Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 14 heures.
Nous sommes réunis dans le cadre de la mission d'information, dotée des pouvoirs de commission d'enquête, sur les dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin 2021 et résultant en particulier de la distribution de la propagande électorale. Nous recevons cet après-midi Philippe Wahl, président-directeur général du Groupe La Poste.
Monsieur le président, vous le savez, le Sénat a créé cette mission d'information afin d'appréhender le mieux possible la ou les raisons ayant entraîné une mauvaise distribution - je mesure mes mots ! - de la propagande électorale durant les élections régionales et départementales. Le groupe La Poste étant, comme avec la société Adrexo, attributaire du marché public, nous avons souhaité vous entendre pour connaître votre point de vue et savoir comment vous avez vécu la situation.
Je vous rappelle que cette audition est ouverte à la presse ; elle sera diffusée en direct sur le site internet du Sénat et retransmise sur la chaîne Public Sénat.
Je vous rappelle également, pour la forme, qu'un faux témoignage est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Philippe Wahl prête serment.
Vous êtes attributaire d'un marché public qui vous a permis de distribuer la propagande électorale, notamment celle des élections départementales et régionales. Sachant que, jusqu'en 2021, La Poste était le seul organisme chargé de distribuer les plis de propagande électorale, pourriez-vous nous rappeler la date du marché public et les prix pratiqués à l'époque ?
Dans le cadre de la passation du marché lancé par l'État mi- 2020 pour une attribution en fin d'année, comment les choses se sont-elles réellement passées ? Quels engagements avez-vous dû prendre à l'égard de l'État ? Pour ne rien vous cacher, nous avons eu accès aux notes techniques sur les offres soumises dans le code de la procédure, nous avons constaté que la note attribuée au groupe La Poste était inférieure à celle du groupe Adrexo. Quelles en sont les raisons, selon vous ?
La distribution de la propagande électorale était-elle pour vous une activité économique rentable ?
Des dysfonctionnements importants sont apparus depuis quelques années dans la distribution de cette propagande. Certains disent ne pas avoir reçu les plis à temps, d'autres déplorent de ne pas les avoir reçus du tout. Si les réponses sont variables, il est une constante : cette situation a alimenté du contentieux, en particulier lors des élections législatives de 2017. Quelles raisons le groupe La Poste invoque-t-il pour expliquer ces difficultés ?
Enfin, lors de ces élections, de nombreux documents ont été retrouvés éparpillés dans des forêts, brûlés, abandonnés dans des halls d'immeubles, et jamais distribués, comme s'il fallait s'en débarrasser d'une manière ou d'une autre ? Avez-vous eu de tels retours au sein du groupe La Poste ?
Je suis accompagné de Philippe Dorge, directeur général de la branche services-courrier-colis, patron des facteurs et membre du comité exécutif de La Poste. Nous sommes là pour répondre à vos questions.
Je commencerai par la dernière, à savoir la question des documents « abandonnés », dans toutes les formes qu'a pu prendre cet abandon. La réalisation de la distribution de la propagande électorale qui nous a été traditionnellement confiée fait partie de notre savoir-faire et a toujours constitué une tâche particulièrement complexe. D'abord, elle donne lieu à des tournées « toutes-boîtes », durant lesquelles le facteur s'arrête partout sur le territoire, ce qui n'est pas le cas en temps ordinaire. Ensuite, la mission de service public liée à l'information électorale nous impose un niveau d'excellence. Enfin, les délais de réalisation sont souvent comprimés, plus encore au deuxième tour de ces dernières élections.
Cette mission de proximité est donc complexe, tout le monde l'a constaté au cours des deux tours des élections. Elle n'aurait pas réussi - c'est bien une réussite pour nous - sans la mobilisation, le professionnalisme et le sens du service public des factrices et des facteurs, à qui je veux rendre hommage, et à leurs capacités de communiquer et de faire des comptes rendus permanents durant toute cette période auprès des préfectures et des élus. C'est grâce à ce travail conjoint de nos équipes, des mairies et des préfectures que nous avons été capables de faire face aux engagements que nous avions pris.
Je n'ai pas d'exemple - pas un seul ! - de document abandonné sous quelque forme que ce soit dans les zones desservies par La Poste. J'illustrerai mon propos en prenant plusieurs exemples et en rappelant les éléments de contexte.
Le 17 juin dernier, soit trois jours avant le premier tour, s'est tenue la réunion de l'Observatoire national de la présence postale (ONPP), qui est, d'une certaine façon, la structure chapeau de nos 100 commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT). Lors de cette réunion, ce sujet de la distribution de la propagande n'était pas à l'ordre du jour, et aucun élu représenté ce jour-là n'a demandé qu'il y soit inscrit. De surcroît, aucun élu n'a, le jeudi, soulevé le moindre problème micro-électoral. Vous le savez, le lien entre vous, élus, et nous, La Poste, est assez direct ; il concerne des points stratégiques et des éléments essentiels à la vie de nos concitoyens. Quand on modifie les horaires d'un bureau de poste, j'en entends généralement parler assez vite. À aucun moment n'a été signalé un seul problème sur un endroit quelconque du territoire !
Comme je l'ai indiqué devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, deux élus m'ont appelé, un sénateur du Grand Est et un président de conseil départemental de la région Auvergne-Rhône-Alpes, me signalant des problèmes, avant que de constater que nous n'étions pas l'attributaire du marché dans ces deux grandes régions. Certaines distributions ont pu être tardives, mais elles étaient liées à ce qui s'est passé au deuxième tour, qui a été très différent du premier.
Lors du premier tour, la phase amont s'est déroulée sans anicroche. Nous avons ainsi reçu 100 % des matériels que nous attendions. De notre point de vue, nous avons distribué la totalité de ce qui était distribuable, avec un taux de documents non distribuables de 8,85 %, en légère croissance par rapport aux dernières élections européennes et municipales. Mais cela reste très peu important et résulte sans doute des mouvements de population qui ont eu lieu au moment de la crise de la covid.
Lors de la réunion au ministère de l'intérieur où j'ai été convoqué au lendemain du premier tour avec l'autre opérateur, M. Darmanin nous a signalé des problèmes dans 64 communes sur les 15 000 que nous avions desservies. Il avait remarqué que les difficultés étaient corrélées à des taux de documents non distribuables supérieurs à la moyenne. Nous avons appelé tous les maires concernés : deux problèmes de distribution, en particulier d'adressage, ont été identifiés, l'un à Biarritz et l'autre à Modène dans le Vaucluse - c'est tout ! J'ai d'ailleurs en ma possession un mail du maire de Royan, qui faisait partie des villes à risque du fait des bases adresses, qui n'a pas mis en avant des problèmes de distribution.
Le deuxième tour a été beaucoup plus compliqué, car la phase amont ne nous a pas permis d'avoir la totalité des plis à temps et en bon ordre. Pour nous, la date ultime de distribution, c'est le jeudi précédent le dimanche du scrutin à 23 h 59. Dans une élection ordinaire, nous recevons en général 100 % du matériel à temps, et nous nous organisons pour assurer la distribution.
En l'occurrence, au deuxième tour, la situation a été différente pour les régionales, qui ont parfois donné lieu à des quadrangulaires, plus compliquées à préparer : jeudi à 23 h 59, nous avions récupéré 44 % des plis attendus, dont nous avons ensuite distribué l'intégralité ; vendredi à 23 h 59, alors que nous ne recevons en principe plus de plis, nous en avons reçu 29 % de plus, et avons distribué 100 % de ce qui était distribuable ; enfin, le samedi après minuit et avant 3 heures, nous avons reçu 7 % des plis, ce qui fait un total de 79 % à 80 %, dont nous avons distribué la quasi-totalité. Les élections départementales ont été moins touchées, car les élections triangulaires ou quadrangulaires sont beaucoup plus rares : jeudi à 23 h 59, nous avions reçu 88 % des documents attendus ; vendredi à 23 h 59, nous en avons récupéré 5 %, soit un total de 93 % des flux.
De notre point de vue, des perturbations ont été constatées lors du deuxième tour des élections : si la livraison a été totale jusqu'au vendredi à 23 h 59, elle s'est révélée plus compliquée dans la nuit. Philippe Dorge et ses équipes ont réalisé une mobilisation maximale le samedi, puisqu'à 18 heures, des factrices et des facteurs distribuaient encore les plis - certains ont fait des double-tournées -, sachant qu'après 14 heures ou 15 heures, la distribution ordinaire s'arrête.
Cette mobilisation était sous-tendue par l'intérêt supérieur de la propagande électorale et de ces élections. Elle était nécessaire en raison de la situation, et aussi parce qu'au deuxième tour l'autre opérateur a souhaité nous confier 5,4 millions de plis - nous n'en avons finalement reçu que 3,8 millions.
Cette distribution est-elle rentable économiquement ? Oui, et pour une raison simple : nous pensons que la représentation nationale et nos deux actionnaires, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en premier lieu, et l'État au travers de l'Agence des participations de l'État (APE) en second lieu, s'attendent à ce que, sur un marché de centaines de millions d'euros, nous soyons rentables. C'est bien sûr notre volonté d'être rentables, tout en étant capables de faire des efforts sur les marges. C'est ce que nous avons fait lors de ce marché de 2021 pour lequel nous avons proposé un prix inférieur de 4 % à celui du précédent marché.
Lors de cette attribution de marché, dont le prix était le critère essentiel, nous avons effectivement consenti un effort de 4 % par rapport au marché précédent, qui affichait déjà une baisse de prix de 1 % par rapport au marché antérieur.
Dans un contexte global où les volumes du courrier diminuent, et pour répondre à votre deuxième question, monsieur le président, il est très difficile de jouer sur la productivité pour son client. En effet, moins il y a de courrier en général dans le réseau et dans les tournées, plus il est difficile de répercuter des effets d'économie sur des flux nouveaux de courriers liés aux élections. Nous avons donc fait des efforts au fur et à mesure, mais moins que par le passé...
Nous cherchons à couvrir l'ensemble des coûts variables attribuables, mais il est aujourd'hui difficile de l'établir, car ce marché est régi par un critère de poids et de délai. Dans les jours qui viennent, nous allons tenter de dresser ce bilan avec le ministère de l'intérieur. Pour un marché estimé au départ à près de 40 millions d'euros selon une estimation des poids et des délais entre les deux tours, les chiffres se rapprocheraient maintenant plus de 30 millions d'euros en volume.
Et en marges ?
Nous essayons d'avoir un taux de 10 % à 15 % supérieur aux coûts attribuables, sachant que cette base ne comprend pas certains coûts complets opérationnels.
L'une des raisons qui justifient que nous ne sacrifiions pas les coûts, c'est que nous avons des salaires à verser et que cette tâche de qualité est complexe à réaliser. Il est normal de rétribuer normalement nos agents pour cette tâche. Voilà pourquoi nous avons ajusté les prix, de manière raisonnable de notre point de vue. Comme l'a fort bien dit Philippe Dorge, le fait que le critère prix soit à 60 % nous a visiblement défavorisés. Mais c'est le jeu de la concurrence !
S'agissant des contentieux liés à la distribution des plis, nous pouvons citer le cas d'Annecy.
Ce contentieux résulte d'une contestation pour quelques dizaines de plis qui n'ont pas été bien adressés en 2017. À ma connaissance, la plainte a été déboutée par le juge administratif, au motif que ce critère ne serait pas de nature à permettre l'annulation de l'élection.
Il est important de savoir ce que les postiers font du matériel qui n'a pu être distribué. Les bulletins sont rapportés à la préfecture ou à la mairie, et il est fréquent qu'au moment du vote les mairies donnent une carte électorale à un électeur qui n'aurait pas procédé à son changement de domiciliation. En tout état de cause, aucun équipement n'est abandonné ! En la matière, la coordination fonctionne très bien.
En l'espèce, le contrat de marché de l'État prévoyait que l'ensemble de ces plis non distribués devait être rassemblé dans un lieu unique par département.
Absolument, les plis non distribuables sont restitués aux mairies, qui corrigent ensuite la base adresses électorales. Donc, 100 % des plis non distribuables, et par conséquent non distribués, sont restitués - sous le contrôle des préfectures. Nous pouvons clairement établir que les 8,70 % à 8,85 % de plis non distribuables au deuxième tour ne pouvaient pas être distribués. Dans le contentieux d'Annecy, par exemple, La Poste a apporté tous les éléments probants. Il existe en effet deux principaux motifs de « non-distribuabilité » : « N'habite pas - ou plus - à l'adresse indiquée », ce qui inclut les contrats de réexpédition, et les adresses incomplètes, telles qu'on les a connues dans des habitats collectifs, rendant la distribution très complexe.
Dans le cas d'une reprise en main d'un seul marché, dans le cadre d'une délégation de service public totale de la distribution de la propagande électorale, La Poste serait-elle en capacité de procéder à cette distribution dans l'ensemble des régions ? J'ai bien entendu les exigences induites pour les agents. Avec une baisse régulière de la distribution du courrier, disposez-vous d'un nombre d'agents suffisant lors des périodes électorales, ou avez-vous recours à des contractuels ou à des vacataires ?
Je remercie M. Wahl pour sa présence parmi nous. Souvenez-vous, monsieur le président, nous nous sommes rencontrés voilà quelques années à Lille, à l'Hermitage Gantois, où vous étiez venu proposer aux élus locaux les services d'aide et de surveillance effectués par les facteurs, eu égard à leur connaissance des quartiers. J'étais à l'époque adjointe à la prévention et à la sécurité du maire, et cet élargissement des compétences de La Poste intéressait beaucoup les élus.
La distribution de la propagande électorale est une autre mission de service public confiée à La Poste. Cette mission de proximité est particulièrement complexe pour les raisons que vous avez rappelées, par exemple les difficultés à réceptionner les documents de propagande, les contraintes liées aux délais, etc. Cette mission nécessite-t-elle un recrutement exceptionnel de vacataires ? Pensez-vous que la livraison tardive des documents puisse être organisée différemment ?
J'ai la même question que Cécile Cukierman et Brigitte Lherbier sur le nombre de personnels face à une opération aussi importante, mais aussi, plus largement, sur la viabilité du système de concurrence organisée : alors que le volume du courrier adressé baisse continûment, est-il opérationnel qu'un autre opérateur que La Poste s'organise et investisse dans cette branche avec les coûts fixes que cela implique ?
Enfin, quid de la mise à jour des adresses, sachant que le nombre de non-distributions pour le motif « n'habite pas à l'adresse indiquée » (NPAI) ne cesse de progresser - chaque année, 8 à 9 % des Français déménagent ? Nous avons déjà travaillé sur le sujet, j'avais déposé un amendement prévoyant que la liste des adresses puisse être mise à jour avec des données venues de La Poste et des entreprises qui délivrent l'eau, le gaz et l'électricité, ou encore de l'Insee ; on m'avait alors répondu que le moment n'était pas encore venu : qu'en pensez-vous ?
Comment se peut-il que La Poste soit plus efficace que les autres prestataires : sur quels facteurs repose cette réussite ?
Quand avez-vous connu précisément les lieux à couvrir et comment s'est organisée la distribution ? En d'autres termes, quel est le rétro-calendrier de la catastrophe annoncée ?
Le ministère a argué des difficultés liées au fait qu'il y a eu deux scrutins concomitants, qu'en pensez-vous ?
Dans le marché alloti attribué par l'État, il y a une note sur le prix et une note technique ; La Poste s'est vue attribuer une note technique inférieure à celle de son concurrent, Adrexo, ce qui corrobore l'appréciation du Conseil constitutionnel estimant que la distribution du courrier perd en efficacité à La Poste depuis quelques années : pourquoi ? Enfin, pensez-vous que la concomitance de deux élections importantes le même jour compromette l'efficacité de la distribution ?
Nous avons été notifiés de l'acceptation partielle du marché le 16 décembre 2020, au terme d'un processus qui avait commencé l'été précédent. Le critère du prix comptait pour 60 % et la note technique pour 40 %, sachant que cette dernière avait trois composantes ou sous-notes ; je précise que, quand bien même nous aurions été meilleurs sur le plan technique, nous n'aurions pas été retenus, l'écart de prix étant trop important.
Voici les trois notes composant la note technique d'ensemble : sur la qualité des moyens techniques et humains affectés au pilotage, nous avons obtenu 102,4 points sur 160 - représentant donc 16 % de la note technique -, contre 140,8 pour Adrexo ; sur la qualité des moyens techniques et humains affectés à l'exécution de l'accord-cadre, nous avons obtenu 121,6 points sur 160 contre 131,4 à Adrexo ; enfin, sur la qualité des moyens et d'organisation pour la gestion des incidents éventuels, nous avons reçu l'intégralité des 80 points - comptant donc pour 8 % de la note globale -, contre 72 points à Adrexo.
Je peux vous répondre sur nos moyens, mais pas sur ceux d'Adrexo. Nous avons commencé l'exécution très rapidement, conformément à la demande du client, qui a choisi, entre plusieurs délais, celui de quatre jours à compter de la réception des documents ; nous avons commencé le 14 mai pour La Réunion, puis le 21 mai en Lozère, dans les Côtes-d'Armor, le Tarn-et-Garonne, et le Val-de-Marne.
Pour le second tour, une partie des plis est arrivée en dehors des délais contractuels, mais cela ne nous a pas empêchés d'en livrer la plus grande partie, grâce à la mobilisation des factrices et des facteurs.
La Poste est prête à reprendre la distribution dans la totalité des régions, si l'État le lui demande. Nous considérons que nous avons assez de factrices et de facteurs, le second tour des dernières élections régionales et départementales plaide dans ce sens : nous avons appris le mercredi matin seulement que 5,4 millions de plis supplémentaires étaient à distribuer, nous avons distribué les 3,8 millions qui nous ont été adressés - nous l'avons fait en mobilisant nos ressources habituelles, sachant que les intérimaires et contractuels à durée déterminée représentent ordinairement 12 % de notre force de travail, et nous y avons ajouté un volet supplémentaire d'intérimaires, représentant 5 % de notre force de travail.
Tous les personnels avec qui vous travaillez ordinairement, y compris les intérimaires, sont des professionnels qui connaissent les métiers de la distribution ?
Effectivement, et les intérimaires supplémentaires mobilisés au dernier moment, pour l'immense majorité, avaient déjà travaillé avec nous.
Je précise que nous les avons formés nous-mêmes, nous ne recourons pas à des prestataires sous-traitants. Nous nous arrangeons pour accueillir les personnels une semaine avant le début du travail effectif, la formation dure deux jours, avec une journée consacrée aux gestes du métier en doublure avec un autre postier.
Pourrions-nous reprendre la distribution sur la totalité du territoire ? Oui, nous l'avions toujours fait, nous le pouvons encore, même si le nombre de facteurs diminue, dans une proportion moindre que la baisse du courrier. Nous pourrions tout à fait, également, participer à la mise à jour des bases d'adresses, avec les préfectures et les mairies, sachant que 10 % des Français changent d'adresse tous les ans, ce qui est considérable. Nous pourrions aussi prendre le routage et la préparation des plis, nous l'avons fait dans cinq départements. Tout cela, bien entendu, à condition d'en être avertis assez tôt.
La concomitance de deux élections rend les choses plus compliquées, mais l'opération reste possible, nous l'avions fait en 2008. Au second tour, la complexité tient à la phase amont, qui a importé des problèmes. Nous nous sommes mobilisés, nous avons doublé les heures supplémentaires, ce qui nous a permis de passer l'obstacle.
Il m'est très difficile de dire pourquoi nous sommes plus efficaces, nous ne regardons pas ce que font les autres. Les facteurs savent faire de la distribution adressée toutes boites, ils ont une connaissance moléculaire du territoire, et le sens du service public, ils sont habitués aux interactions avec les mairies et préfectures. Si une nouvelle prestation globale nous était confiée, nous pourrions faire face, à condition qu'elle soit bien préparée.
Vous parlez de difficultés de transmission entre Adrexo et La Poste : on serait passé de 5,4 à 3,8 millions de plis à distribuer. Comment les choses se sont-elles passées ? Ensuite, rencontrez-vous des problèmes de distribution des cartes électorales et quel est leur taux de retour ?
En vous entendant, nous n'avons guère de doute sur la qualité des professionnels de La Poste. Quel service du ministère de l'intérieur a-t-il noté votre proposition ?
Naguère, les postiers recevaient un supplément de rémunération pour la distribution des professions de foi : est-ce toujours le cas ?
Vous aviez postulé pour tout le territoire national, on a vu dans l'entre-deux-tours le soulagement de voir La Poste à la rescousse de son concurrent, cela a représenté 200 000 plis dans mon département, la Loire, et ce malgré les retards dans la remise des documents. Quels coûts supplémentaires la distribution sur tout le territoire représenterait-elle pour votre groupe ? Il y avait une prime pour cette distribution, qui donnait lieu à des conflits sociaux, qu'est-elle devenue ?
Avez-vous un cursus de formation spécifique sur la distribution : en quoi consiste-t-il ? Vos offres initiales étaient de 30 à 50 % moins chères que celles de vos concurrents : pourquoi ?
Dans cinq départements - l'Aude, le Gers, les Hautes-Pyrénées, le Lot et le Tarn-et-Garonne -, nous avons préparé l'intégralité des plis pour le second tour. Nous savons donc le faire, et nous avons aussi un très bon suivi des adresses, via le service national de l'adresse, situé à Libourne.
Nous avons fait suivre aux intérimaires ponctuels le cursus que suivent habituellement tous nos intérimaires, alors que nous avions moins de temps.
Enfin, j'ai été informé le mercredi matin qu'il faudrait reprendre la distribution de 5,4 millions de plis, dont 3,8 millions nous ont été adressés par Adrexo - nous les avons intégralement redistribués.
Nous les avons distribués sans rupture de chaîne dans la distribution.
Le cursus habituel, qui s'étend sur deux jours : le premier jour consacré à des enseignements théoriques, en particulier 3,5 heures pour l'accueil, la sécurité, les risques métiers, les équipements de protection, et le deuxième jour consacré à la pratique, en doublure avec un professionnel, un enseignement pratique qui se prolonge parfois un jour supplémentaire.
L'intérimaire voit alors la tournée, c'est un ensemble complexe qu'il est très utile de suivre.
Lorsque je suis arrivé à La Poste en 2015, la prime « élections » avait déjà été retirée, mais nous rémunérons les dépassements horaires. Nous voulions distribuer tous les plis, y compris à 3 heures du matin, ce qui nous a fait décider de doubler les heures supplémentaires.
C'est le surcroît d'activité qui est à l'origine du surcroît de salaire, c'est la raison pour laquelle nous sommes arrivés aux montants dépensés, d'autant que les rémunérations sont plus fortes le samedi.
Pour les remises des cartes électorales, nous n'avons pas rencontré de difficultés particulières, le taux de retour est conforme à celui des changements d'adresse.
La notation des dossiers pour le marché public était entre les mains du secrétariat général du ministère, qui comporte une cellule achat et un bureau des élections, nous étions en relation avec le service « performance achat et organisation des élections ».
En réalité, l'évaluation du prix dépend d'un grand nombre de facteurs, en particulier du poids estimé des plis et du délai de la distribution, nous n'avons pas tous la même vision du poids - il n'est pas toujours prévisible, étant donné qu'il varie avec le nombre de candidats - et le mix de délai peut changer, nous avions estimé celui de 4 jours raisonnable, mais le ministère nous en a ensuite demandé une partie sur deux jours, tout cela change le prix unitaire final. Nous pensions que la mission représenterait 40 millions d'euros, nous sommes plus proches de 30 millions d'euros.
J'ai le tableau de reporting national, vous y distinguez les plis « réalisés », « traités » et « distribués » : quelles sont les différences ?
Le nombre de plis attendus, correspondant au nombre d'électeurs, varie du premier au second tour, du fait que des candidats sont élus au premier tour - l'écart a été d'environ 1 million de plis cette fois-ci. Ensuite, nous prenons en charge ces plis, nous regardons la quote-part des plis non distribuables, et le rapport entre les plis distribuables et les plis attendus. Les plis « traités » correspondent aux plis « distribués » plus les plis non distribuables, 100 % des plis distribuables ont été distribués.
Au regard de l'expérience, quelle serait pour vous la façon la plus efficace de remédier aux dysfonctionnements constatés ?
Cette question ne nous concerne pas nous, mais plutôt l'État, dont nous sommes prestataires. Nous sommes prêts à reprendre l'intégralité du marché, nous sommes pour coopérer avec les mairies et les préfectures, mais la décision revient à l'État. Nous avons essayé de faire au mieux, toujours en coordination avec les maires et les préfets, très sensibles aux difficultés. Notre entreprise n'est pas parfaite, sur des millions d'adresses en jeu, des erreurs sont inévitables, mais dans les 64 communes où des incidents ont été constatés, nous avons appelé le maire aussitôt. Nous saurons nous adapter au choix que l'État fera.
Merci pour vos informations.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
Nous poursuivons nos auditions avec Jean-Benoît Albertini, secrétaire général du ministère de l'intérieur.
Je vous rappelle, pour la forme, qu'un faux témoignage lors de cette audition, dans le cadre de notre mission d'information dotée de pouvoirs d'enquête, est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Jean-Benoît Albertini prête serment.
Nous souhaitons comprendre ce qui s'est passé lors des dernières élections départementales et régionales pour la distribution de la propagande électorale, dont les difficultés n'ont échappé à personne. Je commencerai par deux questions générales : vous est-il possible de faire un bilan complet des dysfonctionnements dans l'acheminement de la propagande électorale avant le premier et avant le second tour ? quelle mesure ces dysfonctionnements diffèrent-ils par leur nature et leur ampleur de ceux qui ont été constatés avant 2017 - nous savons qu'il y avait des difficultés, mais pas dans la même proportion ? Nous parlerons ensuite de la chaîne de décisions, du choix des opérateurs et de l'organisation, des opérations de la mise sous plis et de la distribution des plis. M. Jean-Benoît Albertini, secrétaire général du ministère de l'intérieur. - Merci de nous permettre de nous exprimer sur ces dysfonctionnements. Un bilan complet serait prématuré, la phase de restitution des opérateurs n'est pas achevée ; elle est définie contractuellement : les opérateurs ont trois semaines pour restituer les données sur ce qui était attendu, puis l'administration dispose d'un délai d'un mois pour répondre dans un cadre contradictoire - il y a visiblement matière à réponse, en particulier à Adrexo. Ce processus n'est pas fini, mais nous avons des éléments sur les volumes de plis non distribués. Ils reposent sur les déclarations des opérateurs, mais nous avons interrogé les préfectures et nous allons le faire une seconde fois pour évaluer ce que nous disent les opérateurs. C'était l'un des enjeux du nouveau marché passé, qui explique la pondération spécifique que nous avons donnée au critère de production des données : nous avions voulu que l'information remonte quotidiennement, c'était une première, car, sur les marchés précédents, La Poste disposait de plusieurs semaines pour produire le récapitulatif des volumes distribués ; ce délai était apparu comme un défaut, nous l'avons corrigé dans la définition du nouveau marché. Je relève que La Poste a eu plus de mal à s'adapter à cette demande, nous renvoyant à 2022 pour un dispositif complet de restitution au quotidien, alors qu'Adrexo - c'est ce qui explique sa note plus élevée - nous a d'emblée fait une proposition idoine, liée à son suivi de distribution via les codes-barres des liasses de plis et les lignes de chiffres sur les enveloppes.
Nous disposons des données estimées, elles font apparaître des difficultés sur les deux tours ; même si Adrexo a subi, selon ses dires - je ne les remets pas en cause - une cyberattaque, cela n'a pas obéré sa capacité à faire le reporting dès avant le premier tour. On constate les premiers incidents dès le début de la distribution par Adrexo, en particulier des distributions erratiques de paquets de plis laissés en tas dans des halls d'immeubles. Un incident plus grave nous a été signalé le 25 mai par la préfecture du Territoire de Belfort, la gendarmerie venant de retrouver dans une commune du Doubs 336 plis abandonnés, dont 50 incendiés ; le bureau des élections du ministère de l'intérieur a aussitôt demandé à Adrexo de prendre des sanctions contre le personnel mis en cause, elles sont actuellement suivies et comprennent des mises à pied et des suites judiciaires ; nous avons également demandé à Adrexo de mettre immédiatement en oeuvre des mesures correctives, ce que l'entreprise a fait puisque 265 plis ont été redistribués, le reste étant malheureusement inexploitable.
Ce même 25 mai, nous avons demandé à Adrexo de ne plus déposer au-dessus des boîtes à lettres les plis qui avaient la bonne adresse, mais un nom qui ne correspondait pas à l'une des boîtes à lettres ; cette mesure avait été prévue dans le marché pour laisser une chance aux personnes qui n'avaient pas inscrit leur nom sur les boîtes à lettres, de disposer quand même de la propagande électorale. Or, cette consigne n'a pas été comprise, ou en tout cas pas correctement comprise et appliquée, ce qui nous a conduits à y renoncer. D'autres défaillances, y compris sur la législative partielle d'Indre-et-Loire, nous ont conduits à convoquer Adrexo le 3 juin pour une réunion, puis j'ai adressé le 10 juin un courrier à ses dirigeants, faisant référence à ces incidents et leur demandant d'être pleinement impliqués dans les mesures de remédiation.
Nous prenons acte du niveau d'exécution tel que déclaré par les opérateurs. Nous le comparons aux années antérieures, où La Poste était seul opérateur. Pour le premier tour, le taux de restitution déclaré par Adrexo s'établit à 5 % pour les départementales, soit environ 1 million de plis non distribués, et 7 % pour les régionales, soit 1,6 million de plis ; il est respectivement de 8 % et 9 % pour La Poste. Ces taux sont proches de ceux des scrutins précédents, avec 8 à 9 % pour les élections municipales de 2020, 8 % pour les européennes de 2019, 6 % pour les présidentielles et législatives de 2017. Et pour les dernières élections départementales et régionales de 2015, le taux avait atteint 7 et 6 %.
Ces évaluations vont être confrontées aux observations des préfectures. Nous avons des doutes sur certaines données d'Adrexo, des préfectures nous disent que les états déclaratifs ne correspondent pas au ressenti de terrain ni à des observations ponctuelles qu'elles ont effectuées.
Pour le deuxième tour, nous relevons des dysfonctionnements liés à des défaillances de Koba Global Services et d'Adrexo, qui se sont cumulées sur le terrain. Les incidents constatés au premier tour nous avaient fait resserrer les communications entre les préfectures et Adrexo. Nous avons constaté alors que la liste des correspondants locaux qu'Adrexo nous avait communiquée conformément à ses obligations contractuelles n'était guère à jour, de nombreux correspondants étant injoignables ou inopérants. Nous avons vivement réagi auprès de la direction d'Adrexo, qui nous a communiqué alors une nouvelle liste où nous avons eu la surprise de constater que plusieurs des correspondants locaux avaient été renouvelés. La réaction de l'échelon local d'Adrexo n'a pas été à la hauteur de l'enjeu, alors que la direction de l'entreprise avait pris conscience du besoin de réagir, en particulier après le rendez-vous que le ministre lui avait fixé au lundi, donc le lendemain du premier tour, pour dire à ces dirigeants que la relation opérationnelle de terrain était insuffisante.
Le dispositif que nous avions mis en place pour signaler et traiter l'information nous a permis d'établir un lien plus rapide et précis avec les élus. Dès le 19 juin, donc la veille du premier tour, j'avais envoyé une instruction - évidemment en étroite relation avec le cabinet du ministre - à chacun des préfets pour mettre en place un dispositif qui reposait sur quatre points : une supervision effective et systématique que la mise sous pli se faisait dans des conditions correctes, nous avons pour cela demandé que soit détaché un agent de la préfecture sur les lieux de la mise sous pli ; l'ouverture d'une cellule opérationnelle de suivi de la distribution de la propagande, associant les élus et le prestataire afin de garantir que tout incident nous remonte bien et que la réponse soit traitée avec la diligence appropriée ; la mise en place, pour les élus et les candidats, d'une boîte fonctionnelle dédiée et d'un numéro de téléphone qui leur permettait, quand ils ne souhaitaient pas appeler directement le préfet ou le sous-préfet, de pouvoir obtenir une réponse et une prise en charge ; enfin, l'information systématique du bureau des élections au ministère, pour recenser tous les événements et les agréger.
Le 24 juin, plusieurs difficultés nous étaient signalées, cette fois pour la mise sous pli, sur la qualité du papier, le séchage insuffisant des documents remis par l'imprimeur avant la mise sous pli. J'adresse alors, le jour même, un courrier à Koba Global Services lui demandant de renforcer ses moyens - nous connaissions bien cet opérateur, qui avait du reste signalé auparavant, si j'en crois les propos que son représentant a tenus devant votre assemblée, les tensions qui pourraient naître du court délai entre les deux tours, et il a manifestement été débordé par l'enchaînement des événements. J'ai appelé par exemple le préfet de l'Isère, parce qu'on signalait des difficultés pour la mise sous pli dans ce département, mais aussi que Koba Global Services avait cessé matériellement de mettre sous pli, alors que l'opération n'était pas terminée ; j'ai appelé le préfet pour vérifier les informations, mais aussi m'assurer que la préfecture mette bien en place un dispositif de remplacement ; j'ai ensuite appelé le directeur général de Koba Global Services, qui m'a assuré que le travail se poursuivait sans changement ; j'ai rappelé la préfecture, qui m'a confirmé que le prestataire avait même commencé à déménager le matériel de mise sous pli, installé dans une salle de spectacle. Il a donc fallu plusieurs allers-retours pour que la direction de Koba Global Services prenne conscience qu'un problème grave se produisait dans l'Isère, qui est pourtant un centre important, et qu'il fallait communiquer avec la préfecture pour trouver une solution.
Pour le deuxième tour, on estime à 22 % le taux global de non-distribution des plis enlevés, soit 3,3 millions de plis pour La Poste et 14 millions de plis pour Adrexo, ce qui s'explique pour partie par le fait que 8 % des plis, soit 7 millions, n'ont pas été produits par les routeurs malgré l'accroissement des horaires, jusqu'au vendredi 21 heures, voire davantage localement, ce qui permettait encore - surtout à La Poste - de distribuer.
Parmi les problèmes rencontrés par les routeurs, figure le séchage de la propagande, notamment pour les listes conduites par MM. Fesneau et Bonneau en Centre-Val de Loire, et pour d'autres cas signalés en Normandie. Cela a pu pénaliser fortement les routeurs RDSL et, pour partie, les distributeurs. Manifestement, les moyens de Koba Global Services étaient sous-dimensionnés, alors que ce dernier s'était engagé auprès de 36 départements. Ce chiffre devait rester stable, mais, pour ce scrutin, de très gros départements comme les Alpes-Maritimes ou les Bouches-du-Rhône qui, jusqu'à présent, réalisaient par eux-mêmes une part significative de la mise sous pli, ont souscrit à des offres attractives qu'il leur avait proposées. L'un des enseignements que nous tirons de cette séquence est que le dispositif mis en oeuvre par les prestataires, sous leur responsabilité et dans le cadre des conventions passées avec les préfectures, est un dispositif industriel qui a poussé ses limites. Ainsi, une grande partie de la propagande des Bouches-du-Rhône était mise sous pli à Saint-Priest dans le Rhône. De ce fait, on ne pouvait pas renforcer Koba Global Services ou le suppléer en cas de problème, car les agents de la préfecture des Bouches-du-Rhône auraient eu beaucoup de mal à se rendre sur place dans des délais aussi courts. Inversement, à Lille, en quelques heures, ce sont 500 agents de l'État - préfectures et directions départementales - qui ont été mobilisés par la préfecture pour mettre sous pli 500 000 documents de propagande. Beaucoup d'autres départements ont réagi de la même manière : je citerai le Finistère, les Côtes-d'Armor, ou la Sarthe, par exemple.
Notre sentiment est que les délais, pour tendus qu'ils aient pu être, étaient tenables, y compris avec une seule semaine dans l'entre-deux-tours, à condition de différencier l'organisation selon les scrutins. C'est notamment l'objet du déphasage entre le dépôt des candidatures, celui des documents et la mise sous pli. Ainsi, pour les départementales, nous avions la main pour aménager le délai et gagner 24 heures : cela relève de chaque préfet, et le bureau des élections a piloté le libre arbitre de chaque préfet en imposant de gagner 24 heures sur la mise sous pli. Je salue à cet égard le travail de dentelle qui a été réalisé par les préfectures, même s'il n'a pas permis de pallier les difficultés rencontrées dans tous les endroits.
À ces défaillances de routage s'ajoutent celles d'Adrexo, qui n'a pas été en mesure d'accomplir sa mission dans le cadre des dispositions contractuelles. Nous faisons droit à l'argument des retards en amont de la distribution, mais, à l'article 2.5 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), il est écrit que « tous les moyens doivent être mis en oeuvre par le titulaire afin que les plis soient déposés dans les boîtes à lettres des électeurs » et que « le titulaire doit prévoir les mesures palliatives nécessaires pour assurer la distribution des enveloppes en cas de panne ou d'indisponibilité d'une partie des moyens techniques ». On peut donc considérer que cette obligation de résultat n'a été que modérément mise à exécution par les opérateurs, malgré les élargissements des délais, certes décidés parfois avec un préavis très court, comme lorsque nous avons accordé le droit de prendre en charge les plis au-delà du jeudi à minuit.
La méthodologie utilisée pour noter les différentes offres en concurrence a fait ressortir un différentiel très défavorable pour La Poste, dont c'est pourtant le métier. Pourriez-vous nous la détailler ?
Une certaine tolérance a été accordée pour le grammage du papier. Les difficultés en la matière découlent-elles de la fixation tardive des dates du scrutin, qui aurait posé un problème d'approvisionnement en papier ? Cette tolérance a-t-elle eu un impact sur la mise sous pli, et donc sur les délais d'acheminement ? Sur les moyens techniques et humains nécessaires chez les opérateurs, vous avez déjà pointé certaines difficultés, notamment chez Koba Global Services. Nous aurions besoin d'éclaircissements sur les critères de choix, et en particulier sur les moyens déployés sur le territoire, qui semblent assez faibles chez Adrexo, ou sur la capacité de ce dernier à réduire son prix de 30 à 50 % pour chacun des lots entre l'offre initiale et l'offre définitive.
Pour vérifier la capacité économique et financière des candidats au marché de distribution, le ministère a imposé, comme condition de participation à la procédure de passation, la transmission d'une déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires concernant les services objet de l'accord-cadre, réalisés au cours des trois derniers exercices disponibles. Est-il habituel que le ministère se contente de telles informations et ne demande pas, par exemple, communication des comptes annuels des derniers exercices, voire de l'état d'endettement ? Le ministère avait-il connaissance, lors de la passation du marché, de la procédure de conciliation récemment ouverte au bénéfice des sociétés Hopps Group, Distri'Hopps et Adrexo, qui avait abouti à la conclusion d'un accord de conciliation homologué le 25 février 2020 ? La société Adrexo a déclaré que les activités objet du marché représentaient 87,5 % de son chiffre d'affaires en 2019. Ce chiffre correspond en fait à l'addition du chiffre d'affaires réalisé grâce aux activités de distribution d'imprimés publicitaires - environ 84 % - et de courriers adressés - environ 3,5 %. Le ministère a-t-il cherché à en savoir plus sur la répartition des activités d'Adrexo ?
Sur les attributions de notes, je tiens à votre disposition le rapport de présentation et le rapport d'analyse des offres, qui détaillent précisément les critères et sous-critères qui ont été utilisés, en particulier sur l'analyse technique des offres : 60 % de l'appréciation repose sur le critère prix et 40 %, sur l'analyse technique, qui se décompose elle-même en trois sous-catégories, elles-mêmes constituées de deux ou trois rubriques.
Parmi les huit items, l'un de ceux qui ont la pondération la plus forte est l'item 1.1, relatif à la qualité des moyens et de l'organisation déployés pour assurer les relations avec l'administration centrale du ministère de l'intérieur, ce qui prend en compte la capacité de l'opérateur à restituer de manière fiable un certain nombre de données pour piloter l'organisation et, le cas échéant, l'adaptation du dispositif en cours de route. L'item 1.2, également affecté de 64 points, soit le niveau le plus élevé, traite de la pertinence des moyens mis en oeuvre pour réaliser le reporting. Pour nous, c'est peut-être la préoccupation la plus importante. Elle nous a conduits, au moment du renouvellement du marché, à rechercher quels étaient les opérateurs capables d'aller au-delà de ce que proposait l'opérateur historique.
Ces documents sont à votre disposition, en tous cas. Ils ont été élaborés de concert par la direction métier, en charge des opérations électorales et de l'organisation du scrutin, à savoir la direction de la modernisation et de l'administration territoriale, et par la direction support, c'est-à-dire celle prend en charge les achats, l'immobilier, les finances et l'évaluation, dirigée par Vincent Roberti, qui m'accompagne. Une commission a été constituée, composée à parité de représentants des deux directions, y compris la chef du bureau des élections et son chef de service direct, ainsi que le sous-directeur compétent pour toute l'organisation des marchés. Elle a eu à élaborer cette grille d'analyse et à évaluer les offres qui nous avaient été transmises.
Sur le grammage, nous avons souhaité être à l'écoute. Six mois avant chaque scrutin, nous effectuons une revue des fournisseurs, qu'on appelle la revue stratégique : fabricants d'enveloppes, routeurs, opérateurs de mise sous plis, imprimeurs... La question de la disponibilité de la ressource papier était incontournable, et le débat sur le grammage s'est posé à ce propos, en fonction de la disponibilité et de la capacité des machines à absorber un grammage de 80 ou de 70 grammes au mètre carré, et en fonction du prix aussi, qui change beaucoup entre les deux grammages. Je n'étais pas personnellement présent au cours de ces phases techniques - j'ai d'ailleurs pris mes fonctions au début du mois de septembre 2020, soit dans la dernière partie du processus de passation du marché, de même qu'Olivier Jacob et Vincent Roberti. À ma connaissance, ce point ne semble pas être une explication particulière du retard et de l'enchaînement difficile des phases d'impression, de mise sous pli et de distribution. Les questions de mauvais séchage, en certains endroits, étaient davantage liées à la plus ou moins grande humidité de l'air ambiant, notamment en Centre - Val de Loire, qu'à des difficultés liées au grammage du papier.
Ce qui nous a intéressés dans l'offre d'Adrexo, par rapport à celle de La Poste, c'est qu'elle mettait en avant des tournées dédiées à la distribution de la propagande électorale, alors que La Poste prévoyait de l'effectuer dans le cadre des tournées classiques de facteurs, selon son modèle traditionnel, qui est incontestablement robuste, comme la suite l'a montré, mais qui n'est pas souple. Nous avons donc choisi la procédure de marché négocié pour pouvoir interpeller La Poste non pas sur son insuffisance - sa capacité à faire a été éprouvée lors des scrutins précédents -, mais sur sa capacité, pour ne pas dire sa volonté, à être un tout petit peu plus agile dans la restitution de l'information et l'adaptation éventuelle de son système de couverture.
Les marchés antérieurs découpaient le territoire national en sept zones, qui étaient celles à partir desquelles La Poste organise son propre service. Nous avons voulu ouvrir le jeu, y compris à des acteurs de surface régionale, à des PME, en allotissant à la région. Et nous sommes entrés dans deux séquences de discussions à partir de l'été 2020. Nous avons retenu La Poste sur la moitié des lots, mais celle-ci est restée assez proche, malgré les phases de négociation, de son offre initiale, à la fois en prix et en modalités de distribution.
Vous m'avez interrogé, Monsieur le président, sur notre capacité à solliciter d'autres éléments d'information. Mais le code de la commande publique dresse une liste limitative d'éléments qu'il est possible de demander. La presse s'est interrogée sur la connaissance que nous aurions pu avoir de tel ou tel rapport d'expertise comptable, notamment sur la situation financière supposée d'Adrexo, alors que nous n'étions aucunement fondés à demander ces documents. Nous nous en sommes tenus au strict respect de ce que le code prévoit qu'un client puisse demander à des candidats prestataires. Nous avons même, d'ailleurs, exploité, au-delà de la liste de la première liste, la liste des éléments complémentaires qui peuvent être demandés depuis le décret de 2019, pour disposer du maximum d'informations.
Les éléments liés à l'analyse du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) étaient connus sur la place publique, et la presse s'en est fait l'écho. Dans deux publications différentes, connues pour leur sérieux en termes d'analyse économique - Les Échos et Challenges -, ces éléments étaient mis en perspective de manière assez différente : l'une insistait sur la difficulté dans laquelle étaient Adrexo et son groupe de rattachement, l'autre, sur les perspectives qui s'ouvraient après la restructuration provoquée par l'intervention du CIRI. Quoi qu'il en soit, il ne nous était pas possible juridiquement de demander davantage de documents. Vous pouvez croire que nos services techniques spécialisés savent de quoi ils parlent : le ministère de l'intérieur est le premier acheteur civil de l'État, et ce sont des procédures que nous fréquentons de manière quasi quotidienne. Tout le savoir-faire de la direction compétente et de l'équipe en charge a été mobilisé pour ce marché, qui fait partie des marchés très importants que passe le ministère. Je peux donc affirmer que nous sommes allés au maximum des possibilités que reconnaît le code de la commande publique à un client de solliciter des éléments d'information à un candidat prestataire.
Vous avez évoqué la politique de prix d'Adrexo. C'est vrai qu'Adrexo a diminué ses prix au cours de la négociation, mais de manière différenciée. D'après les éléments en notre possession, la marge bénéficiaire d'Adrexo restait de l'ordre de 10 %. Il ne m'appartient pas d'apprécier ce niveau, qui résulte de son calcul économique. En fait, Adrexo était plus cher que La Poste pour la distribution à J+2, et moins cher pour la distribution à J+4. C'est ce qui fait que La Poste a accepté assez facilement la proposition d'Adrexo de sous-traiter une partie des plis - environ 3,5 millions, je crois. En effet, la tarification était supérieure à celle qu'elle avait elle-même souscrite dans le cadre de son propre contrat.
Vous avez évoqué, enfin, le rapport entre le chiffre d'affaires total d'Adrexo et l'objet du marché. Nos documents indiquent pour les autres marchés représentent 87 %. Cela nous a laissé penser qu'il n'y avait pas de déséquilibre économique manifeste, loin de là. Adrexo compte EDF parmi ses clients, par exemple, pour un marché de 3,6 millions de plis : EDF n'est pas réputée pour être peu attentive à la qualité et au suivi de la distribution... Nous avons donc considéré que cet opérateur avait la capacité de faire. D'ailleurs, il bénéficiait de l'agrément de l'Arcep, qui attestait de la capacité juridique d'Adrexo à assurer de la distribution postale.
Cette autorisation n'a qu'un caractère administratif... L'administration avait tout de même un doute sur la capacité d'Adrexo à mettre en place les moyens humains nécessaires à l'exécution du marché. On lit en effet dans le rapport d'analyse des offres : « La taille des effectifs conduit l'administration à s'interroger sur l'adéquation des moyens que le candidat mettra en oeuvre pour la réalisation de la prestation, et ce en dépit du fait que la société affirme dans son offre être capable de mobiliser des ressources exceptionnelles en cas de besoin. » Or quelques semaines plus tard, au moment des opérations, Adrexo déclare ne pas avoir trouvé assez de main-d'oeuvre. Avez-vous été averti par Adrexo de la difficulté rencontrée pour distribuer ?
Pas avant le deuxième tour. C'est à partir du mercredi soir et du jeudi qu'est formulée la demande de sous-traitance en direction de La Poste, pour laquelle celle-ci nous demande notre aval, que nous donnons évidemment, et que nous notifions à Adrexo. Mais nous n'avions reçu aucune espèce de signalement de difficultés. Parmi les éléments qui ont été demandés au moment de la production de la candidature d'Adrexo, sur les capacités techniques et professionnelles, figurait la situation des ressources humaines pour 2019, 2018 et 2017. La dernière référence produite au dossier attestait de 16 000 personnels de distribution - 15 898 pour être précis - auxquels s'ajoutaient 1 088 personnels fixes, dont 409 cadres. Avec ces 17 000 agents, le ratio avec la population desservie était comparable à celui de La Poste. En tous cas, avant le premier tour, aucune espèce de difficulté anticipée sur ce point ne nous avait été signalée. Si cela avait été le cas, nous serions intervenus de manière très opérationnelle pour demander des garanties supplémentaires à Adrexo.
La différence avec La Poste est sans doute moins quantitative que qualitative. Distribuer du courrier adressé relève d'un certain savoir-faire professionnel.
Je vais raccourcir ma question au vu des nombreuses explications que vous venez de donner. Ne manquait-il pas dans l'évaluation une donnée initiale : l'appréciation de la connaissance du métier ? N'importe qui ne s'improvise pas n'importe quoi... Même une entreprise de très grande qualité, avec les meilleures recommandations, si elle change de secteurs d'activité, peut se heurter à des difficultés. Et, pour Adrexo, le pourcentage du pli adressé est assez minime en régime normal. Il aurait sans doute fallu se demander comment seraient formées toutes les personnes qui allaient être recrutées temporairement pour exercer cette mission. Vous dites n'avoir reçu aucune alerte avant le premier tour. Ne faudrait-il pas, par conséquent, renforcer les contrôles par les préfectures dans le temps effectif de la distribution ? Cela permettrait de mieux s'assurer de la bonne réception du matériel électoral.
Vous nous avez dit que la gendarmerie avait trouvé des plis, et que cela allait déclencher des sanctions, des dépôts de plainte, mais par qui ? Les candidats ont-ils réagi ? Ou est-ce une simple procédure administrative ? Vous avez dit que La Poste ne vous a pas semblé suffisamment souple. Qu'entendez-vous exactement par le mot « souplesse » en l'espèce ?
Vous dites qu'il n'y a pas eu de difficultés avant le deuxième tour : étonnant ! Nous en avons parlé dans le cadre des questions au Gouvernement avant le premier tour... Pour rebondir sur ce que vient de dire ma collègue Cécile Cukierman, dans la façon dont vous vous êtes exprimé tout à l'heure, on pouvait avoir l'impression - mais peut-être vais-je trop loin dans mes conclusions - que vous avez utilisé Adrexo pour aiguillonner La Poste, dont le modèle vous a semblé robuste, mais pas assez souple. Vous avez pensé que c'était l'occasion de faire quelque chose avec Adrexo, ce qui s'est avéré une vraie réussite... Allez-vous revoir les critères d'attribution du marché pour les scrutins de 2022 ? Comment appréciez-vous l'efficacité de la propagande dématérialisée, au regard de son coût ?
La lecture du cahier des charges initial révèle qu'une faible importance est accordée aux moyens humains déployés par l'opérateur s'agissant de la distribution : 32 points sur 1 000 ! Le président de la société Adrexo nous a dit qu'il avait eu recours à de la sous-traitance, ou en tout cas à des sociétés d'intérim, à hauteur de plus de 60 % par rapport aux effectifs initiaux. Aviez-vous connaissance avant l'attribution du marché de ce modèle économique ? Pour les scrutins ultérieurs, pensez-vous, comme le ministre de l'intérieur, que la distribution de la propagande officielle étant un service public essentiel pour la vitalité de notre démocratie, il faut impérativement changer de modèle pour un service public de distribution, à savoir La Poste ?
Je comprends de l'intervention de la société Adrexo que le marché, pluriannuel, reste en vigueur. Je comprends aussi que ce marché permet de répartir autrement la charge de travail entre ses deux bénéficiaires. Compte tenu des défaillances d'Adrexo, qui sont maintenant avérées, envisagez-vous de le résilier ? Y a-t-il une base légale pour cela ? L'expérience de cette élection, avec un double scrutin complet, dans les conditions actuelles, notamment de préparation des envois, ne suggère-t-elle pas qu'il serait opportun de prévoir un délai de quinze jours entre les deux tours des élections législatives ?
Ex post, avez-vous le sentiment d'avoir fait le bon choix ? J'ai le sentiment, en vous écoutant, que vous avez priorisé le reporting sur l'exécution. Quelles seront les sanctions ?
On sait parfaitement que les sociétés comme Adrexo ou d'autres utilisent énormément de sous-traitance. Je suis très surprise que, pour un marché de cette ampleur, avec une mission de cette importance, il n'y ait pas d'éléments qui permettent d'endiguer cette sous-traitance, ou en tout cas de prendre des garanties. Quelles mesures prendre pour en avoir à l'avenir, notamment sur la nature de la sous-traitance et la réalité des personnels embauchés ?
Certes, le métier de distribution de correspondance non adressée est fondamentalement différent de celui de distribution de la correspondance adressée. Le sourcing, qui a commencé au début de l'année 2020, a débouché sur l'identification des deux seuls opérateurs susceptibles de concourir à la phase de négociation. Nous avons été convaincus que les deux dimensions de ce métier de distribution postale avaient suffisamment à voir ensemble pour que nous n'ayons pas d'inquiétude particulière sur la proposition d'Adrexo. Cette appréciation a été documentée tout au long du processus de discussion, par les personnes qui, notamment au ministère de l'intérieur, sont des spécialistes de l'ensemble des fonctions logistiques, y compris pour satisfaire aux besoins des forces de sécurité intérieure. Du reste, nous n'avons pas la possibilité d'extrapoler des motifs de non-recevabilité de l'offre qui ne seraient pas formellement adossés à une disposition du code de la commande publique.
Je n'ai pas dit que le premier tour s'était déroulé sans incident, mais que, sous réserve de contradictions dans le cadre de la procédure que nous sommes en train d'instrumenter pour vérifier les déclarations des opérateurs, et particulièrement d'Adrexo, les taux de plis non distribués étaient globalement comparables à ceux des consultations antérieures. Je n'ai aucunement minimisé la portée et la gravité des incidents survenus. J'ai parlé d'ailleurs de celui de Belfort, où la plainte a été déposée par Adrexo à notre demande - et je n'ai aucune raison de penser que cela n'aurait pas été fait. Comme j'ai été préfet du Territoire de Belfort, j'ai été contacté directement par votre collègue Cédric Perrin, qui de surcroît accompagnait le ministre de l'intérieur en Tunisie... Le sujet était donc sur la table, et nous nous en sommes saisis - comme nous l'aurions fait, dans les mêmes conditions, si ce n'avait pas été le Territoire de Belfort. La plainte a été déposée et, d'après mes dernières informations, l'audience est déjà prévue. En tous cas, les conditions globales du premier tour ne traduisaient pas un défaut systémique de l'ampleur de celui que nous déplorons pour le deuxième tour. Il ne s'agit pas d'un satisfecit, mais d'un élément de comparaison.
Dans la comparaison des offres de La Poste et d'Adrexo, l'idée n'était pas de mettre en défaut La Poste, qui est un opérateur que j'ai qualifié de robuste : il a fait ses preuves et on peut compter sur lui. Mais nous voulions aller plus loin, notamment dans la capacité de reporting. Nous aurions été heureux de disposer d'une instrumentation partagée qui nous permette de disposer en temps réel, ou en très léger différé, quotidiennement, à la fois en local et au plan national, d'une agrégation des données que, jusqu'alors, nous ne recevions que plusieurs semaines après.
Oui, les difficultés de premier tour ont donné lieu à deux questions au Gouvernement. Je tiens à votre disposition la liste des réactions, des réponses, des initiatives que nous avons prises, y compris par lettres, et par rendez-vous au niveau du ministre, pour donner suite à ces difficultés au premier tour. Le ministre a reçu dès le lundi matin M. Wahl et les dirigeants d'Adrexo : ce n'était pas pour les féliciter, mais pour qu'ils aient bien conscience de l'exigence qualitative qui se portait sur le deuxième tour. Tous deux l'ont bien compris, et ont réitéré par écrit, dès la sortie du rendez-vous avec le ministre, leur engagement à consacrer tous leurs efforts à l'amélioration du processus.
Vous m'interrogez sur une révision des critères d'attribution pour 2022. Nous sommes tendus vers la préparation des scrutins de 2022, sans exclure d'autres consultations éventuelles - élections partielles, référendum - d'ici là. Nous réfléchissons, comme le ministre l'a dit devant votre assemblée, à une probable résiliation du marché avec Adrexo, au terme du contradictoire que nous engageons avec lui. Nous sommes en phase d'examen. Adrexo reconnaît un certain nombre de manquements, et nous en avons une évaluation provisoire, en nombre de communes où la distribution a été gravement atteinte, près de dix fois supérieure... Le but de la procédure est d'objectiver le plus possible et d'en tirer les conséquences, notamment en termes de pénalités, afin de nous remettre en capacité de pouvoir porter de manière fiable les scrutins à venir. Mais le marché court tant qu'il n'est pas dénoncé. C'est un marché quadriennal et Adrexo est tenu d'assurer une prestation, pour des élections partielles comme pour des élections générales. Nous serons d'autant plus vigilants, pendant cette phase intermédiaire, pour prévenir et traiter le cas échéant des difficultés qui pourraient apparaître. Et nous nous mettons en situation, si la résiliation venait à son terme, d'avoir un relais, qui serait pris très probablement par La Poste, puisque c'est le seul opérateur qui soit en situation de le faire. Quelles que soient les marges de progrès qui peuvent exister, nous savons pouvoir compter sur La Poste. Les services compétents sont en train de lancer un appel aux marchés, qui évidemment ne produira ses effets que s'il y avait résiliation, pour que le relais puisse être pris, probablement à partir du début du mois de décembre, pour les lots attribués actuellement à Adrexo.
Vous m'interrogez sur la qualité de l'information dont nous disposions concernant la sous-traitance. Nous ne recevions pas, de la part d'Adrexo, de précisions sur le taux de sous-traitance. Il nous a toujours dit qu'il recruterait des renforts, et qu'il mettrait surtout en place des équipes renforcées à partir des régions où il n'avait pas été retenu - et où il n'était d'ailleurs pas candidat - pour renforcer ses équipes par des effectifs en CDI, en temps partiel ou intérimaires mais déjà connus.
Je souligne toutefois que, pour la mise sous pli par exemple, que les préfectures exercent en régie, celles-ci le font assez souvent en lien avec des collectivités territoriales - ce qui n'appelle pas de remarque particulière - et que certaines de ces collectivités ont parfois elles-mêmes recours à de la sous-traitance. Je pense notamment à plusieurs intercommunalités importantes. Nous avons maints exemples de situations dans lesquelles la régie de la préfecture, qui délègue, sous son contrôle, à une collectivité, peut conduire cette dernière à recourir à la sous-traitance, sans que nous le sachions. Nous nous sommes aperçus, en fait, que ce système de sous-traitance en cascade, de la part d'Adrexo comme de toutes les autres catégories d'acteurs, était un phénomène qui avait pris beaucoup d'ampleur et qui s'était quasiment généralisé.
Vous évoquez l'avenir du service public postal. Je ne puis m'exprimer que d'un point de vue technique et administratif, et non politique : il faudrait une initiative législative, que le ministre de l'intérieur n'a pas exclue d'ailleurs. L'option est sur la table. Pour nous, nous allons inciter le plus possible les préfectures à réinternaliser et à reprendre le contrôle à vue de ces dispositifs. Le rapport de confiance traditionnel avec les collectivités territoriales peut perdre en réactivité lorsque le recours à la sous-traitance est trop développé. Actuellement, près des trois quarts des préfectures ont externalisé ses prestations, contre la moitié il y a dix ans. Nous avons insisté pour que, à l'approche de ce scrutin, que nous savions à enjeu, ce mouvement d'externalisation ne soit pas renforcé. Il a été suspendu, même si deux départements importants, les Bouches-du-Rhône et les Alpes-Maritimes, ont délibérément choisi l'externalisation. Nous nous consacrons également à la mise en cause d'Adrexo en vue de pénalités pour carence. Nous préparons les scrutins de 2022 et les éventuelles échéances intermédiaires.
Vous m'interrogez, enfin, sur la propagande dématérialisée. Nous avons beaucoup communiqué sur ce point. Je peux vous confirmer que 86 % de tous les documents de propagande pour les élections régionales ont été mis en ligne. Il faut l'accord des candidats pour le faire. Nous l'avons sollicité, mais nous ne l'avons pas toujours obtenu. Cette proportion s'établit à 75 % pour la propagande départementale. Je sais que la question est débattue depuis longtemps, mais, d'un point de vue technique, nous sommes depuis longtemps partisans que la solution soit proposée à celles et ceux qui le souhaiteraient, d'un accès en ligne à la propagande dès lors qu'ils en feraient la demande explicite. Techniquement et civiquement, c'est une solution qui est viable, et d'avenir.
Une précision : nous avons parlé de sous-traitance, mais il ne s'agit pas en réalité de sous-traitance sur le plan juridique. Les entreprises attributaires des marchés ont eu recours à des intérimaires, mais elles sont restées dans la maîtrise - si l'on peut dire - de l'opération. Le marché que vous avez passé est national. Pourquoi ne pas avoir choisi des marchés régionaux ou départementaux ?
Oui, c'est un marché national, piloté nationalement et négocié nationalement, mais par lots, de tailles correspondant à une échelle régionale, ce qui aurait pu permettre à certains opérateurs de distribution qui sont reconnus à cette échelle de soumissionner. Nous constatons qu'ils ne l'ont pas fait. Nous avons pris acte de ce qu'Adrexo l'avait fait, sur sept lots seulement. C'est un marché piloté nationalement, mais avec une déclinaison locale, à travers un allotissement à mailles plus fines que ce qui était pratiqué antérieurement, car on aurait pu considérer que le ministère ne remplissait pas son devoir d'équité par rapport aux soumissionnaires potentiels en gardant une maille qui était celle, en gros, des zones de découpage propres à La Poste.
Cela aurait engendré des difficultés de suivi particulièrement lourdes, si l'on voulait le piloter nationalement.
Merci de votre participation.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
Nous reprenons l'examen des amendements de séance sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dit « 3DS ». Nous commençons par l'examen des amendements des rapporteurs.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DES RAPPORTEURS (SUITE)
Article 31
L'amendement de coordination n° 1706 est adopté.
Article 31 bis
L'amendement de coordination n° 1707 est adopté.
Article 35 bis
L'amendement rédactionnel n° 1708 est adopté.
Article 41 bis
L'amendement de coordination n° 1709 est adopté.
Article 44
L'amendement de précision n° 1710 est adopté.
Article 60
L'amendement rédactionnel n° 1722 est adopté.
Article additionnel après l'article 64
L'amendement rédactionnel n° 1723 est adopté.
Article 70
L'amendement de correction n° 1724 est adopté.
Le sort des amendements des rapporteurs examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
et M. DARNAUD 1722 Adopté Article additionnel après l'article 64 Mme GATEL
et M. DARNAUD 1723 Adopté Article 70 Mme GATEL
La commission a donné les avis suivants aux autres amendements de séance :
La réunion est close à 17 heures.