Intervention de Jean-Benoît Albertini

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 12 juillet 2021 à 14h00

Jean-Benoît Albertini :

Certes, le métier de distribution de correspondance non adressée est fondamentalement différent de celui de distribution de la correspondance adressée. Le sourcing, qui a commencé au début de l'année 2020, a débouché sur l'identification des deux seuls opérateurs susceptibles de concourir à la phase de négociation. Nous avons été convaincus que les deux dimensions de ce métier de distribution postale avaient suffisamment à voir ensemble pour que nous n'ayons pas d'inquiétude particulière sur la proposition d'Adrexo. Cette appréciation a été documentée tout au long du processus de discussion, par les personnes qui, notamment au ministère de l'intérieur, sont des spécialistes de l'ensemble des fonctions logistiques, y compris pour satisfaire aux besoins des forces de sécurité intérieure. Du reste, nous n'avons pas la possibilité d'extrapoler des motifs de non-recevabilité de l'offre qui ne seraient pas formellement adossés à une disposition du code de la commande publique.

Je n'ai pas dit que le premier tour s'était déroulé sans incident, mais que, sous réserve de contradictions dans le cadre de la procédure que nous sommes en train d'instrumenter pour vérifier les déclarations des opérateurs, et particulièrement d'Adrexo, les taux de plis non distribués étaient globalement comparables à ceux des consultations antérieures. Je n'ai aucunement minimisé la portée et la gravité des incidents survenus. J'ai parlé d'ailleurs de celui de Belfort, où la plainte a été déposée par Adrexo à notre demande - et je n'ai aucune raison de penser que cela n'aurait pas été fait. Comme j'ai été préfet du Territoire de Belfort, j'ai été contacté directement par votre collègue Cédric Perrin, qui de surcroît accompagnait le ministre de l'intérieur en Tunisie... Le sujet était donc sur la table, et nous nous en sommes saisis - comme nous l'aurions fait, dans les mêmes conditions, si ce n'avait pas été le Territoire de Belfort. La plainte a été déposée et, d'après mes dernières informations, l'audience est déjà prévue. En tous cas, les conditions globales du premier tour ne traduisaient pas un défaut systémique de l'ampleur de celui que nous déplorons pour le deuxième tour. Il ne s'agit pas d'un satisfecit, mais d'un élément de comparaison.

Dans la comparaison des offres de La Poste et d'Adrexo, l'idée n'était pas de mettre en défaut La Poste, qui est un opérateur que j'ai qualifié de robuste : il a fait ses preuves et on peut compter sur lui. Mais nous voulions aller plus loin, notamment dans la capacité de reporting. Nous aurions été heureux de disposer d'une instrumentation partagée qui nous permette de disposer en temps réel, ou en très léger différé, quotidiennement, à la fois en local et au plan national, d'une agrégation des données que, jusqu'alors, nous ne recevions que plusieurs semaines après.

Oui, les difficultés de premier tour ont donné lieu à deux questions au Gouvernement. Je tiens à votre disposition la liste des réactions, des réponses, des initiatives que nous avons prises, y compris par lettres, et par rendez-vous au niveau du ministre, pour donner suite à ces difficultés au premier tour. Le ministre a reçu dès le lundi matin M. Wahl et les dirigeants d'Adrexo : ce n'était pas pour les féliciter, mais pour qu'ils aient bien conscience de l'exigence qualitative qui se portait sur le deuxième tour. Tous deux l'ont bien compris, et ont réitéré par écrit, dès la sortie du rendez-vous avec le ministre, leur engagement à consacrer tous leurs efforts à l'amélioration du processus.

Vous m'interrogez sur une révision des critères d'attribution pour 2022. Nous sommes tendus vers la préparation des scrutins de 2022, sans exclure d'autres consultations éventuelles - élections partielles, référendum - d'ici là. Nous réfléchissons, comme le ministre l'a dit devant votre assemblée, à une probable résiliation du marché avec Adrexo, au terme du contradictoire que nous engageons avec lui. Nous sommes en phase d'examen. Adrexo reconnaît un certain nombre de manquements, et nous en avons une évaluation provisoire, en nombre de communes où la distribution a été gravement atteinte, près de dix fois supérieure... Le but de la procédure est d'objectiver le plus possible et d'en tirer les conséquences, notamment en termes de pénalités, afin de nous remettre en capacité de pouvoir porter de manière fiable les scrutins à venir. Mais le marché court tant qu'il n'est pas dénoncé. C'est un marché quadriennal et Adrexo est tenu d'assurer une prestation, pour des élections partielles comme pour des élections générales. Nous serons d'autant plus vigilants, pendant cette phase intermédiaire, pour prévenir et traiter le cas échéant des difficultés qui pourraient apparaître. Et nous nous mettons en situation, si la résiliation venait à son terme, d'avoir un relais, qui serait pris très probablement par La Poste, puisque c'est le seul opérateur qui soit en situation de le faire. Quelles que soient les marges de progrès qui peuvent exister, nous savons pouvoir compter sur La Poste. Les services compétents sont en train de lancer un appel aux marchés, qui évidemment ne produira ses effets que s'il y avait résiliation, pour que le relais puisse être pris, probablement à partir du début du mois de décembre, pour les lots attribués actuellement à Adrexo.

Vous m'interrogez sur la qualité de l'information dont nous disposions concernant la sous-traitance. Nous ne recevions pas, de la part d'Adrexo, de précisions sur le taux de sous-traitance. Il nous a toujours dit qu'il recruterait des renforts, et qu'il mettrait surtout en place des équipes renforcées à partir des régions où il n'avait pas été retenu - et où il n'était d'ailleurs pas candidat - pour renforcer ses équipes par des effectifs en CDI, en temps partiel ou intérimaires mais déjà connus.

Je souligne toutefois que, pour la mise sous pli par exemple, que les préfectures exercent en régie, celles-ci le font assez souvent en lien avec des collectivités territoriales - ce qui n'appelle pas de remarque particulière - et que certaines de ces collectivités ont parfois elles-mêmes recours à de la sous-traitance. Je pense notamment à plusieurs intercommunalités importantes. Nous avons maints exemples de situations dans lesquelles la régie de la préfecture, qui délègue, sous son contrôle, à une collectivité, peut conduire cette dernière à recourir à la sous-traitance, sans que nous le sachions. Nous nous sommes aperçus, en fait, que ce système de sous-traitance en cascade, de la part d'Adrexo comme de toutes les autres catégories d'acteurs, était un phénomène qui avait pris beaucoup d'ampleur et qui s'était quasiment généralisé.

Vous évoquez l'avenir du service public postal. Je ne puis m'exprimer que d'un point de vue technique et administratif, et non politique : il faudrait une initiative législative, que le ministre de l'intérieur n'a pas exclue d'ailleurs. L'option est sur la table. Pour nous, nous allons inciter le plus possible les préfectures à réinternaliser et à reprendre le contrôle à vue de ces dispositifs. Le rapport de confiance traditionnel avec les collectivités territoriales peut perdre en réactivité lorsque le recours à la sous-traitance est trop développé. Actuellement, près des trois quarts des préfectures ont externalisé ses prestations, contre la moitié il y a dix ans. Nous avons insisté pour que, à l'approche de ce scrutin, que nous savions à enjeu, ce mouvement d'externalisation ne soit pas renforcé. Il a été suspendu, même si deux départements importants, les Bouches-du-Rhône et les Alpes-Maritimes, ont délibérément choisi l'externalisation. Nous nous consacrons également à la mise en cause d'Adrexo en vue de pénalités pour carence. Nous préparons les scrutins de 2022 et les éventuelles échéances intermédiaires.

Vous m'interrogez, enfin, sur la propagande dématérialisée. Nous avons beaucoup communiqué sur ce point. Je peux vous confirmer que 86 % de tous les documents de propagande pour les élections régionales ont été mis en ligne. Il faut l'accord des candidats pour le faire. Nous l'avons sollicité, mais nous ne l'avons pas toujours obtenu. Cette proportion s'établit à 75 % pour la propagande départementale. Je sais que la question est débattue depuis longtemps, mais, d'un point de vue technique, nous sommes depuis longtemps partisans que la solution soit proposée à celles et ceux qui le souhaiteraient, d'un accès en ligne à la propagande dès lors qu'ils en feraient la demande explicite. Techniquement et civiquement, c'est une solution qui est viable, et d'avenir.

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