Mes chers collègues, nous sommes très heureux d'accueillir René Troccaz, consul général de France à Jérusalem.
Cette réunion se tient quasiment un mois jour pour jour après la journée du 10 mai dernier, marquée par de très durs affrontements sur l'esplanade des mosquées et, dans la soirée, par le déclenchement, par le Hamas, des premières salves de roquettes.
Merci, monsieur le consul Général, de vous être rendu disponible pour cette audition. Je sais que cette période est difficile pour vous. Vous êtes évidemment un observateur et un acteur très attentif dans cette crise. Vous avez vécu au coeur de cet embrasement aussi soudain que meurtrier, qui a entraîné de nombreux morts de chaque côté.
Nous allons vous écouter avec la plus grande attention, d'une part à propos du déroulement de la crise, des responsabilités et de ses significations profondes et, d'autre part, au sujet de l'avenir du cessez-le-feu du 21 mai qui nous paraît, une fois de plus, particulièrement fragile.
Avant tout, je veux saluer votre action. Nous nous connaissons bien : vous m'avez accueilli à Chypre, où vous avez fait un travail extraordinaire pour le compte de notre pays. Vous êtes maintenant un habitué des postes sensibles, signe de vos hautes compétences et de l'attachement que vous porte le Quai d'Orsay.
Je veux au passage saluer à la fois votre action et celle de votre équipe dans une circonscription diplomatique particulièrement difficile. Vous veillez bien sûr à la sécurité de nos concitoyens, mais je rappelle que vous êtes aussi administrateur des domaines nationaux en Terre sainte. Vous nous en direz peut-être un mot. Vous assurez la protection des communautés religieuses et entretenez notre relation diplomatique avec l'Autorité palestinienne, ce qui n'est pas une mince affaire. En effet, votre circonscription s'étend de la Cisjordanie au territoire de Gaza.
Nous aimerions que vous nous présentiez une analyse des événements et des prémices d'une spirale de violence qui ont certainement des causes multiples. On a pu imputer la montée des tensions à Jérusalem à l'accélération du processus de colonisation, notamment dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, là même où des procédures d'expulsion visent des résidents palestiniens qui ont bénéficié de logements entre 1948 et 1967, sous l'administration jordanienne.
Ces procédures semblent avoir été renvoyées à une date ultérieure. Vous nous direz ce qu'il en est. Il y a bien évidemment d'autres causes, liées notamment à l'impasse politique du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. Partagez-vous le constat selon lequel il n'y a plus de perspective ni de volonté pour avancer vers la solution à deux États, toujours soutenue par la France, et ce à l'intérieur de frontières sûres et reconnues, sur la base des lignes du 4 juin 1967 ? Existe-t-il une solution alternative ? Faut-il imaginer un seul État et, dans ce cas, selon quelles modalités ?
La formule employée par notre ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur « le risque d'apartheid » n'est pas inédite, mais elle a fait réagir les autorités israéliennes. Elle repose sur la crainte d'une pérennisation des inégalités entre des droits côté israélien et moins de droits côté palestinien.
S'agissant du processus électoral, la situation semble se débloquer côté israélien, avec peut-être, dans les prochains jours, un événement majeur, puisqu'on pourrait connaître un débouché à la crise politique avec l'investiture par la Knesset d'une coalition réunissant Yaïr Lapid, Naftali Bennett et Mansour Abbas, le chef du parti conservateur islamiste. Là aussi, vous nous direz où nous en sommes aujourd'hui, car les événements se succèdent quasiment au jour le jour.
En revanche, côté palestinien, une fois de plus, les législatives ont été reportées par l'Autorité palestinienne pour toutes sortes de bonnes et peut-être de mauvaises raisons. Vous nous direz ce que vous pensez d'une relance du processus électoral palestinien, et si c'est enfin possible.
Je voudrais excuser l'absence de notre collègue Gilbert Roger, qui suit ces questions avec la plus grande attention.
Je précise que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui va être retransmise en direct sur le site internet du Sénat, et qui sera consultable à la demande.