… des mois que les concertations avec les élus se multiplient.
Nous avons pu craindre, au printemps dernier, que le projet ne soit pas inscrit à l’ordre du jour, mais nous y voici enfin, en grande partie grâce à votre opiniâtreté, madame la ministre.
Ainsi, vous imaginez bien que, après une telle attente, nous espérons un grand texte pour les collectivités territoriales. Nous n’attendons pas un big-bang – ni les élus locaux ni nous n’en voulons, car les grandes régions, la loi Maptam et la loi NOTRe ont tellement bouleversé le paysage institutionnel local qu’il n’est pas question de se lancer dans un nouveau chamboule-tout –, car nos collectivités ont besoin de stabilité. Néanmoins, ce texte arrive à la fin d’un mandat présidentiel et, comme nombre d’élus, nous sommes assez déçus du résultat ; même le Conseil d’État n’a pas été tendre dans son avis sur votre texte…
Pourtant, en apparence, tous les ingrédients sont bien présents : un zeste de différenciation, un soupçon de décentralisation, une pincée de déconcentration… mais ça manque de simplification. Une lecture plus attentive des différents items fait apparaître une succession de mesures aux effets trop limités, même si tout n’est pas à jeter, tant s’en faut.
Ainsi, dans une période où se manifeste, de plus en plus bruyamment, la grève des isoloirs, il faut saluer l’initiative visant à encourager les nouvelles formes de participation à la vie politique locale, via l’abaissement des seuils de saisine directe par les citoyens de la collectivité de toute affaire relevant de sa compétence. Certaines compétences des collectivités sont par ailleurs renforcées dans des domaines variés : l’environnement, le logement ou encore la mobilité.
Toutefois, si le projet de loi étonne par son éclectisme, il déçoit par ce qu’il tait. En effet, pas un mot des finances locales ! Or il n’y a pas de pouvoir de décision sans réel pouvoir fiscal. Pusillanimité pour ne froisser personne ou tentative sincère de créer le consensus, au risque d’en décevoir beaucoup ? Quoi qu’il en soit, il est temps de développer de nouvelles solidarités financières vertueuses.
Que demandent les maires ? De la souplesse et de la proximité dans l’action publique ! Ce message a été entendu par notre commission des lois et par leurs rapporteurs, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, que je veux saluer et dont je tiens à souligner la qualité des travaux au nom du groupe UC. Nos deux collègues sont, depuis plusieurs années maintenant, les garants et les gardiens d’une « doctrine sénatoriale » sur le sujet, laquelle est régulièrement alimentée par les travaux de la commission des lois et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, mais pas seulement : le nombre de commissions saisies pour avis sur ce texte démontre que ce texte touche une grande quantité de sujets.
Nous espérons, madame la ministre, que les nombreuses initiatives de la majorité sénatoriale au cours des deux prochaines semaines de débat ne resteront pas lettre morte.
Ainsi, le texte adopté par la commission prévoit de nouveaux transferts de compétences, tels que le transfert, aux régions, du service public de l’emploi ou encore le renforcement de la compétence de solidarité des départements.
En matière financière, je salue l’adoption de l’amendement sur la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local), qui visait à reprendre une position que j’ai défendue avec constance, depuis plusieurs années, en tant que rapporteur pour avis de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». En vertu de ce dispositif, les subventions de l’État au titre de la DSIL sont principalement attribuées par le préfet de département et non par le préfet de région.
Je souhaite maintenant dire quelques mots du titre III du présent projet de loi.
Dans la lignée du rapport d’information de nos collègues Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard sur l’évaluation de la loi SRU, la commission des affaires économiques a accompli un travail important sur ce texte.
Sur le fond, le groupe Union Centriste partage l’analyse de la commission, qui considère qu’il faut sortir de la dimension infantilisante de l’application de cette loi. Cela implique la suppression des sanctions contre-productives dont la Cour des comptes a démontré l’inutilité dans un rapport récent. Appauvrir les communes par des sanctions financières est une véritable erreur ; faisons-leur confiance, au contraire, en fléchant ces sommes vers le logement social sur le territoire, au moyen d’une consignation des pénalités de carence sous le contrôle du préfet.
Je veux dire un mot, enfin, sur un sujet qui empoisonne la vie de nombreux élus ces derniers temps, à savoir le risque juridique qui pèse sur les représentants d’une collectivité au sein d’une entreprise publique locale.
Depuis février dernier, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique recommande aux élus locaux de se déporter lorsque leur est soumise une décision relative à une SEM (société d’économie mixte) ou une SPL (société publique locale). La menace est sérieuse : on parle d’un risque de condamnation pénale pour prise illégale d’intérêts. Il s’agit d’un sujet en soi, qu’il conviendrait de résoudre au-delà de la simple question soulevée incidemment, car il y a de quoi effrayer de nombreux élus. Pourtant, en réalité, cette interprétation paraît « très éloignée de l’esprit de la loi », comme l’ont relevé nos rapporteurs.
Ainsi, afin d’apporter aux élus locaux la sécurité juridique indispensable à l’exercice serein de leur mandat, notre commission a adopté un amendement bienvenu. Celui-ci ne règle pas tout ; il nous restera à réfléchir, demain, à une rédaction renouvelée du délit de prise illégale d’intérêts, au sens de l’article 432-12 du code pénal. Le Sénat a déjà été force de proposition sur cette question par le passé. L’examen de la réforme de la justice à la rentrée nous permettra, je l’espère, d’avancer sur ce point.
Je ne peux passer sous silence, avant de conclure, le sujet du cumul des mandats, en particulier du cumul du mandat de parlementaire avec toute fonction exécutive locale. Nous sommes très nombreux à convenir que le législateur est allé trop loin, en privant le Parlement de notre pays de la présence, en son sein, de maires, notamment de communes rurales.
Il est regrettable que ce texte ne permette pas, là encore, d’introduire de la souplesse dans l’application d’une règle qui s’est finalement révélée néfaste pour la démocratie parlementaire. D’ailleurs, je crois que le Président de la République lui-même convient de cette difficulté qui se pose à notre démocratie parlementaire.
Vous l’aurez donc compris, mes chers collègues, nous avons ressenti une certaine déception à la lecture de la copie initiale du Gouvernement. Toutefois, celle que nos commissions ont rendue offre des perspectives beaucoup plus encourageantes.