Séance en hémicycle du 7 juillet 2021 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • différenciation
  • décentralisation
  • l’action

Sommaire

La séance

Source

La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne peux commencer cette séance sans exprimer une double pensée.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

D’abord, pour notre collègue Patrick Boré, qui nous a quittés dans la nuit de dimanche. Un certain nombre d’entre vous l’accompagneront demain sur le chemin qui le conduira vers sa hauteur spirituelle, vers l’éternité.

Certains d’entre nous le connaissaient depuis peu, mais son élévation personnelle, politique et spirituelle forçait l’admiration et le respect de chacune et de chacun.

Je sais que vous aurez demain une pensée pour lui. Dans quelques semaines, nous lui rendrons hommage dans cet hémicycle. J’ai bien sûr une pensée pour sa famille, pour sa chère ville de La Ciotat, pour son département des Bouches-du-Rhône et pour tout ce qu’il incarnait.

C’est également avec beaucoup de tristesse que nous avons appris ce matin la disparition de Pierre Laffitte – et je m’adresse tout particulièrement à nos collègues du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, qu’il a présidé. Il fut le fondateur de Sophia Antipolis, le directeur de l’École des Mines, un grand scientifique, patron du Bureau de recherche géologique et minière (BRGM). Il apporta ici cette dimension scientifique si particulière et un engagement politique dans la tradition du parti radical.

Je voulais aussi avoir une pensée pour celui qui a animé nos débats – certains s’en souviennent encore. Le Sénat n’oublie pas ce qui est porté par le groupe qu’il a présidé.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, observent un moment de recueillement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif à respecter l’expression des uns et des autres, ainsi que son temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le Premier ministre, en vertu de l’article 89 de la Constitution, l’Assemblée nationale et le Sénat sont à égalité de droits en matière constitutionnelle.

Par deux fois, le Sénat a voté l’inscription de la préservation de l’environnement à l’article 1er de la Constitution. Certes, il a affirmé librement ses propres convictions, différentes des vôtres et de celles de l’Assemblée. Mais si vous reprochez au Sénat de ne pas avoir recopié le texte de l’Assemblée nationale, nous pourrions tout aussi bien vous reprocher de ne pas avoir repris le nôtre.

Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains. – Marques d ’ ironie sur les bancs du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C’était à vous, Premier ministre, de rechercher l’accord. Non seulement vous ne l’avez pas fait, mais, de surcroît, vous avez laissé votre porte-parole nous insulter. Car c’est bien nous insulter que de nous traiter de « climatosceptiques » quand on mesure, comme nous, la gravité des effets du réchauffement climatique pour l’humanité.

Marques d ’ approbation sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je vous demande donc, monsieur le Premier ministre, de manifester votre respect pour la représentation nationale en retirant les propos indignes qui ont été tenus en votre nom !

Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le questeur Bas, comme vous l’indiquez, le Sénat a fait le choix, avant-hier, d’enterrer définitivement, je le crains, le projet de loi constitutionnelle relatif à la préservation de l’environnement, issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Le Président de la République s’était engagé sur cette proposition phare de la Convention citoyenne, dont l’objectif était très clair : soumettre aux Français un texte ambitieux visant à ériger la protection de l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique en principe constitutionnel et imposer ainsi aux pouvoirs publics une véritable obligation d’action en la matière.

Cet objectif, monsieur le questeur, aurait dû tous nous réunir.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La position du Sénat, que je respecte absolument, persiste à proposer un texte qui n’a strictement aucun effet juridique. Vous préférez la Charte de l’environnement de 2004 sans vous rendre compte qu’elle a un peu vieilli.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Le Premier ministre a indiqué hier, devant l’Assemblée nationale, que le Gouvernement prenait acte de cette fin de non-recevoir. La différence, que vous le vouliez ou non, entre nos positions est désormais tout à fait claire : l’urgence climatique ne présente pas, à vos yeux, le même degré d’importance qu’aux nôtres.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et GEST. – Protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Les Français, en particulier les plus jeunes, comprendront à quel point nos approches sont opposées sur ce sujet fondamental. Nul « coup de com’ », monsieur le questeur, nul artifice politicien : il n’y aura désormais pour toujours qu’une grave occasion manquée !

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas . Non, monsieur le Premier ministre, c’est vous, et vous seul, qui avez interrompu le processus de la révision constitutionnelle.

M. le garde des sceaux le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

N’est pas climatosceptique quiconque refuse de cautionner votre politique écologique. Vous n’avez pas le monopole de l’écologie.

Exclamations sur les travées des groupes RDPI, GEST et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le gaullisme, dont vous essayez de vous réclamer, monsieur le Premier ministre, ce n’est pas la pensée unique. Et nous, nous ne sommes pas une chambre d’enregistrement ! Nous avons le droit de préférer le développement durable à l’écologie de la décroissance.

Marques d ’ ironie sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ce débat de fond est digne d’être porté devant les Français. Et, croyez-moi, si vous ne le faites pas maintenant, il le sera dès 2022, sur notre initiative, à l’occasion de l’élection présidentielle !

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Alors qu’une quatrième vague épidémique menace, une inquiétude monte parmi les professionnels de santé : y aura-t-il cet été pénurie de soignants dans les hôpitaux ?

La crise de la covid-19 a été éreintante pour nos soignants. Nombre d’entre eux ont été surmenés. Ils ont besoin de souffler. L’été s’annonce donc particulièrement difficile. Il suffit de lire la presse régionale pour s’en convaincre.

Tous les voyants sont au rouge : dans La Nouvelle République, on apprend que la pénurie d’infirmiers qui s’annonce dans la Vienne est « très inquiétante » ; dans La Dépêche, on peut lire que la clinique de Montauban, en quête de nouveaux infirmiers, peine à recruter ; Le Télégramme révèle qu’il manque des infirmiers et des aides-soignants dans les établissements de santé et médico-sociaux de Bretagne ; La Voix du Nord indiquait, hier encore, que la filière médicale du groupe Randstad, dans la région des Hauts-de-France, recherchait 531 professionnels de santé d’ici à la fin de l’année…

La situation devient si catastrophique que l’on envisage, dans certains établissements, des fermetures estivales de services comme les urgences, les soins critiques ou la psychiatrie, qui relèvent pourtant de la permanence ou de la continuité des soins. C’est impensable !

Ma question est simple : que comptez-vous faire pour remédier à ce risque de carence de ressources humaines dans les hôpitaux ?

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Monsieur le sénateur Olivier Henno, depuis plus d’un an, nos soignants sont en effet soumis à une rude épreuve.

La crainte d’un rebond épidémique nous oblige à prendre collectivement la mesure du moment. D’une manière générale, hors période de crise, chaque épisode estival souffre de ce problème de désaffection du personnel. Cette période fait toujours l’objet d’attentions particulières de la part des agences régionales de santé (ARS). Cela suppose que nous apportions la réponse la plus finement adaptée aux territoires, en tenant bien évidemment compte de la diversité des zones géographiques et estivales où les choses peuvent évoluer brutalement par endroits.

Chaque établissement de santé est tenu d’anticiper l’organisation et la gestion des services au regard de la situation épidémique actuelle, de l’évolution attendue de la démographie et en fonction des impératifs de service comme des droits sociaux – je pense notamment aux congés du personnel. Vous comprendrez que cette prévision a fait l’objet, cette année, d’une attention particulière au regard de la forte mobilisation des soignants et de la nécessité qu’ils avaient de se reposer.

L’émergence du variant delta, à la fois plus contagieux et plus mortel, nous oblige à redoubler de précautions pour ne laisser aucun territoire sans offre adaptée.

Par ailleurs, face à la crise sanitaire, un certain nombre de décisions de reprogrammation de soins ont dû être prises. Les services sanitaires sont pleinement mobilisés pour assurer ces reprogrammations et permettre à tout un chacun, en particulier aux personnes les plus vulnérables, en raison de leur état de santé, de bénéficier d’un suivi particulier.

Les ARS veillent tout particulièrement à la bonne organisation de cette période sensible selon un principe de solidarité territoriale. Ainsi, dans votre région, monsieur le sénateur, le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille aide les établissements alentour, comme celui de Tourcoing, par exemple, lorsqu’ils rencontrent des difficultés pour assurer la continuité et la permanence des soins.

Nous sommes donc pleinement mobilisés, notamment en cette période de crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Merci, madame la ministre, de votre réponse, mais je ne vous cache pas que j’attendais autre chose.

Vous abordez la question sous l’angle structurel pour justifier votre politique, mais je vous parlais d’urgence. Je pense que vous minimisez le problème. Vous n’avez pas, sinon très partiellement, répondu à ma question.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, obéissant à une instruction interministérielle, les services d’archives ont dû consacrer des moyens humains considérables à déclassifier des documents secret-défense que la loi de 2008 rendait pourtant communicables de plein droit, après un délai de cinquante ans. L’accès aux archives publiques secret-défense a ainsi été massivement bloqué pendant des mois.

Le Conseil d’État vient d’annuler cette instruction, la considérant tout simplement comme illégale. Près d’un million de documents historiques ont reçu un tampon de déclassification sans aucune raison valable. Nous laisserons ainsi aux générations futures toutes ces pièces entachées de ce tampon…

Le Sénat, qui avait participé activement à l’élaboration de la loi de 2008, parce qu’elle donnait aux documents d’archives un statut patrimonial garant de leur fonction historique, vous demande pourquoi on a laissé faire une telle absurdité. Pourquoi une prétendue raison d’État l’a-t-elle emporté pour interdire à des historiens de publier des sources qu’ils consultaient jusque-là librement ?

En dépit de ce désaveu cinglant, animé par cette même volonté de censure, votre gouvernement propose maintenant, à l’article 19 du projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, de restreindre, cette fois sans limites de délai, l’accès aux archives.

Allez-vous écouter le Conseil d’État, qui considère, dans son arrêt rendu après notre discussion législative, que la loi de 2008 suffit ? Allez-vous renoncer à cet article 19 et donner le feu vert à sa réécriture, ce qui est encore possible, lors de la commission mixte paritaire du vendredi 9 juillet prochain ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER et du GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

Monsieur le sénateur Pierre Laurent, je tiens tout d’abord à affirmer que le Gouvernement n’est pas moins attaché que chacun d’entre nous à ce que les historiens puissent accéder, dans les meilleures conditions possible, aux archives publiques. Leur travail est bien évidemment indispensable.

Plus largement, le Conseil constitutionnel a reconnu que le droit d’accéder aux archives publiques était une composante importante du contrôle démocratique, par les citoyens, de l’action de l’administration.

Exclamations sur les travées du groupe SER.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

Pour preuve de cet attachement, le Gouvernement a souhaité mettre fin à certains désordres engendrés par l’obligation faite aux administrations de déclassifier les documents classifiés avant toute communication, et ce quelle que soit leur ancienneté. Cette démarche d’ouverture rejoint finalement la décision rendue tout récemment par le Conseil d’État.

M. Jean-Pierre Sueur le conteste.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

Toutefois, le droit d’accès de tout citoyen aux archives publiques n’est pas un droit absolu. La nécessité d’un contrôle démocratique sur le travail de l’administration doit être conciliée avec d’autres impératifs, également de valeur constitutionnelle. Il est bien évident que la divulgation précoce de certains documents pourrait être de nature à compromettre les intérêts fondamentaux de la Nation et doit donc être empêchée. Le rapporteur public du Conseil d’État l’a relevé dans les termes les plus nets.

Il appartient au Parlement de réaliser cette conciliation. Qui voudrait que puissent être révélés au public, y compris à des personnes ou des puissances mal intentionnées à notre égard, les plans des infrastructures de la dissuasion ou les modes d’emploi de nos armements les plus sensibles ?

Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous pouvez raconter ça à des enfants, pas à nous !

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Par ailleurs, il n’a jamais été question de fermer les archives des services de renseignement. L’article 19 du projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement aura pour seul effet d’empêcher la communication des archives qui dévoileraient des méthodes d’action encore en usage dans nos services au détriment de la sécurité des agents et de l’efficacité de leur action.

Les protestations redoublent sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa

Mais oui, c’est exactement cela !

Le texte issu des travaux du Sénat semble par conséquent réaliser une conciliation équilibrée entre les différents intérêts en jeu. C’est d’ailleurs ce qu’a également estimé le Conseil d’État, au terme d’un examen approfondi du projet de loi.

M. François Patriat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Soit vous n’avez rien compris, soit vous n’avez rien voulu comprendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Madame la ministre, vous nous répétez l’argumentation qu’avance le Gouvernement depuis le début et que l’arrêt du Conseil d’État vient justement de faire tomber en rappelant que le principe qui prévaut est celui de la communication de plein droit des archives après cinquante ans, sauf dans certains cas très précis.

Vous refusez de reprendre ce principe dans l’article 19 du projet de loi alors que cinq groupes politiques du Sénat ont proposé le même amendement de réécriture. Si vous vous entêtez et que vous laissez la commission mixte paritaire se dérouler dans ces conditions, la parole publique sera durablement entachée sur la question majeure de l’accès au patrimoine de tous les Français.

Vifs applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, plus un seul jour ne passe sans qu’une cyberattaque survienne. Comme nous alertait le directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) voilà quelques semaines, la menace croît et plus grand monde n’est à l’abri.

Certaines attaques sont moins médiatisées, mais peuvent entraîner des conséquences redoutées. C’est le cas du centre hospitalier de Mayotte, qui connaît chaque mois, près de 400 tentatives. Un chiffre vertigineux dans un contexte de pandémie. D’autres sont massives, comme celle, toujours en cours, contre l’entreprise Kaseya, qui paralyse 1 500 de ses clients, dans douze pays.

Les cyberattaques sont toujours plus sophistiquées, les cyber-rançonneurs se professionnalisent. Et demain, dans un monde toujours plus interconnecté, les vecteurs de cyberattaques ne cesseront de se multiplier.

Mais le plus inquiétant est le profil des trois principales victimes d’attaques par rançongiciel en France, à savoir les collectivités territoriales, les établissements de santé et les entreprises du secteur industriel.

Nos TPE et nos PME, déjà bien éprouvées par la crise économique, développent de nouvelles vulnérabilités avec le télétravail ou encore le recours massif aux services du cloud. Comme le montre la cyberattaque en cours, elles sont directement touchées lorsque sont visés des fournisseurs de services informatiques.

En février dernier, le Président de la République a présenté une stratégie nationale de sursaut avec un plan doté de 1 milliard d’euros pour aider à renforcer les systèmes de protection informatique et soutenir la filière française de la cybersécurité. La semaine dernière encore, il a annoncé un plan Innovation Santé 2030, dans lequel 650 millions d’euros seront consacrés à la santé numérique, dont une partie à la cybersécurité.

Monsieur le secrétaire d’État, où en sommes-nous dans le déploiement de notre stratégie d’accélération en matière de cybersécurité, notamment dans l’accompagnement de nos TPE et PME face à la menace cyber ?

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Monsieur le sénateur Mohamed Soilihi, merci de mettre l’accent sur ce sujet.

Il s’agit, en quelque sorte, d’une nouvelle pandémie qui touche, comme vous l’avez souligné, absolument tout le monde, et notamment les plus fragiles : hôpitaux, collectivités territoriales, TPE et PME et l’ensemble des citoyens.

Le centre hospitalier de Dax, par exemple, touché au tout début de l’année, se remet à peine aujourd’hui à fonctionner normalement. C’est dire combien la question de la cybersécurité est essentielle, particulièrement dans un contexte de crise sanitaire.

C’est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité, voilà quelques mois, faire de la cybersécurité une cause nationale. Notre stratégie repose sur plusieurs éléments.

Il s’agit, tout d’abord, de renforcer notre niveau de préparation dans l’ensemble des domaines et des secteurs, avec notamment un plan pour les hôpitaux, en particulier pour les centres hospitaliers outre-mer, où il serait beaucoup plus difficile de détourner les flux de patients en cas d’attaque.

Il s’agit, ensuite, de renforcer les moyens de l’Anssi et ceux de la coopération judiciaire avec les autres pays, sous l’égide d’Éric Dupond-Moretti. Nous avons déjà rencontré certains succès avec l’arrestation, voilà quelques jours, des membres du groupe cybercriminel Imhotep, en Ukraine.

Il s’agit, enfin, d’apporter une réponse technologique. C’est la raison pour laquelle l’État et l’ensemble de l’écosystème investiront plusieurs centaines de millions d’euros dans les mois qui viennent. Car nous pouvons à la fois participer à la protection contre les attaques et développer nos emplois dans ce qui est aussi un domaine de compétence française.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la semaine dernière, dans cet hémicycle, notre collègue Catherine Procaccia interrogeait le Gouvernement sur les mesures concrètes qu’il comptait prendre face à la quatrième vague, sans obtenir de réponse précise.

Depuis, la seule annonce concrète est celle d’un projet d’obligation vaccinale pour les soignants. Pour légitime qu’il puisse être, ce projet n’aura qu’une influence marginale sur l’évolution de cette quatrième vague.

Je réitère donc la question de notre collègue : quelles actions concrètes comptez-vous prendre pour protéger les Français ? Et je ne peux que vous inviter à vous référer aux projets de notre mission commune d’information destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d’activités…

Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Monsieur le sénateur Bernard Jomier, je pense que vous partagez, comme moi, la préoccupation majeure de protéger les Français durant cette crise sanitaire – personne ne peut se renvoyer la balle sur un tel sujet.

Vous connaissez le contexte actuel : le taux d’incidence du virus remonte progressivement pour atteindre aujourd’hui 24 pour 100 000. Cette augmentation s’accentue sous l’influence du variant delta, 60 % plus contagieux que le variant alpha dominant, ce qui entraîne une flambée épidémique.

La solution est à portée de main. Pour autant, le nombre de rendez-vous de vaccination est resté stable pendant plusieurs semaines, alors que nous disposons des doses et des dates. Nous notons ces derniers jours, à la suite de nos appels, une légère augmentation de la demande de rendez-vous pour une injection.

Il est impératif que cette augmentation se confirme et s’amplifie pour lutter contre le variant delta. Il faut aller se faire vacciner sans aucune hésitation : 1 700 centres de vaccination sont opérationnels, partout en France. Nous nous mobilisons sur l’ensemble du territoire, pendant tout l’été.

Nous mettons en œuvre d’importants dispositifs « d’aller vers » avec, par exemple, des centres de vaccination éphémères sur les lieux culturels, comme au festival d’Avignon ou au Printemps de Bourges, des « vaccibus » en Nouvelle-Aquitaine pour les saisonniers, des centres de vaccination mobiles dans les Landes pour aller à la rencontre des publics éloignés et des opérations spéciales en Île-de-France, comme à la Canopée des Halles ou à La Défense.

En outre, afin de faciliter la vaccination, nous avons assoupli les délais entre deux injections.

Quoi qu’on en dise, monsieur le sénateur, la vaccination, c’est la clé pour garantir notre retour à une vie normale, pour nous protéger et protéger ceux qui nous sont chers. J’appelle donc tous les Français à se faire vacciner, notamment pendant cette période estivale.

M. Alain Richard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Par rapport à la semaine dernière, vous annoncez une politique de « l’aller vers » en termes de vaccination. Nous pouvons le saluer, même si on n’observe encore aucune traduction concrète.

La stratégie « tester-tracer-isoler », que nous avions dû abandonner en raison du niveau trop élevé de l’épidémie, peut de nouveau être menée de manière efficace et permettre de remonter les chaînes de contamination. Nous avions bien pris note que c’était théoriquement le cas depuis le 1er juillet. Toutefois, l’effectivité de cette mesure n’est pas complète.

Le dépistage est essentiel pour limiter l’ampleur de la vague. Il faudra être prêt, à la rentrée scolaire, comme le démontre l’étude de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes que nous avons commandée, à mettre en place un dépistage itératif pour les enfants de moins de 12 ans. Il faudra, pendant l’été, vacciner les adolescents et donc mettre en place des dispositifs spécifiques pendant les vacances. Il faudra aussi les vacciner dans les lycées et collèges, à la rentrée, comme le propose le président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, ce que refuse pourtant le ministre de l’éducation nationale.

Je vous invite bien évidemment à intensifier la vaccination, dans toutes ses dimensions, y compris l’obligation, mais aussi à ne pas négliger les autres mesures qui permettront de transformer la vague en vaguelette.

Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Roux

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question concerne notre politique de prévention des inondations et les moyens financiers pour la mettre en œuvre.

La compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), confiée aux intercommunalités depuis sept ans, a permis d’apprécier finement les risques encourus par les populations et les investissements indispensables pour les protéger.

Elle s’appuie sur une ressource optionnelle pouvant aller jusqu’à 40 euros par habitant, dont nous savons tous ici qu’elle n’est pas à la hauteur des enjeux. Nous l’avons encore souligné lors de l’examen du projet de loi Climat et résilience.

Les élus des territoires de faible densité, avec des linéaires de cours d’eau capricieux, tirent la sonnette d’alarme. Ils ne parviendront pas à assurer la sécurité de leur population face aux risques d’inondation.

Permettez-moi, mes chers collègues, de vous donner l’exemple de la communauté de communes Alpes Provence Verdon. Les besoins d’entretien des digues pour 2021 se montent à 950 000 euros, soit le plafond des ressources possibles. Les investissements à venir sont estimés à 10 millions d’euros a minima, avec un reste à charge écrasant. Combien, dans notre pays, de communautés de communes comme celle d’Alpes Provence Verdon ? Combien de communautés de communes comme celle de Jabron-Lure-Vançon-Durance ? Combien comme celle du Sisteronais-Buëch ? Il y en a beaucoup !

Mes chers collègues, la prévention des inondations nécessite une solidarité nationale pleine et entière.

Monsieur le secrétaire d’État, non, les ressources Gemapi ne sont pas sous-utilisées. Elles sont mal réparties et profondément inégalitaires, faisant peser une imposition importante sur des populations qui n’ont aucune assurance que leur sécurité soit garantie.

Non, les ressources Gemapi ne sont ni suffisantes ni à la hauteur des enjeux climatiques. Les régions ne se précipiteront pas pour reprendre la gestion de la compétence !

Mes chers collègues, hélas, le réchauffement climatique et la violence d’intempéries futures n’attendront pas que toutes nos collectivités aient les moyens de prévenir les risques mortels d’inondations pour faire des ravages.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Roux

M. Jean-Yves Roux. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, que pouvez-vous proposer rapidement pour prévenir, avec les collectivités concernées, ces risques mortifères dans nos territoires ?

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la ruralité.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud

Monsieur le sénateur Roux, vous l’avez rappelé, la loi Maptam, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, a créé une taxe destinée à financer la Gemapi, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. Je me souviens d’ailleurs que l’amendement ayant institué cette taxe avait été adopté par le Sénat, après plusieurs rapports sénatoriaux et un travail de fond conduit avec le Gouvernement.

Les principes sur lesquels repose la taxe, qui n’ont pas changé depuis 2014, restent pleinement valables. Premier principe, il s’agit d’une recette locale pour une problématique locale. La gestion relative au risque d’inondation n’est pas de même intensité partout ; elle n’existe d’ailleurs pas partout. Le Gouvernement reste attaché à ce que le financement de la compétence relève bien des décideurs locaux et non pas des décideurs nationaux.

Second principe, cette taxe est facultative, tous les EPCI n’ayant pas les mêmes besoins pour ce qui concerne cette taxe, du moins pas dans les mêmes proportions. Par ailleurs, tous les territoires ne sont pas organisés de la même manière : certains EPCI gèrent directement la compétence ; d’autres le font au travers de syndicats de rivière, voire de plusieurs syndicats ; d’autres encore la financent par le biais de contributions budgétaires.

Troisième principe, le plafond de cette taxe a été fixé à 40 euros par habitant et par an, ce qui permet de limiter la pression fiscale.

J’observe que les capacités de la taxe Gemapi ne sont d’ailleurs pas intégralement mobilisées. En 2020, 603 intercommunalités percevaient la taxe pour 204 millions d’euros, soit moins de 6 euros par habitant. Ainsi, dans les Alpes-de-Haute-Provence, cinq intercommunalités sur huit l’ont instaurée. La communauté de communes Alpes Provence Verdon a perçu 638 000 euros, le plafond étant de 940 000 euros. La communauté de communes Jabron-Lure-Vançon-Durance a prélevé 48 000 euros, pour un plafond de 239 000 euros, tandis que celle du Sisteronais-Buëch a perçu 149 000 euros, pour un plafond de 1, 2 million d’euros.

Pour autant, j’en suis conscient, monsieur le sénateur, il existe des marges de manœuvre. Toutefois, l’enjeu est spécifique à la montagne. J’observe que, pour ce qui concerne les intercommunalités des départements alpins, la plupart d’entre elles ont institué cette taxe.

Je m’engage donc à examiner avec vous et de très près les conditions et les marges de manœuvre actuelles, afin de vérifier qu’elles sont bien adaptées ou, au contraire, nécessitent des évolutions opportunes.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarités et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.

Le 1er juillet dernier, le Conseil d’État a donné neuf mois, seulement neuf mois, à l’État français pour définir de nouvelles mesures de politiques publiques lui permettant de tenir ses engagements climatiques. Nous venons par ailleurs d’examiner ici la loi Climat et résilience, très vaguement inspirée des travaux de la Convention citoyenne pour le climat.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Pour ce qui concerne cette loi, l’étude d’impact et l’avis du Haut Conseil pour le climat sont sans appel : elle ne permet pas d’atteindre les objectifs internationaux sur lesquels la France s’est engagée dans le cadre de l’accord de Paris. Les projections nous font espérer, au mieux, une réduction de 30 % à 35 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, loin de l’objectif de 2015 – une réduction de 40 % –, et encore bien plus loin du nouvel objectif fixé par le Conseil européen, à savoir une réduction de 55 %, toujours d’ici à 2030.

Ma question est donc simple, monsieur le ministre. Le Gouvernement doit maintenant faire au Parlement de nouvelles propositions pour que la France tienne ses engagements. Comment, concrètement, comptez-vous donc procéder ? Pour éviter une réponse un peu floue – ça peut arriver ! –, je poserai deux questions complémentaires plus précises.

Allez-vous, dans le cadre de la navette parlementaire et de la commission mixte paritaire, chercher à garder les mesures les plus ambitieuses qu’a proposées le Sénat, comme la dotation climat pour les collectivités ou la TVA à 5, 5 % sur les billets de train, ce qui renforcerait déjà la loi ? Néanmoins, cela ne suffirait pas !

Ma seconde interrogation sera binaire : préférez-vous utiliser la loi actuelle ou bien, au contraire, mettre en chantier, au cours des neuf mois qui viennent, une vraie loi Climat, …

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

M. Ronan Dantec. … afin de répondre à l’urgence climatique ?

Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Un sénateur Les Républicains siffle.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste Djebbari

Monsieur le sénateur Dantec, il est devenu fréquent que les juridictions se prononcent sur les actions engagées par les gouvernements. Tel a été par exemple le cas en Allemagne, où le juge constitutionnel a censuré la loi pour insuffisances en termes d’action climatique.

Tel n’est pas le cas en France, puisque le Conseil d’État nous fait simplement injonction de mettre en œuvre complètement les mesures qui sont d’ores et déjà engagées dans le cadre du plan de relance, et notamment les mesures inscrites dans le cadre du projet de loi Climat et résilience.

Vous le savez, dans le plan de relance, 30 milliards d’euros sont consacrés à notre action en faveur du climat, avec, d’ores et déjà, depuis 2019, des résultats dans le domaine industriel, en particulier dans le bâtiment.

S’agissant des transports, les faits parlent pour eux-mêmes. Depuis 2017, nous avons réengagé plus de 75 milliards d’euros d’investissements en faveur du système ferroviaire.

Pour ce qui concerne les véhicules individuels, qui émettent, vous le savez, 50 % des émissions liées aux transports, nous soutenons l’une des transformations les plus rapides de l’industrie automobile, avec un plan massif de déploiement des bornes, le soutien aux constructeurs et des aides inédites pour les consommateurs.

L’année dernière, nous avons baissé le niveau d’émissions de 15 % par rapport à l’année précédente. Ces mouvements s’accéléreront encore à la suite des annonces des constructeurs français.

Nous serons au rendez-vous de cette transformation, monsieur le sénateur, et de cette révolution dans les transports et dans l’énergie. Nous serons au rendez-vous des exigences accrues que présentera la Commission européenne dans les toutes prochaines semaines.

MM. Alain Richard et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre, le Conseil d’État vous demande d’en faire plus, vous nous répondez en évoquant ce que vous faites déjà. Cela ne colle pas ! Si vous manquez d’idées, je vous propose de lire la vraie loi Climat proposée par le groupe écologiste, qui indique comment on pourrait atteindre une réduction de 55 % de nos émissions en 2030.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Monsieur le ministre, le redémarrage de l’économie mondiale exerce une pression sur les matières premières, dont nous sommes souvent dépendants, entraînant ainsi des difficultés d’approvisionnement pour nombre d’entreprises.

Nous avons pourtant au cœur de nos territoires une matière première de qualité en quantité : le bois. Pourtant, cette filière est confrontée à de graves difficultés d’approvisionnement. Faut-il le rappeler, la forêt française est la quatrième surface boisée de l’Union européenne. Notre filière bois représente 440 000 emplois, 60 000 entreprises et 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Or la demande mondiale grandissante pour nos essences, et particulièrement nos chênes, et l’absence de régulation de nos exportations entraînent de lourdes conséquences sur nos territoires.

En effet, à l’heure actuelle, un chêne récolté sur trois part en Chine sans transformation ni valeur ajoutée pour le territoire. Force est de le constater, les scieries sont contraintes de fonctionner en sous-régime. Elles sont appelées à chômer et fonctionnent aujourd’hui à 60 % de leurs capacités de production. La région Grand Est se trouve particulièrement concernée, du fait de la proximité des ports belges.

Face à ce phénomène, de nombreux pays réagissent, afin de protéger leur filière. Je pense notamment aux États-Unis et à la Russie, qui ont déjà mis en place des mesures de protection.

Pendant que la Chine importe nos bois, elle protège ses forêts et y investit pour l’avenir. Même si la labellisation Union européenne a porté ses fruits dans la forêt publique, ce n’est absolument pas suffisant à ce jour !

Monsieur le ministre, il est donc urgent d’agir. Si aucune mesure de régulation n’est prise, c’est toute la filière qui sera touchée. Que comptez-vous faire pour préserver et mieux valoriser nos ressources et, ainsi, mieux garantir l’approvisionnement de la filière ? Si rien n’est fait, des entreprises disparaîtront !

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

Monsieur le sénateur Franck Menonville, je vous remercie de pointer du doigt ce sujet très compliqué, qui suscite une profonde inquiétude pour l’ensemble de l’activité forestière de notre pays.

Du fait de la tension sur les marchés des matières premières, nous voyons arriver des traders qui viennent spéculer sur les offres de vente de bois, particulièrement les grumes de chêne, mais aussi d’autres essences forestières. Ce faisant, ils captent la ressource forestière et empêchent les scieries de notre territoire de la transformer.

Ce sujet, que nous connaissons depuis longtemps, prend des proportions considérables et constitue une véritable source d’inquiétude.

Premièrement, nous avons réuni à plusieurs reprises la filière, pour mettre en place des dispositifs, tels que le label Union européenne. Toutefois, ce dernier ne concerne que le chêne et seulement dans les ventes publiques. L’Office national des forêts (ONF) est déjà engagé dans ce dispositif et plusieurs vendeurs privés y entrent aujourd’hui.

Deuxièmement, la contractualisation, qui doit être amplifiée, constitue un élément important. Si elle est nécessaire, elle ne sera pas suffisante à court terme, car elle prend du temps.

Troisièmement, il convient de porter le sujet au niveau européen, et je m’y emploie en tant que ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Vous l’avez dit, d’autres puissances forestières ont pris des mesures.

Quatrièmement, il est nécessaire de mettre en place des certificats de qualification – le Sénat a récemment adopté une telle mesure –, pour que seules les personnes bénéficiant de ces certificats puissent répondre aux appels d’offres. Souvenez-vous de la loi Macron dans le BTP !

M. Stéphane Piednoir ironise.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

Il nous faudra peut-être aller encore plus loin. Je pense notamment à d’éventuelles mesures fiscales, dont nous débattrons. Quoi qu’il en soit, soyez-en sûr, monsieur le sénateur, il s’agit d’un vrai sujet de préoccupation, que nous prenons à bras-le-corps avec les acteurs de la filière. Notre bois français doit bénéficier à notre forêt française.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Monsieur le garde des sceaux, un rapport récent de l’inspection générale de la justice dresse un bilan catastrophique de la situation dans les structures d’accueil pour jeunes mineurs. Ce rapport concerne toutes les formes de structures d’accueil pour mineurs : foyers, centres éducatifs fermés, publics ou associatifs.

On apprend dans ce rapport, étayé de nombreux exemples, que la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est en proie au séparatisme religieux.

Que nous disent leurs auteurs ? Que des repas confessionnels sont proposés aux mineurs sans autorisation ni demande ; qu’un protocole ramadan est rédigé par les éducateurs, en totale contradiction avec les règles de la protection judiciaire de la jeunesse et de la fonction publique ; que des éducateurs, parfois agents publics, s’auto-attribuent le rôle de conseiller spirituel ; que certains de ceux qui sont chargés d’éduquer refusent de serrer la main de leurs collègues féminines ; que des éducateurs font la morale aux jeunes, car leur comportement n’est pas conforme aux préceptes religieux.

Les inspecteurs généraux ont découvert également qu’il n’est pas inhabituel que des candidats présentant des casiers judiciaires chargés, ou signalés pour des suspicions de radicalisation, se présentent au concours ou pour occuper des fonctions contractuelles auprès des mineurs.

Monsieur le ministre, la PJJ connaît de graves difficultés et ce sont vos services d’inspection qui le constatent et l’écrivent. Le principe de laïcité s’impose à tout agent de l’État, a fortiori lorsqu’il a un rôle d’éducateur.

Pourquoi êtes-vous resté silencieux sur les conclusions de ce rapport ? Qu’avez-vous fait depuis sa publication ? Pensez-vous que ces pratiques communautaristes aident les jeunes confiés à la PJJ à se réinsérer dans notre société ? Pensez-vous qu’il faille mettre un terme aux dérives communautaristes de la PJJ ? Le cas échéant, comment comptez-vous vous y prendre ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Madame la sénatrice, c’est le ministère de la justice qui a demandé ce rapport.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

En effet, un certain nombre d’éléments nous faisaient craindre les exemples absolument désastreux que vous stigmatisez à juste titre et que je stigmatise également.

Avant la remise de ce rapport en janvier 2021, j’avais rédigé, en décembre 2020, une première note rappelant à quel point la laïcité est absolument essentielle, particulièrement à la PJJ, pour des raisons qu’il n’est pas besoin de développer davantage.

J’ai rédigé ensuite une deuxième note, en date du 11 décembre 2020, pour redire à quel point la laïcité était importante et pour rappeler les règles.

Une fois ce rapport transmis, nous en avons tiré un certain nombre de conclusions immédiates. Tout d’abord, nous avons engagé des procédures disciplinaires, qui sont en cours. Elles entraîneront bien évidemment, si les faits sont confirmés, les sanctions qui conviennent.

Ensuite, j’ai élaboré un plan d’action destiné à la PJJ, qui prévoit, bien sûr, la réaffirmation des principes de laïcité. Sur l’espace intranet dont je suis à l’origine, j’ai répondu à toutes les questions que pouvaient se poser les éducateurs face aux revendications des mineurs.

Enfin, nous avons clarifié le cadre juridique, pour une meilleure appropriation par les personnels des règles applicables. Je vous informe que le Conseil d’État sera saisi de cette question. Nous souhaitons bien évidemment que ces chantiers aboutissent le plus rapidement possible. Je suis à votre disposition pour vous communiquer tous les éléments qui sont à ma disposition.

M. Stéphane Piednoir ironise.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Je le précise, ce que l’on a pu lire dans la presse est exagéré par rapport aux conclusions rendues par l’inspection générale de la justice, qui montre une fois encore son indépendance, tout en nuançant ce que vous nous présentez comme une véritable catastrophe.

Certes, face aux dysfonctionnements relevés, je prendrai toutes les mesures qui s’imposent, y compris des mesures disciplinaires. Sachez-le, madame la sénatrice, le Gouvernement est particulièrement attentif aux questions de laïcité, surtout quand elles concernent les enfants !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le ministre, j’aurais aimé vous entendre dire que vous alliez demander à la PJJ d’apprendre aux jeunes à aimer la France

Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Je vous ai signalé qu’un certain nombre de personnes emmenaient les jeunes sur le chemin du communautarisme. Selon moi, ils méritent mieux que cela. Vous m’avez donné des réponses très techniques. Remédier à la solution relève de votre responsabilité, comme de celle du Gouvernement !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Monsieur le ministre, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’a eu de cesse, ces derniers mois, d’interpeller le Gouvernement sur l’inadéquation de son action avec les engagements internationaux de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, objectif désormais fixé à 55 % dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe et inscrit dans la loi Climat, après l’adoption d’un amendement par le Sénat.

Lors de l’examen de ce projet de loi Climat, dont le Haut Conseil pour le climat a souligné le manque d’ambition, le Gouvernement reconnaissait lui-même que ce texte ne permettrait pas à lui seul de respecter ses engagements. Mais nous étions invités à analyser la politique gouvernementale dans son ensemble, pour en comprendre la réelle portée.

Or, c’est précisément, comme l’a rappelé Ronan Dantec, ce que vient de faire le Conseil d’État dans une décision historique sans précédent.

Le 1er juillet, il a ainsi fixé un ultimatum à l’État français – celui-ci devra agir dans les neuf mois –, en enjoignant au Premier ministre de « prendre toutes les mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre ». L’heure est donc à l’urgence.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer la volonté du Gouvernement de maintenir dans la loi Climat l’inscription, à la suite de l’adoption du Pacte vert européen, d’une réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre ? Au-delà de l’injonction du Conseil d’État, quelles mesures complémentaires envisagez-vous pour atteindre ce nouvel objectif ?

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste Djebbari

Monsieur le sénateur, je vais redire ce que j’ai dit précédemment : nous serons au rendez-vous des exigences que nous sommes en train de bâtir, notamment au niveau européen, avec un renforcement des mesures que nous prenons pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer la qualité de l’air.

Vous le savez, depuis 2019, nous enregistrons des résultats dans les secteurs du bâtiment et de l’industrie. Nous avons engagé de très grandes transformations, notamment dans les secteurs du transport et de l’énergie.

Elles ont mobilisé des moyens importants, à hauteur de 75 milliards d’euros sur dix ans, dans le secteur ferroviaire. Nous avons mis un terme au sous-investissement chronique que nous connaissions jusqu’à présent, en relançant des politiques écologiques qui n’étaient plus financées et ne trouvaient plus leur public. Je pense notamment au fret ferroviaire, aux trains de nuit, ainsi qu’aux petites lignes ferroviaires.

Par ailleurs, nous avons engagé une très grande transformation technologique et industrielle autour de la filière automobile. Celle-ci, vous le savez, représente 50 % des émissions liées au transport, lesquelles représentent elles-mêmes 30 % des émissions nationales.

Nous serons donc au rendez-vous. Nous avons bâti des dispositifs de soutien pour que l’ensemble des Français aient accès à des véhicules à des coûts abordables. Je le redis ici, quand vous cumulez le bonus électrique, les primes à la conversion et les aides des collectivités pour un véhicule électrique neuf, vous pouvez recevoir jusqu’à 19 000 euros de primes.

Nous structurons un marché de l’occasion ; nous déployons très massivement des bornes de recharge ; l’ensemble du tissu industriel, les constructeurs français et européens, ont pris des engagements permettant d’accélérer très substantiellement ce qui était, voilà quelque temps, les courbes de référence.

Je le répète, nous serons au rendez-vous, monsieur le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Monsieur le ministre, la communication ne doit pas se substituer à l’action. L’heure du bilan du quinquennat en matière environnementale approche, et la politique de transition écologique ressemble de plus en plus à un renoncement écologique, voire à une illusion écologique.

Renoncement au respect des échéances ; renoncement à la nécessité de changer nos logiciels pour produire, consommer et travailler différemment ; renoncement à cette belle ambition du développement durable, qui conjugue les performances éthiques et les justices économique, environnementale et sociale.

Sachez-le, dans les collectivités que nous administrons, nous serons au rendez-vous, dans un an, pour faire ce que vous n’aurez pas fait !

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Lassarade

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, selon Santé publique France, alors que 92 % des médecins généralistes sont vaccinés contre la covid-19, seulement 57 % des professionnels des Ehpad, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, et 64 % des professionnels des établissements de santé ont reçu au moins une dose de vaccin contre la covid-19.

La couverture vaccinale des soignants reste insuffisante, et on a déjà pu observer une reprise épidémique dans certains Ehpad.

En Italie, la vaccination a été rendue obligatoire pour les soignants au mois de mai ; ils sont désormais 98 % à avoir reçu une première dose. Le Royaume-Uni a annoncé qu’il allait rendre obligatoire la vaccination complète contre le coronavirus pour toutes les personnes travaillant dans les maisons de retraite.

Madame la ministre, l’obligation vaccinale en France ne serait en aucun cas une nouveauté ! La première fois qu’une loi a imposé l’obligation vaccinale, c’était en 1902 pour protéger la population contre la variole. Cette mesure a disparu avec l’extinction de la maladie.

Agnès Buzyn a rendu onze vaccins obligatoires pour les nourrissons, ce qui a contribué à renforcer la confiance des parents dans les vaccins.

Quatre vaccins sont déjà obligatoires pour les soignants : l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite.

Dans un arrêt rendu le 8 avril 2021, la Cour européenne des droits de l’homme souligne que l’obligation vaccinale est « nécessaire dans une société démocratique », lorsqu’il y a un impératif de santé publique.

Alors que la menace d’une quatrième vague épidémique liée à la propagation du variant delta, voire du variant epsilon, se profile, allez-vous rapidement proposer, madame la ministre, de rendre la vaccination contre la covid-19 obligatoire pour les professionnels de santé ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Madame la sénatrice Florence Lassarade, à ce jour, un lit de réanimation sur cinq est encore occupé par un patient atteint de la covid-19. Si cette part continue de baisser, fruit des efforts consentis par les Français, on en conviendra, l’émergence de nouveaux variants, plus contagieux et potentiellement plus mortels, nous oblige à redoubler de vigilance, vous avez raison.

Dans ce contexte, la protection des plus vulnérables, quel que soit leur statut, est vitale et, donc, prioritaire. Leurs soignants et leurs accompagnants doivent se faire vacciner, nous en sommes convaincus. C’est un impératif qu’il me semble nécessaire de rappeler. Pourtant, la couverture vaccinale des soignants est plus faible que celle de la population générale.

Alors que 81 % des résidents des Ehpad sont vaccinés – nous avons choisi sciemment de commencer par eux cette campagne vaccinale –, seulement 60 % des professionnels de santé, même s’il y a eu un rebond ce mois-ci, sont vaccinés. Malgré une forte progression, ce taux est nettement insuffisant, vous avez raison de le souligner. Par ailleurs, il existe de très grandes disparités d’un établissement à l’autre.

Je lance de nouveau en cet instant un appel solennel aux soignants, notamment en Ehpad, à se faire vacciner. C’est un sujet de responsabilité qui nous oblige tous. La situation pourrait nous contraindre à une obligation vaccinale, par voie légale, des soignants.

À cet égard, nous avons souhaité lancer une large concertation, car cette obligation vaccinale ne se fera pas sans consensus. À ce titre, je recevrai cet après-midi avec Olivier Véran les ordres professionnels, les fédérations hospitalières et les Ehpad. Le Premier ministre recevra jeudi, sur ce sujet, l’ensemble des présidents des groupes parlementaires et des associations d’élus.

Pour autant, je crois utile de le rappeler, la vaccination obligatoire, vous l’avez dit, n’est pas nouvelle, puisqu’elle concerne déjà les soignants. C’est d’ailleurs une mesure de bon sens. Ainsi, quatre vaccins sont obligatoires – il s’agit de la diphtérie, du tétanos, de la poliomyélite et de l’hépatite B –, tandis que six autres sont très fortement recommandés – la rougeole, la rubéole, la varicelle, la coqueluche et la grippe.

Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon

Je vous invite donc de nouveau à relayer cet appel à vacciner.

M. François Patriat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Florence Lassarade, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Lassarade

Mme Florence Lassarade. La concertation, c’est bien. La décision et l’action, c’est tout de même beaucoup mieux, et impératif désormais !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet . Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question concerne le Versailles du cheval, le Haras national du Pin, bien évidemment cher au cœur des Normands et de notre président Gérard Larcher.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je voudrais d’abord remercier les ministres Jacqueline Gourault et Julien Denormandie d’avoir engagé, par lettre rectificative au projet de loi 3DS, projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique, la dissolution de l’établissement public administratif du Haras du Pin, qui ne donnait pas satisfaction.

Ils ont ainsi répondu à l’appel du député Jérôme Nury du président du conseil départemental de l’Orne, Christophe de Balorre et du président de la région, Hervé Morin. Les collectivités – département et région – ont ainsi souhaité reprendre en main la mise en place d’un projet ambitieux touristique et sportif.

Ce texte est discret sur les délais d’exécution. Compte tenu de l’importance de ce dossier pour le département de l’Orne, mais aussi pour l’Institut français du cheval et de l’équitation et pour l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, il est important que le Gouvernement s’engage sur un calendrier précis.

Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager sur la dissolution effective de l’établissement public au plus tard dans les six mois de la promulgation de la loi, avec un transfert concomitant des biens immobiliers à l’État et des biens mobiliers au département de l’Orne ?

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

Madame la sénatrice Nathalie Goulet, ma réponse sera très claire.

Premièrement, le Gouvernement soutient pleinement le projet, et je vous remercie de vos propos.

Deuxièmement, ce projet devra se faire le plus rapidement possible. La date précise sera d’ailleurs discutée dans le cadre des amendements déposés sur le projet de loi 3DS.

Troisièmement, ce calendrier devra être compatible avec l’ensemble des échéances à court et moyen terme que nous devons respecter. Il implique le beau territoire normand, mais aussi l’Institut français du cheval et de l’équitation et la renommée internationale de notre pays. Je pense notamment à des sujets que vous suivez de près, comme les championnats mondiaux qui se tiendront dans les prochaines années.

Je le répète donc très clairement : ce projet doit se faire, et le plus rapidement possible. J’en veux pour preuve la lettre rectificative au projet de loi, qui a été présentée par le Gouvernement en conseil des ministres. Il s’agit en effet de veiller à ce que l’insertion d’une telle disposition au sein du projet de loi ne puisse être remise en cause.

C’est la preuve la plus précise, la plus forte, du soutien du Gouvernement à ce projet. Pourquoi un tel soutien ? Deux raisons y président.

Tout d’abord, je voudrais le souligner, les élus locaux, les collectivités locales, de ce beau département de l’Orne et de cette région Normandie soutiennent depuis des années ce projet ; et ils ont raison ! Je voudrais leur rendre hommage.

Ensuite, le haras du Pin – je le connais bien, y compris à titre personnel – est un joyau qui date de plusieurs siècles, un lieu d’exception et d’expertise, qui a connu de grands vétérinaires, monsieur le président

Exclamations amusées.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

Ce projet est un très beau projet ; nous le soutiendrons totalement.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le ministre, j’ai rappelé votre engagement ; je vous ai d’ailleurs remercié, ainsi que Jacqueline Gourault. Mais une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance ! C’est la raison pour laquelle je posais de nouveau la question.

Vous avez évoqué les événements internationaux qui vont se dérouler au haras du Pin, dont les championnats du monde. De ce point de vue, tout retard sera extrêmement préjudiciable. Vous savez que faire et défaire, c’est toujours travailler : nous avions défendu les mêmes arguments au moment de la création de l’établissement public à caractère administratif, qui s’est avéré ne pas fonctionner.

C’est vraiment très important. Nous vous faisons confiance, mais il faudra assurer la mise en place de ce projet dans un délai qui ne soit pas celui du refroidissement du fût du canon !

Sourires. – Applaudissements sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Ma question, à laquelle j’associe l’ensemble des sénateurs des départements de l’appellation « champagne », s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, d’aucuns se souviendront de la condamnation, en 1993, par la cour d’appel de Paris, d’une grande maison de couture française, jugée coupable d’avoir nommé l’un de ses parfums Champagne.

Trente ans plus tard, la question de la protection de l’intégrité de cette appellation est de retour dans l’actualité.

En effet, une loi signée le 2 juillet dernier par le président de la Fédération de Russie interdit désormais aux bouteilles importées de l’étranger de faire figurer la mention traduite en russe du mot « champagne » et en laisse l’usage exclusif aux producteurs russes, tout en reléguant l’original français au rang de « vin mousseux ». C’est un comble pour cette appellation d’origine contrôlée, dont la reconnaissance de la paternité champenoise a pris plusieurs siècles !

Le comité interprofessionnel du vin de Champagne a annoncé suspendre ses exportations vers la Russie tant que ce conflit commercial n’aura pas trouvé de résolution satisfaisante.

En s’arrogeant un patrimoine vinicole dont la France est l’exclusive titulaire, la Russie contrevient allègrement aux conventions du commerce international et exerce une pratique concurrentielle déloyale à l’égard de son troisième partenaire économique.

Les producteurs français n’auraient pas la prétention de s’arroger la paternité de la production de bortsch, de vodka ou de caviar de saumon russe ; de même, les producteurs russes sont tenus de respecter le patrimoine étranger protégé et ne sauraient contrevenir aux règles élémentaires du droit du commerce sans encourir les sanctions légalement applicables.

Voici ma question : quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre à l’encontre de la Russie dans le but de garantir l’exclusivité française de l’appellation « champagne » et de restaurer la pleine application du droit du commerce ?

Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Alain Richard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Monsieur le sénateur Lefèvre, vous avez raison ; votre diagnostic est juste et vos inquiétudes légitimes quant à cette nouvelle loi russe, qui est très récente – elle date de vendredi dernier.

Julien Denormandie, Franck Riester et moi-même sommes extrêmement mobilisés, tant pour l’analyser très concrètement – c’est un prérequis – que pour en enrayer les conséquences sur les professionnels des vins et spiritueux, en particulier sur nos exportations de champagne. Substituer, même en cyrillique, le mot « mousseux » au mot « champagne », ce n’est pas très convenable, avouons-le !

Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian

Je remarque d’ailleurs qu’il ne s’agit pas de la première initiative protectionniste russe dans ce domaine viti-vinicole : nous avons déjà eu l’occasion, au cours des derniers mois, d’exprimer au niveau européen nos préoccupations en matière de respect de nos indications géographiques protégées.

Face à cette situation, nous avons engagé des discussions avec les professionnels. Nous allons dans les jours qui viennent prendre les contacts nécessaires et organiser les rencontres qui doivent l’être avec les autorités russes. Et nous allons agir au niveau européen pour faire en sorte que les intérêts de nos producteurs et nos indications géographiques soient protégés. Nous avons prévu de le faire dès la semaine prochaine lors d’une réunion sur les obstacles à l’accès aux marchés auxquels sont confrontées nos entreprises.

Dans un premier temps, nous allons parler. Si d’aventure c’était nécessaire, c’est-à-dire si aucune solution rapide n’émergeait et si cette loi s’avérait contraire aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), nous n’hésiterions pas à en tirer toutes les conséquences, donc à faire appel devant l’organe de règlement des différends de l’OMC pour faire valoir le respect de nos droits et de nos indications géographiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cet engagement et pour cette réponse.

Le Gouvernement a récemment affirmé son engagement aux côtés des viticulteurs français, en deux occasions : lorsque l’administration Trump a brandi la menace d’une augmentation des taxes sur les vins français et au moment de la discorde entre Airbus et Boeing. Sachez maintenir ce soutien !

Il est primordial en effet que ce sujet ne soit pas considéré comme une tempête dans un verre d’eau, mais bien comme un ouragan dans une flûte de champagne !

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE. – M. Franck Menonville applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Quatre millions de pièces justificatives en attente, des allocataires en difficulté et des agents excédés : vous n’êtes pas sans savoir, madame la ministre chargée du logement, que la mise en œuvre de la réforme des aides personnalisées au logement (APL) connaît de telles difficultés techniques que les personnels des caisses d’allocations familiales (CAF) ont fait grève le 29 juin dernier.

Nous avons tous été alertés par leurs syndicats concernant les nombreux dysfonctionnements techniques que subissent leurs logiciels de traitement, ceux-ci s’ajoutant à une situation déjà fortement dégradée en raison de l’obsolescence de leur système informatique.

Ces difficultés entraînent des retards de traitement et un allongement des délais de versement des prestations familiales, qui représentent souvent une part importante des revenus des allocataires. Elles sont particulièrement prégnantes dans le contexte de crise que nous connaissons ; surtout, elles confirment que la réforme des APL était dès son origine une mesure inadéquate et mal préparée, à défaut d’étude d’impact.

Prévue pour janvier 2020, cette réforme a déjà été reportée de six mois compte tenu de la difficulté de sa mise en œuvre par les CAF. La pandémie de covid-19 a finalement porté ce décalage à un an sans que les moyens qui auraient dû l’être soient pour autant déployés.

Madame la ministre, quand allez-vous accorder aux agents les moyens techniques et humains nécessaires à l’application de cette réforme ? Et quelle compensation prévoyez-vous pour les allocataires sortis trop vite du système ?

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jacques Fernique applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

Madame la sénatrice Viviane Artigalas, la réforme du calcul des APL en temps réel est une réforme indispensable de modernisation de notre système de protection sociale, qu’elle vise à rendre plus juste et plus réactif.

Elle a effectivement été reportée : elle a été mise en œuvre, opérationnellement parlant, au 1er janvier dernier. Le recalcul d’avril et celui de juillet ont pu avoir lieu dans des conditions globalement satisfaisantes pour les allocataires.

Tout d’abord, les déclarations sont désormais préremplies, ce qui veut dire que les allocataires n’ont plus besoin de transférer les données relatives aux ressources prises en compte depuis la base de l’administration fiscale vers celle des CAF ; ainsi lutte-t-on contre le non-recours en en faisant diminuer le taux.

Ensuite, je partage votre constat quant aux difficultés opérationnelles rencontrées : il y a eu des bugs. Mais ils ont finalement été peu préjudiciables aux allocataires, grâce à un investissement, à une mobilisation et à un engagement très forts des agents des CAF et de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), que je salue.

Nous accompagnons ces agents dans la modernisation des systèmes d’information et dans la montée des compétences. Un plan d’action est prévu, placé sous l’égide du directeur général de la CNAF.

Enfin, pour ce qui est du bilan général de la réforme, nous serons en mesure de publier des chiffres dans le courant du mois de juillet concernant à la fois l’évolution de la dépense que représentent les APL, qui est en phase avec nos prévisions initiales, et l’impact sur les allocataires. Nous avons fait très attention à préserver les étudiants et les alternants, jeunes en contrat d’apprentissage et personnes en contrat de professionnalisation. Les ressources des étudiants sont d’ailleurs neutralisées par la réforme, ce qui améliore la situation des étudiants qui travaillent.

Croyez bien que nous suivons attentivement, avec la CNAF, le pilotage au quotidien de cette réforme sur le plan opérationnel. Cette réforme permet d’ajuster au plus près la protection sociale à la situation des assurés.

Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Madame la ministre, comme d’habitude, tout va bien !

Mais si les moyens étaient à la hauteur des enjeux, il n’y aurait pas autant d’alertes à ce sujet. Les CAF doivent bénéficier des moyens adéquats à l’exercice de leurs missions auprès des usagers. C’est la question de l’accès aux droits des allocataires que nous soulevons ici.

Il n’est pas normal que certains passent d’un seul coup de 192 euros à 14 euros mensuels, puis plus rien, du jour au lendemain, sans compensation – c’est arrivé ! Il n’est pas normal que les retards soient si nombreux alors que la réforme était censée permettre un traitement des dossiers en temps réel !

Il devient usant de constater que ce gouvernement ne reconnaît jamais ses erreurs et que ce sont toujours nos concitoyens les plus précaires qui en paient les conséquences !

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Éliane Assassi applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alexandra Borchio Fontimp

Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Sandy, une licence de droit, quatre stages, deux contrats de travail, deux mandats associatifs, vingt candidatures en master… zéro admission !

Laurent, quarante-neuf demandes en master et, à ce jour, … zéro admission, c’est-à-dire zéro chance de réussir à concrétiser ses ambitions.

Ce n’est là, madame la ministre, qu’un aperçu de la détresse dont nous sommes témoins depuis des années, et en particulier ces jours-ci : après les cours à distance et la détresse psychologique, l’échec incompris !

Combien d’étudiants tiraillés entre l’angoisse de ne pouvoir construire un avenir et la colère – la frustration, aussi – de voir que leurs efforts étaient vains ? Beaucoup trop, et toujours plus !

Cela, vous le saviez déjà : en 2017, vous aviez même promis de répondre aux conséquences du baby-boom de 2000 en assurant que « tout le monde trouverait sa place ». Eh bien non, « tout le monde » n’a pas trouvé sa place !

Si le processus de sélection ne fait pas débat, la République ne peut tolérer un système nébuleux qui explique à cette jeunesse qu’elle n’est pas à la hauteur !

Vous n’avez su ni anticiper ni gérer, pour ce qui est du nombre de places en particulier – il est insuffisant.

En droit, à Nice, on compte 15 000 candidatures pour… 1 200 places ! Vous annoncez la création de 34 000 places supplémentaires ; c’est bien. Aucune ne concerne la quatrième année.

Que direz-vous à ces étudiants pleins d’espoir lorsqu’ils se retrouveront face aux portes fermées du master ? Cessons cette hypocrisie ! C’est un gâchis monumental que de stopper net l’élan d’étudiants qui ne demandent qu’à poursuivre leurs études.

Le droit au master ne s’envisage plus sans le dépôt d’un recours – le nombre de saisines a crû de 129 % en un an. Dans le meilleur des cas, les étudiants sont obligés d’accepter l’unique « chance » offerte ; ainsi de Patrick, étudiant en psychologie à Nice, contraint d’accepter un master en audiovisuel à Angers !

Soyez la ministre qu’ils attendent : agissez !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Daniel Chasseing et Franck Menonville applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord, au nom de l’ensemble du Gouvernement et en mon nom propre, de m’associer à l’hommage que vous avez rendu au sénateur Laffitte. Vous le savez, je suis particulièrement attachée à la technopole de Sophia Antipolis qu’en véritable visionnaire il avait imaginée.

Vous m’interrogez, madame la sénatrice, sur les conditions d’accès au master. Vous le savez, en 2016, la sélection à l’entrée du master a été consacrée ; le Sénat avait d’ailleurs évidemment voté pour cette proposition. Dans le même temps a été créé, initiative intéressante, un droit à l’accompagnement à la poursuite d’études en master. Autrement dit, la loi prévoit une sélection à l’entrée du master, mais dispose que les étudiants qui le souhaitent doivent être accompagnés afin que leur accès au master soit facilité.

C’est exactement ce que nous faisons, madame la sénatrice. Et, contrairement à ce que vous venez de dire, plus de 4 000 places seront créées en master. Il est très important de rappeler, une fois de plus, que c’est une prise en charge humaine qui prévaudra : ce sont les recteurs qui, en lien avec les établissements et en tenant compte des résultats des étudiants – c’est bien normal, madame la sénatrice –, examinent ce qui peut être proposé. Comme le Gouvernement s’y était engagé, des places seront créées dans les masters les plus sélectifs.

Vous évoquez les masters de droit ; vous n’ignorez sans doute pas que les formations de droit, malgré la réforme du master de 2016, continuaient à accueillir des étudiants en master 1 sans aucune sélection. La sélection n’intervenait qu’entre le M1 et le M2, laissant ainsi les étudiants en plein milieu d’un cursus, d’un cycle. À cette situation aussi c’est ce gouvernement qui aura mis fin !

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alexandra Borchio Fontimp

Mme Alexandra Borchio Fontimp. J’avais pensé, naïvement, qu’en vous donnant à l’avance le sujet de ma question j’obtiendrais des réponses claires susceptibles de rassurer nos étudiants…

Mme Laurence Rossignol applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Alexandra Borchio Fontimp

Une seule réponse s’impose : créons des places en master !

J’ai bien écouté vos annonces et resterai bien sûr attentive à leur concrétisation. Vous avez dit que les recteurs étudiaient « ce qui peut être proposé » aux étudiants. Espérons que cette possibilité devienne pour eux quelque chose de vraiment concret : ils sont représentés en tribune aujourd’hui et ont besoin de votre soutien plein et entier.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

J’associe à ma question mes collègues Stéphane Demilly et Valérie Létard.

La filière aluminium, en France, est en plein développement. Ce matériau est un produit vertueux, car il se recycle à l’infini. Mais 50 % seulement de l’aluminium primaire est produit en France. Or l’Union européenne entend créer un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières qu’elle devrait présenter dans les prochains jours.

Cette nouvelle taxe devrait permettre d’aider nos filières de l’acier et du ciment, dont la matière première est produite en France, mais elle viendrait sérieusement peser sur la compétitivité de notre filière aluminium, qui, comme je l’ai dit, importe 50 % de sa matière première.

Très concrètement, cette taxe entraînerait l’augmentation du coût des produits fabriqués en France. Comme elle ne s’appliquerait pas sur les produits transformés, il deviendrait plus économique d’importer le produit fini directement depuis la Chine.

Madame la ministre, c’est donc bien toute la filière de l’aluminium français qui risque d’être sacrifiée au nom d’une taxe qui n’aurait même pas les effets désirés sur le climat, puisque la production serait tout simplement délocalisée en dehors de l’Union européenne, à l’abri de nos règles environnementales !

Que comptez-vous faire pour sauvegarder cette filière d’avenir et protéger la souveraineté industrielle française ?

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Madame la sénatrice Vérien, vous le savez, le Président de la République défend des positions ambitieuses en matière industrielle devant la Commission européenne et le Conseil européen.

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières compte parmi ces positions ambitieuses ; il doit permettre aux États membres de protéger leurs industries, qui, produisant en Europe, respectent des contraintes environnementales fortes, contre la concurrence déloyale de pays massivement exportateurs en Europe de produits à fort contenu carbone. C’est particulièrement le cas de l’aluminium, de l’acier et du ciment – vous l’avez dit. Des entreprises comme Aluminium Dunkerque, par exemple, bénéficieraient très fortement de ce mécanisme.

Vous avez raison : l’enjeu est de mettre au point un mécanisme qui permette, à l’intérieur de l’Union européenne, de faire payer leur impact sur l’environnement aux producteurs de marchandises dont la fabrication a causé des émissions carbone qui n’ont été payées par personne. Il faut être attentif, ce faisant, à ce que nos produits réalisés à l’aide de ces matériaux de base – acier, aluminium, ciment – puissent rester compétitifs à l’export.

C’est tout le travail que nous sommes en train de mener avec la Commission européenne : nous portons au niveau européen cette volonté de rompre avec le cercle vicieux qui nous a conduits à augmenter notre empreinte carbone du fait d’importations massives tout en réduisant, en France, notre industrie. C’est bien contre ce cercle vicieux que nous luttons.

Nous serons évidemment attentifs à la situation de l’aluminium ; nous sommes d’ailleurs en discussion avec la filière afin qu’elle puisse bénéficier de ce mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Je rappelle que ce mécanisme crée des recettes pour l’Union européenne et que celles-ci peuvent être utilement employées, par exemple, pour accompagner les filières exportatrices – c’est un des sujets sur lesquels nous travaillons.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Dominique Vérien, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Vous avez évoqué Aluminium Dunkerque ; il s’agit précisément d’une fonderie d’aluminium primaire. Mais je vous parle, moi, de tout ce qui est secondaire, c’est-à-dire des productions de canettes, de machines, de pièces, etc.

J’entends bien que vous souhaitez travailler avec les acteurs du secteur, mais ils attendent toujours de rencontrer Thierry Breton pour parler, justement, de ce cas particulier qu’est l’aluminium. Effectivement, le ciment et l’acier n’ont pas du tout le même problème ; il est donc nécessaire de réserver à l’aluminium un traitement différencié au regard de cette taxe.

J’ai bien entendu que vous aviez entendu la filière ! Nous comptons sur vous.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 21 juillet 2021, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Mon rappel au règlement, monsieur le président, se fonde sur l’article 36 du règlement.

Vous n’êtes pas sans connaître notre position, puisque la présidente de notre groupe, Éliane Assassi, vous a interpellé dès la semaine dernière sur ce que je qualifierai d’utilisation abusive de l’article 40 de la Constitution, ayant conduit, avant le début de l’examen en séance du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS), à ce que plusieurs dizaines d’amendements – plusieurs centaines, oserai-je dire, puisqu’on en compte plus de deux cents – émanant de tous les groupes politiques du Sénat soient jugés irrecevables en application de cet article.

Ces amendements déclarés irrecevables visaient, pour une grande partie d’entre eux, à débattre du rétablissement de la clause de compétence générale et de la faculté de déléguer des compétences d’une collectivité à une autre. Aucun de ces amendements n’avait pour objet d’augmenter quelque dépense que ce soit !

Faut-il rappeler à la commission des finances que bien évidemment aucun de ces amendements ne visait à remettre en cause la règle de l’équilibre budgétaire des collectivités territoriales ? Faut-il rappeler à la commission des finances que les choix des collectivités territoriales et de leurs assemblées délibérantes sont des choix politiques et qu’à budget constant des choix différents peuvent être effectués ?

Nous sommes surpris, par ailleurs, pour ce qui est plus particulièrement de certains amendements.

Notre amendement n° 281 avait été, en son temps, déposé et validé par la commission des finances lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021 ; l’amendement n° 253 avait été validé et débattu à l’occasion de la discussion du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN. Ainsi en est-il également des amendements n° 247 et 256, qui avaient été débattus ici même, en décembre 2019, dans le cadre des débats sur le projet de loi Engagement et proximité.

Monsieur le président, alors que va s’ouvrir la discussion générale, et avant le débat d’amendements, nous voudrions obtenir des explications concrètes.

Pourquoi une telle évolution ? La jurisprudence a-t-elle évolué ? Si oui, à qui doit-on une telle évolution ? La commission des finances n’étant pas une juridiction, elle n’a pas vocation à faire évoluer quelque jurisprudence que ce soit. Nous regrettons en tout cas, à cette heure, de n’avoir reçu ni réponse ni explication de la part du président de la commission des finances.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Depuis quelques années maintenant, le Sénat a introduit une certaine transparence en matière d’utilisation des frais de mandat. Cette transparence s’exerce sous l’autorité du comité de déontologie.

Mais il serait également opportun, me semble-t-il, que ce comité soit lui-même transparent et que, lorsqu’il instaure une jurisprudence ou une nouvelle règle, il en informe l’ensemble des sénateurs.

Je vais vous donner un exemple, mes chers collègues, qui concerne en particulier les sénateurs non inscrits. La catégorie 9 du référentiel des dépenses éligibles correspond aux petites dépenses.

Initialement, j’avais moi-même soulevé cette question et l’on m’avait répondu qu’il était possible de remettre une attestation pour l’ensemble de l’année, ce qui est beaucoup plus simple que d’en faire une par mois, une tous les deux mois ou une tous les trois mois.

Or, il y a quelques jours, j’ai reçu une réclamation des experts-comptables me demandant pourquoi je n’avais fait qu’une seule déclaration pour l’ensemble de l’année. Je leur ai répondu que j’avais obtenu l’assurance que l’on pouvait procéder de la sorte. Or ils m’ont certifié, chose absolument stupéfiante, que « le comité de déontologie avait changé de jurisprudence » et qu’il souhaitait dorénavant que les déclarations soient fractionnées, l’information ayant circulé de bouche à oreille entre les sénateurs… C’est extraordinaire !

Évidemment, les sénateurs de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe ne sont au courant de rien !

Je ne suis pas opposé aux changements de jurisprudence, mais il importe dans ce cas que tous les sénateurs en soient informés correctement, c’est-à-dire par écrit. Les sénateurs non inscrits sont les seuls à ne pas siéger dans le comité de déontologie. Rassurez-vous, monsieur le président, je ne réclame pas qu’ils y siègent, je demande seulement de mettre un terme à cette diffusion des informations de bouche à oreille. Dans la mesure où nous ne sommes que deux non-inscrits, nous ne disposons d’aucune source orale d’information !

Je souhaite donc, monsieur le président, que le comité de déontologie, à l’avenir, informe par écrit les élus des changements, ce qui éviterait bien des contrariétés !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Le président du comité de déontologie parlementaire du Sénat, Arnaud Bazin, le lira certainement avec attention !

M. le président de la commission des finances m’a fait savoir qu’il souhaitait répondre au rappel au règlement de Mme Cukierman.

Vous avez la parole, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je veux tout d’abord dire à Mme Cukierman que je n’ai reçu aucune lettre en tant que président de la commission des finances. Il s’agit d’une lettre qui a été adressée au président du Sénat et dont j’ai reçu une copie, ce qui n’est pas exactement la même chose. Je n’avais donc aucune obligation de réponse.

Le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 4D, est un texte essentiel pour nos collectivités territoriales et donc pour le Sénat, qui assure leur représentation.

Il a fait l’objet du dépôt de 1 222 amendements au stade de la commission et de 1 690 amendements en vue de la séance publique.

Environ 16 % de ces amendements ont dû être déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. C’est un taux supérieur à la moyenne, mais qui s’explique par la nature même de ce texte.

Je sais combien ces décisions d’irrecevabilité limitent le débat parlementaire, mais elles résultent directement de la décision du Conseil constitutionnel du 14 décembre 2006, qui impose « un contrôle de recevabilité effectif et systématique au moment du dépôt des amendements ».

Si ce contrôle n’était pas effectif, le Conseil constitutionnel soulèverait lui-même l’irrecevabilité financière, ce qu’il s’abstient de faire au nom de la règle dite du « préalable parlementaire », à laquelle nous tenons. S’il le faisait, comme il le fait d’ailleurs au titre des irrecevabilités de l’article 45 de la Constitution, il y aurait peu de chances que l’initiative parlementaire y gagne.

L’article 40 de la Constitution empêche, en effet, toute création d’une charge publique qui s’entend au niveau de chaque personne publique et ne permet pas, contrairement à ce qui est possible en recettes, de compenser la création d’une charge par la diminution d’une autre charge pour une autre personne publique.

Aussi n’est-il pas possible de procéder, par exemple, à des transferts de compétences entre catégories de collectivités locales, ce qui pourtant relève directement de l’objet de ce texte.

Si, par le passé, certains amendements ont pu être examinés, par exemple dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, et dans la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam, c’est, dans la plupart des cas, parce qu’ils visaient à rétablir le droit existant et que la recevabilité prend comme base de référence celle qui est la plus favorable au droit parlementaire, qu’il s’agisse du droit existant ou du droit proposé.

Aujourd’hui, il n’est ainsi plus possible de revenir sur la clause de compétence générale, sauf si le Gouvernement en prend l’initiative.

La jurisprudence sur l’article 40 est stabilisée depuis de nombreuses années – j’en suis le dépositaire après d’autres – et les quelques divergences qui ont pu exister avec l’Assemblée nationale ont été aplanies par mes prédécesseurs grâce à des assouplissements de jurisprudence.

Je rappelle, par ailleurs, que le taux d’irrecevabilité au Sénat est constamment inférieur à celui constaté à l’Assemblée nationale, et que, chaque fois que cela est possible, des rectifications sont proposées aux auteurs des amendements pour leur permettre de rendre leurs amendements examinables : j’y suis très attentif.

Par ailleurs, il arrive quelquefois que des amendements échappent à l’article 40, mais ce n’est pas parce que l’erreur a existé dans le passé qu’elle doit se reproduire aujourd’hui avec ce texte !

Le débat doit donc porter non pas sur l’application de l’article 40 par rapport à ce texte, mais, de manière générale, sur la rédaction même de l’article 40 de la Constitution, voire sur son existence, ce qui ne peut se faire qu’en révisant la Constitution.

Je vous engage donc, madame la sénatrice, à déposer une proposition de loi constitutionnelle sur le sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, modifié par lettre rectificative, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (projet n° 588 rectifié, texte de la commission n° 724, rapport n° 723, avis n° 719, 720 et 721).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, chère Françoise Gatel, monsieur le rapporteur, cher Mathieu Darnaud, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, chers Dominique Estrosi Sassone, Alain Milon et Daniel Gueret, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a près de quarante ans, Gaston Defferre présentait ici même, devant la Haute Assemblée, la première loi de décentralisation.

Douze lois ont suivi depuis, défendues par mes prédécesseurs, dont certains siègent sur ces travées… Douze lois qui, au fond, ont porté la même idée que, face aux défis auxquels nos sociétés étaient confrontées, l’action publique ne pouvait plus être menée à distance de nos concitoyens.

Étape après étape, la France a fait le choix de tourner la page de sa longue tradition centralisatrice, qui, comme l’écrivait Michel Rocard, « a façonné à la fois les institutions et les mentalités collectives ».

« Le cadre centralisateur se heurte aux réalités du territoire », écrivait-il encore en 1966. L’acuité avec laquelle ces mots résonnent aujourd’hui nous dit bien à la fois le chemin qui a été parcouru et ce qu’il nous reste à accomplir.

Ces lois, nous en sommes les héritiers. J’en ai moi-même été actrice et témoin tout au long de mes quarante années de vie politique. J’ai vu, comme maire, émerger ce grand élan de l’intercommunalité. J’ai vu les départements monter en puissance et les régions devenir des acteurs incontournables. J’ai vu aussi l’État et ses services déconcentrés s’éloigner.

J’ai également vu grandir cette vague silencieuse, l’abstention, qui, élection après élection, nous place tous devant nos responsabilités… Elle nous oblige à nous saisir de toutes les occasions – ce projet de loi en est une – pour redonner du souffle à notre démocratie et pour répondre à la grande insatisfaction que nos concitoyens expriment par leur silence.

Dans les débats que nous aurons, que je sais riches et nombreux, je tiens à ce que nous gardions toujours à l’esprit cette exigence démocratique.

Ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, traduit l’engagement du Président de la République de porter une ambition nouvelle pour nos territoires. Cette « nouvelle donne territoriale », c’est celle de la confiance aux territoires, de l’efficacité de l’action publique et aussi de la stabilité institutionnelle.

Je sais la lassitude des élus face à la répétition des réformes institutionnelles depuis 2010, l’impression même d’une réforme continue et sans fin, qui n’a pas permis d’offrir davantage de légitimité ou de lisibilité à l’organisation de nos territoires.

C’est pourquoi je vous le dis d’emblée et en toute honnêteté, car je l’assume : je souhaite, avant toute chose, stabiliser la répartition des compétences et construire des réponses concrètes pour faciliter leur exercice. C’est dans cet esprit que nous avons fait le choix d’une longue concertation.

Pendant plus de dix-huit mois, j’ai parcouru les territoires français, vos territoires, à la rencontre des acteurs et des élus locaux. J’ai ressenti des attentes fortes, souvent des besoins concrets et opérationnels. J’ai surtout entendu un souhait, partagé par l’immense majorité des élus que j’ai rencontrés, de leur permettre d’adapter plus finement leur action aux réalités de leur territoire.

La crise sanitaire nous a d’ailleurs montré à quel point la souplesse et l’agilité étaient des valeurs cardinales dans la coordination de l’action publique.

C’est pourquoi nous avons fait de la différenciation le fil rouge de ce projet de loi.

La différenciation doit redonner toute sa force et son effectivité au principe d’égalité, car « l’égalité, qui crée de l’uniformité n’assure plus l’égalité des chances sur la totalité de notre territoire », comme l’affirmait le Président de la République dès 2017.

Depuis quatre ans, la différenciation aura ainsi été une boussole pour l’action du Gouvernement et pour celle que je mène au service de la cohésion des territoires.

Une République différenciée, j’en suis convaincue, ce n’est pas une République morcelée. C’est, au contraire, une République qui n’est pas aveugle à ses diversités et qui valorise les dynamiques locales sans chercher à les niveler.

Une République différenciée, c’est aussi une République davantage décentralisée, où les compétences des collectivités sont confortées et clarifiées. C’est un État plus agile, plus réactif et plus proche, qui adapte sa réponse et accompagne main dans la main les initiatives des collectivités. C’est aussi une administration publique plus efficace, qui simplifie ses procédures au bénéfice des citoyens.

C’est tout le sens des 4D, pour différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification, qui constituent l’architecture de ce projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter.

Je tenais à vous remercier, mesdames, messieurs les rapporteurs, ainsi que toutes les commissions – en particulier la commission des lois – et l’ensemble des groupes, qui ont mené un travail exigeant et constructif.

Des points importants feront l’objet, je le sais, de débats francs en séance, mais je suis sûre que ce texte de loi sortira grandement enrichi de son examen au Sénat, ici, dans cette chambre des territoires.

Je voudrais vous présenter les grandes orientations que nous y avons inscrites.

Le titre Ier permettra d’adapter l’organisation des compétences des collectivités qui le souhaitent, dans le respect de la Constitution. Il affirme le principe de différenciation qui est, je le redis, la pierre angulaire de ce projet de loi.

Il augmente les possibilités d’extension du pouvoir réglementaire local. Il élargit les dispositifs de participation citoyenne pour faire pleinement confiance à la démocratie locale. Enfin, je souhaite qu’il soit l’occasion de renforcer l’effectivité des conférences territoriales de l’action publique, afin que les collectivités puissent s’organiser librement et définir le bon niveau d’exercice de leurs compétences pour conduire des projets.

L’examen de ce texte n’est délibérément pas le lieu pour revenir sur les débats en matière d’organisation entre communes et intercommunalités qui se sont tenus lors de la discussion de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique entrée en vigueur très récemment.

Le titre II du projet de loi offre de nouveaux moyens aux collectivités pour mener des politiques publiques efficaces de mobilité et de transition écologique. S’agissant des routes, le texte vise à donner toute sa cohérence à la décentralisation intervenue il y a dix ans, en assurant la continuité de la gestion du réseau.

Pour les départements et les régions qui le souhaitent, les préfets poursuivront les concertations locales afin d’assurer une répartition la plus pertinente possible, permettant d’arrêter une carte finale en 2022. L’objectif est simple : renforcer la qualité de service pour les citoyens et limiter le nombre d’interlocuteurs.

Enfin, le texte renforcera l’action des régions en matière de biodiversité et permettra aux maires d’avoir des marges de manœuvre supplémentaires pour réglementer l’accès aux espaces naturels protégés.

Le titre III vise à offrir des outils aux collectivités dans le champ de l’aménagement du territoire.

En matière d’habitat, notre impératif était avant tout de conforter la politique du logement social, pour faire en sorte que les objectifs fixés par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, ne s’éteignent pas en 2025.

La loi SRU a des effets très concrets au bénéfice de nos concitoyens, qui ont besoin de se loger pour un coût abordable, mais aussi pour les communes qui veulent concilier l’accueil de nouvelles populations et le respect des équilibres territoriaux.

Nous proposons une approche exigeante, mais réaliste, en prenant mieux en compte les marges de manœuvre des communes dans le rattrapage. Sur ce sujet, je suis sûre que nous allons trouver ensemble le bon équilibre entre la recherche d’une souplesse nécessaire et la responsabilisation des collectivités dans la production de logement social.

Dans le champ de l’urbanisme, plusieurs articles permettront de renforcer les outils d’intervention dans le tissu urbain existant. Vous le savez, c’est une priorité du Gouvernement et de mon ministère, qui s’incarne dans les programmes pilotés par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Pour conforter le rôle puissant de cet outil, nous accélérerons la récupération par les collectivités des biens sans maître, ce qui est une mesure particulièrement attendue.

Le titre IV a pour objectif de renforcer la cohésion sociale et la sécurité sanitaire.

Il porte une réforme de la gouvernance des agences régionales de santé, rendue nécessaire par le besoin d’une meilleure association des élus qui s’est révélé à l’occasion de la crise sanitaire. Je serai particulière vigilante à ce qu’elle reste équilibrée, comme le Gouvernement l’a proposé dans le texte initial.

Le projet de loi permettra également d’élargir les capacités d’action des collectivités pour renforcer l’offre de soins sur tous les territoires.

Enfin, le Gouvernement est particulièrement attaché à ce qu’il permette l’expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active, le RSA. Il s’agit, je crois, d’un enjeu de justice sociale et territoriale.

Le titre V rappelle des dispositions financières et statutaires classiques.

Le titre VI accompagne notre ambition de renforcer l’action déconcentrée de l’État. Il parachève la politique que nous avons menée depuis 2017 pour remettre l’État au plus près des territoires et lui redonner la capacité d’accompagner « sur mesure » les projets des collectivités.

Cette politique s’est incarnée dans la création de l’ANCT en janvier 2020 et, dernièrement, par la territorialisation du plan de relance et la forte ambition contractuelle qui l’accompagne.

En matière d’aide en ingénierie en faveur des territoires, une disposition facilitera le recours des collectivités au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), qui possède une ingénierie forte, technique et utile, en particulier pour les territoires les moins bien dotés.

Nous proposons également que le préfet de département soit désigné délégué territorial de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique) pour unifier la parole de l’État sur les territoires.

Nous aurons, je crois, un débat nécessaire sur les évolutions introduites par la commission sur le pouvoir de dérogation des préfets dans la prise de décision de l’État dans les territoires.

Enfin, un article confortera le programme France Services qui permet le retour des services publics en proximité.

Le titre VII comporte diverses mesures relatives à la simplification de l’action publique, ce qui est une attente forte de nos élus locaux comme de nos concitoyens : accélération du partage de données entre administrations, simplification du fonctionnement des institutions locales et des établissements publics…

Plusieurs mesures permettront de prolonger ou d’élargir des expérimentations. La discussion parlementaire sur l’ensemble de ce titre permettra, je l’espère, d’en enrichir significativement les possibilités.

Enfin, le titre VIII contient différentes dispositions relatives à l’outre-mer, qui sont issues, là encore, d’une vaste concertation et qui répondent à des attentes très précises de ces territoires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, « Quarante ans est un âge terrible. Car c’est l’âge où nous devenons ce que nous sommes », écrivait Charles Péguy.

MM. Jean-Pierre Sueur et Loïc Hervé applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Quarante ans après la première pierre de la décentralisation, nous avons l’occasion, ensemble, de conforter la relation entre la République et ses territoires sans bouleverser leur organisation. Nous avons l’occasion de continuer à tracer ce chemin bien français, qui garantit l’unité républicaine, tout en reconnaissant que la diversité de nos territoires est une richesse inestimable.

Pour cela, le Gouvernement a, depuis 2017, choisi deux modalités d’action.

La première est celle du réarmement des territoires : nous agissons de concert, avec les services déconcentrés de l’État, dans un partenariat efficace et assumé avec les collectivités territoriales. C’est tout le sens de l’action de mon ministère, qui dessine chaque jour un nouvel aménagement du territoire via la contractualisation avec tous les échelons de collectivités, via le déploiement de programmes d’action sur le territoire comme Action cœur de ville, Petites Villes de demain, Territoires d’industrie, France Services, et via le renouveau de l’ingénierie territoriale.

La seconde est l’action législative qui nous permet d’améliorer le cadre d’exercice des compétences. C’est un travail que nous avons commencé lors de la discussion de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, et que nous poursuivons.

Ce projet de loi est un jalon supplémentaire dans cette perspective.

C’est un texte concret, qui propose une boîte à outils pour répondre à des besoins opérationnels et améliorer l’efficacité de l’action publique.

C’est un texte de confiance, construit avec et pour les élus locaux et qui sera, je le sais, enrichi par votre travail parlementaire.

C’est un texte qui incarne l’idée de différenciation, qui est le socle de l’action que nous menons, et qui, j’en suis convaincue, est la seule voie qui nous permettra de garantir une décentralisation vivante, dans laquelle l’envie et l’audace d’agir priment les querelles de périmètres et de compétences.

Action législative et action de terrain sont les deux faces d’une même politique de renforcement et de cohésion de nos territoires. La discussion qui s’ouvre sur ce texte nous permettra, j’en suis certaine, d’avancer ensemble vers cette impérieuse nécessité.

Applaudissements sur les travées d u groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Nous voilà donc, madame la ministre, au rendez-vous d’une promesse présidentielle attendue, parfois perdue de vue, grâce à votre ténacité que je salue très sincèrement.

Vous le savez, la bienveillance du Sénat n’a d’égale que son exigence. Faisons fi des 4D et avançons rapidement vers la lettre E, celle de l’efficacité !

L’heure n’est pas à un nouveau bouleversement institutionnel hasardeux, nous en convenons, mais à une décentralisation de la confiance et de la proximité : n’est-ce pas là la leçon que nous devons tirer de la crise des « gilets jaunes », de la crise sanitaire, mais aussi de l’abstention tragique que nous avons connue ces derniers dimanches ?

Inspiré par les cinquante propositions du Sénat, approuvées par plus de 3 200 élus ayant répondu à notre consultation, ainsi que par leurs associations, et à l’inverse du rigorisme normatif et autoritaire des précédentes lois territoriales, le Sénat propose un champ des possibles, cohérent, réaliste, pragmatique et consistant.

Parlons d’abord de différenciation : si celle-ci interroge sur la déclinaison d’uniformité égalisatrice du principe révolutionnaire d’égalité, force est de constater que la différenciation n’est pas une invention redoutable qui fracturerait l’unité de la République. Elle est déjà présente dans la loi Montagne, la loi Littoral et les différentes lois concernant l’outre-mer.

Mais elle ne saurait être un droit des exceptions, elle doit être affirmée comme un élément constitutif de la loi qui définit un champ des possibles.

C’est dans cet esprit que nous avons récrit l’article 1er, trop anodin à nos yeux, et permis désormais la délégation de compétences entre collectivités, la territorialisation au sein de l’intercommunalité et la définition de l’intérêt communautaire.

L’État ne peut plus être un État de circulaires et de règlements sclérosants. Si d’aucuns cultivent encore une défiance à l’égard des élus locaux et de leurs initiatives, force est de constater que ce sont ces élus locaux qui ont permis de tenir pendant la crise aux côtés de l’État.

Quant à la décentralisation, visons juste : pas de big-bang, mais pas non plus de timidité excessive, voire hasardeuse. Si nous visons l’efficacité, recourons à la cohérence par le simple principe de subsidiarité.

Ainsi, essentielle, mais isolée, la médecine scolaire restera défaillante, malgré la qualité de son personnel, si on ne la rattache pas au département qui assure la mission et les solutions de sauvegarde de l’enfance. Même réflexion pour les gestionnaires de lycées et de collèges.

Madame la ministre, nous sommes au pied du mur, l’heure de la vérité ou l’heure de la dérobade et de la désillusion, c’est ici et maintenant !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Car vous le savez et nous le savons, c’est le Gouvernement qui détient la clé puisque le Sénat ne peut adopter ces propositions d’évidence et de bon sens sans que vous leviez le gage de l’article 40 de la Constitution.

Madame la ministre, vous nous avez tendu un fil, si ténu soit-il, soyez-en sincèrement remerciée. Le Sénat, à son tour, vous tend la main pour servir et partager une ambition et une exigence, celle de l’efficacité de l’action publique « jusqu’au dernier kilomètre » portée par un État stratège et facilitateur, partenaire de confiance des collectivités et de leurs élus, qui sont de remarquables faiseurs. À défaut d’aller dans ce sens, madame la ministre, la démocratie et la République pourraient se fracturer et fondre comme les icebergs.

Madame la ministre, vous avez et nous avons rendez-vous avec le devoir d’efficacité. C’est ici et maintenant !

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quarante années nous séparent effectivement de cette première grande loi de décentralisation travaillée autour de Gaston Defferre.

Si l’horizon peut paraître lointain, il en est de même de l’ambition de ce texte, qui est lointaine des objectifs fixés par le Président de la République au début de son quinquennat en juillet 2017, lui qui nous annonçait un élan en matière de décentralisation et de déconcentration.

Aujourd’hui, devant vous, j’aurais aimé parler des mesures de décentralisation, de déconcentration et de différenciation. J’aurais sûrement été moins allant sur la décomplexification, que le Conseil d’État a préféré traduire en simplification : c’est dire si, là aussi, l’ambition de ce texte n’est pas au rendez-vous !

Pour autant, nous souhaitons faire ici, comme toujours, œuvre utile.

Il y a un peu plus d’un an, nous avons, avec le président Gérard Larcher, fait des propositions en matière de décentralisation, de déconcentration et de différenciation, afin d’être au rendez-vous, de ne pas nous dérober et d’adopter une attitude constructive.

Aujourd’hui, force est de constater que, en dépit de notre volonté, nous sommes quelque peu déçus par la portée du texte que vous nous présentez. Nous nous efforcerons cependant, comme à notre habitude – Françoise Gatel l’a rappelé –, de l’enrichir, ainsi que vous nous y invitez : essayons donc de faire route commune. Mais, pour y parvenir, encore faut-il que le Gouvernement accepte une partie des propositions du Sénat. Je le dis avec force et détermination, parce que, même si le texte peut paraître éminemment technique, un souhait est exprimé par nos concitoyens, par les Françaises et les Français : plus de proximité et plus de clarté de l’action publique, qui leur semble parfois illisible, car trop lointaine.

Nous l’avons dit et redit, nous souhaitions que le préfet de département soit la porte d’entrée de l’État territorial et que les conséquences de la crise sanitaire que nous traversons encore puissent trouver des réponses très concrètes dans ce texte, en particulier au travers de la gouvernance des ARS. Or, là aussi, nous sommes un peu déçus. Nous aurions voulu que le président de région puisse être associé au préfet de région pour gouverner ces ARS et faire en sorte que les problématiques rencontrées chaque jour par les élus sur les territoires soient perçues. Nous aurions également souhaité que des mesures visant à rendre facultatif l’exercice de la compétence « eau » soient proposées, comme le Sénat le demande depuis longtemps.

Enfin, comment parler de décentralisation sans parler des moyens qui permettent aux collectivités d’exercer leurs compétences ? Pourtant, le volet financier est le grand absent de ce texte.

Nous essaierons, là encore, de faire œuvre utile et d’être constructifs, parce que nous sommes convaincus que les Françaises et les Français attendent une plus large décentralisation. Ils veulent que les décisions soient prises au plus proche de leur quotidien, que ce soit au niveau départemental, régional ou du bloc communal et intercommunal.

En effet, contrairement à ce que laisse croire la petite musique que l’on entend, nous sommes là non pas pour déconstruire ce qui existe, mais pour mettre de l’huile dans les rouages, pour introduire des modifications que nous considérons comme salutaires. Il ne s’agit pas de ce que nous pensons, nous, à titre personnel ! Il y a, dans cet hémicycle, 348 hommes et femmes qui représentent l’ensemble des territoires de France et qui ne cessent de nous faire remonter les problématiques singulières qu’ils rencontrent dans leur département. En tant que sénateurs, nous sommes les porte-voix de ces territoires auxquels nous sommes toutes et tous très attachés.

Nous allons engager des discussions et débattre pendant plusieurs jours et semaines ici même. La porte est entrebâillée, mais elle a tendance à se refermer, car vous êtes dans l’incapacité d’entendre certaines de nos propositions. Nous entrevoyons encore un filet de lumière, qui est pour nous porteur d’espoir.

Nous espérons que les débats que nous allons conduire pourront éclairer la politique du Gouvernement et formulons cet espoir collectif que nous pourrons avancer dans un sens utile à nos territoires. Nous attendons donc vos propositions, mais j’oserai dire, si vous me passez cette expression, qui vivra verra !

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a reçu de la commission des lois une délégation au fond pour traiter de trois sujets, qui, à eux seuls, auraient pu faire l’objet d’un projet de loi distinct : la révision de la loi SRU, l’évolution des règles d’attribution des logements sociaux et l’extension des compétences des organismes de foncier solidaire (OFS). Notre commission a examiné ces dispositions en s’appuyant sur deux rapports que nous avons rédigés avec Valérie Létard, l’un en mai dernier, sur l’évaluation de la loi SRU, l’autre au printemps 2020, sur l’avenir des OFS.

Concernant la réforme de la loi SRU, le projet de loi présente trois avancées importantes : la prolongation de la loi sans date butoir ; la mise en place d’un rattrapage différencié et contractualisé, grâce à un contrat de mixité sociale signé entre le maire et le préfet ; une réforme des exemptions. Une adaptation était en effet nécessaire, car l’effort demandé d’ici à 2025 était devenu irréaliste pour beaucoup de communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Il fallait néanmoins préserver une loi utile pour soutenir le logement social et assurer sa répartition sur le territoire. Rappelons que, depuis vingt ans, la moitié de ces logements ont été construits dans les communes SRU.

Cependant, l’application rigide de la loi décourage les maires, qui sont pourtant de plus en plus nombreux à s’engager en faveur du logement social, mais qui sont confrontés à des difficultés objectives. C’est la raison pour laquelle la commission a renforcé le couple maire-préfet et les possibilités de différenciation. Le contrat de mixité sociale ne doit être ni limité dans le temps ni soumis à l’accord d’une commission parisienne. Il doit prendre en compte les difficultés et les efforts des communes et rassembler l’ensemble des acteurs locaux. Son respect doit conduire à ne pas prononcer la carence.

Ensuite, la commission a supprimé les sanctions dont la Cour des comptes a démontré l’inutilité et dont l’inefficacité décrédibilise l’application de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Je pense notamment à la reprise du droit de préemption, des permis de construire, des attributions ou à l’interdiction de construire des logements intermédiaires.

De plus, madame la ministre, il y a un contresens à appauvrir les communes par des sanctions financières alors que l’on voudrait qu’elles fassent plus ! C’est pourquoi nous voulons que les pénalités de carence soient consignées sous le contrôle du préfet pour réaliser de futurs logements sociaux sur le territoire.

Enfin, en concertation avec le Gouvernement, la commission propose une mutualisation des objectifs SRU dans le cadre d’un contrat intercommunal de mixité sociale.

Concernant les attributions de logements sociaux, le projet de loi inscrit les « travailleurs clés » dans les priorités. Cette mesure tire les leçons de la crise sanitaire et renforce le lien entre le logement et l’emploi, qui est l’une des clés du soutien de la population et des élus au logement social.

Au-delà de ce sujet, la commission a adopté trois dispositions pour lutter contre les ghettos. En effet, la loi SRU n’a pas atteint ses objectifs en matière de mixité sociale.

Nous voulons, pour ce faire, favoriser la production des logements les plus sociaux, les PLAI, en les majorant de 50 % dans le décompte SRU, tout en minorant de 25 % les logements les moins sociaux, les PLS.

Nous avons, ensuite, retenu le principe d’une « loi SRU à l’envers ». Dans une commune qui compte plus de 40 % de logements sociaux, il ne devrait plus être possible de construire des logements très sociaux.

Il nous faut, enfin, protéger les résidences les plus fragiles en évitant d’y attribuer des logements à des ménages en difficulté, ce qui reviendrait à ajouter de la pauvreté à la pauvreté.

Concernant les OFS, la commission s’est opposée à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance en vue de faire de ces organismes un outil généraliste d’aménagement pour un large spectre de ménages, sans plafond de revenus.

Au contraire, dans une vision largement partagée par l’association des OFS, le mouvement HLM et un très grand nombre d’élus de terrain, la commission a conforté cet outil permettant la dissociation du foncier et du bâti afin de faciliter l’accession sociale à la propriété. Il s’agit donc d’ancrer les OFS dans le service d’intérêt économique général, qui définit le logement social. L’objectif est de leur permettre d’agir dans des réhabilitations, sur des locaux professionnels en pied d’immeuble, d’élargir le public éligible dans le respect des plafonds HLM et, enfin, de faire en sorte de leur déléguer le droit de préemption urbain.

Au total, la commission s’est inscrite dans une démarche constructive, en saluant les avancées du texte et en travaillant à son amélioration avec le Gouvernement. Mais, vous l’aurez compris aussi, il subsiste de nombreux points de désaccord. Ce sont ces deux dynamiques qui m’animeront lors de l’examen des amendements.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a examiné dix articles, qui sont relatifs à la santé ainsi qu’aux compétences sociales et médico-sociales des collectivités territoriales. À l’image du texte, ces dispositions disparates, pour l’essentiel de faible portée, peinent à former un fil conducteur cohérent : certains sujets abordés de manière très ponctuelle feront en effet l’objet de réformes plus globales, comme celles – engagées ou attendues – sur la protection de l’enfance ou le grand âge.

Sur le volet relatif à la santé, notre commission est allée plus loin que les timides mesures proposées sur la place des élus locaux au sein du conseil d’administration des agences régionales de santé. La crise sanitaire nous a montré la nécessité d’un plus fort ancrage territorial des politiques de santé.

À cette fin, nous avons confié la coprésidence de ce conseil au président du conseil régional, aux côtés du préfet de région, ménageant ainsi le statut de ces agences qui sont chargées de mettre en œuvre la politique de santé définie au niveau national.

Nous avons également rééquilibré les voix entre les représentants des collectivités et ceux de l’État.

Nous avons étendu, enfin, les prérogatives de cette instance conformément à sa transformation en conseil d’administration : le projet régional de santé, qui incarne la stratégie de l’agence pour la région, sera soumis à son approbation.

Concernant la participation des collectivités territoriales au financement des investissements des établissements de santé publics et privés, à l’article 32, beaucoup de craintes ont été exprimées, notamment celle d’un désengagement de l’État ou d’un creusement des inégalités.

Nous avons ciblé ce soutien sur les équipements médicaux, clarifié le caractère strictement volontaire de ces financements, qui devront s’inscrire dans la planification territoriale, et identifié des priorités d’intervention selon les échelons de collectivités : le département sur la proximité, la région sur les établissements à rayonnement régional ou national.

Sur le volet social et médico-social, notre commission a supprimé l’article 35, qui expérimentait la recentralisation du financement et de la gestion du revenu de solidarité active, le RSA. Même s’il s’agit de répondre à une demande de la Seine-Saint-Denis, un département asphyxié financièrement par le dynamisme de ses dépenses sociales, la question est avant tout de principe : nous n’avons eu transmission, lors de nos travaux préparatoires, d’aucun élément d’évaluation sur les recentralisations menées depuis 2019 en Guyane, à Mayotte et à La Réunion.

En outre, la question, cruciale, des modalités financières de cette recentralisation reste entière et ne fait pas, à ce jour, l’objet d’un accord entre l’État et les départements.

Nous attendons des clarifications au cours de nos débats.

À l’article 36, la commission n’a conservé que la compétence départementale de coordination du développement de l’habitat inclusif et l’a assortie de leviers plus opérationnels, suggérés par le rapport Piveteau-Wolfrom. Elle a supprimé la compétence départementale de coordination de l’adaptation des logements au vieillissement de la population, une mesure sans doute prématurée alors qu’un projet de loi sur le grand âge est annoncé.

Nous avons également pérennisé l’expérimentation par les résidences universitaires de locations de courte durée pour les publics prioritaires, qui fait aujourd’hui l’unanimité.

Notre commission a enfin supprimé l’article 38, qui transférait la tutelle des pupilles de l’État, aujourd’hui exercée par le préfet de département, au président du conseil départemental. Les conditions d’application de ce transfert dans tous les départements, notamment en termes de moyens, manquaient là aussi de précision. Il nous a semblé, de ce fait, préférable de discuter de l’opportunité de cette mesure dans le projet de loi relatif à la protection des enfants, actuellement examiné par l’Assemblée nationale.

Ainsi, au travers de ces mesures disparates et de ces réformes engagées par « petites touches » par le texte dans le champ sanitaire et social, notre commission des affaires sociales a cherché à rétablir une certaine cohérence et, quand cela était possible, à donner plus d’ambition à ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gueret

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi, annoncé depuis plus de deux ans, suscitait de fortes attentes de la part des territoires. Comme mes collègues rapporteurs, j’exprime une déception : bien que touffu, le contenu de ce texte est sensiblement en deçà des promesses de « décentralisation », de « déconcentration » et de « simplification » qu’il portait. Surtout, il ne répond pas à l’engagement du Président de la République de rénover la démocratie locale et de rapprocher les décisions du terrain sur des questions d’avenir telles que les transports ou encore la transition écologique.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a tout d’abord examiné au fond des mesures relatives aux infrastructures de transport.

L’article 61 correspond, aux dires des élus locaux que j’ai entendus, à une demande de simplification au niveau local qui permettra d’alléger les finances publiques. J’espère qu’il en sera ainsi.

L’article 9, qui concerne le transfert de la gestion des petites lignes ferroviaires aux régions, a davantage retenu l’attention de notre commission. Cet article précise la possibilité, prévue par la LOM, de transférer aux régions les gares de voyageurs dédiées aux petites lignes. Il permet également le transfert en pleine propriété aux régions des lignes d’intérêt local et régional.

Le sauvetage des lignes de desserte fine est un enjeu capital pour la décarbonation des mobilités et la réduction des fractures territoriales. En revitalisant ces lignes, c’est aussi pour le développement et l’attractivité des communes rurales que nous œuvrons.

Pour assurer la bonne application du dispositif, notre commission a jugé nécessaire d’assortir le transfert de garde-fous à deux niveaux.

D’une part, nous avons souhaité garantir que ces lignes, qui sont partie intégrante du réseau ferré national, continueront à remplir les exigences d’interopérabilité et de sécurité qui s’imposent. C’est pourquoi nous avons prévu en commission l’application d’un socle commun de règles techniques aux régions qui se verront transférer des petites lignes ferroviaires. La transmission de ces informations serait assurée par l’Établissement public de sécurité ferroviaire.

D’autre part, le transfert des lignes et gares doit s’accompagner d’un maintien de la qualité du service. Sur la proposition de Philippe Tabarot, la commission a adopté un amendement tendant à permettre aux régions de conclure un contrat de performance avec les futurs gestionnaires du réseau, sur le modèle du contrat de performance qui existe entre l’État et SNCF Réseau pour la gestion du réseau national.

La protection de la biodiversité figurait également dans le champ de notre examen au fond.

Le transfert de la gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres aux régions, prévu à l’article 13, est l’une des rares mesures de décentralisation proposées dans ce projet de loi. Il est regrettable que le Gouvernement ne soit pas allé plus loin pour outiller les collectivités territoriales en matière d’environnement et de transition écologique.

C’est ce souci qui a conduit la commission à renforcer la place des régions dans le processus de désignation des sites Natura 2000, en cohérence avec leur rôle de chef de file dans le domaine de la biodiversité. Nous avons ainsi introduit la possibilité pour le conseil régional de proposer la création d’un site terrestre et prévu la consultation des régions pour la création de tout site situé sur leur territoire, y compris s’agissant des sites mixtes et maritimes.

À l’article 62, qui concerne le régime de protection des alignements d’arbres situés en bordure de voies ouvertes à la circulation publique, nous avons jugé opportun de mieux concilier la protection du patrimoine paysager et le respect du droit de propriété.

La loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité a interdit d’abattre des arbres situés dans une allée ou un alignement d’arbres bordant une voie de communication. En pratique, ce dispositif peut empêcher des propriétaires d’abattre un arbre situé sur leur terrain. Nous avons donc souhaité en clarifier le champ d’application et prévoir que le régime de protection des alignements d’arbres concerne les « voies ouvertes à la circulation publique, à l’exclusion des voies privées ».

Afin d’enrichir les volets « décentralisation » et « différenciation » du projet de loi, nous avons également souhaité élargir les moyens des petites communes pour agir en faveur de la biodiversité et permettre l’adaptation de certaines normes nationales dans les communes de montagne s’agissant de la « politique du loup ».

En concertation avec la commission des lois et celle des affaires sociales, notre commission a également formulé des propositions sur deux volets du projet de loi : le volet mobilité, qu’elle a souhaité approfondir, notamment par le renforcement des garanties apportées aux collectivités dans le transfert « à la carte » des routes nationales proposé aux articles 6 et 7 du projet de loi ; les politiques environnementales et sanitaires, auxquelles elle a souhaité offrir un meilleur ancrage dans les territoires, notamment en renforçant la place des élus locaux dans la gouvernance de l’Ademe et des agences régionales de santé.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, au même titre que les trois autres commissions, a travaillé dans un esprit très constructif visant à enrichir ce texte, dont nous ne pouvons qu’espérer qu’il ira bien jusqu’au bout de son processus législatif. Quoi qu’il en soit, le Sénat aura été force de proposition et, comme l’a souhaité le président Larcher, au rendez-vous.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, après qu’il a changé trois fois de titre – 3D, puis 4D et, aujourd’hui, 3DS –, voici enfin ce texte portant différenciation, décentralisation, déconcentration et diverses mesures de simplification de l’action publique locale ; un texte annoncé il y a plus de deux ans, à la suite du grand débat national orchestré par et pour le Président de la République pour éteindre l’incendie social des « gilets jaunes ». Le Président de la République avait en effet sillonné la France à la rencontre des élus locaux, qui se sentaient bien mal considérés depuis le début du quinquennat et dont on redécouvrait à cette occasion l’importance.

Rappelons-nous les questions alors portées au débat par l’exécutif : y a-t-il trop d’échelons administratifs ou de niveaux de collectivités territoriales ? Faut-il renforcer la décentralisation et donner plus de pouvoirs de décision et d’action au plus près des citoyens ? À quel niveau et pour quel service ? Le tout avec l’ambition affichée par le Président de la République « de changer le mode d’organisation de notre République » et de proposer in fine une réforme de la Constitution.

Ce texte était attendu, alors que la crise sanitaire, économique, sociale et démocratique démontre le besoin de proximité, d’une plus grande coordination de l’action publique entre l’État et les collectivités au plus près possible de la maille territoriale, de plus de démocratie.

Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? La promesse a-t-elle été tenue ? La réponse est sans appel : 83 articles de détails, portés à 158 après examen en commission, constitués de dispositions hétéroclites sans armature ni cohérence. Cela ne fait pas une architecture.

Le Conseil national d’évaluation des normes a rendu un avis très défavorable sur le projet du Gouvernement.

Le Conseil d’État, que l’on a connu plus mesuré, « s’il admet que le texte comporte un certain nombre d’avancées concrètes, est défavorable au regard tant du caractère jugé limité des dispositions qu’il contient, que des sujets qu’il n’aborde pas ».

L’objectif du Gouvernement, plutôt que de proposer un nouvel acte de décentralisation et de déconcentration, est d’entériner la fin des grandes réformes et de tenter de boucher les trous. Or, sous couvert de pragmatisme maquillé en simplification, le texte introduit au final de la complexité supplémentaire en faisant du sur-mesure et en multipliant les dérogations aux textes existants.

Ce texte pèche d’abord par ce qu’il n’aborde pas.

Le premier sujet, le plus important, celui dont parlent tous les élus locaux et toutes les associations représentatives, c’est celui des relations financières entre l’État et les collectivités. Il est abordé à la marge au titre V, composé de trois articles anecdotiques, alors que nous réclamons la présentation au Parlement d’une loi de financement des collectivités locales qui fixerait les dispositions financières, budgétaires et fiscales les concernant, afin de permettre une meilleure lisibilité et une transparence de leur financement et de garantir les moyens de leur action.

La seconde absente, c’est la démocratie locale. Il est étonnant qu’au lendemain d’un déraillement démocratique sans précédent, avec plus de 65 % d’abstention aux élections locales, le texte soit totalement muet sur le sujet, à l’exception de l’article 4 sur le droit de pétition, et qu’une grande partie des amendements que nous avions déposés soient tombés sous le coup de l’article 45 de la Constitution ou aient été repoussés par les rapporteurs, qu’ils concernent la parité, la démocratisation des fonctions exécutives intercommunales ou la participation citoyenne.

Enfin, le texte reste bien pauvre sur les moyens d’améliorer la coordination de l’action publique, faute d’un cadre stable et fiable de dialogue entre l’État et les collectivités, qui fait cruellement défaut depuis l’échec de la Conférence nationale des territoires.

Nous avons, avec mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dans nos commissions respectives, tenté d’améliorer ce qui pouvait l’être. Mais les points de satisfaction sont peu nombreux, les rapporteurs ne nous ayant que trop rarement ouvert la porte.

On peut saluer ainsi, au fil du texte, quelques avancées : la possibilité pour les collectivités de verser des aides à l’installation des professionnels de santé ; l’assouplissement de la procédure de délégation de compétences entre l’État et les collectivités ; l’attribution aux régions de la conduite de la politique de l’apprentissage, de la formation professionnelle et de la coordination des acteurs du service public de l’emploi ; le transfert à la carte des compétences facultatives au sein des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) ; la possibilité pour les pôles métropolitains d’assurer le rôle d’autorité organisatrice de la mobilité.

Pour ce qui concerne le titre relatif à l’hébergement et au logement, qui aurait dû faire l’objet d’un texte à part tant les besoins sont criants et les résultats médiocres, nous enregistrons positivement quelques avancées.

Nous notons par ailleurs avec satisfaction l’attribution à l’ensemble des départements frontaliers des prérogatives octroyées à la Collectivité européenne d’Alsace, ou encore la clarification du droit funéraire, sujet cher à notre collègue Jean-Pierre Sueur.

Tout cela est bien, mais bien peu, d’autant que les regrets, les points de vigilance et les désaccords sont légion.

Au titre des regrets, citons parmi d’autres : à l’article 1er, la réécriture cosmétique de la définition de la différenciation ; à l’article 1er bis, une généralisation de la procédure de proposition de modification législative et réglementaire à la main des régions et des départements, malheureusement quasi virtuelle en l’absence d’obligation pour le Premier ministre d’y répondre dans un délai contraint, ce qui rend la mesure caduque, comme on l’a constaté pour celle octroyée à la collectivité territoriale de Corse.

Nous regrettons aussi la suppression de l’article 35, qui permettait une expérimentation de la recentralisation du RSA.

Sur le volet sanitaire, nous déplorons que le rôle des collectivités ne soit pas suffisamment renforcé, au-delà de la coprésidence des ARS par l’État et la région.

Enfin, nous regrettons particulièrement l’absence de dispositions sur la gouvernance hospitalière.

Parmi les points de vigilance, je citerai, au titre III portant sur l’urbanisme et le logement, l’allégement des contraintes à l’égard des communes ne respectant pas la loi SRU et les différentes dérogations introduites. Nos collègues de la commission des affaires économiques, saisie au fond, y reviendront pendant nos débats.

Enfin, nous déplorons une fois de plus les coups de canif portés à l’intercommunalité, avec le rétablissement du critère de l’intérêt communautaire pour la détermination de diverses compétences, en particulier celles qui concernent les zones d’activités, ainsi que le retour sur le caractère obligatoire du transfert de la compétence « eau et assainissement » aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération.

Je pourrais ajouter d’autres sujets, comme la permission donnée à toute collectivité de mettre en place des radars automatiques, le renforcement du pouvoir du préfet sur l’Ademe et les agences de l’eau…

Au final, ce texte est celui du grand écart entre des intitulés ronflants et leur contenu.

Alors que la crise sanitaire, économique, sociale et démocratique sans précédent que nous traversons a montré le besoin de proximité et d’une plus grande coordination de l’action publique, le Gouvernement, suivi par les rapporteurs, a fait le choix d’un texte « catalogue » sans souffle.

Ce projet de loi ne change rien à la vie quotidienne des Françaises et des Français et n’éclaire en aucune façon la compréhension pour les électeurs des compétences de chaque niveau de collectivité. Il ne répond pas à la méfiance croissante des citoyens envers la démocratie et à leur demande de proximité de l’action publique. Nous attendions trois « D » majuscules, puissants, nous récoltons finalement un quatrième « D », celui de la déception !

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les lois RCT, NOTRe et Maptam ont conduit les gouvernements de droite et de gauche à une erreur de jugement considérable depuis plus de dix ans. Le grand bazar administratif ainsi créé éloigne les centres de décision du terrain et, donc, des Français.

Nos compatriotes ne savent plus à quelle porte taper, ils n’ont plus de réponse à leurs interrogations. Perdus dans ce dédale administratif, ils en oublient aussi le chemin qui mène aux urnes. Vos réformes, mes chers collègues, ne sont pas étrangères à l’abstention massive.

Le texte que nous allons examiner lors des prochaines semaines était censé être le grand acte de décentralisation, déconcentration, différenciation et décomplexification. À cette loi dite 4D, j’en ajouterai un cinquième, le D de « déception », car son contenu est finalement sans ambition.

Il est assez paradoxal pour le Gouvernement de vouloir faire de la Nation une start-up sans remettre en cause la suradministration, semblable en de nombreux points à celle de la fin de l’Ancien Régime, lorsque l’on critiquait l’enchevêtrement des bailliages, des sénéchaussées, des provinces, des gouvernements, des généralités… Pour exemple, un Marseillais a huit niveaux d’administration au-dessus de la tête : la mairie de secteur, la mairie centrale, le conseil de territoire, la métropole, le département, la région, l’État et, bien évidemment, l’Europe. Cet entassement de strates est une source de confusion, un frein à la démocratie, un accélérateur de dépenses publiques et de clientélisme.

Au lieu de donner un coup d’arrêt à cette situation et de mettre en œuvre une réforme organique, ce texte partiel va grossir la tour de Babel administrative de dispositions nouvelles sans cohérence ni sans plus de simplicité, alors qu’il eut fallu, au contraire, simplifier radicalement.

Nos communes sont la cellule de base de notre corps national. La majorité d’entre elles sont rurales et leurs conseillers municipaux en grande partie bénévoles. En cette période de politique bashing, il n’est pas inutile de le rappeler. Ces élus sont au contact des réalités et, donc, des besoins, servant l’intérêt général dans des conditions chaque jour plus difficiles en raison justement des contraintes imposées par des intercommunalités et des monstropoles toujours plus avides de prérogatives et de pouvoirs, sans qu’elles aient d’ailleurs la capacité de les assumer.

L’impératif premier d’une loi de décentralisation doit être le principe de subsidiarité : la responsabilité de l’action publique doit revenir à l’échelon le plus proche des sujets concernés, mais c’est l’inverse qui se produit !

À force d’imposer la rationalisation administrative et l’idéologie du déracinement permanent, on fait table rase des communes et des départements, ces collectivités locales connues et reconnues pour leurs compétences et leur réactivité au profit de structures informes, aussi désincarnées qu’inefficaces.

La coopération intercommunale pourrait être mise en œuvre par les conseils départementaux avec un maillage cantonal, plutôt qu’imposée par un EPCI.

Si les métropoles sont des réalités économiques, la légitimité de l’administration métropolitaine doit être remise en cause. Cela équivaudrait à supprimer une strate administrative et conférerait de l’envergure au mandat départemental.

En pleine crise institutionnelle et démocratique, nous avons l’opportunité de pousser jusqu’au bout la logique de la différenciation en redéfinissant des régions à taille humaine et dont la réalité géographique et historique serait cohérente.

Le triptyque État-département-commune est l’aboutissement de cette décentralisation-différenciation. C’est autour de ce triptyque que je vous invite, mes chers collègues, à orienter nos travaux.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. François Calvet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le fameux millefeuille territorial a déjà été suffisamment éprouvé par les coups que le quinquennat précédent lui a infligés.

Votre expérience au sein de la Haute Assemblée et les consultations que vous avez menées, madame la ministre, vous ont permis de constater que les élus ne voulaient pas d’un grand chambardement, mais souhaitaient plus de facilités pour exercer leur action publique.

Il n’empêche que la situation sur le terrain n’est pas évidente. Par nature, l’exercice des mandats locaux est difficile. Les élus sont au contact de nos concitoyens, de leurs difficultés et de leurs insatisfactions. Mais d’expertises techniques en rescrits, menacés par le risque pénal, ils sont sur un chemin de crête qui s’apparente de plus en plus, hélas, à un chemin de croix.

Je prendrai un exemple, dont je viens de prendre connaissance par SMS. Un maire aveyronnais vient d’être condamné à six mois de prison avec sursis pour un accident mortel survenu lors d’une fête : un jeune est décédé après être passé au-dessus d’un mur, en dehors du périmètre de cette fête. Cet élu fait bien sûr appel.

Certains de mes collègues regrettent que le projet de loi que vous soumettez à notre examen ne soit pas plus ambitieux. Je comprends ces regrets, mais je veux rappeler que, en deux ans, nous avons déjà voté la loi Engagement et proximité et la loi Accélération et simplification de l’action publique, et ce alors que les élus ont eu une crise sanitaire historique à gérer. Je veux aussi rappeler que, en France, la technocratie enveloppe d’obstacles toutes les meilleures volontés. L’ultime version de l’attestation de déplacement dérogatoire rappellera à ceux qui pourraient l’avoir oublié toute l’étendue du génie administratif français.

Il convient, autant que faire se peut, de préserver nos collectivités territoriales d’un mal qui n’épargne aucun domaine dans notre pays : l’inflation normative. Nous devons nous attacher à ne voter que des dispositions utiles et intelligibles.

Certes, le contexte des élections départementales et régionales n’a pas permis d’associer nos élus dans les meilleures conditions, mais la commission des lois, dont je salue le travail, s’est employée à enrichir au mieux ce projet de loi dans un délai très réduit. Nous nous félicitons ainsi de l’adoption de plusieurs dispositions visant à accroître la liberté des collectivités territoriales. C’est notamment le cas de celle qui permet le transfert de compétences à la carte entre les communes et les EPCI, ou encore de celle qui supprime le caractère obligatoire du transfert de la compétence « eau et assainissement ». Je rappelle que cette dernière disposition répond au souhait de très nombreux élus.

Notre groupe partage de nombreux objectifs de la commission. Nous doutons cependant que la simplification du droit puisse être réalisée par la création de nouvelles dispositions, quand bien même il s’agirait de dérogations.

Il est devenu indispensable d’éclaircir la mangrove normative si nous voulons qu’élus et administrés puissent s’y retrouver. Pour cela, nous vous proposerons, mes chers collègues, de voter des amendements visant à remettre les choses dans l’ordre et à apporter davantage de clarté et de simplicité.

Les premiers d’entre eux ont pour objet de donner son plein effet au principe « silence gardé vaut acceptation ». Ce principe, qui replace l’administration au service des élus et des citoyens, existe déjà dans notre droit, mais les exceptions ont détrôné la règle. Son application est trop souvent neutralisée par une liste de dérogations qui est le fruit de l’administration et sur laquelle le Parlement n’a pas de contrôle. Ces amendements, portés par notre collègue Dany Wattebled, reprennent ceux qui avaient été adoptés par le Sénat lors de l’examen de la loi Accélération et simplification de l’action publique.

Dans le même objectif, nous soutiendrons le rétablissement de l’article 35 portant l’expérimentation d’une recentralisation du RSA. Les finances de nombreux départements sont grevées par la charge que représente cette allocation. Nous estimons qu’il faut permettre aux départements qui le souhaitent de solliciter une recentralisation.

L’ensemble de ces amendements a le même objectif : redonner des marges de manœuvre aux élus locaux. Nous savons tous ici que nos concitoyens se tournent en priorité vers les élus les plus proches d’eux, au premier rang desquels se trouvent les maires. Ce sont les élus locaux qui connaissent le mieux les spécificités de leur territoire et les attentes de leurs administrés. Il faut leur donner les moyens de résoudre les difficultés qui se posent à eux.

Au fil des fusions, nous avons tous pu constater que la mise en place de collectivités de grande taille ne permettait pas toujours l’organisation la plus efficiente. Les grandes régions n’ont pas permis d’atteindre les économies escomptées et ont parfois même entraîné d’absurdes dépenses supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

M. Alain Marc. En misant sur la proximité, en faisant confiance aux territoires et en jugulant l’inflation normative, nous pourrions faire mentir Pierre Daninos, qui considérait que, « de tous les pays du monde, la France est peut-être celui où il est le plus simple d’avoir une vie compliquée et le plus compliqué d’avoir une vie simple ».

Sourires et applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Stéphane Ravier applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’organisation territoriale est au cœur des débats depuis de nombreuses années. Cette question est si essentielle que je me permettrai de déplorer le calendrier qui a été choisi pour en débattre : dans la foulée de la loi Climat et alors même que les élections locales se déroulaient.

Outre la question de l’agenda, notre déception vient du fait que ce texte est très hétéroclite. Renfloué d’un volet sur le logement social initialement prévu dans la loi dite Séparatisme, il n’en reste pas moins un véhicule législatif qui porte a minima sur les enjeux auxquels sont confrontés nos territoires, en n’y apportant que des réponses parcellaires. Le grand soir promis lors du tour de France présidentiel après la crise des « gilets jaunes » n’est pas au rendez-vous : pas de consécration d’une nouvelle décentralisation, pas de mise en œuvre d’une différenciation efficace, une certaine reconcentration du rôle du préfet au niveau local et un oubli, celui de développer la démocratie et la participation citoyenne.

La crise des « gilets jaunes » et la crise sanitaire ont constitué un rappel de l’attachement des Français à un échelon local plus souple et plus agile pour répondre à leurs attentes. Mais, entre l’affichage d’une ambition forte en faveur d’un pouvoir réglementaire local étendu et adapté et sa transcription dans le texte, l’écart est immense, et personne n’y trouve son compte.

Ce texte, si disparate dans ses mesures, a donc servi de trame succincte, et le Sénat et ses rapporteurs l’ont réécrit à leur guise en réintroduisant des propositions retoquées lors de lois précédentes, comme le transfert à la carte des compétences des communes vers les EPCI justifié par la création d’un « intérêt communautaire », sésame supposé de la naissance de projets territoriaux partagés.

Si je salue le souhait de permettre une différenciation plus effective et un renforcement du pouvoir réglementaire local, je désapprouve les possibilités offertes par la nouvelle rédaction du texte de modifier, sous couvert de simplification, la portée des réglementations, notamment en matière d’aide sociale et de procédure d’urbanisme. La simplification ne doit pas être synonyme de moins-disance. Avec mon groupe, nous porterons des amendements qui vont dans le sens d’un plus grand équilibre, par exemple pour que le Ceser ne devienne pas une chambre partisane nommée et dépendante d’une majorité politique régionale, quelle qu’elle soit.

Je m’attarderai sur la vision limitée qu’a une majorité de notre assemblée de la démocratie participative. L’idée de limiter le droit de pétition et de rendre optionnelle son inscription à l’ordre du jour d’un conseil municipal est un couteau planté dans le dos de notre pacte républicain. Les élus sont certes responsables devant leurs électeurs au travers des élections, mais empêcher une expression libre, vivante, démocratique sur un sujet porté par ces derniers au travers d’une pétition, alors que notre devoir est de tout faire pour permettre à notre démocratie de sortir de la crise actuelle, est une faute.

Que dire du titre II sur la transition écologique ?

Après le fiasco de la modification de l’article 1er de la Constitution lundi dernier et les débats souvent d’une autre époque lors de l’examen de la loi Climat, dire que ce titre ne permet pas de répondre aux défis auxquels nous devons faire face est un euphémisme bienveillant.

Le transfert hypothétique des routes nationales aux départements et aux régions et celui des petites lignes ferroviaires pointent une autre lacune de ce texte de loi : ces transferts de compétences se font dans un certain flou s’agissant du financement à long terme. Ce manque de transparence sur le financement et sur les transferts de personnels induits par cette remodélisation fonde une critique largement partagée portant sur l’ensemble de ce texte.

Quant à la remise sous coupe préfectorale, c’est-à-dire sous celle du ministère de l’intérieur, de l’Ademe – une agence qui a fait ses preuves dans le domaine de l’environnement –, elle laisse encore perplexes les intéressés et tous ceux qui ont bénéficié de son soutien.

Ni le Gouvernement ni la majorité n’ont à cœur de combattre l’assignation à résidence des populations précaires qu’ils dénoncent pourtant souvent.

Tout comme pour les éoliennes, la théorie du « pas chez moi » revient de plus belle : comment justifier auprès de nos concitoyens la possibilité pour les communes de comptabiliser des casernes militaires comme logements sociaux ?

Autre exemple de cette lutte contre les précaires plus que contre la précarité : le renforcement du contrôle des allocataires du RSA, la suppression de l’élargissement de la recentralisation du RSA, ou le refus de pérenniser l’encadrement des loyers.

Mes chers collègues, outre que nous restons sur notre faim, dans l’attente d’un big-bang territorial ou même d’un acte III de la décentralisation, nous regrettons l’extrême timidité du Gouvernement.

Quoique plus légitime à porter un véritable projet d’organisation, en s’appuyant sur ses travaux et sa proximité avec les territoires, je regrette que la majorité sénatoriale ait également choisi de se contenter de reprendre la vision partielle et partiale de ses propositions antérieures, sans aucune ouverture ou compromis.

Madame notre rapportrice, je vous cite : « S’il n’y a pas tout, il vaut mieux qu’il n’y ait rien. » Vous l’avez dit ce matin en commission des lois.

À l’image des dispositions sur la métropole Aix-Marseille-Provence, ce texte part d’un constat sans appel et partagé par tous, mais n’y répond que très partiellement, voire témoigne d’une ambition trop partisane.

Cette non-loi fourre-tout proposée par le Gouvernement est devenue un texte sans vision réelle structurante qui ne résoudra aucun problème d’organisation et de coordination des communes, des métropoles et des régions. Quant aux citoyens, toujours trop absents, ils continueront à ne pas pouvoir participer suffisamment et à ne pas pouvoir comprendre comment les choses marchent. C’est pourquoi, fervent défenseur d’une décentralisation à la hauteur des spécificités locales et d’une différenciation synonyme d’efficacité et non de compétition et d’inégalités, le groupe GEST a déposé près de 200 amendements afin d’améliorer ce texte, que nous ne voterons pas en l’état.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. François Patriat.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me bornerai à quelques propos généraux.

Je veux d’abord saluer votre engagement, madame la ministre, et l’immense travail qui a été réalisé pendant des mois de concertation avec l’ensemble des élus locaux et des associations d’élus. Les sénateurs du groupe RDPI ont également pris part à ce travail d’écoute et de coconstruction, traduisant une profonde considération pour les acteurs de terrain.

Ce texte de clarification et d’amélioration vient compléter les trois actes de décentralisation que nous avons connus depuis les lois Defferre, que j’ai eu l’opportunité de voter en 1981 à l’Assemblée nationale.

Depuis plus de quarante ans, notre pays a vu son millefeuille territorial étoffé, complexifié, peut-être même asphyxié au fil des réformes menées. Mon expérience de président de la région Bourgogne, pendant deux mandats, m’a permis d’en mesurer l’ampleur.

Vous l’avez dit, madame la ministre, le texte 3DS qui nous est présenté aujourd’hui n’a pas vocation à provoquer un énième bouleversement territorial. Il répond avant tout aux attentes légitimes des citoyens, des élus et des territoires posées à l’occasion du grand débat national. Qu’en avons-nous retenu ?

Tout d’abord, nos concitoyens attendent davantage de services publics de proximité.

Ensuite, nos collectivités territoriales souhaitent une meilleure prise en compte des particularités locales, pour une organisation territoriale moins rigide.

Enfin, nos élus locaux méritent d’être confortés et soutenus dans leur mission quotidienne. C’est ce que nous avons mis en œuvre ici même avec la loi Engagement et proximité, votée en 2019 sous l’impulsion du ministre M. Lecornu.

C’est l’un des principaux enjeux du texte, mes chers collègues : trouver un équilibre entre ce qui existe et ce qui peut être amélioré, en répondant aux différentes formes d’attente qui ont été exprimées, notamment pendant la crise sanitaire, sans remettre en cause les grands équilibres existants et surtout sans creuser d’écart abyssal entre les collectivités et les administrés.

En plus de répondre aux attentes pragmatiques qui ont été exprimées, le projet de loi 3DS marque un tournant dans les relations entre l’État et les collectivités. Il tend vers une relation basée sur davantage de contractualisation que la tutelle verticale de l’État, laquelle implique que toutes les décisions soient prises unilatéralement et sans concertation. Il prévoit des outils concrets afin de permettre aux élus locaux et aux collectivités territoriales d’exercer les missions qui sont les leurs avec plus de risques, de responsabilités et de singularités.

Au cours de nos séances de travail, nous débattrons de plus de 90 articles qui concernent tous les champs de l’action politique locale en France hexagonale et en outre-mer : la transition écologique, le logement, l’urbanisme, la santé, la cohésion sociale, l’éducation, la culture et le fonctionnement des institutions. Nous les examinerons en suivant quatre principes : la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la simplification de l’action publique. Nous devons également aborder l’examen de ce projet de loi avec responsabilité envers nos concitoyens.

Tout comme les rapporteurs, offrons encore plus d’ambition au texte sans bouleverser les équilibres acquis et rassurons nos concitoyens, en leur rappelant le travail colossal qui est abattu chaque jour par les élus locaux, dans les mairies, les intercommunalités, les départements et les régions.

Avec l’ensemble des sénateurs du groupe RDPI, nous mettrons toute notre énergie au service des élus et des collectivités, à l’image de notre mobilisation lors de la loi Engagement et proximité, et nous proposerons un certain nombre d’évolutions législatives, notamment sur la santé, le logement et l’urbanisme. C’est la raison pour laquelle nous espérons des débats constructifs, bienveillants et à la hauteur de la tâche qui nous incombe en tant que représentants de la chambre des territoires. En une phrase : enrichir ce texte, oui, le dénaturer et le rendre illisible, non ! Évitons la surenchère et la démagogie !

Nous soutiendrons ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

M. Pierre Laurent remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’abstention record lors des dernières élections départementales et régionales doit nous interroger. D’abord, sur l’offre politique que nous proposons, qui, manifestement, intéresse de moins en moins nos concitoyens ; ensuite, sur le rôle des différents échelons de nos collectivités territoriales, d’une part, et sur la représentation de l’État, d’autre part.

Ce tiraillement entre pouvoir local et pouvoir national, entre centralisme et fédéralisme, a toujours existé en France, avec un penchant historique pour un centralisme hérité de l’Ancien Régime, puis de la Révolution française. Le législateur, notamment depuis 1958, a cherché à corriger ses excès, ceux d’une politique descendante, déconnectée des territoires, mais l’impression pour beaucoup reste la même : trop de décisions dépendent encore de considérations parisiennes. Cette crise de la covid-19 nous l’a trop souvent rappelé.

Aussi, l’annonce de ce projet de loi 3D, puis 4D, puis finalement 3DS, a suscité chez les élus locaux beaucoup d’espoir, non pas celui de bouleverser l’équilibre institutionnel – les lois NOTRe et Maptam ayant fait suffisamment de dégâts –, mais bien celui de simplifier, de fluidifier les relations, les compétences et l’exercice du pouvoir au sein de nos collectivités locales et de leurs groupements. Nous héritons à l’arrivée d’un texte complexe, dont on a des difficultés à en comprendre le but et l’objectif si ce n’est qu’il ajoute encore plus de confusion chez les élus locaux et les citoyens.

Concernant la différenciation, nous sommes confrontés à un principe que l’on appréhende mal. Si l’idée, que nous comprenons tous, est bien de prévoir dans certains cas une application différente de la loi selon les spécificités locales, ce à quoi nous aspirons tous, le texte initial peinait à l’exprimer clairement : les apports de la commission des lois ont été précieux en ce sens.

Ce texte vient à la fois consacrer un principe et, en même temps, en prévoir une application très limitée. Dans la version initiale du texte, quatre articles seulement y étaient consacrés. Il faut reconnaître qu’il y avait de quoi rester sur notre faim !

La logique aurait également voulu qu’en parallèle soit consacré un véritable pouvoir réglementaire local, mais, une fois de plus, on fait face à de menues mesures : on met en œuvre ce pouvoir seulement pour déterminer le nombre d’élus dans les CCAS, pour fixer le délai de publication de la liste des terrains qui n’ont pas fait l’objet d’une mise en défens ou encore pour la facturation de la redevance d’occupation pour travaux. Je ne dis pas que cela ne constitue pas une avancée, mais c’est, hélas, trop maigre. Là encore, nous saluons les apports de la commission, qui a essayé de revoir l’ambition à la hausse, notamment en faveur des conseils départementaux.

Pour ce qui est du deuxième « D », celui de décentralisation, la portée des mesures proposées est faible. On y retrouve pêle-mêle une clarification des compétences en matière de transition énergétique, à l’article 5, et diverses dispositions concernant les transports, notamment la possibilité de transfert d’une partie des routes nationales vers les départements et les métropoles.

Pour revenir sur cet article 5, je rappellerai que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. Je crains bien que, là, ce soit le cas. Le Conseil d’État a d’ailleurs proposé de supprimer cet article, considérant, d’une part, qu’il est sans portée juridique sur la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et, d’autre part, qu’il tend à altérer la lisibilité de la répartition des compétences entre ces collectivités.

Sur le transfert des routes, on retrouve en fond la même musique jouée lors des lois NOTRe et Maptam : le renforcement du couple EPCI-région. Si nous pouvons nous interroger quant à la réalité du réseau transféré, de son financement ou de l’éclatement de cette compétence, nous sommes d’autant plus inquiets que cela risque de s’effectuer au détriment de l’échelon communal, mais, surtout, du département. Le groupe du RDSE s’était battu à l’époque pour le maintien de l’échelon départemental : comptez sur nous pour vous rappeler son utilité et la proximité qu’il apporte au quotidien, notamment dans les territoires ruraux. À ce titre, nous proposerons plusieurs amendements visant à renforcer l’action des conseils départementaux, en les associant davantage aux ORT, en prévoyant qu’ils puissent verser des aides de proximité en faveur de l’activité économique ou encore en leur donnant un rôle plus important dans la lutte contre l’illectronisme.

Parmi les éclaircies dans cette partie relative à la décentralisation, on trouve les mesures relatives à la loi SRU et à la facilitation de l’acquisition des biens sans maître. À ce titre, je salue l’adoption par la commission de l’amendement du président Requier allant en ce sens.

Actualité oblige, nous retrouvons également des mesures d’ordre sanitaire, notamment sur la gouvernance des ARS afin d’y renforcer le poids des élus locaux. Nous y sommes favorables, mais nous nous interrogeons sur le véritable levier politique que cette mesure pourrait représenter et la place que la parole des élus pourrait y prendre.

Concernant la déconcentration, je le répète, là encore, le contenu est décevant avec seulement cinq articles sur ce sujet dans le projet de loi initial. Nous serons particulièrement vigilants sur la transition des MSAP en espaces France Services, avec les risques de non-homologation qui peuvent parfois exister.

Le rôle du préfet est, lui, à réhabiliter. Localement, c’est le trio préfet-maire-président du département qui a été privilégié durant cette crise, et il a fait preuve de toute son efficacité.

La partie simplification est sûrement celle qui résume le mieux l’esprit confus de ce texte, où l’on évoque tour à tour la CNIL, la coopération territoriale transfrontalière, les expérimentations en matière de relance économique, ou encore la transparence dans les EPL.

Pour conclure, je regrette que le Gouvernement n’ait pas donné aux collectivités les moyens de leurs ambitions, à savoir davantage d’autonomie fiscale. En effet, il n’y a pas de pouvoir local sans pouvoir fiscal. L’idée n’est pas de remettre en cause la péréquation, ciment de la solidarité nationale, mais bien de permettre, dans chaque territoire, une véritable politique différenciée selon les besoins. Je prendrai l’exemple de la Gemapi, pour laquelle les moyens sont aujourd’hui insuffisants, de nombreuses collectivités se trouvant dos au mur pour faire face à leurs besoins d’investissement. La taxe Gemapi connaît une application très irrégulière selon la proximité de la menace climatique. Nous sommes confrontés à une véritable inégalité territoriale, avec des élus à qui l’on répond : « Aide-toi, le ciel t’aidera ! »

Voilà les quelques éléments auxquels le groupe du RDSE restera attentif. Il réserve son vote, qui dépendra du sort des amendements qu’il a proposés.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons arrive à la fin d’un quinquennat que certains ont d’ores et déjà qualifié de « quinquennat du malaise » des élus locaux, exprimant ainsi leur colère à l’égard du Gouvernement et de la majorité présidentielle. Souvenons-nous de la suppression des emplois aidés lors des premières semaines et, quelques mois plus tard, des contrats dits « de Cahors », qui ont illustré les difficultés des élus locaux à être entendus et à voir leur rôle reconnu par le Gouvernement, comme ce fut le cas tout au long des différentes crises qui ont suivi.

Vous l’avez dit, madame la ministre, l’objectif de ce texte n’est pas de tout bouleverser, car il existe une aspiration à une véritable pause institutionnelle, mais, entre détricoter et ne rien tricoter, il y a une marge.

Nous nous trouvons dans une situation héritée de la décennie précédente. Quelques collectivités territoriales sont effectivement devenues plus fortes, plus puissantes, plus compétitives, mais beaucoup d’autres ont besoin d’un accompagnement renforcé pour pouvoir satisfaire les besoins de leur population.

Cela a été dit, ce sera bientôt la date anniversaire des quarante ans de la décentralisation, laquelle visait à renforcer la démocratie tout en consolidant et en développant les libertés locales, en rapprochant la prise de décision publique de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Or, j’y insiste, depuis dix ans, principalement avec les lois Maptam, NOTRe ou celle sur la fusion des régions, à la place du renforcement des collectivités locales, de la clarification et de la simplification auxquels nous aspirions, nous avons assisté à une rigidification et à une incapacité à innover territorialement. Je veux le dire ici à celles et ceux qui défendront bientôt, lors de l’examen des premiers articles, la différenciation : si l’on continue en ce sens, seules quelques collectivités territoriales pourront réellement choisir demain de se différencier, quand beaucoup d’autres devront continuer à subir.

Depuis le dépôt de ce projet de loi, un phénomène nouveau est advenu : les élections départementales et régionales, avec – j’oserai le dire – la victoire de l’abstention, qui est de plus en plus forte, élection après élection. Certains ont parlé d’une « grève des urnes », mais ce n’est pas une fatalité. Cette abstention nous invite, y compris au travers de ce projet de loi, à repenser le pacte républicain et à en assurer l’efficacité, avec une volonté de renforcer les libertés locales dans l’esprit des lois de décentralisation. Mais ces libertés locales ne peuvent pas prendre toute leur place si elles ne s’inscrivent pas dans le cadre de l’égalité républicaine.

Vous nous parlez de simplification. Oui, elle est possible ! La clause générale de compétence était une mesure de grande simplification, mais elle a été retirée aux départements et aux régions. La possibilité pour les communes de gérer la compétence « eau et assainissement » serait une garantie de simplification efficace et immédiate. Nous attendrons donc de voir les suites qui seront données aux prises de position du Sénat.

Vous nous parlez de déconcentration, qui est le corollaire inévitable de la décentralisation. Oui, il y a besoin non pas d’un État censeur, mais d’une présence de l’État pour accompagner, faciliter la prise de décision ! Oui, il y a besoin de davantage de services publics !

Ce n’est pas simplement en renforçant le rôle du préfet de département que l’on répondra à ce besoin de « plus d’État » pour accompagner nos collègues élus, notamment en matière d’ingénierie financière. Ce ne sont pas non plus les maisons France Services, qui finiront par rassembler le peu de services publics encore présents dans les territoires, qui répondront à ce besoin de proximité et d’incarnation de la République, quel que soit le lieu où l’on habite. C’est évidemment avec plus d’agents dans les préfectures et dans les sous-préfectures que l’on y parviendra. Je tiens d’ailleurs à saluer ces agents, qui, lors de l’entre-deux-tours des dernières élections, ont tenté fortement et sans compter leurs heures d’enrayer la catastrophe liée à la diffusion de la propagande électorale.

En l’état, la différenciation renforcera inévitablement ceux qui ont des moyens – les métropoles et les grandes régions – alors que, pour développer la proximité, il faudrait au contraire affermir le triptyque formé par la commune, le département et la région.

Madame la ministre, face à ces enjeux, votre texte, que certains ont qualifié « de fourre-tout » – je reprendrai cette expression à mon compte, tant la diversité des articles nous empêche d’en voir la cohérence –, répond par une logique libérale, laquelle vise à détruire davantage encore l’équilibre que, dans notre histoire, par-delà nos appartenances politiques, nous avons toujours cherché à renforcer. Cet équilibre procède, d’une part, de la res publica romaine, le domaine commun, la chose publique qui appartient à tous, et, d’autre part, de la dêmokratia grecque, la capacité du peuple et des territoires à commander.

Vous l’aurez compris, le groupe CRCE se place dans une tout autre logique, celle de la construction d’une République demeurant décentralisée, garantissant les principes de liberté, d’égalité et de fraternité. Il sera constructif au cours des nombreux jours de débat, convaincu que la discussion se poursuivra et que ce projet de loi de fin de mandat aboutira d’ici à la fin du quinquennat.

Nous resterons constructifs, au travers des différents amendements que nous avons déposés, parce que, s’il faut garantir les missions régaliennes de l’État, il faut également renforcer les libertés locales, lesquelles ne sauraient s’opposer à l’égalité de tous ni justifier la destruction des services publics qui incarnent, in fine, la fraternité républicaine.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il est d’ailleurs difficile d’avoir une discussion générale sur un texte ne comportant que des mesures particulières ; à force de ne pas vouloir de grande réforme, on finit par en faire de trop petites, qui se limitent à des réglages techniques et à des ajustements juridiques, sans véritable ligne directrice.

Je m’adresse à vous avec respect, non seulement pour votre personne, mais aussi pour votre travail. Ne prenez donc pas ce reproche pour vous, car nous savons bien que vous êtes allée le plus loin possible dans ce que vous pouviez faire, tout en respectant le cadre étroit qui vous était fixé par le Président de la République et le Premier ministre. C’est peut-être là que réside finalement tout le problème…

L’état des lieux de la décentralisation est sombre – cela ne date pas de l’élection de M. Macron –, mais ce n’est pas avec ce texte que l’horizon va s’éclaircir.

Le Sénat avait fait au Président de la République et au Gouvernement 50 propositions ; les voici !

L ’ orateur brandit le document.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Voilà quarante ans, les Français ont voulu mettre fin au centralisme, mais, au fil des décennies, les administrations de l’État n’ont eu de cesse que de récupérer leurs pouvoirs, en multipliant les normes

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… en organisant la dépendance financière des collectivités, en bouleversant la structure de celles-ci et en éloignant les principaux centres de décision des territoires.

Aucune décision n’est parvenue à donner un véritable coup d’arrêt à cette frénésie centralisatrice, y compris la révision de la Constitution voulue par Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin, qui proclamait, en 2003, l’« organisation […] décentralisée » de la République.

Aujourd’hui, les collectivités territoriales sont tenues la bride courte, les maires sont parfois traités comme des subordonnés, à qui on adresse des instructions, les ressources propres des collectivités se sont réduites, au fil des années – particulièrement des dix dernières –, comme une peau de chagrin. Même l’État « local » est devenu plus rigide, en étant atteint dans son autorité, son unité, sa proximité et ses moyens d’action.

Vous venez pourtant nous parler de décentralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il fallait oser !

Eh bien, parlons-en puisque vous le souhaitez !

Au chapitre de la décentralisation, je constate que vous ne consacrez pas, comme nous le demandions, le pouvoir réglementaire des collectivités. Je vois également que, en matière d’urbanisme, avec le projet de loi Climat, vous restreignez toutes les capacités des élus à planifier les constructions dans leur ressort. Cela porte en germe la révolte – je vous le dis solennellement – des habitants et des élus de nos territoires.

En matière d’emploi, vous refusez la cohérence qui s’impose entre formation, emploi et action économique. Cette cohérence, vous l’instaurez pour la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, mais pas question de la transposer à l’échelon local, sous l’autorité des présidents de région !

Dans le secteur de la santé, vous voulez vous défausser de vos responsabilités en matière d’investissement hospitalier sur les collectivités, tout en refusant toute décentralisation du pouvoir au soin des autorités régionales de santé.

En matière sociale, vous avez, comme vos prédécesseurs, fait des départements les guichets des politiques nationales ; ces collectivités sont de plus en plus dépourvues de toute marge de manœuvre. Comment voulez-vous que la France avance, alors que se multiplient les entraves aux libertés locales, qui assèchent l’esprit d’initiative ?

Enfin, se pose malheureusement la question – sans doute la plus grave – de l’autonomie financière.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Qu’avez-vous fait pour la rétablir ? La réalité est là : à cet égard, vous n’avez cessé d’aggraver la situation. Le bricolage désastreux auquel le pouvoir actuel s’est livré, par la suppression progressive de la taxe d’habitation, remplacée par la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui encourt exactement les mêmes reproches quant à l’inadéquation de son assiette, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… restera longtemps gravé dans la mémoire des élus. Les malheureux départements qui perdent une ressource fiscale sont maintenant placés dans une dépendance accrue à l’égard de l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Certes, vous avez calculé justement les dotations de compensation, mais qui nous garantit que ce sera encore le cas à l’avenir ?

Les dotations de l’État, après avoir diminué de 30 % sous le précédent quinquennat, ont encore perdu 10 % de leur pouvoir financier, en raison du gel des dotations que vous avez imposé ; 10 % en cinq ans, c’est tout de même beaucoup, alors que nous avions déjà franchi, à la baisse, un plancher qui n’aurait jamais dû l’être.

On voit par ailleurs se multiplier des subventions affectées. Très bien, les élus sont contents, mais, voyez-vous, la subvention affectée à un projet négocié avec le préfet n’équivaut pas tout à fait au libre exercice de la faculté de décision des élus. Ceux-ci préfèrent financer leurs projets sur leurs propres ressources plutôt que de devoir tendre la main à l’État, lequel exige toujours, naturellement, des contreparties…

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Si seulement la déconcentration était, quant à elle, plus fournie que la décentralisation ! Les territoires veulent des interlocuteurs qui s’engagent pour l’État, non des interlocuteurs demandant la permission à Paris, aux agences et aux services régionaux de l’État. La régionalisation des services de l’État et la multiplication des guichets d’agence à l’échelon régional constituent une forme insidieuse de recentralisation, par les ministères, de ce qui pourrait relever du pouvoir de décision du préfet.

Nous voulons – nous l’avons demandé dans notre rapport sur le plein exercice des libertés locales – que le préfet soit, même si la décision est instruite à l’échelon régional, l’autorité de décision de l’État dans le département. Cela nous paraît très important.

Pauvres préfets de département, peu à peu dépouillés de leurs responsabilités, alors qu’il serait si simple de les leur rendre ! Ce serait, pour les collectivités, un avantage considérable si les besoins qui émergent du terrain pouvaient être davantage pris en compte dans les décisions de l’administration, qui se réfugie maintenant – commodément, puisqu’elle est lointaine – derrière des normes auxquelles on ne peut jamais déroger.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Puisque j’utilise ce vocable, je veux vous indiquer que nous avons également proposé de faciliter l’octroi, sous l’autorité du préfet, d’un certain nombre de dérogations, afin de permettre la réalisation de projets d’intérêt général. Je n’en vois pas trace dans ce texte.

Il y a aussi le chapitre de la différenciation, qui est réduite à la portion congrue ! Vous n’explorez pas toutes les possibilités ouvertes par l’excellent avis du Conseil d’État de décembre 2017 et, bien sûr, vous ne reprenez pas non plus la proposition du Sénat ; vous me direz que ce n’est pas le lieu, s’agissant de dispositions de nature constitutionnelle, mais que ne faites-vous pas cette révision constitutionnelle, vous qui les aimez tant ?

Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il s’agirait de garantir constitutionnellement un droit à la différenciation, ce qui permettrait au législateur d’aller plus loin qu’on ne peut le faire actuellement.

Peut-être trouvera-t-on dans le « S » ajouté à la dernière minute – la simplification – un quelconque soulagement après un tel inventaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Malheureusement, j’ai le regret de vous dire que, en ce qui me concerne, je n’ai pas ressenti ce soulagement. Cette dénomination m’a au contraire semblé n’avoir pu être utilisée que par antiphrase, par ironie, tant le projet que vous nous présentez est touffu, technique et protéiforme. Il eût été plus exact de parler de complexification…

Il faudrait donc beaucoup plus que ce texte pour remédier à ce mal français : l’étatisme. Un catalogue de mesures ne constitue pas ni ne peut inverser une politique. Nos rapporteurs, que je salue, ont eu bien du mérite d’essayer de donner consistance à ce texte. Si nous y parvenons ensemble, ce sera toujours ça de pris, mais il faudra une tout autre ambition pour remédier à la situation créée par deux quinquennats d’incompréhension des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les parlementaires se plaignent parfois de textes de circonstances ou de projets de loi examinés dans la précipitation, poussés par une actualité brûlante. Assurément, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui n’appartient pas à cette catégorie. Ce serait même plutôt l’inverse : voilà des mois que nous entendons parler du projet de loi 4D, devenu au dernier moment 3DS, …

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

… des mois que les concertations avec les élus se multiplient.

Nous avons pu craindre, au printemps dernier, que le projet ne soit pas inscrit à l’ordre du jour, mais nous y voici enfin, en grande partie grâce à votre opiniâtreté, madame la ministre.

Ainsi, vous imaginez bien que, après une telle attente, nous espérons un grand texte pour les collectivités territoriales. Nous n’attendons pas un big-bang – ni les élus locaux ni nous n’en voulons, car les grandes régions, la loi Maptam et la loi NOTRe ont tellement bouleversé le paysage institutionnel local qu’il n’est pas question de se lancer dans un nouveau chamboule-tout –, car nos collectivités ont besoin de stabilité. Néanmoins, ce texte arrive à la fin d’un mandat présidentiel et, comme nombre d’élus, nous sommes assez déçus du résultat ; même le Conseil d’État n’a pas été tendre dans son avis sur votre texte…

Pourtant, en apparence, tous les ingrédients sont bien présents : un zeste de différenciation, un soupçon de décentralisation, une pincée de déconcentration… mais ça manque de simplification. Une lecture plus attentive des différents items fait apparaître une succession de mesures aux effets trop limités, même si tout n’est pas à jeter, tant s’en faut.

Ainsi, dans une période où se manifeste, de plus en plus bruyamment, la grève des isoloirs, il faut saluer l’initiative visant à encourager les nouvelles formes de participation à la vie politique locale, via l’abaissement des seuils de saisine directe par les citoyens de la collectivité de toute affaire relevant de sa compétence. Certaines compétences des collectivités sont par ailleurs renforcées dans des domaines variés : l’environnement, le logement ou encore la mobilité.

Toutefois, si le projet de loi étonne par son éclectisme, il déçoit par ce qu’il tait. En effet, pas un mot des finances locales ! Or il n’y a pas de pouvoir de décision sans réel pouvoir fiscal. Pusillanimité pour ne froisser personne ou tentative sincère de créer le consensus, au risque d’en décevoir beaucoup ? Quoi qu’il en soit, il est temps de développer de nouvelles solidarités financières vertueuses.

Que demandent les maires ? De la souplesse et de la proximité dans l’action publique ! Ce message a été entendu par notre commission des lois et par leurs rapporteurs, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, que je veux saluer et dont je tiens à souligner la qualité des travaux au nom du groupe UC. Nos deux collègues sont, depuis plusieurs années maintenant, les garants et les gardiens d’une « doctrine sénatoriale » sur le sujet, laquelle est régulièrement alimentée par les travaux de la commission des lois et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, mais pas seulement : le nombre de commissions saisies pour avis sur ce texte démontre que ce texte touche une grande quantité de sujets.

Nous espérons, madame la ministre, que les nombreuses initiatives de la majorité sénatoriale au cours des deux prochaines semaines de débat ne resteront pas lettre morte.

Ainsi, le texte adopté par la commission prévoit de nouveaux transferts de compétences, tels que le transfert, aux régions, du service public de l’emploi ou encore le renforcement de la compétence de solidarité des départements.

En matière financière, je salue l’adoption de l’amendement sur la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local), qui visait à reprendre une position que j’ai défendue avec constance, depuis plusieurs années, en tant que rapporteur pour avis de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». En vertu de ce dispositif, les subventions de l’État au titre de la DSIL sont principalement attribuées par le préfet de département et non par le préfet de région.

Je souhaite maintenant dire quelques mots du titre III du présent projet de loi.

Dans la lignée du rapport d’information de nos collègues Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard sur l’évaluation de la loi SRU, la commission des affaires économiques a accompli un travail important sur ce texte.

Sur le fond, le groupe Union Centriste partage l’analyse de la commission, qui considère qu’il faut sortir de la dimension infantilisante de l’application de cette loi. Cela implique la suppression des sanctions contre-productives dont la Cour des comptes a démontré l’inutilité dans un rapport récent. Appauvrir les communes par des sanctions financières est une véritable erreur ; faisons-leur confiance, au contraire, en fléchant ces sommes vers le logement social sur le territoire, au moyen d’une consignation des pénalités de carence sous le contrôle du préfet.

Je veux dire un mot, enfin, sur un sujet qui empoisonne la vie de nombreux élus ces derniers temps, à savoir le risque juridique qui pèse sur les représentants d’une collectivité au sein d’une entreprise publique locale.

Depuis février dernier, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique recommande aux élus locaux de se déporter lorsque leur est soumise une décision relative à une SEM (société d’économie mixte) ou une SPL (société publique locale). La menace est sérieuse : on parle d’un risque de condamnation pénale pour prise illégale d’intérêts. Il s’agit d’un sujet en soi, qu’il conviendrait de résoudre au-delà de la simple question soulevée incidemment, car il y a de quoi effrayer de nombreux élus. Pourtant, en réalité, cette interprétation paraît « très éloignée de l’esprit de la loi », comme l’ont relevé nos rapporteurs.

Ainsi, afin d’apporter aux élus locaux la sécurité juridique indispensable à l’exercice serein de leur mandat, notre commission a adopté un amendement bienvenu. Celui-ci ne règle pas tout ; il nous restera à réfléchir, demain, à une rédaction renouvelée du délit de prise illégale d’intérêts, au sens de l’article 432-12 du code pénal. Le Sénat a déjà été force de proposition sur cette question par le passé. L’examen de la réforme de la justice à la rentrée nous permettra, je l’espère, d’avancer sur ce point.

Je ne peux passer sous silence, avant de conclure, le sujet du cumul des mandats, en particulier du cumul du mandat de parlementaire avec toute fonction exécutive locale. Nous sommes très nombreux à convenir que le législateur est allé trop loin, en privant le Parlement de notre pays de la présence, en son sein, de maires, notamment de communes rurales.

Il est regrettable que ce texte ne permette pas, là encore, d’introduire de la souplesse dans l’application d’une règle qui s’est finalement révélée néfaste pour la démocratie parlementaire. D’ailleurs, je crois que le Président de la République lui-même convient de cette difficulté qui se pose à notre démocratie parlementaire.

Vous l’aurez donc compris, mes chers collègues, nous avons ressenti une certaine déception à la lecture de la copie initiale du Gouvernement. Toutefois, celle que nos commissions ont rendue offre des perspectives beaucoup plus encourageantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

M. Loïc Hervé. Je souhaite que les nombreuses heures de débat qui sont devant nous permettent d’aboutir à un texte plus ambitieux. Surtout, j’espère que le Gouvernement soutiendra cette ambition lorsque le texte sénatorial arrivera au Palais-Bourbon.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après plus d’un an de concertations et d’hésitations, d’atermoiements, sur l’inscription à l’ordre du jour de ce texte, nous entamons enfin l’examen du projet de loi 3DS. Ce texte devait traduire la vision qu’avait le chef de l’État de la République territoriale, en réponse notamment à la crise des « gilets jaunes », en s’inspirant du débat avec les maires, dont le Président de la République avait redécouvert l’utilité.

Las, comme l’a précédemment indiqué mon collègue Didier Marie, ce texte est une succession de mesures. Si c’était un animal, ce serait un invertébré… C’est, au bout du compte, la désillusion qui l’emporte, sur toutes les travées et chez les élus locaux. Par ailleurs, ce texte ne tire pas les conséquences de la crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire, il s’agit d’un texte « nid-de-poule » : il répare des choses de-ci, de-là, parfois à juste titre, parfois non, mais il ne trace aucun itinéraire, ne porte aucun souffle. Résultat : un nombre d’articles doublé et de nombreux amendements, en dépit des déclarations d’irrecevabilité, le tout à examiner dans un délai record, ce gouvernement ne voyant aucun intérêt à créer les conditions requises pour un examen serein des textes. Nous pouvons donc remercier les services du Sénat et les collaborateurs de groupe.

Pourtant, il y avait des propositions, émanant tant de la majorité sénatoriale que de notre groupe, auteur de la proposition de résolution pour une nouvelle ère de la décentralisation.

Nous examinons un texte portant sur la différenciation. L’État français a réussi sa construction par la centralisation, mais cette réussite s’est traduite par la méfiance à l’égard des territoires, souvent considérés comme immatures. L’intitulé du titre I du présent projet de loi laissait augurer une petite révolution en la matière, mais celle-ci a été démentie par son contenu. C’est parce que le Gouvernement refuse d’assumer une véritable logique de différenciation que des difficultés demeurent, par exemple avec la compétence « eau et assainissement ». Ainsi, si l’annonce d’une différenciation marque l’amorce d’un changement de référentiel, l’exécutif se contente de faire la charité d’une parcelle de liberté en matière de pouvoir réglementaire…

L’article 1er bis a été opportunément introduit par les rapporteurs. Il représente, il faut le souligner, un changement de mentalité pour la majorité sénatoriale, qui s’était opposée à cette évolution, proposée par des parlementaires socialistes dans le cadre de l’examen du projet de loi NOTRe. Nous proposerons d’ajouter d’autres dispositions, afin de garantir une réponse de l’exécutif aux demandes d’adaptation législative et réglementaire des collectivités.

Nous serons en revanche en désaccord avec certaines évolutions proposées par la majorité sénatoriale, notamment celle, scandaleuse, qui consiste à autoriser les départements à poser une condition de patrimoine pour pouvoir bénéficier du RSA.

Nous serons également en désaccord avec le rétablissement de la notion d’intérêt communautaire pour des compétences qui constituent le cœur de l’intercommunalité ; cela n’a aucun sens. Les modifications apportées par la loi Engagement et proximité ainsi que la possibilité, que nous avons également proposée, de transférer des compétences facultatives à la carte suffisaient.

Nous aurions pu nous retrouver sur les dispositions concernant les CTAP, car il s’agit d’interterritorialité, mais votre approche est trop instrumentale, mes chers collègues, dans la mesure où elle repose sur des délégations de compétences. La rédaction initiale de cette disposition était floue, et, en ce qui concerne les délégations « ascendantes », l’accord des communes membres d’un EPCI nous semble indispensable.

En matière de décentralisation, les compétences transférées sont résiduelles et les modalités de transfert soulèvent des interrogations ; je pense par exemple aux routes nationales. Pour ce qui concerne la transition écologique, l’incompréhension domine, puisque nous sortons à peine de l’examen du projet de loi Climat, qui n’a même pas été promulgué. Quel est l’intérêt de cette méthode, madame la ministre ?

Malgré tout, nous défendrons quelques amendements, notamment pour sécuriser les droits des salariés lors du transfert des petites lignes ferroviaires ou pour faire avancer la question du fret ferroviaire. Nous sommes par ailleurs favorables – nous l’avions également proposé – au transfert aux régions du service public de l’emploi.

En matière de logement se pose encore la question de la quasi-concomitance des examens de ce texte et du projet de loi Climat. En outre, l’exécutif ne répond pas au problème principal, celui de la cherté du foncier et de la production de logements sociaux, qu’il a mise en péril depuis 2017. Ce sont la préservation et l’application de la loi SRU qui ont guidé nos propositions, la tentation de la droite de cet hémicycle étant de l’entailler…

La même tentation hante nos collègues à propos des questions de justice sociale, quand ils souhaitent contrôler davantage encore les bénéficiaires du RSA. Pour notre part, nous défendrons la lutte contre les non-recours aux prestations sociales.

La déconcentration consiste à optimiser les services territoriaux de l’État et à les faire mieux travailler avec les collectivités territoriales. Or le texte n’aborde pas réellement cette dimension. On y traite davantage de recentralisation dans les mains du préfet, notamment des compétences des agences de l’eau, disposition sévèrement critiquée par le Conseil national d’évaluation des normes et que nous proposons de supprimer.

Je ne m’étendrai pas sur France Services, grossière tentative de récupération de ce qui a été réalisé par les collectivités locales.

En matière de simplification, si certaines mesures peuvent sembler utiles, il s’agit plutôt – étonnamment – de complexification, si possible par voie d’ordonnances.

Face à tout cela, nous avons essayé de tenir une ligne, une gageure avec un texte aussi désarticulé. Cette ligne, c’est celle de l’option sociale et écologique dans une République des territoires, mais aussi celle de l’orientation démocratique et féministe.

J’en finirai avec un « D », qui nous manque cruellement, la grande absente du texte : la démocratie locale. Ce texte devait constituer, normalement, une réponse à l’éloignement démocratique. Nous avions déposé de multiples amendements visant à réparer ce manque, mais la plupart d’entre eux ont été déclarés irrecevables. Pour autant, il en reste quelques-uns : budget participatif, questions orales citoyennes, référendum local d’initiative partagée, rétablissement des conseils de développement, abaissement du seuil de signatures pour solliciter une consultation du public. Tout cela paraît mineur à la majorité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

… mais il n’en est rien : c’est aussi par la multiplication des outils que nous sortirons d’une démocratie à éclipses, qui fait exploser l’abstention électorale, pour aller vers une démocratie continue, qui permette à chacun de prendre de nouveau part à la délibération collective.

Nous déterminerons le sens de notre vote sur l’ensemble du texte en fonction du sort qui sera réservé à nos amendements.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà quarante ans, le 27 juillet 1981, Gaston Defferre disait aux représentants de la Nation : « ouvrons les yeux, regardons autour de nous. En quelques années, tout a changé […]. Partout, un nouveau droit a été reconnu. Partout, pour y parvenir, la décentralisation est devenue la règle de vie ; partout, sauf en France. » Or, cinquante ans plus tard, pour beaucoup d’élus, ces mots résonnent toujours avec force, car notre pays a conservé, en matière de décentralisation, plusieurs trains de retard sur ses voisins. Cela constitue, à mes yeux, une des raisons majeures de son incapacité à se réformer.

Ce texte marque-t-il une avancée ? La réponse est apportée par le Conseil d’État : « Les mesures qu’il comporte sont d’ampleur limitée en matière de décentralisation. » C’est là le malentendu majeur entre ce gouvernement et ceux qui attendaient, comme en 1982 ou 2004, qu’on ouvrît un nouveau cycle de décentralisation grâce à un transfert substantiel de nouvelles compétences vers les collectivités, accompagné des moyens financiers et humains correspondants.

Ce projet de loi est, après la loi Engagement et proximité, au mieux un nouveau volet de la réforme territoriale portant sur l’organisation des collectivités, au pire un second volet de la loi Accélération et simplification de l’action publique, un ASAP bis, en quelque sorte. Non, ce n’est pas une loi de décentralisation, et la France conservera bien plusieurs trains de retard sur ses voisins !

Vous n’avez même pas osé, après y avoir pensé, décentraliser une médecine scolaire sinistrée au profit des départements, qui ont pourtant fait leurs preuves en matière de PMI. Vous avez reculé au premier grognement des syndicats. Heureusement que Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin n’en firent pas autant en 2004.

Sur le transfert des gestionnaires des collèges et lycées, la mesure que vous nous proposiez était en deçà de l’attente des collectivités. Là aussi, vous avez cédé aux corporatismes syndicaux.

Nos rapporteurs, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, que je salue chaleureusement, vous invitent désormais à préciser vos intentions et à mettre un terme à une curieuse incongruité, où des fonctionnaires d’État commandent encore à des fonctionnaires territoriaux, comme s’il y avait une hiérarchie de noblesse des fonctions publiques dans ce pays.

Sur la différenciation, les dispositions que vous portez sont également très modestes. On est loin de l’attente de certains territoires, comme le mien, en la matière. Heureusement, les rapporteurs nous proposent un transfert à la carte des compétences sur les territoires intercommunaux ou le rétablissement du critère de l’intérêt communautaire, autorisant l’agilité tant réclamée pour s’adapter à la réalité très diverse des EPCI. De même, j’ai apprécié la réécriture par nos rapporteurs des passages sur la différenciation.

Madame la ministre, vous nous dites que ce projet de loi répond aux attentes des élus. Effectivement, les maires, les élus départementaux et régionaux plaident, presque à l’unisson, pour ne pas subir un nouveau big-bang territorial. Pour autant, tout en entendant la demande de stabilité des élus locaux, vous aviez la possibilité d’aller plus loin et de donner un souffle nouveau à l’action publique. Pour vous y aider, le Sénat avait formulé, dès 2019, 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales. Vous en avez fort peu tenu compte.

Voilà presque un an jour pour jour, au lendemain des élections municipales, le président Larcher nous rappelait qu’il existait un lien entre abstention et absence de décentralisation. Ce constat résonne plus fort encore aujourd’hui. Nos concitoyens ont en effet compris que le pouvoir reste concentré à Paris, pour ne pas dire à l’Élysée. Ailleurs, il demeure émietté, atomisé, contrôlé, d’où le retrait des électeurs. Pourtant, il existe en Europe des pays où la participation électorale est aussi forte aux élections locales qu’aux élections nationales. Ce sont des pays profondément décentralisés.

Chez nous aussi, les territoires et les besoins de ceux qui les habitent sont pluriels. Ignorer cela en uniformisant l’action des collectivités territoriales, c’est aggraver l’éloignement des citoyens de l’action publique ; c’est alimenter à leur encontre ce sentiment d’impuissance et de défiance.

À force de retarder la libération des énergies territoriales et d’entraver les libertés locales, à force de reprendre d’une main, celle, toujours suspicieuse, de l’administration, ce que le pouvoir central fut obligé de concéder de l’autre, notre pays s’enlise dans un lourd et désuet jacobinisme, meilleur rempart des conservatismes, qui ne se trouvent pas toujours là où on le croit. Il est donc temps de rompre avec ce carcan. Ce quinquennat a, hélas, sur ce point échoué.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la démarche du Gouvernement sur laquelle nous allons délibérer est d’adapter, de moderniser et de prendre en compte la diversité des territoires. Tous les orateurs ont exprimé cette vérité, que nous partageons, qu’il n’était pas souhaité de grandes transformations de nos structures locales.

Parmi les talents parlementaires, il y a celui du commentaire, et il y a aussi celui de la proposition. Comme c’est plutôt logique dans une discussion générale, nous avons entendu une variété de commentaires, dans lesquels revenaient très souvent les mots « ambition » ou « souffle », mais, dans quelques minutes, nous allons passer aux propositions et, ainsi, revenir à un dialogue beaucoup plus équilibré. En effet, il y a dans ce texte beaucoup de dispositifs qui donnent prise à un travail de proposition, d’ajustement, d’amélioration. Il me semble que c’est bien l’une des missions principales du Sénat, que nous exerçons, il faut le dire, avec intérêt et même parfois avec plaisir, toutes les perversités étant dans la nature.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je crois vraiment que nous allons faire un travail utile sur plusieurs champs de la décentralisation, que ce soit pour faciliter la participation des citoyens ou en matière de transport, avec un transfert négocié et adapté aux situations de routes ou de lignes ferroviaires. Je pense également à la préservation de la biodiversité, avec le rôle que peut avoir le pouvoir de police des maires dans les espaces protégés, sachant qu’ils sont les mieux préparés, avec leur personnel, pour assurer cette préservation.

Le projet de loi introduit aussi des éléments de coopération améliorée entre les niveaux de collectivités. Je cite à cet égard, parce que je pense que c’est une excellente idée, la contribution, qui devient maintenant la règle, du département à la préparation des programmes locaux de l’habitat. Pour ces projets, les grandes agglomérations disposent de l’ingénierie. Or c’est aussi un besoin dans les zones rurales ou les petites villes, qui ne disposent pas des compétences nécessaires pour réaliser un tel document, avec toutes ses composantes et toutes ses implications. Dans ces cas-là, la contribution du département va être précieuse.

De même, confier aux départements le rôle d’opérateur dans la réalisation des opérations d’habitat inclusif, qui est une intervention très utile en matière de solidarité concrète dans logement, me semble une bonne chose. À la différence d’autres, je ne vois pas la nuance négative à qualifier une collectivité d’opérateur d’une politique publique.

Enfin, ce texte propose une flexibilisation nécessaire de la loi SRU – je remercie à cet égard Mme Estrosi Sassone de sa contribution –, qui, j’en suis sûr, sera largement partagée et soutenue dans cette assemblée.

Il m’apparaît donc que nous allons sortir assez rapidement – c’est une question de minutes – de ce contraste entre des proclamations, pour certaines franchement critiques, ou appelant à des jours meilleurs, chacun ayant en tête un agenda politique, et une approche concrète d’amélioration de notre législation sur beaucoup de sujets. J’en profite d’ailleurs pour saluer le travail des commissions.

Nous entrons maintenant dans un débat où se manifestera une volonté partagée de partenariat entre l’État et les collectivités territoriales. Il y aura des divergences, mais aussi beaucoup de complémentarité, et je me réjouis que nous puissions contribuer ensemble à améliorer la décentralisation dans notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, en trente ans, de la loi ATR de 1992, qui a créé les intercommunalités à fiscalité propre, en passant par la loi NOTRe de 2015, une succession de textes législatifs a transformé en profondeur l’organisation territoriale de notre République. Certains étaient nécessaires et ont permis d’adapter l’organisation territoriale aux évolutions de la société. D’autres, en décalage avec les réalités du terrain, ont complexifié et finalement pénalisé l’action locale.

Alors, quels sont aujourd’hui les besoins des territoires ?

Sur le terrain, je le répète après d’autres, les élus n’attendent pas de nouveaux bouleversements. Ils ont désormais besoin de visibilité, j’y insiste, institutionnelle et financière. Cependant, dans ce cadre, ils attendent tout de même certaines évolutions pour faciliter, d’une part, leurs initiatives en matière de développement local et, d’autre part, leur tâche au quotidien. Et cela passe tout d’abord par une politique de la différenciation ! Tous les territoires ne sont pas identiques, et des règles appliquées partout, de façon uniforme, constituent un frein aux dynamiques locales.

Le bon sens veut que les règles s’adaptent aux réalités des territoires, et non l’inverse. C’est pourquoi, madame la ministre, l’inscription de la différenciation dans ce projet de loi est une avancée majeure que nous saluons. Le transfert des routes nationales, appliqué uniquement dans les départements volontaires, s’inscrit dans cette logique.

Mais la différenciation doit irriguer les territoires bien au-delà du texte qui nous est présenté. Par exemple, c’est un sujet qui me tient à cœur, les secteurs ruraux en perte d’habitants doivent pouvoir relever le défi de leur reconquête démographique grâce à une application différenciée des mesures de lutte contre l’artificialisation des sols. C’est vital pour eux ! Nous aurons l’occasion d’en reparler.

La simplification s’impose aussi à nous. Au fil du temps, les procédures et les normes se sont multipliées et complexifiées, créant autant d’obstacles à la bonne marche des territoires, et, de surcroît, des inégalités entre les grandes collectivités, qui disposent de services administratifs et juridiques étoffés, et les petites communes, qui se trouvent démunies et pénalisées dans leurs projets.

Il est temps de stopper cette fuite en avant de la complexification. Au-delà des mesures prévues dans ce texte, comme les échanges de données ou encore l’acquisition des biens sans maître ou en état d’abandon, ne ratons pas l’occasion d’inscrire dans notre droit une ambition forte de simplification massive, qui doit se concrétiser dans de nombreuses procédures administratives.

La déconcentration doit devenir une réalité pour renforcer l’efficacité de l’action de l’État dans la proximité. Les réformes successives des services de l’État se sont accompagnées d’un désengagement, particulièrement marqué dans le secteur rural, où la présence de l’État est pourtant cruciale, et d’un affaiblissement de l’État à l’échelle départementale au bénéfice d’une concentration au niveau régional.

Plusieurs mesures du texte que nous allons examiner vont dans le bon sens sur cette question, mais tout ne peut pas être réglé par la loi non plus. C’est une ligne de conduite continue qu’il faut adopter en faveur de la déconcentration afin que l’État réinvestisse les territoires au plus près des citoyens. Dans ce cadre, il est important de renforcer les prérogatives du préfet de département, mais cela ne suffit pas.

Enfin, j’en viens à la décentralisation. Les compétences que vous proposez d’accorder aux départements en matière de santé, de transition écologique ou d’habitat inclusif sont bienvenues. Cependant, il convient aussi d’introduire davantage de souplesse et de créer des passerelles entre les compétences de chaque niveau de collectivités, afin de faciliter la réalisation des projets. L’article 3, conforté par la commission grâce à plusieurs amendements, vise à répondre à cette préoccupation, notamment au travers de la délégation de compétences entre collectivités. Je pense néanmoins que des améliorations peuvent être apportées pour agir au meilleur niveau d’efficacité en fonction des situations locales.

Nous saluons, bien sûr, la réforme de la gouvernance des ARS, même si je considère qu’une réforme de plus grande ampleur serait nécessaire, avec notamment le renforcement des prérogatives à l’échelon départemental.

Madame la ministre, je veux dire un mot sur les contrats de cohésion territoriale. J’insiste sur l’importance de conserver, à côté des outils financiers contractualisés, la souplesse de la DETR, qui permet de répondre annuellement aux besoins des communes. En d’autres termes, et pour être bien clair, elle ne doit pas être complètement absorbée par les contrats de cohésion territoriale, ce qui pénaliserait les petites communes

Le texte que vous portez, avec la détermination que l’on vous connaît et le réalisme d’une élue de terrain, ce qui a permis de le faire arriver jusqu’ici, contient tous les ingrédients pour répondre aux besoins des territoires dans leur diversité. Il appartient désormais au Sénat d’y apporter les évolutions qui lui semblent nécessaires pour l’améliorer. Le groupe Union Centriste entend bien y prendre sa part.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. François Calvet.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Calvet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi 3DS traite de beaucoup de sujets différents. Je vais m’intéresser à trois d’entre eux.

Commençons par la question du transfert d’une partie des routes nationales aux régions. Lorsque le Premier ministre, à Font-Romeu, a annoncé cette mesure phare, nous nous sommes tous réjouis dans mon territoire, plus spécialement à propos de la nationale 116, véritable colonne vertébrale du département des Pyrénées-Orientales, tant nous attendons une route nationale digne de ce nom.

À l’examen du projet de loi, ce fut plutôt la douche froide. En effet, malgré les effets d’annonce, nous ne connaissons pas la liste des routes nationales concernées. La RN116 et la RN20, qui aboutissent toutes deux à Bourg-Madame, seront-elles incluses dans l’expérimentation ? La prudence est de mise, vu les renoncements précédents de l’État, d’autant que nous ne savons pas dans quelles conditions se feront ces transferts de compétences : quid du transfert de personnels, de l’entretien et, surtout, des compensations financières ?

C’est aujourd’hui que nous avons besoin d’obtenir des précisions, car il est bien connu que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Nous en savons malheureusement quelque chose en ce qui concerne notre nationale 116. Pourtant, l’enjeu est prioritaire pour le développement et le désengorgement des régions.

Je remarque par ailleurs que le projet de loi prévoit des conventions État-région, d’une durée de cinq ans, que la commission des lois a eu la bonne idée de porter à huit ans.

J’en viens maintenant au chapitre de la coopération transfrontalière. Là, il y a vraiment de quoi être déçu. Nous nous retrouvons avec presque rien, ce qui est très décevant pour un pays comme le nôtre, qui partage 2 913 kilomètres de frontières terrestres en métropole avec ses huit États voisins.

Certes, des accords-cadres bilatéraux spécifiques sont régulièrement signés, par exemple l’accord de coopération sanitaire transfrontalier franco-espagnol de 2014. Certes, les différents sommets qui ont lieu tous les deux ans permettent des ajustements et de régler un certain nombre de problèmes pratiques, tels que l’accélération des formalités en vue de l’agrément des médecins pour l’exercice à l’hôpital franco-espagnol transfrontalier. Mais, en ce qui concerne la coopération entre les collectivités territoriales de régions frontalières, il a fallu l’adoption par la commission des lois d’un amendement tendant à conférer à l’ensemble des départements frontaliers les prérogatives octroyées à la Collectivité européenne d’Alsace. C’est indéniablement un progrès, tout du moins si cette disposition est maintenue.

Dans le cas de la coopération transfrontalière entre la France et le Royaume d’Espagne, on aurait pu s’appuyer sur le traité de Bayonne de 1995, qui porte justement sur la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales. Chez nous, nous avons créé des équipements communs utiles à tous les habitants du même bassin de vie : l’hôpital européen transfrontalier de Cerdagne, une station d’épuration des eaux, un abattoir. Nous pourrions aller beaucoup plus loin, notamment en matière de coopération universitaire.

Pour finir, j’en viens aux dispositions aménageant la loi SRU. Ici, les avancées sont réelles, et elles sont dues à Mmes Estrosi Sassone et Létard, qui, dans leur excellent rapport, ont identifié les particularités locales qui empêchent certaines collectivités d’honorer leurs obligations. Il s’agit des communes touristiques, qui se trouvent très souvent confrontées à une transformation massive de leurs nombreuses résidences secondaires en résidences principales. C’est le cas de Canet-en-Roussillon, par exemple, ou aussi du Barcarès, qui doit son existence à la volonté de l’État, à l’époque de la mission Racine.

La commission a donc décidé d’introduire de la souplesse là où il n’y en a pas, notamment en adaptant les contrats de mixité, qu’elle porte à six ans, et en introduisant la possibilité pour les communes soumises au rattrapage de recourir à la mutualisation des objectifs à l’échelle intercommunale. Il s’agit principalement de permettre aux communes de tenir des objectifs réalistes, compte tenu des spécificités du terrain, sans être injustement et inutilement pénalisées. J’espère toutefois que ces améliorations seront maintenues.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je tiens à remercier l’ensemble des orateurs des groupes qui se sont exprimés. Je les ai bien sûr écoutés très attentivement.

Monsieur Marie, vous avez regretté que le texte passe de 83 à 158 articles. Je dois dire que nous devons cette augmentation à l’excellent travail constructif du Sénat. Aujourd’hui, nous sommes en séance publique, mais, vous le savez, ce travail a commencé bien en amont : les commissions ont travaillé chacune sur des parties du texte, la commission des lois ayant réalisé la plus grande part du travail.

Parmi les 158 articles, certains faisaient déjà partie du texte initial, même s’ils ont pu être modifiés, d’autres sont nouveaux. Comme certains ont l’impression que rien ne bouge de la part du Gouvernement, sachez que nous proposerons de maintenir 100 articles issus des commissions, sans les modifier de nouveau, ce qui montre l’étendue du travail de préparation que nous avons fait avec l’ensemble des acteurs du Sénat. Nous souhaitons en rectifier 30 – je dis bien « rectifier » –, pour les améliorer. Restent 28 articles avec lesquels nous ne sommes pas en accord. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cinquante amendements de séance, ce qui n’est pas énorme, vous devez en convenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je termine avec le document que Philippe Bas a brandi et qui contient les 50 propositions du Sénat.

M. Philippe Bas brandit de nouveau le document.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Il faut savoir, cher Philippe Bas, qu’il y avait déjà nombre de ces propositions dans le projet de loi initial et que nous sommes encore en discussion sur une quinzaine d’entre elles. Nous arriverons peut-être – qui sait ? – à ce que la moitié de ces 50 propositions figure dans le texte final.

Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Loïc Hervé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 260 rectifié, présenté par Mmes Cukierman, Assassi, Brulin, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Avant le titre Ier : la différenciation territoriale

Insérer un article ainsi rédigé :

Avant le livre Ier de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 3111-… ainsi rédigé :

« Art. L. 3111-… – La République reconnaît les départements comme division territoriale fondamentale, inhérente à l’organisation administrative et politique française et nécessaire à son bon fonctionnement, notamment par leurs compétences en matière de solidarités et leur soutien aux communes. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle ainsi rédigée :

Titre préliminaire

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Nous souhaitons inscrire le département comme une division administrative française indispensable au cœur d’une République décentralisée.

Ces dernières années, le département a été fortement malmené, parfois fragilisé, voire menacé dans son existence. Il convient donc de réaffirmer toute la place et tout le rôle de cette collectivité des solidarités, non seulement sociales, mais également territoriales.

Le département a fait la démonstration de son efficacité, notamment dans la gestion de la crise sanitaire. C’est à cela que nous souhaitons nous attacher en défendant cet amendement, ainsi que d’autres qui suivront.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Je note que cet amendement est une déclaration d’affection profonde au département, que nous partageons tous ici. En revanche, sa portée normative n’est pas à la hauteur de cette affection. Sans doute retrouverons-nous des manifestations de ce sentiment dans d’autres amendements plus opérationnels, mais, ici, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L’avis est défavorable, pour les mêmes raisons que celles développées par Mme la rapporteure.

Je rappelle que les départements sont inscrits à l’article 72 de la Constitution. Je ne vois donc pas l’utilité d’adopter un tel amendement. En outre, madame Cukierman, cette majorité n’a pas l’intention de faire disparaître les départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Je tiens à rassurer chacune et chacun ici, je ne fais pas partie de ceux qui mélangent l’affect et la politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Vous dites que cet amendement est déclaratif et pas normatif, mais, au-delà de la déclaration, il vise à réaffirmer un principe.

Madame la ministre, j’en conviens, d’ici à la fin du quinquennat, les départements ne seront pas supprimés… Je me rappelle cependant les propos d’un certain candidat, devenu ensuite Président de la République, qui laissaient tout de même sous-entendre bien autre chose. Comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois !

Certes, cette majorité n’a pas supprimé les départements, mais nous resterons vigilants. La majorité précédente ne les avait pas supprimés non plus, mais quand on ne leur donne pas les moyens, on les affaiblit au point d’en faire des coquilles vides, ce qui a parfois des conséquences non négligeables. Cela aggrave notamment la fracture démocratique. Nous en avons la traduction avec l’abstention qui augmente élection après élection.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Même si le département est déjà inscrit dans la Constitution, réaffirmer son rôle capital pour le milieu rural, je trouve ça pas mal. Je voterai donc cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 130 rectifié, présenté par MM. Sautarel, Rapin et C. Vial, Mmes Raimond-Pavero et Drexler, M. Mandelli, Mmes Schalck, Belrhiti, Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. Burgoa, Courtial, Tabarot, Sido et Gremillet, Mmes Gosselin et Chain-Larché, M. Cuypers, Mmes Imbert et Joseph et MM. Genet, Bouchet et H. Leroy, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début du titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales, il est ajouté un titre préliminaire ainsi rédigé :

« Titre préliminaire

« Art. L. 100 -…. – Le principe de libre administration confère aux collectivités territoriales la liberté institutionnelle, la liberté fonctionnelle et l’autonomie financière. »

La parole est à M. Stéphane Sautarel.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Sautarel

Cet amendement a pour objet de réaffirmer le principe de libre administration des collectivités territoriales. Il vise à desserrer les contraintes en rendant aux collectivités la maîtrise de leurs compétences et en refondant leur autonomie financière. L’enjeu n’est autre que de libérer les énergies locales et les initiatives en faisant confiance aux élus locaux, responsables et engagés.

La portée du principe de libre administration doit juridiquement être appréciée de manière différente de celle du principe de libre organisation des collectivités territoriales. Le premier principe confère aux collectivités la liberté institutionnelle, la liberté fonctionnelle et l’autonomie financière, les limites de ces libertés étant la protection des droits fondamentaux, les libertés publiques et le respect du principe d’égalité.

Avec cet amendement, nous voulons substituer une décentralisation politique à une décentralisation trop souvent administrative.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Chacun ici est extrêmement attaché à la libre administration des collectivités. Toutefois, la disposition que vous proposez, mon cher collègue, est de rang constitutionnel. Elle n’est donc pas opérante.

Je pense qu’il serait important de prendre en compte les propositions que nous avons déjà faites au fur et à mesure de l’examen des articles. Ainsi, nous avons renforcé le pouvoir réglementaire local et la capacité des collectivités à faire des propositions en matière de délégation de compétences. Dès lors, je considère que votre demande est satisfaite.

C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

J’ai le même avis que la commission, même si je le dirai autrement : au fond, votre amendement est déjà satisfait par la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 130 rectifié est retiré.

L’amendement n° 891 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 519 rectifié bis, présenté par MM. Michau, Cozic, Jeansannetas, Pla et Vaugrenard, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 5210-1-1 A du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Forment la catégorie des intercommunalités les communautés de communes, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les métropoles. »

La parole est à M. Jean-Jacques Michau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Michau

Le présent amendement vise à mieux identifier, dans la diversité extrême des formes d’établissements publics de coopération intercommunale, la catégorie spécifique des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Il est ainsi proposé de regrouper sous le terme générique d’« intercommunalité », désormais mieux connu des Français, les différents statuts d’EPCI à fiscalité propre ; ils resteront naturellement maintenus, mais formeront une catégorie commune.

La création de cette catégorie permettra de mieux expliquer le fait intercommunal à nos concitoyens, à travers une sémantique claire, et de simplifier l’écriture des lois et règlements, tout en la sécurisant.

Les EPCI à fiscalité propre doivent être distingués, pour d’évidentes raisons, au sein des établissements publics de coopération intercommunale.

Ainsi, outre le fait que toute commune doit faire partie d’un EPCI à fiscalité propre, et ce à l’exclusion de tout autre, le législateur a prévu l’exercice d’un certain nombre de compétences à l’échelle de l’intercommunalité.

Les conseillers communautaires et métropolitains issus des communes de plus de 1 000 habitants sont également élus directement par les électeurs.

Enfin, les répartitions de sièges entre communes au sein des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre sont très encadrées par la loi, contrairement à celles des autres formes d’établissements publics de coopération intercommunale.

Ces caractéristiques singulières, comme la nécessité de mieux expliquer le fait intercommunal au grand public, plaident pour l’usage d’un substantif adapté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

La sécurité juridique de votre proposition, mon cher collègue, n’est pas du tout assurée. Ce serait mettre dans une même catégorie des groupements de communes excessivement importants, comme les métropoles que je qualifie de « génériques » et les métropoles à statut particulier.

Vous soulevez par ailleurs un point extrêmement important, qui a fait l’objet d’un travail dans la loi Engagement et proximité, à savoir la lisibilité et la transparence du fait intercommunal pour nos concitoyens. À mes yeux, un nom ne saurait suffire à créer un sentiment d’appartenance à une intercommunalité : il appartient aux élus intercommunaux, mais aussi aux maires et aux conseillers municipaux, de communiquer sur l’ensemble des actions menées par les intercommunalités. C’est ainsi que nos concitoyens auront une vision plus heureuse des intercommunalités et qu’elles-mêmes le seront plus.

Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi l’avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je comprends ce que vous dites, monsieur le sénateur : dans le langage commun, on utilise souvent le mot « intercommunalité ». Toutefois, il faut un terme juridique pour distinguer les établissements publics de coopération intercommunale. C’est pourquoi, comme la commission, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 519 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 689 rectifié, présenté par MM. Folliot, Bonnecarrère, Henno, Canévet et Kern, Mme Vermeillet, MM. J.M. Arnaud, Hingray, P. Martin, Le Nay et L. Hervé, Mme Vérien et M. Moga, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1° du III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales est abrogé.

La parole est à M. Philippe Folliot.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Cet amendement vise à redonner aux collectivités territoriales une certaine marge de liberté qui leur avait été ôtée par la sinistre loi NOTRe, où était mise en avant l’idée selon laquelle, si quelque chose est plus gros, plus grand, plus massif, il est plus efficace. C’est ainsi que l’on a obligé un certain nombre de communes et de communautés de communes à fusionner pour respecter de fameux seuils de population, déterminés à l’échelle nationale. Une population de 15 000 habitants a-t-elle donc la même signification en Île-de-France et dans nombre de nos régions ? Assurément pas ! Il en est de même pour le seuil dérogatoire de 5 000 habitants. Quant aux coefficients mis en place, qui permettraient d’abaisser ces seuils au regard d’un nombre de facteurs, dont la densité démographique, nul ne peut les comprendre !

On pourrait toujours dire que, somme toute, cette situation ne mérite pas que l’on y prête attention comme nous le faisons dans cet amendement. Il existe encore dans notre pays quelques communautés de communes qui comptent moins de 5 000 habitants : ainsi de celle du Cordais et du Causse, dans le Tarn, qui compte 4 800 habitants. Les seules perspectives offertes à cette intercommunalité, dans le schéma actuel, seraient de se rapprocher soit de la communauté de communes Carmausin-Ségala, qui compte déjà 32 communes sur un territoire très large, soit de la communauté d’agglomération Gaillac-Graulhet, qui regroupe 63 communes sur un périmètre encore plus large.

On en arrive à créer des formes de monstres, si vous me passez l’expression, avec un éloignement toujours plus grand entre nos concitoyens et ces communautés de communes qui ne correspondent plus, à certains égards, à des bassins de vie quotidienne. Il ne faut pas ensuite s’étonner qu’il y ait une large abstention aux élections, ne serait-ce qu’au regard du fait que nos concitoyens ne se retrouvent pas dans tout cela.

Cet amendement a donc pour objet de supprimer la référence à ces seuils de population, afin de redonner aux communes la liberté de s’unir et de coopérer dans le périmètre qui leur semble le plus opportun et le plus adapté à leur situation territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

L’amendement de notre collègue Philippe Folliot illustre les difficultés qui sont nées de réformes autoritaires, menées à marche forcée – à rênes serrées, diraient des cavaliers. On ne serait pas là aujourd’hui si les réformes précédentes avaient été lumineuses. On pourra constater, tout au long des débats sur ce texte, que des situations extrêmement difficiles et des blocages remontent du terrain.

Mon cher collègue, vous évoquez la notion mortifère de « seuil ». Quelle est la pertinence d’un seuil, notamment pour les intercommunalités ? On nous a affirmé un temps que la lumière était à 5 000 habitants ; quelques années plus tard, c’était à 20 000 ! Ma profonde conviction est qu’un seuil est tellement contraire à la réalité des choses qu’il vaut mieux éviter d’en parler. On ne substituera pas au seuil en place un autre seuil miraculeux.

Dans la loi Engagement et proximité, nous avons fait deux choses. Premièrement, nous avons permis que des intercommunalités se divisent, sous réserve de préserver l’intérêt de tout le monde, selon des règles strictes. Deuxièmement, nous avons supprimé la clause de révision sexennale qui avait été inscrite dans la loi NOTRe pour prévoir un nouveau regroupement d’intercommunalités.

Ces changements signifient que, si la situation actuelle peut encore être difficile, le préfet ne pourra en tout cas pas, à ce stade, contraindre une intercommunalité à en rejoindre une autre. Ce serait en revenir au refrain selon lequel seul ce qui est « XXL » est puissant et utile, refrain si simple qu’il en est faux !

Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le sénateur Folliot, j’étais sénatrice lors de l’examen de la loi NOTRe. Nous nous sommes battus dans cet hémicycle pour qu’il y ait des exceptions au seuil de 15 000 habitants et, notamment, pour qu’on admette que des intercommunalités puissent se former dès un seuil de 5 000 habitants dans les zones où la densité de population est inférieure à la moyenne nationale, ce qui est le cas dans beaucoup de départements ruraux.

Au lendemain d’élections municipales et intercommunales – elles n’ont eu lieu qu’il y a un an –, il est sage de laisser la loi comme elle est et de ne pas provoquer de bouleversements qui viendraient perturber la vie locale.

Ces arguments, ainsi que ceux de Mme la rapporteure, justifient l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Oui, je le maintiens, ne serait-ce que pour cette simple et bonne raison : qu’on le veuille ou non, ces seuils existent toujours !

Je veux donner encore un exemple de cette obligation de fusionner les intercommunalités qu’on en a tiré. J’étais président d’une intercommunalité qui fonctionnait très bien, mais qui avait un défaut aux yeux de la loi : elle n’avait que 3 500 habitants. Eh bien, nous avons été obligés de fusionner avec une autre intercommunalité pour en créer une nouvelle, de 12 000 habitants. Certes, cela entre dans le cadre de la loi, mais il faut quarante-cinq minutes au maire du Masnau-Massuguiès pour se rendre en voiture au siège de la nouvelle communauté de communes, pour chaque réunion de l’intercommunalité ! C’est juste impossible !

Ce que certains subissent déjà, il n’est pas tout à fait logique de l’imposer à d’autres. Plus il y aura de liberté et plus nous reviendrons sur les excès d’une loi que nous sommes presque unanimes à condamner en la matière, mieux ce sera pour nos territoires !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Nous savons gré au Sénat d’avoir abaissé à 5 000 habitants ce seuil qui s’impose aux intercommunalités. Toutefois, qu’adviendra-t-il le jour où une communauté de communes qui compte actuellement 5 050 habitants passera sous le seuil des 5 000 habitants – toutes les régions de France ne connaissent pas des augmentations de population –, pour n’atteindre plus que 4 950 habitants ? Que fera le préfet ? On n’a pas prévu un tel cas !

C’est pourquoi je suis complètement d’accord avec mon voisin et ami Philippe Folliot : c’est le genre de stupidité qu’il faut vraiment faire sauter, pour libérer les territoires ruraux. N’oublions pas que certains d’entre eux, en France, n’ont que cinq habitants au kilomètre carré !

Je voterai donc cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Nous n’allons pas refaire ici les nombreux débats de la loi NOTRe, avec sa volonté exprimée à l’époque de fixer des seuils. On était très loin de la différenciation : il fallait les fixer et, après seulement, trouver quelques exceptions pour que chacun puisse quand même retrouver ses petits et rentrer dans son département sans trop de violence.

Nous voterons bien évidemment cet amendement. Je veux simplement souligner qu’on est parfois beaucoup plus prompt ici à prôner la différenciation pour l’adaptation de certaines lois et de certaines normes que pour d’autres. La question des seuils et de la constitution des intercommunalités nous ramène à des débats passés, quoique passionnants. En fin de compte, il n’est de seuil pertinent que celui qui est vécu et partagé par ceux qui constituent une intercommunalité.

Je me rappelle que, quand ces seuils ont été institués, le Sénat avait tout fait pour les abaisser le plus possible par rapport au texte initial ; il n’en demeure pas moins que des difficultés continuent de se produire, parce qu’on ne peut pas tout anticiper. C’est pourquoi on en arrive aux situations qui viennent d’être décrites.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je pense que le seuil de 5 000 habitants qui avait été retenu par le Sénat est très bon. Je veux en remercier Mme la ministre. Ma communauté de communes compte un peu plus de 5 000 habitants ; si nous avions dû fusionner avec l’agglomération de Tulle, nous aurions été à plus de cinquante-cinq kilomètres de la ville centre.

Il faut absolument conserver ces intercommunalités où les petites communes se retrouvent et où on a une gestion de proximité. Bien sûr, les revenus sont modestes et ce n’est pas facile quand il faut réaliser des implantations, mais les élus veulent de la proximité.

Adopter cet amendement pourrait être utile pour apporter davantage de souplesse et pour que, comme Alain Marc l’a évoqué, il n’y ait pas de remise en cause d’une communauté de communes qui descendrait un peu en dessous de 5 000 habitants.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

Cet amendement inaugure bien les travaux que nous entamons aujourd’hui autour de ce projet de loi 4D. Nous devons déterminer si, oui ou non, nous allons procéder à une redéfinition des libertés locales. Il me semble que, sur beaucoup de sujets dont nous aurons à débattre tout au long de l’examen de ce texte, c’est bien ce curseur qui importera.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

Nous aurons un débat sur la liberté locale en matière de choix de compétences, notamment pour l’eau et l’assainissement. J’ai cru comprendre que le Gouvernement allait demander en la matière le retrait des propositions de la majorité sénatoriale, qui me semblent d’ailleurs rassembler un grand nombre des groupes de notre assemblée.

Ce qui est demandé aujourd’hui à travers cet amendement de M. Folliot, c’est de recréer de la souplesse, mais aussi une certaine adhésion à un pacte intercommunal de la part des communes membres, qui doivent choisir la manière dont elles souhaitent s’organiser territorialement. Or pour celles et ceux qui ont vécu l’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale – j’en étais ! –, la question de la cohérence des espaces de vie intercommunale était largement au second rang par rapport à l’objectif de respect des seuils démographiques.

On se retrouve ainsi, dans certains secteurs, avec des intercommunalités de 64, 65, voire 66 communes ; dans de telles circonstances, les communes les plus modestes et les maires qui les représentent se trouvent complètement exclus du projet intercommunal. Rappelons, pour la forme, que l’intercommunalité est au service de ses communes membres, et non l’inverse !

Il me paraît donc indispensable, si l’on veut sauvegarder durablement l’intérêt des intercommunalités pour nos territoires, intérêt bien réel dans certains domaines, de conserver cette liberté locale. C’est la raison pour laquelle je voterai, de manière très engagée, en faveur de l’amendement déposé par notre collègue Folliot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je suis une rurale, comme vous. Il faut quand même relativiser les choses. Rappelons que c’est la loi de 2010 qui a rendu obligatoire l’appartenance à une intercommunalité. On peut toujours faire la critique des voisins, de ceux d’avant et de ceux d’encore avant, mais il n’en reste pas moins qu’une logique s’est installée sous des majorités différentes.

Quant à ce seuil, j’ai consulté les chiffres : en France, il y a quatre intercommunalités dont la population est inférieure à 5 000 habitants. Eh bien, personne n’est venu les embêter ni nous poser de questions ! On trouve également 340 intercommunalités dont la population est comprise entre 5 000 et 15 000 habitants. Franchement, revenir sur ce seuil de 5 000 habitants déclencherait un petit séisme dans l’intercommunalité qui n’a pas vraiment d’intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Encore une fois, le sujet dont il est question illustre un vrai malaise. Je l’entends, et je considère qu’il y a eu dans la loi NOTRe beaucoup d’égarements théoriques.

Certes, nous pouvons renverser la table de manière considérable, en changeant des seuils, ou en les supprimant, ce que je comprends sur le fond, mais cela aurait des conséquences. Je vous le dis très sincèrement, après en avoir discuté lors de nos auditions avec les représentants des associations d’élus.

Des situations particulières existent, comme celles qu’ont évoquées M. Folliot et d’autres encore, qu’il faut régler. Si nous pensons régler ces situations en modifiant les seuils pour l’ensemble des intercommunalités de France, nous devrons aussi le faire pour les communautés d’agglomération, voire pour les communautés urbaines et les métropoles.

Ce qui a été fait n’était sans doute pas ce que les élus locaux souhaitaient, ce n’était pas génial – ne revenons pas là-dessus, je partage leur sentiment –, mais ils ont mis trois ans à s’organiser et considèrent aujourd’hui que l’urgence est plutôt, comme nous l’avons dit précédemment, de rendre des services aux citoyens. Si l’on devait à nouveau démonter l’architecture pour tout recommencer – cela n’est pas demandé par les associations d’élus –, on mettrait à mon sens des collectivités et des groupements de communes en difficulté. Reste qu’il est très important, madame la ministre, qu’un dialogue soit mené avec le préfet de manière à assurer un traitement particulier des situations qui conduisent à des blocages.

Nous allons introduire des possibilités de délégation et de territorialisation de compétences au sein des intercommunalités. Mme la ministre n’aime pas cette idée, …

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

… mais les réponses aux questions sont là.

Je vous confirme donc, mes chers collègues, l’avis défavorable de la commission sur cet amendement. C’est, si je puis dire, une sagesse de raison.

Veuillez me pardonner, monsieur le président, d’avoir été un peu longue.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Vous connaissez comme moi le nombre d’amendements que nous devons examiner ; c’est pourquoi je vous ai invitée à conclure votre propos.

La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Je suis un peu inquiète – le mot est peut-être exagéré – de la manière dont s’engage le débat.

Voilà un texte dont tout le monde a dit dans la discussion générale qu’il était insatisfaisant, fourre-tout, sans colonne vertébrale, et j’en passe. Tout le monde veut donc y apporter ce qui nous remonte des élus locaux de partout, pour au moins améliorer des situations insatisfaisantes. Le présent amendement va dans cette direction ; c’est pourquoi nous le voterons.

Si on craint que l’adoption de cet amendement contribue à dissoudre toute l’architecture de l’intercommunalité en France, quel aveu d’échec sur ce qui a été construit ! En réalité, cela va non pas révolutionner l’organisation territoriale en France, mais simplement permettre de revenir sur des intercommunalités qui n’épousent absolument pas des bassins de vie et qui sont des constructions technocratiques. Effectivement, madame la ministre, cela ne concernera sûrement qu’un petit nombre d’entre elles, mais, verrouiller toutes les modifications possibles avant même d’aborder l’article 1er d’un texte qui veut faire de la différenciation territoriale et de la décentralisation son cœur, ce n’est pas de très bon augure pour la suite de nos débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Il faut quand même apporter un peu de liberté aux collectivités territoriales. Leur libre administration doit être une réalité ! Il faut bien dire que, à la suite de l’adoption de la loi NOTRe, un certain nombre de regroupements ont été opérés, quasiment d’autorité, par les préfets dans les départements, sans qu’ils correspondent aux souhaits des élus.

Il est pourtant important, si l’on veut développer la coopération intercommunale dans notre pays, que les territoires retenus soient pertinents. Or la pertinence des territoires s’affranchit bien entendu de certaines règles relatives au seuil, même si l’on s’aperçoit que peu de collectivités sont concernées par ce problème. Cela ne fait rien : il faut absolument qu’on s’affranchisse de ces seuils pour redonner aux élus la capacité de s’organiser et de décider eux-mêmes du projet qu’ils veulent construire ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Je ne voudrais pas qu’on se trompe de débat. J’ai été l’un des premiers, lors du vote de la loi NOTRe, à regretter que les seuils soient ainsi définis. Là où le bât blesse, je le dis très clairement, c’est que ce que vote le législateur n’est pas toujours suivi d’effet.

Nous en avons discuté il y a quelques jours avec Mme la ministre. La loi offre la possibilité aux intercommunalités de se scinder, de définir de nouveaux périmètres, mais, il me faut malheureusement le dire franchement, trop souvent les préfets bloquent. J’imagine qu’ils agissent sur instruction, parce qu’il ne serait pas de bon ton de séparer des intercommunalités… Je connais un cas dans le département du Morbihan, mais je pourrais citer d’autres exemples pour étayer mon propos.

Je veux le dire très solennellement : si les textes que nous votons ici ne sont pas suivis d’effet, alors il ne faut pas s’étonner qu’on en arrive à des abus, ce qui ne peut qu’inciter nos collègues à déposer des amendements comme celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Faites-nous confiance, mes chers collègues : comme nous l’avons fait avec la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale, nous pointerons du doigt chaque cas qui se présentera à nous et nous le ferons émerger. On ne peut pas continuer de demander au législateur de voter des lois, pour, ensuite, si la loi adoptée ne va pas dans le sens choisi par l’État, s’asseoir dessus !

Je veux le dire avec fermeté, car il me semble que le type de débat que nous avons aujourd’hui naît du fait que l’on n’applique pas les textes que nous avons adoptés. On débattra demain des compétences « eau » et « assainissement », où on fait face à peu près au même problème : à un moment donné, on n’entend pas les situations des territoires, on ne leur laisse pas suffisamment de liberté.

Cela dit, je rejoins l’avis défavorable de ma collègue rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Non, mon cher collègue, j’ai dit que notre avis défavorable était une sagesse de raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Le débat que nous avons n’est pas nécessairement le bon, mais il me semble que nous devons être très vigilants pour que ce que vote le législateur soit suivi d’effet après la promulgation du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

J’entends tout ce qui a été dit sur les libertés locales ; nous partageons tous une grande partie de ces propos. Cela étant, la liberté locale, pour quoi faire ? L’intercommunalité est un espace de coopération pour porter un projet de développement local ; voilà à quoi elle sert !

Je rappellerai simplement, comme d’autres avant moi, que, depuis quinze ans, des seuils différents ont été fixés : d’abord, 5 000 habitants, dans la loi RCT ; ensuite, 15 000 habitants, dans la loi NOTRe. Pourquoi ces seuils ont-ils été fixés ? Il faut tout simplement se souvenir de la période antérieure : certaines intercommunalités, quand bien même elles correspondaient à un bassin de vie, étaient trop petites pour mener une quelconque politique publique, parce qu’elles n’en avaient pas les moyens.

On peut concevoir l’intercommunalité de deux façons : selon un mode identitaire, où chacun réclame sa place, ou comme un mode de coopération, pour lequel il est important de délivrer des politiques publiques aux citoyens. Tel est bien l’objectif des intercommunalités !

Pour prolonger les propos des rapporteurs, je veux rappeler qu’il existe déjà des possibilités de dérogation. Toutes les intercommunalités n’ont pas une population supérieure au seuil de 15 000 habitants : c’est le cas de trois communautés de communes de mon département, qui remplissaient déjà certains critères dérogatoires.

En outre, les intercommunalités qui le souhaitent ont la possibilité de se démarier. Certes, on peut regretter que cette faculté ne soit pas très utilisée : à ma connaissance, sur les 1 253 EPCI français, seuls trois démariages sont en cours. Il n’en reste pas moins que cette faculté existe.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 331, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’autonomie financière des collectivités territoriales est une garantie constitutionnelle pour leur assurer le bénéfice de ressources propres et ainsi leur permettre la mise en œuvre réelle de leur libre administration.

De plus, la compensation intégrale des transferts de compétences de l’État, vers les collectivités territoriales, ou entre elles, doit être réellement assurée.

Par ailleurs, toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales doit être accompagnée de ressources déterminées par la loi.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Nous souhaitons, par cet amendement, ouvrir le débat sur l’autonomie financière des collectivités, dont, je suppose, nous aurons l’occasion de discuter à maintes reprises lors de l’examen de ce texte.

L’autonomie financière est, à nos yeux, aussi importante que les libertés locales, dont nous venons de débattre. Nous souhaitons l’évoquer d’entrée de jeu, puisque des articles transférant des compétences aux collectivités vont être examinés très rapidement.

La Constitution pose comme principes que les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources et que tout transfert de compétences s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Or l’expérience montre quasi quotidiennement que ces principes ne permettent pas d’assurer la réelle autonomie financière des collectivités. De plus en plus d’impôts locaux sont aujourd’hui remplacés par des dotations de l’État, même si elles proviennent d’impôts nationaux. Je pense aux fractions de la TVA, par exemple. On connaît également des tas de compensations qui, au fil du temps, ne sont pas abondées comme elles devraient l’être.

Une véritable décentralisation, à savoir la possibilité pour les collectivités de mener des politiques adaptées aux besoins de leur territoire et de leur population, ne peut pas se résumer à leur faire assumer des compétences que l’État leur confierait avec des moyens qu’il leur consentirait. Une véritable autonomie financière est nécessaire.

Tel est le sens de cet amendement

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Chère collègue, vous évoquez un sujet dont le Sénat débat souvent, à savoir l’autonomie financière des collectivités.

Je rappelle que ce principe est déjà consacré dans la Constitution. Reste que ce que vous dites est juste : si les compétences transférées font l’objet d’une compensation au moment du transfert, leur coût n’est jamais réévalué.

Nous avons déposé un amendement pour remédier à cette difficulté. Ce faisant, nous avons repris l’une des 50 propositions du Sénat, travaillée avec la commission des finances, notamment avec Charles Guené, qui vise à introduire une clause de révision du coût des compétences transférées.

Nous pensons donc que votre amendement est satisfait par les dispositions de la Constitution et par l’invitation que nous adressons au Gouvernement de faire un pas supplémentaire par la clause de révision. La commission en sollicite donc le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Comme vient de le dire Mme la rapporteure, le principe d’autonomie financière est inscrit dans la Constitution.

Qu’entend-on par « autonomie financière » ? C’est généralement ce point qui fait discussion.

À l’instar de ce que vient de faire Mme la rapporteure, je me tourne vers Charles Guené. Nous en avons déjà débattu à de multiples occasions, et je crois savoir que la commission des finances travaille sur le sujet.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Le chapitre Ier du titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Est ajoutée une section 1 intitulée : « Dispositions générales et exercice différencié des compétences » et composée des articles L. 1111-1 à L. 1111-7 ;

2° Est ajoutée une section 2 intitulée : « Délégations de compétences » et composée des articles L. 1111-8 à L. 1111-8-2 ;

3° Est ajoutée une section 3 intitulée : « Exercice concerté des compétences » et composée des articles L. 1111-9 à L. 1111-11 ;

4° Après l’article L. 1111-3, il est inséré un article L. 1111-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1111 -3 -1. – Dans le respect du principe d’égalité, il est tenu compte, pour la définition des règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales, des différences de situations dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales relevant de cette catégorie. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 264, présenté par Mmes Cukierman, Assassi, Brulin, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

La discussion que nous avons eue sur l’avant-dernier amendement est un assez bel exemple du débat entre différenciation et rétablissement de la clause générale de compétence.

J’ai bien entendu que certains se demandaient pourquoi et comment faire. Quand la loi permet la différenciation, encore faut-il que les collectivités en aient les moyens ! Ce n’est pas la même chose que prévoir dès le départ la clause générale de compétence, donc une obligation de la part de l’État d’assurer l’exercice de celle-ci.

Il existe inévitablement, sur les territoires, des réalités variées, multiples, liées à l’histoire, à la géographie, à la topographie, aux habitudes, aux modes de déplacement et de travail des femmes et des hommes. Ces différences ne doivent pas être niées et sont une richesse pour faire République ensemble.

Mais la différenciation, telle qu’elle est aujourd’hui proposée ici, ne vise pas à partir de réalités locales pour pouvoir satisfaire, en fonction de celles-ci, les besoins des populations. Elle vise à reconnaître qu’il existe des différences et à permettre qu’une collectivité puisse déroger à telle procédure législative ou à telle norme. Encore faut-il qu’elle en ait les moyens financiers ou les capacités d’ingénierie. Or, sur ce point, nous n’avons pas de réponse. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Ma chère collègue, la différenciation, c’est comme la prose de M. Jourdain : on en fait déjà. Songez à la loi Montagne, à la loi Littoral, à la loi SRU, aux dispositions concernant spécifiquement les outre-mer, les petites ou les grandes communes, les intercommunalités de taille différente…

Nous avons vu avec l’amendement dont nous avons longuement débattu combien il était nécessaire de permettre la prise en compte des spécificités des territoires.

Le Sénat ne peut pas clamer son attachement à la diversité des territoires et refuser soudainement la différenciation.

On sait qu’une commune de 400 habitants ne peut avoir les mêmes obligations qu’une commune de 100 000 habitants. On sait que, comme le Conseil d’État l’a affirmé, la différenciation est non pas une interprétation égalisatrice du principe d’égalité, tel qu’il a été défini par la Révolution française, mais la nécessité de mettre en œuvre des moyens adaptés pour qu’il y ait une égalité de droits.

Votre amendement mérite sans doute le débat de fond que nous avons, mais je crois qu’il dessert l’objectif qui est de rendre des services à tous nos concitoyens, jusqu’au dernier kilomètre. La commission en sollicite donc le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Chère Cécile Cukierman, je reconnais votre ligne : je me souviens que vous aviez voté contre le projet de loi organique relatif à l’expérimentation, qui prévoyait une plus grande différenciation. Je ne suis donc pas du tout étonnée par votre amendement.

J’ajoute tout de même que l’expérimentation et la différenciation se font dans le cadre constitutionnel du principe d’égalité.

J’émets évidemment un avis défavorable sur votre amendement, mais vous verrez, au cours de l’examen de ce texte, que je respecte le principe d’égalité. Je vous en apporterai la preuve à plusieurs reprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Si ça commence comme ça, alors que nous n’en sommes qu’au début du texte…

Madame la rapporteure, je dis ce que je veux, non pas parce que je ferais un caprice, mais parce que j’exprime une appréciation différente sur ces questions. Sur la manière dont les réalités territoriales différentes doivent être prises en compte par l’administration, demain, au regard de la loi, la parole n’est pas monolithique.

Je respecte votre point de vue. Je vous demande, par politesse, de respecter le mien. Tout amendement doit pouvoir être débattu ici, qu’on y souscrive ou non.

Vous avez cité l’exemple de différentes lois : si elles prévoient la prise en compte de réalités différentes, elles ne partent pas, a priori, du principe de différenciation tel qu’il est écrit ici. Cela étant, je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai déjà développés.

J’entends ce que vous dites, madame la ministre. Je ne dis pas que la différenciation est la fin de l’égalité républicaine. Je dis simplement que, dans les faits, elle risque, demain, de renforcer les métropoles, les régions, les plus grosses collectivités, au détriment des plus petites. J’ai défendu ce point de vue lors de la discussion générale, et je continuerai à le faire.

Évitons les postures ! Je ne suis pas là pour me construire un avenir politique, mais simplement pour répondre à des préoccupations. Les positions contradictoires permettent un débat pluraliste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je suis favorable à la différenciation.

Il est évident que, dans certaines communes ou certains secteurs ruraux, s’il n’y a pas, à l’avenir, une différenciation, on ira vers une désertification. Une différenciation, au moyen d’une zone de revitalisation rurale ou d’aides renforcées aux communes, permettra d’y maintenir la vie.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des éventuelles commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 et de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.