Sur les attributions de notes, je tiens à votre disposition le rapport de présentation et le rapport d'analyse des offres, qui détaillent précisément les critères et sous-critères qui ont été utilisés, en particulier sur l'analyse technique des offres : 60 % de l'appréciation repose sur le critère prix et 40 %, sur l'analyse technique, qui se décompose elle-même en trois sous-catégories, elles-mêmes constituées de deux ou trois rubriques.
Parmi les huit items, l'un de ceux qui ont la pondération la plus forte est l'item 1.1, relatif à la qualité des moyens et de l'organisation déployés pour assurer les relations avec l'administration centrale du ministère de l'intérieur, ce qui prend en compte la capacité de l'opérateur à restituer de manière fiable un certain nombre de données pour piloter l'organisation et, le cas échéant, l'adaptation du dispositif en cours de route. L'item 1.2, également affecté de 64 points, soit le niveau le plus élevé, traite de la pertinence des moyens mis en oeuvre pour réaliser le reporting. Pour nous, c'est peut-être la préoccupation la plus importante. Elle nous a conduits, au moment du renouvellement du marché, à rechercher quels étaient les opérateurs capables d'aller au-delà de ce que proposait l'opérateur historique.
Ces documents sont à votre disposition, en tous cas. Ils ont été élaborés de concert par la direction métier, en charge des opérations électorales et de l'organisation du scrutin, à savoir la direction de la modernisation et de l'administration territoriale, et par la direction support, c'est-à-dire celle prend en charge les achats, l'immobilier, les finances et l'évaluation, dirigée par Vincent Roberti, qui m'accompagne. Une commission a été constituée, composée à parité de représentants des deux directions, y compris la chef du bureau des élections et son chef de service direct, ainsi que le sous-directeur compétent pour toute l'organisation des marchés. Elle a eu à élaborer cette grille d'analyse et à évaluer les offres qui nous avaient été transmises.
Sur le grammage, nous avons souhaité être à l'écoute. Six mois avant chaque scrutin, nous effectuons une revue des fournisseurs, qu'on appelle la revue stratégique : fabricants d'enveloppes, routeurs, opérateurs de mise sous plis, imprimeurs... La question de la disponibilité de la ressource papier était incontournable, et le débat sur le grammage s'est posé à ce propos, en fonction de la disponibilité et de la capacité des machines à absorber un grammage de 80 ou de 70 grammes au mètre carré, et en fonction du prix aussi, qui change beaucoup entre les deux grammages. Je n'étais pas personnellement présent au cours de ces phases techniques - j'ai d'ailleurs pris mes fonctions au début du mois de septembre 2020, soit dans la dernière partie du processus de passation du marché, de même qu'Olivier Jacob et Vincent Roberti. À ma connaissance, ce point ne semble pas être une explication particulière du retard et de l'enchaînement difficile des phases d'impression, de mise sous pli et de distribution. Les questions de mauvais séchage, en certains endroits, étaient davantage liées à la plus ou moins grande humidité de l'air ambiant, notamment en Centre - Val de Loire, qu'à des difficultés liées au grammage du papier.
Ce qui nous a intéressés dans l'offre d'Adrexo, par rapport à celle de La Poste, c'est qu'elle mettait en avant des tournées dédiées à la distribution de la propagande électorale, alors que La Poste prévoyait de l'effectuer dans le cadre des tournées classiques de facteurs, selon son modèle traditionnel, qui est incontestablement robuste, comme la suite l'a montré, mais qui n'est pas souple. Nous avons donc choisi la procédure de marché négocié pour pouvoir interpeller La Poste non pas sur son insuffisance - sa capacité à faire a été éprouvée lors des scrutins précédents -, mais sur sa capacité, pour ne pas dire sa volonté, à être un tout petit peu plus agile dans la restitution de l'information et l'adaptation éventuelle de son système de couverture.
Les marchés antérieurs découpaient le territoire national en sept zones, qui étaient celles à partir desquelles La Poste organise son propre service. Nous avons voulu ouvrir le jeu, y compris à des acteurs de surface régionale, à des PME, en allotissant à la région. Et nous sommes entrés dans deux séquences de discussions à partir de l'été 2020. Nous avons retenu La Poste sur la moitié des lots, mais celle-ci est restée assez proche, malgré les phases de négociation, de son offre initiale, à la fois en prix et en modalités de distribution.
Vous m'avez interrogé, Monsieur le président, sur notre capacité à solliciter d'autres éléments d'information. Mais le code de la commande publique dresse une liste limitative d'éléments qu'il est possible de demander. La presse s'est interrogée sur la connaissance que nous aurions pu avoir de tel ou tel rapport d'expertise comptable, notamment sur la situation financière supposée d'Adrexo, alors que nous n'étions aucunement fondés à demander ces documents. Nous nous en sommes tenus au strict respect de ce que le code prévoit qu'un client puisse demander à des candidats prestataires. Nous avons même, d'ailleurs, exploité, au-delà de la liste de la première liste, la liste des éléments complémentaires qui peuvent être demandés depuis le décret de 2019, pour disposer du maximum d'informations.
Les éléments liés à l'analyse du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) étaient connus sur la place publique, et la presse s'en est fait l'écho. Dans deux publications différentes, connues pour leur sérieux en termes d'analyse économique - Les Échos et Challenges -, ces éléments étaient mis en perspective de manière assez différente : l'une insistait sur la difficulté dans laquelle étaient Adrexo et son groupe de rattachement, l'autre, sur les perspectives qui s'ouvraient après la restructuration provoquée par l'intervention du CIRI. Quoi qu'il en soit, il ne nous était pas possible juridiquement de demander davantage de documents. Vous pouvez croire que nos services techniques spécialisés savent de quoi ils parlent : le ministère de l'intérieur est le premier acheteur civil de l'État, et ce sont des procédures que nous fréquentons de manière quasi quotidienne. Tout le savoir-faire de la direction compétente et de l'équipe en charge a été mobilisé pour ce marché, qui fait partie des marchés très importants que passe le ministère. Je peux donc affirmer que nous sommes allés au maximum des possibilités que reconnaît le code de la commande publique à un client de solliciter des éléments d'information à un candidat prestataire.
Vous avez évoqué la politique de prix d'Adrexo. C'est vrai qu'Adrexo a diminué ses prix au cours de la négociation, mais de manière différenciée. D'après les éléments en notre possession, la marge bénéficiaire d'Adrexo restait de l'ordre de 10 %. Il ne m'appartient pas d'apprécier ce niveau, qui résulte de son calcul économique. En fait, Adrexo était plus cher que La Poste pour la distribution à J+2, et moins cher pour la distribution à J+4. C'est ce qui fait que La Poste a accepté assez facilement la proposition d'Adrexo de sous-traiter une partie des plis - environ 3,5 millions, je crois. En effet, la tarification était supérieure à celle qu'elle avait elle-même souscrite dans le cadre de son propre contrat.
Vous avez évoqué, enfin, le rapport entre le chiffre d'affaires total d'Adrexo et l'objet du marché. Nos documents indiquent pour les autres marchés représentent 87 %. Cela nous a laissé penser qu'il n'y avait pas de déséquilibre économique manifeste, loin de là. Adrexo compte EDF parmi ses clients, par exemple, pour un marché de 3,6 millions de plis : EDF n'est pas réputée pour être peu attentive à la qualité et au suivi de la distribution... Nous avons donc considéré que cet opérateur avait la capacité de faire. D'ailleurs, il bénéficiait de l'agrément de l'Arcep, qui attestait de la capacité juridique d'Adrexo à assurer de la distribution postale.