Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi, annoncé depuis plus de deux ans, suscitait de fortes attentes de la part des territoires. Comme mes collègues rapporteurs, j’exprime une déception : bien que touffu, le contenu de ce texte est sensiblement en deçà des promesses de « décentralisation », de « déconcentration » et de « simplification » qu’il portait. Surtout, il ne répond pas à l’engagement du Président de la République de rénover la démocratie locale et de rapprocher les décisions du terrain sur des questions d’avenir telles que les transports ou encore la transition écologique.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a tout d’abord examiné au fond des mesures relatives aux infrastructures de transport.
L’article 61 correspond, aux dires des élus locaux que j’ai entendus, à une demande de simplification au niveau local qui permettra d’alléger les finances publiques. J’espère qu’il en sera ainsi.
L’article 9, qui concerne le transfert de la gestion des petites lignes ferroviaires aux régions, a davantage retenu l’attention de notre commission. Cet article précise la possibilité, prévue par la LOM, de transférer aux régions les gares de voyageurs dédiées aux petites lignes. Il permet également le transfert en pleine propriété aux régions des lignes d’intérêt local et régional.
Le sauvetage des lignes de desserte fine est un enjeu capital pour la décarbonation des mobilités et la réduction des fractures territoriales. En revitalisant ces lignes, c’est aussi pour le développement et l’attractivité des communes rurales que nous œuvrons.
Pour assurer la bonne application du dispositif, notre commission a jugé nécessaire d’assortir le transfert de garde-fous à deux niveaux.
D’une part, nous avons souhaité garantir que ces lignes, qui sont partie intégrante du réseau ferré national, continueront à remplir les exigences d’interopérabilité et de sécurité qui s’imposent. C’est pourquoi nous avons prévu en commission l’application d’un socle commun de règles techniques aux régions qui se verront transférer des petites lignes ferroviaires. La transmission de ces informations serait assurée par l’Établissement public de sécurité ferroviaire.
D’autre part, le transfert des lignes et gares doit s’accompagner d’un maintien de la qualité du service. Sur la proposition de Philippe Tabarot, la commission a adopté un amendement tendant à permettre aux régions de conclure un contrat de performance avec les futurs gestionnaires du réseau, sur le modèle du contrat de performance qui existe entre l’État et SNCF Réseau pour la gestion du réseau national.
La protection de la biodiversité figurait également dans le champ de notre examen au fond.
Le transfert de la gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres aux régions, prévu à l’article 13, est l’une des rares mesures de décentralisation proposées dans ce projet de loi. Il est regrettable que le Gouvernement ne soit pas allé plus loin pour outiller les collectivités territoriales en matière d’environnement et de transition écologique.
C’est ce souci qui a conduit la commission à renforcer la place des régions dans le processus de désignation des sites Natura 2000, en cohérence avec leur rôle de chef de file dans le domaine de la biodiversité. Nous avons ainsi introduit la possibilité pour le conseil régional de proposer la création d’un site terrestre et prévu la consultation des régions pour la création de tout site situé sur leur territoire, y compris s’agissant des sites mixtes et maritimes.
À l’article 62, qui concerne le régime de protection des alignements d’arbres situés en bordure de voies ouvertes à la circulation publique, nous avons jugé opportun de mieux concilier la protection du patrimoine paysager et le respect du droit de propriété.
La loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité a interdit d’abattre des arbres situés dans une allée ou un alignement d’arbres bordant une voie de communication. En pratique, ce dispositif peut empêcher des propriétaires d’abattre un arbre situé sur leur terrain. Nous avons donc souhaité en clarifier le champ d’application et prévoir que le régime de protection des alignements d’arbres concerne les « voies ouvertes à la circulation publique, à l’exclusion des voies privées ».
Afin d’enrichir les volets « décentralisation » et « différenciation » du projet de loi, nous avons également souhaité élargir les moyens des petites communes pour agir en faveur de la biodiversité et permettre l’adaptation de certaines normes nationales dans les communes de montagne s’agissant de la « politique du loup ».
En concertation avec la commission des lois et celle des affaires sociales, notre commission a également formulé des propositions sur deux volets du projet de loi : le volet mobilité, qu’elle a souhaité approfondir, notamment par le renforcement des garanties apportées aux collectivités dans le transfert « à la carte » des routes nationales proposé aux articles 6 et 7 du projet de loi ; les politiques environnementales et sanitaires, auxquelles elle a souhaité offrir un meilleur ancrage dans les territoires, notamment en renforçant la place des élus locaux dans la gouvernance de l’Ademe et des agences régionales de santé.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, au même titre que les trois autres commissions, a travaillé dans un esprit très constructif visant à enrichir ce texte, dont nous ne pouvons qu’espérer qu’il ira bien jusqu’au bout de son processus législatif. Quoi qu’il en soit, le Sénat aura été force de proposition et, comme l’a souhaité le président Larcher, au rendez-vous.