Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, en trente ans, de la loi ATR de 1992, qui a créé les intercommunalités à fiscalité propre, en passant par la loi NOTRe de 2015, une succession de textes législatifs a transformé en profondeur l’organisation territoriale de notre République. Certains étaient nécessaires et ont permis d’adapter l’organisation territoriale aux évolutions de la société. D’autres, en décalage avec les réalités du terrain, ont complexifié et finalement pénalisé l’action locale.
Alors, quels sont aujourd’hui les besoins des territoires ?
Sur le terrain, je le répète après d’autres, les élus n’attendent pas de nouveaux bouleversements. Ils ont désormais besoin de visibilité, j’y insiste, institutionnelle et financière. Cependant, dans ce cadre, ils attendent tout de même certaines évolutions pour faciliter, d’une part, leurs initiatives en matière de développement local et, d’autre part, leur tâche au quotidien. Et cela passe tout d’abord par une politique de la différenciation ! Tous les territoires ne sont pas identiques, et des règles appliquées partout, de façon uniforme, constituent un frein aux dynamiques locales.
Le bon sens veut que les règles s’adaptent aux réalités des territoires, et non l’inverse. C’est pourquoi, madame la ministre, l’inscription de la différenciation dans ce projet de loi est une avancée majeure que nous saluons. Le transfert des routes nationales, appliqué uniquement dans les départements volontaires, s’inscrit dans cette logique.
Mais la différenciation doit irriguer les territoires bien au-delà du texte qui nous est présenté. Par exemple, c’est un sujet qui me tient à cœur, les secteurs ruraux en perte d’habitants doivent pouvoir relever le défi de leur reconquête démographique grâce à une application différenciée des mesures de lutte contre l’artificialisation des sols. C’est vital pour eux ! Nous aurons l’occasion d’en reparler.
La simplification s’impose aussi à nous. Au fil du temps, les procédures et les normes se sont multipliées et complexifiées, créant autant d’obstacles à la bonne marche des territoires, et, de surcroît, des inégalités entre les grandes collectivités, qui disposent de services administratifs et juridiques étoffés, et les petites communes, qui se trouvent démunies et pénalisées dans leurs projets.
Il est temps de stopper cette fuite en avant de la complexification. Au-delà des mesures prévues dans ce texte, comme les échanges de données ou encore l’acquisition des biens sans maître ou en état d’abandon, ne ratons pas l’occasion d’inscrire dans notre droit une ambition forte de simplification massive, qui doit se concrétiser dans de nombreuses procédures administratives.
La déconcentration doit devenir une réalité pour renforcer l’efficacité de l’action de l’État dans la proximité. Les réformes successives des services de l’État se sont accompagnées d’un désengagement, particulièrement marqué dans le secteur rural, où la présence de l’État est pourtant cruciale, et d’un affaiblissement de l’État à l’échelle départementale au bénéfice d’une concentration au niveau régional.
Plusieurs mesures du texte que nous allons examiner vont dans le bon sens sur cette question, mais tout ne peut pas être réglé par la loi non plus. C’est une ligne de conduite continue qu’il faut adopter en faveur de la déconcentration afin que l’État réinvestisse les territoires au plus près des citoyens. Dans ce cadre, il est important de renforcer les prérogatives du préfet de département, mais cela ne suffit pas.
Enfin, j’en viens à la décentralisation. Les compétences que vous proposez d’accorder aux départements en matière de santé, de transition écologique ou d’habitat inclusif sont bienvenues. Cependant, il convient aussi d’introduire davantage de souplesse et de créer des passerelles entre les compétences de chaque niveau de collectivités, afin de faciliter la réalisation des projets. L’article 3, conforté par la commission grâce à plusieurs amendements, vise à répondre à cette préoccupation, notamment au travers de la délégation de compétences entre collectivités. Je pense néanmoins que des améliorations peuvent être apportées pour agir au meilleur niveau d’efficacité en fonction des situations locales.
Nous saluons, bien sûr, la réforme de la gouvernance des ARS, même si je considère qu’une réforme de plus grande ampleur serait nécessaire, avec notamment le renforcement des prérogatives à l’échelon départemental.
Madame la ministre, je veux dire un mot sur les contrats de cohésion territoriale. J’insiste sur l’importance de conserver, à côté des outils financiers contractualisés, la souplesse de la DETR, qui permet de répondre annuellement aux besoins des communes. En d’autres termes, et pour être bien clair, elle ne doit pas être complètement absorbée par les contrats de cohésion territoriale, ce qui pénaliserait les petites communes
Le texte que vous portez, avec la détermination que l’on vous connaît et le réalisme d’une élue de terrain, ce qui a permis de le faire arriver jusqu’ici, contient tous les ingrédients pour répondre aux besoins des territoires dans leur diversité. Il appartient désormais au Sénat d’y apporter les évolutions qui lui semblent nécessaires pour l’améliorer. Le groupe Union Centriste entend bien y prendre sa part.