Madame Gruny, vous avez également raison d’insister sur le fait que la prévention fait partie intégrante de la santé au travail. Bien sûr, cette dimension n’était pas occultée jusqu’à présent, mais elle constitue l’élément central de cet ANI et, partant, du présent texte. C’est tout le sens des évolutions actuelles : désormais, la santé au travail donne toute sa place à la prévention, dont les axes de développement sont effectivement nombreux.
Mesdames Poncet Monge et Apourceau-Poly, je sais que vous n’avez pas soutenu la transformation du code du travail que j’ai pu mener avec Muriel Pénicaud lorsque j’étais député. Des divergences existent entre nous et elles sont tout à fait légitimes, mais je vous assure en toute objectivité que l’ensemble des prérogatives du CHSCT, sans exception, ont été transférées au comité social et économique, le CSE. C’est incontestable : je suis d’autant plus formel que j’y ai personnellement veillé lors de cette réforme du code du travail.
D’ailleurs, la situation exceptionnelle que nous vivons, et qui souligne encore l’importance de la santé au travail, prouve que ce dispositif fonctionne bien. Si la nouvelle organisation posait des difficultés particulières, cette crise nous aurait donné l’occasion de les identifier. À l’inverse, en offrant une vision extrêmement transverse, le CSE permet de parler de tout, y compris de la santé au travail. Je connais votre engagement en la matière et je sais que cet enjeu vous mobilise l’une et l’autre, comme tous les sénateurs ici présents.
Madame Apourceau-Poly, vous avez abordé un autre sujet important sur lequel je tiens à revenir, à savoir le télétravail. Un autre ANI est d’ailleurs consacré à cette question, et il faut s’en féliciter.
Je vous l’affirme, comme à plusieurs de vos collègues qui ont pris la parole au cours de la discussion générale : à l’évidence, notre démocratie sociale est vigoureuse. Alors que la crise sanitaire faisait rage, elle a même réussi à dégager deux accords importants : le premier, relatif à la santé au travail, dont nous assurons aujourd’hui la transposition législative avec vous ; le second, relatif au télétravail, qui répond en partie à vos attentes, même si nous divergeons assez nettement sur ce sujet.
Pour ma part, je crois au dialogue social de proximité. J’estime qu’il faut donner une place digne de ce nom aux partenaires sociaux dans l’entreprise. Certes, il faut fixer un cadre – nous sommes d’accord sur ce point –, mais ces acteurs n’en doivent pas moins déterminer la manière dont le télétravail doit se décliner dans l’entreprise, en fonction du type d’activité.
Monsieur Guerriau, vous insistez à juste titre sur le vaste chantier de réorientation de la médecine du travail mené à travers ce texte. Je suis déjà revenu sur ce point à propos du volet de prévention, traité par Mme Gruny, et je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire : le document unique contiendra des informations de long terme, relatives notamment aux risques chimiques. Avec ce texte de loi, l’ensemble des dispositifs de prévention fonctionneront encore mieux.
Monsieur Lévrier, j’ai déjà débattu de ce texte avec vos collègues députés et j’ai moi-même été parlementaire : je comprends que les uns et les autres, forts de leur expérience, de leurs connaissances et des retours dont ils disposent, soient désireux d’apporter leurs éclairages. Au total, peut-être trouverez-vous qu’en tant que secrétaire d’État je vous bride un peu, même si votre liberté d’expression reste évidemment pleine et entière.
Si j’insiste sur la nécessité de respecter les équilibres, ce n’est en aucun cas par dogmatisme ; c’est parce que je mesure toute la valeur d’un tel accord, fruit d’une véritable alchimie. Le consensus dépend parfois d’un mot ou d’un engagement ; telle mesure est, en fait, adoptée en contrepartie de telle autre.
Le plaisir et la difficulté de l’exercice sont précisément là : il s’agit d’apporter sa contribution tout en respectant l’accord national interprofessionnel. Je l’ai dit en préambule, il me semble que les travaux menés en commission ont précisément atteint cet équilibre et, je le répète, ils ont toute leur importance : ils ont apporté quelques touches supplémentaires, quelques inflexions et précisions, tout en conservant le sens voulu par les signataires de l’accord.
Monsieur Henno, dès le début de votre intervention, après une citation en forme de clin d’œil, vous avez souligné toute l’importance du dialogue social. Vous vous félicitez qu’il puisse fonctionner dans un domaine comme la santé au travail et vous avez évidemment raison.
Vous avez également abordé un point assez technique, sur lequel d’autres orateurs sont revenus : l’articulation entre, d’une part, la médecine du travail et, de l’autre, la médecine de soins ou de ville. Il s’agit effectivement d’un enjeu essentiel. Il nous faut trouver des ponts et des passerelles entre la première et la seconde.
Certains ont pu remettre en cause le rôle du médecin praticien correspondant, du moins tel qu’ils le conçoivent ; d’autres voudraient aller plus loin ; d’autres encore s’inquiètent d’éventuelles discriminations à l’embauche. Répétons-le : l’employeur n’a pas accès au dossier médical.
Or la discrimination à l’embauche, c’est le fait de l’employeur et non du médecin au travail. Nous n’avons pas la même lecture juridique de la question de l’aptitude, mais je suis sûr que les débats nous permettront de dissiper cette inquiétude.
Enfin, madame Procaccia, vous l’avez rappelé à juste titre : les deux assemblées doivent se montrer respectueuses du travail accompli par les partenaires sociaux.
Plusieurs orateurs l’ont relevé : cet accord a bénéficié d’une quasi-unanimité – seul un syndicat représentant des salariés a refusé de le signer. De ce fait, il mérite toute notre considération.
Sur tel ou tel sujet, on aimerait sans doute qu’il aille encore plus loin ; mais veillons à respecter cet équilibre, en espérant que les débats parlementaires nous permettent d’aboutir à une commission mixte paritaire conclusive.