématique commune à partir d’un ensemble de situations individuelles similaires relevées.

Cette proposition de loi clarifie le rôle du référent handicap, et c’est une bonne chose. Elle l’autorise à établir un lien avec les SPST, afin de contribuer au maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap et de prévenir la désinsertion professionnelle.

Néanmoins, cette mesure pourrait aller plus loin ; de nombreux salariés en situation de handicap ne demandent pas leur reconnaissance comme travailleurs handicapés. Or le référent handicap devrait pouvoir informer l’ensemble des salariés des droits spécifiques des personnes handicapées et de l’intérêt de ce statut.

Trop de porteurs de handicaps invisibles ou de maladies évolutives ignorent leurs droits et ne se déclarent pas. Certaines de ces personnes attendent jusqu’au jour où, faute d’avoir pris des mesures de prévention adaptées, elles sont frappées par une incapacité de travail majeure conduisant à leur licenciement.

L’article 15 de cette proposition de loi autorise les professionnels de santé à recourir à des pratiques médicales ou de soins à distance pour le suivi de l’état de santé des travailleurs.

Si la pandémie a démontré l’utilité du recours à la téléconsultation, la présence physique du salarié et du médecin au rendez-vous médical doit rester le principe, la téléconsultation ayant valeur d’exception. La loi doit fixer cette règle.

S’agissant des assistants maternels, nous avons défendu en commission des amendements visant à ouvrir la possibilité d’un accord de branche étendu afin d’élaborer des mesures spécifiquement adaptées à ces métiers. Les assistants maternels et les salariés du particulier employeur attendaient cette perspective : nous regrettons d’autant plus le rejet de nos amendements en commission.

Pour agir de manière préventive contre la désinsertion professionnelle, il faut accompagner les salariés. En particulier, il faut intervenir auprès de ceux qui sont encore en arrêt de travail et leur proposer un accompagnement. Nous formulerons des propositions en ce sens.

Les dispositions de certains amendements des rapporteurs adoptés en commission nous inquiètent, car, selon nous, elles menacent les intérêts des travailleurs. Nous pensons en particulier à l’article 18, qui crée un rendez-vous de préreprise, rebaptisé « rendez-vous de liaison », entre le salarié et l’employeur.

La présence obligatoire du service de prévention et de santé au travail lors de ce rendez-vous a été supprimée par voie d’amendement. De plus, la possibilité de l’organiser sur l’initiative de l’employeur a été réintroduite. Or ces dispositions fragilisent le salarié.

Enfin, au travers de cette proposition de loi, les infirmières de santé au travail ont vocation à prendre de nouvelles responsabilités, voire, dans certains cas, à se substituer au médecin du travail. Afin de les protéger, nous soutiendrons des amendements visant à éviter toute situation litigieuse en leur accordant le statut de salarié protégé.

En conclusion, malgré quelques avancées, ce texte se démarque par ses nombreuses lacunes. Il n’évoque pas le lien avec l’inspection du travail ; il n’aborde ni la question de la responsabilité des employeurs en cas d’accident du travail ou de suicide, ni la pénibilité, ni la qualité de vie au travail ni la santé des travailleurs en inter-contrat ou en recherche d’emploi. Ces questions sont pourtant cruciales.

Comme l’a dit ma collègue Mme Poumirol, les membres de notre groupe ne soutiendront pas ce texte en l’état !

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