Je suis accompagné de Philippe Dorge, directeur général de la branche services-courrier-colis, patron des facteurs et membre du comité exécutif de La Poste. Nous sommes là pour répondre à vos questions.
Je commencerai par la dernière, à savoir la question des documents « abandonnés », dans toutes les formes qu'a pu prendre cet abandon. La réalisation de la distribution de la propagande électorale qui nous a été traditionnellement confiée fait partie de notre savoir-faire et a toujours constitué une tâche particulièrement complexe. D'abord, elle donne lieu à des tournées « toutes-boîtes », durant lesquelles le facteur s'arrête partout sur le territoire, ce qui n'est pas le cas en temps ordinaire. Ensuite, la mission de service public liée à l'information électorale nous impose un niveau d'excellence. Enfin, les délais de réalisation sont souvent comprimés, plus encore au deuxième tour de ces dernières élections.
Cette mission de proximité est donc complexe, tout le monde l'a constaté au cours des deux tours des élections. Elle n'aurait pas réussi - c'est bien une réussite pour nous - sans la mobilisation, le professionnalisme et le sens du service public des factrices et des facteurs, à qui je veux rendre hommage, et à leurs capacités de communiquer et de faire des comptes rendus permanents durant toute cette période auprès des préfectures et des élus. C'est grâce à ce travail conjoint de nos équipes, des mairies et des préfectures que nous avons été capables de faire face aux engagements que nous avions pris.
Je n'ai pas d'exemple - pas un seul ! - de document abandonné sous quelque forme que ce soit dans les zones desservies par La Poste. J'illustrerai mon propos en prenant plusieurs exemples et en rappelant les éléments de contexte.
Le 17 juin dernier, soit trois jours avant le premier tour, s'est tenue la réunion de l'Observatoire national de la présence postale (ONPP), qui est, d'une certaine façon, la structure chapeau de nos 100 commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT). Lors de cette réunion, ce sujet de la distribution de la propagande n'était pas à l'ordre du jour, et aucun élu représenté ce jour-là n'a demandé qu'il y soit inscrit. De surcroît, aucun élu n'a, le jeudi, soulevé le moindre problème micro-électoral. Vous le savez, le lien entre vous, élus, et nous, La Poste, est assez direct ; il concerne des points stratégiques et des éléments essentiels à la vie de nos concitoyens. Quand on modifie les horaires d'un bureau de poste, j'en entends généralement parler assez vite. À aucun moment n'a été signalé un seul problème sur un endroit quelconque du territoire !
Comme je l'ai indiqué devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, deux élus m'ont appelé, un sénateur du Grand Est et un président de conseil départemental de la région Auvergne-Rhône-Alpes, me signalant des problèmes, avant que de constater que nous n'étions pas l'attributaire du marché dans ces deux grandes régions. Certaines distributions ont pu être tardives, mais elles étaient liées à ce qui s'est passé au deuxième tour, qui a été très différent du premier.
Lors du premier tour, la phase amont s'est déroulée sans anicroche. Nous avons ainsi reçu 100 % des matériels que nous attendions. De notre point de vue, nous avons distribué la totalité de ce qui était distribuable, avec un taux de documents non distribuables de 8,85 %, en légère croissance par rapport aux dernières élections européennes et municipales. Mais cela reste très peu important et résulte sans doute des mouvements de population qui ont eu lieu au moment de la crise de la covid.
Lors de la réunion au ministère de l'intérieur où j'ai été convoqué au lendemain du premier tour avec l'autre opérateur, M. Darmanin nous a signalé des problèmes dans 64 communes sur les 15 000 que nous avions desservies. Il avait remarqué que les difficultés étaient corrélées à des taux de documents non distribuables supérieurs à la moyenne. Nous avons appelé tous les maires concernés : deux problèmes de distribution, en particulier d'adressage, ont été identifiés, l'un à Biarritz et l'autre à Modène dans le Vaucluse - c'est tout ! J'ai d'ailleurs en ma possession un mail du maire de Royan, qui faisait partie des villes à risque du fait des bases adresses, qui n'a pas mis en avant des problèmes de distribution.
Le deuxième tour a été beaucoup plus compliqué, car la phase amont ne nous a pas permis d'avoir la totalité des plis à temps et en bon ordre. Pour nous, la date ultime de distribution, c'est le jeudi précédent le dimanche du scrutin à 23 h 59. Dans une élection ordinaire, nous recevons en général 100 % du matériel à temps, et nous nous organisons pour assurer la distribution.
En l'occurrence, au deuxième tour, la situation a été différente pour les régionales, qui ont parfois donné lieu à des quadrangulaires, plus compliquées à préparer : jeudi à 23 h 59, nous avions récupéré 44 % des plis attendus, dont nous avons ensuite distribué l'intégralité ; vendredi à 23 h 59, alors que nous ne recevons en principe plus de plis, nous en avons reçu 29 % de plus, et avons distribué 100 % de ce qui était distribuable ; enfin, le samedi après minuit et avant 3 heures, nous avons reçu 7 % des plis, ce qui fait un total de 79 % à 80 %, dont nous avons distribué la quasi-totalité. Les élections départementales ont été moins touchées, car les élections triangulaires ou quadrangulaires sont beaucoup plus rares : jeudi à 23 h 59, nous avions reçu 88 % des documents attendus ; vendredi à 23 h 59, nous en avons récupéré 5 %, soit un total de 93 % des flux.
De notre point de vue, des perturbations ont été constatées lors du deuxième tour des élections : si la livraison a été totale jusqu'au vendredi à 23 h 59, elle s'est révélée plus compliquée dans la nuit. Philippe Dorge et ses équipes ont réalisé une mobilisation maximale le samedi, puisqu'à 18 heures, des factrices et des facteurs distribuaient encore les plis - certains ont fait des double-tournées -, sachant qu'après 14 heures ou 15 heures, la distribution ordinaire s'arrête.
Cette mobilisation était sous-tendue par l'intérêt supérieur de la propagande électorale et de ces élections. Elle était nécessaire en raison de la situation, et aussi parce qu'au deuxième tour l'autre opérateur a souhaité nous confier 5,4 millions de plis - nous n'en avons finalement reçu que 3,8 millions.
Cette distribution est-elle rentable économiquement ? Oui, et pour une raison simple : nous pensons que la représentation nationale et nos deux actionnaires, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en premier lieu, et l'État au travers de l'Agence des participations de l'État (APE) en second lieu, s'attendent à ce que, sur un marché de centaines de millions d'euros, nous soyons rentables. C'est bien sûr notre volonté d'être rentables, tout en étant capables de faire des efforts sur les marges. C'est ce que nous avons fait lors de ce marché de 2021 pour lequel nous avons proposé un prix inférieur de 4 % à celui du précédent marché.