Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, obéissant à une instruction interministérielle, les services d’archives ont dû consacrer des moyens humains considérables à déclassifier des documents secret-défense que la loi de 2008 rendait pourtant communicables de plein droit, après un délai de cinquante ans. L’accès aux archives publiques secret-défense a ainsi été massivement bloqué pendant des mois.
Le Conseil d’État vient d’annuler cette instruction, la considérant tout simplement comme illégale. Près d’un million de documents historiques ont reçu un tampon de déclassification sans aucune raison valable. Nous laisserons ainsi aux générations futures toutes ces pièces entachées de ce tampon…
Le Sénat, qui avait participé activement à l’élaboration de la loi de 2008, parce qu’elle donnait aux documents d’archives un statut patrimonial garant de leur fonction historique, vous demande pourquoi on a laissé faire une telle absurdité. Pourquoi une prétendue raison d’État l’a-t-elle emporté pour interdire à des historiens de publier des sources qu’ils consultaient jusque-là librement ?
En dépit de ce désaveu cinglant, animé par cette même volonté de censure, votre gouvernement propose maintenant, à l’article 19 du projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, de restreindre, cette fois sans limites de délai, l’accès aux archives.
Allez-vous écouter le Conseil d’État, qui considère, dans son arrêt rendu après notre discussion législative, que la loi de 2008 suffit ? Allez-vous renoncer à cet article 19 et donner le feu vert à sa réécriture, ce qui est encore possible, lors de la commission mixte paritaire du vendredi 9 juillet prochain ?