Le périmètre de notre enquête « CAPLA » (CApitalisme de PLAteforme), entre 2016 et 2021, qui a mobilisé 14 chercheurs, a concerné les travailleurs plutôt que les plateformes elles-mêmes, car elles sont difficiles à observer.
Une partie du travail de plateforme, ceux concernant la livraison ou les chauffeurs de VTC, déstabilise des professions ou des métiers réglementés, traditionnellement masculins. Ils entrent donc dans le sceptre de l'intervention du politique. Certaines concernent des activités en lisière des loisirs ou qui sont accessoires ou périphériques. C'est le cas du micro-travail qui procure des revenus dérisoires pour des auto-entrepreneurs de quelques euros ou dizaines d'euros par mois, soit moins que nous pensions avant l'enquête, et pour un volume de travail important. Ces plateformes ont une vocation marchande de mise en relation commerciale, sauf quelques exceptions. Certaines, comme Etsy, se présentent comme proposant des produits artisanaux, faits maison, qui sont en réalité de fabrication industrielle. La Ruche Qui Dit Oui se revendique de l'économie sociale et solidaire dans la mesure où elle distribue des alimentaires locaux d'auto-entrepreneurs. En contrepoint, certaines plateformes sont des coopératives militantes. C'est un autre modèle « d'utopie réelle ». Un autre fonctionnement des plateformes est donc possible.
Nous n'utilisons pas le terme d'uberisation. Nous avons en effet une démarche scientifique. Or, ce terme, qui se réfère à une entreprise précise, n'est pas assez explicite. C'est le cas également du « capitalisme de plateforme », en partie inapproprié.
Le point commun de ces plateformes est l'organisation de l'externalisation du travail, des salariés, vers des travailleurs formellement indépendants, ou des particuliers, des amateurs. Nous avions identifié une tension dans cette externalisation, qui fait reposer les risques sur les travailleurs, qu'il s'agisse des fluctuations de l'activité ou des accidents du travail, tout en coordonnant le travail, bien qu'elles se présentent comme de simples intermédiaires. Elles prétendent rendre des services, aux travailleurs comme aux consommateurs, alors qu'elles sont des entreprises marchandes, des intermédiaires, comme l'ont qualifié ainsi les tribunaux judiciaires.