Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 5 juillet 2021 à 16h00
Renforcement de la prévention en santé au travail — Article 1er

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

L’article 1er transforme à la fois la dénomination des services de santé au travail et la définition du harcèlement sexuel figurant dans le code du travail. Je centrerai mon propos sur ce second point.

Certains d’entre nous, qui siégeaient déjà dans cet hémicycle en 2012, se souviennent des débats menés pour élaborer une définition pénale du harcèlement sexuel. Sans en retracer l’historique, rappelons que cette définition a, en définitive, été abrogée par le Conseil constitutionnel. Pendant de nombreux mois, cette décision a laissé persister un vide juridique qu’ont subi de nombreuses victimes.

L’article 1er s’attaque à la définition prévue dans le code du travail ; mais les dispositions d’un amendement déposé par plusieurs députés socialistes et adopté par l’Assemblée nationale nous exposent à de grands risques.

À mon sens, le fait d’aligner la définition du code du travail sur celle du code pénal constitue à la fois une erreur et un danger. En effet, le verbe « imposer » suppose que le salarié ou la salariée victime de harcèlement sexuel prouve l’existence de cet acte.

J’ai été alertée par plusieurs associations, dont l’association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, l’AVFT, et par diverses organisations syndicales qui montrent très bien le danger d’une telle harmonisation.

Actuellement, si les conseils des prud’hommes et les chambres sociales des cours d’appel peuvent rendre des jugements de licenciement de harceleurs, c’est précisément parce que les définitions ne sont pas identiques : en droit du travail, il n’y a pas à démontrer de quelle manière les agissements ont été imposés à la victime.

Cette distinction et fondamentale et pleinement justifiée : au pénal, il est nécessaire de démontrer l’élément moral de l’infraction, alors qu’en droit du travail le juge se contente de la matérialité des faits.

C’est pourquoi, à l’instar de ma collègue Laurence Rossignol, je pense qu’il vaut mieux conserver le terme « subir » que de recourir au terme « imposer ». Nous saisissons cette occasion pour améliorer, par cet amendement, la définition figurant actuellement dans le code du travail.

Au-delà de ces aspects juridiques, je tiens à rappeler que 30 % des femmes salariées ont déjà subi des faits de harcèlement ou d’agression sexuelle sur leur lieu de travail. Le phénomène est massif. La modification de l’article 1er pourrait donc avoir des effets dévastateurs pour les victimes, dont on sait déjà les difficultés qu’elles éprouvent à faire connaître et sanctionner les faits.

Par ailleurs, l’AVFT, souligne que la crise sanitaire a entraîné une réduction considérable des faits de harcèlement sexuel, même si ce dernier peut se pratiquer par mail ou SMS.

Or, depuis la reprise en présentiel, les salariées ont très largement fait appel à l’AVFT : le retour au travail peut en effet constituer une prise de conscience, un électrochoc révélateur de faits anormaux ou pathogènes.

Pour conclure, je rappellerai que l’AVFT plaide depuis plusieurs années pour que les enregistrements dits « clandestins » soient recevables devant les juridictions civiles, comme ils le sont en matière pénale.

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