Intervention de Stéphane Bouillon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 juin 2021 à 10h30
Audition de M. Stéphane Bouillon secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale

Stéphane Bouillon, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale :

Je souhaiterais tout d'abord répondre à M. Cadic à propos du futur dispositif visant à lutter contre les fake news.

Il ne s'agira pas d'une agence, mais d'un service administratif à compétence nationale rattaché au SGDSN. Il ne s'agit pas d'un service de renseignement. Le décret est actuellement en cours de rédaction. Nous cherchons à faire en sorte que la réponse soit la plus transparente possible : nous ne sommes pas en train de mettre en place un ministère de la vérité.

Par ailleurs, le dispositif a vocation à devenir pérenne et à se développer, y compris dans le cadre de la loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information. Il devra faire preuve de souplesse. Ses effectifs ne seront pas très importants, mais très spécialisés : il faudra à la fois des techniciens experts des réseaux sociaux, des analystes et des geeks assez pointus. Ces personnels auront pour mission de couvrir l'ensemble du spectre des attaques contre les valeurs démocratiques avec, à brève échéance, l'enjeu de la campagne présidentielle et des élections législatives de 2022.

Cet organisme est évidemment à votre disposition, puisqu'il doit servir l'ensemble de la République. C'est pourquoi il est aussi susceptible de collaborer avec les grands opérateurs privés, dans les secteurs du transport, de l'énergie ou de l'alimentaire notamment. Je pense en particulier à Danone qui a fait l'objet d'attaques très virulentes il y a deux ans.

Comme pour l'ANSSI, et contrairement à son homologue américain, nous ne prévoyons pas de doter ce service de capacités offensives. Sa mission est avant tout de protéger la sécurité nationale.

Je l'ai dit, notre objectif n'est pas de démontrer que nous détenons la vérité : nous voulons faire la lumière sur la viralité artificielle de certaines informations, en clarifiant la responsabilité des différentes structures responsables. S'agissant du contenu des informations en tant que tel, c'est, selon les cas, aux services d'information du Gouvernement de proposer un contre-discours ou aux médias et au personnel politique de les dénoncer. Ce n'est pas le rôle de cette future instance : sinon, elle ne sera effectivement pas crédible.

Je précise que plusieurs États ont déjà mis en place des dispositifs de ce type, comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne ou l'Espagne.

Vous m'avez interrogé sur l'articulation entre ce service et les organismes mis en place au niveau européen. Nous avons justement eu des contacts avec la commission spéciale sur les ingérences étrangères dans les processus démocratiques de l'Union européenne, animée par les eurodéputés Raphaël Glucksmann et Nathalie Loiseau. Nous voudrions créer, au sein du Parlement européen et de la Commission européenne, une structure de coopération qui nous permette d'avancer et d'être efficaces.

Monsieur Allizard, vous m'interrogez sur les drones : ce sujet est extrêmement sensible comme le montre, je vous le rappelle, la censure de la mesure prévoyant l'utilisation d'aéronefs par certains services de l'État, notamment de police, par le Conseil constitutionnel.

La mise en oeuvre des compétences prévues par l'article 18 du projet de loi Terrorisme et renseignement sera du ressort du Premier ministre : il pourra les exercer lui-même ou décider, selon les cas, de les déléguer à un ministre, au commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes ou à un préfet, et ce pour définir la solution la plus efficace et la plus proportionnée face à une menace donnée.

Les dispositifs de brouillage prévus sont très variés et temporaires : notre but est de pouvoir détecter le plus rapidement possible les aéronefs menaçants pour, le cas échéant, les brouiller et les neutraliser. Nous suivons de près les évolutions technologiques en la matière, afin d'être en mesure d'établir le dispositif réglementaire le plus adapté possible.

La lutte contre les drones malveillants est devenue un enjeu majeur, en raison notamment de l'essor de ce type d'attaques. Nous savons en outre qu'une organisation comme Daech est en pointe dans ce domaine. Il nous reste encore du travail sur les plans technique et juridique pour être capables de répondre efficacement à ces nouvelles menaces.

Monsieur Gattolin, je vous confirme que nous prévoyons une coordination étroite entre l'organisme qui sera chargé de lutter contre la manipulation de l'information et le Commandement de la cyberdéfense. Le service aura pour mission de traiter les menaces aboutissant à la mise en cause de l'ordre public ou à la sincérité d'un scrutin, quelle qu'elle soit, sur le territoire national, métropole et outre-mer compris.

Pour prendre l'exemple du futur référendum en Nouvelle-Calédonie, nous serons très attentifs aux éventuelles ingérences de pays qui auraient intérêt à ce que ce territoire devienne indépendant.

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