Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, découlant de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 relative à la modernisation des institutions de la Ve République, la réforme du Conseil économique, social et environnemental se poursuit aujourd’hui par l’examen du présent projet de loi organique relatif à ses règles de fonctionnement, conformément à l’article 71 de la Constitution.
Je regrette que ce projet de loi nous soit soumis si tard et que, de ce fait, il ait été nécessaire d’encombrer le Parlement – il n’en a pourtant pas besoin – de textes de rattrapage comme la loi du 3 août 2009, qui a prorogé le mandat des membres du Conseil au maximum, c’est-à-dire jusqu’au 30 septembre de cette année.
Une fois de plus, le Gouvernement est conduit à engager la procédure accélérée. Ce qui devrait être une exception dans le processus législatif devient aujourd’hui la norme et va à l’encontre des grands principes fixés lors de cette même réforme de la Constitution, à savoir la revalorisation du rôle du Parlement.
Concernant le Conseil économique, social et, désormais, environnemental par l’extension de ses compétences à ces questions à la faveur de la réforme constitutionnelle, un consensus se dégage sur la nécessité de le réformer.
Comme l’a souligné notre collègue Jean-Claude Frécon dans son rapport d’information intitulé « La réforme du Conseil économique, social et environnemental (CESE) : une chance à saisir », il est impératif de mettre en œuvre cette réforme à moyens constants, et l’organisation du Conseil en trois pôles – vie économique, cohésion sociale et protection de l’environnement – ne devrait pas avoir d’implication budgétaire notable en raison, notamment, du plafonnement du nombre de conseillers.
Aujourd'hui, l’heure n’est plus à la mise en cause de cette assemblée, qui, depuis sa création, a subi de nombreuses attaques sur son utilité et sur sa représentativité de la part de l’ensemble de la classe politique. Au contraire, l’heure est venue de renforcer sa légitimité grâce à une amélioration de sa représentativité, à une diversification des moyens de sa saisine et au suivi de ses avis.
Représentativité, modalités de saisine et suivi des avis sont les trois points clés pour renforcer la légitimité du Conseil économique, social et environnemental ; ce sont aussi les trois points clés du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Pour ce qui concerne la représentativité, monsieur le ministre, nous sommes satisfaits que la réforme se fasse à effectif constant : le nombre total de 233 membres a été maintenu, alors qu’il a été nécessaire de prévoir l’intégration des représentants du monde de l’environnement. Par conséquent, ce nombre ne connaîtra pas d’inflation, à l’instar de celui des parlementaires.
Concernant la composition du Conseil, le texte adopté par l’Assemblée nationale puis modifié par la commission des lois du Sénat est en nette amélioration par rapport au projet de loi initial présenté par le Gouvernement. Je tiens, en cet instant, à souligner le travail positif accompli par M. le rapporteur, Jean-Pierre Vial. Il n’en demeure pas moins que ce texte ne nous donne pas encore une entière satisfaction.
Parmi les dispositions positives, je pense, tout d’abord, à la représentation du mouvement coopératif agricole, dont la commission des lois a rejeté la remise en cause en maintenant inchangée la rédaction de l’article 6, alinéa 12, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale unanime, et en rejetant l’amendement tendant à le modifier. Je crois que c’est un signal positif envoyé au monde agricole en cette période de crise qu’il connaît actuellement.
Je pense ensuite à l’adoption de l’amendement n° 15, présenté par M. le rapporteur, qui a permis de rétablir la représentation des entreprises publiques ; ainsi, parmi les dix personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine économique, trois devaient être issues des entreprises publiques. Le texte initial visait la suppression de ces représentants, alors que les entreprises publiques comptent encore 850 000 salariés. Malheureusement, lors de sa réunion de ce matin, la commission a réduit le nombre susvisé et l’a porté à deux. Je souhaite qu’un effort soit fait afin d’en revenir à la disposition première, équilibrée, qu’elle avait adoptée. Notre débat le permettra sans doute.
J’en viens maintenant aux points relatifs à la désignation des membres titulaires du CESE qui nous donnent moins satisfaction et qui, d’ailleurs, font l’objet d’amendements. Il s’agit de la représentation des Français de l’étranger, de la représentation des associations de protection des consommateurs et de la représentation des organismes gérant le logement social.
De plus, pour l’ensemble des désignations, il est nécessaire d’assurer la parité entre les hommes et les femmes et de permettre au président du Sénat et à celui de l’Assemblée nationale de désigner chacun, au même titre que le Gouvernement, un tiers des personnalités qualifiées.
Les amendements déposés sur ces sujets visent à renforcer la légitimité du CESE en assurant une meilleure représentativité des différentes composantes de la société française. Si le nombre de conseillers doit effectivement rester stable, il convient néanmoins de nommer des conseillers représentatifs de la France d’aujourd’hui. Cette représentativité ne doit pas être figée, comme en témoigne l’adoption, en commission, de l’amendement présenté par M. le rapporteur relatif à la révision régulière de la composition du CESE.
Pour ce qui concerne les Français de l’étranger, il est pour le moins surprenant de vouloir supprimer leur représentation au sein du CESE, alors même qu’une telle représentation a été instaurée à l’Assemblée nationale. Notre collègue Richard Yung reviendra sur cette question.
Il est nécessaire de prévoir des représentants des associations de protection des consommateurs, tant la multiplication des contentieux, notamment de ceux qui sont liés aux nouvelles technologies, démontre que les consommateurs doivent être, eux aussi, représentés.
Je veux rappeler qu’il est anormal que le secteur du logement social ne soit pas représenté, alors qu’il comporte 4, 5 millions de logements et que 90 000 nouveaux logements sont construits chaque année. J’ajoute qu’il n’est pas illogique de relier ce secteur à l’environnement, puisque la maîtrise de l’énergie concerne en premier lieu l’habitat. Nous présenterons donc un amendement tendant à assurer cette représentation, sans modifier le nombre total de conseillers.
Par ailleurs, le projet de loi retient le principe de la parité entre les hommes et les femmes, ce dont nous nous félicitons. Cependant, nous avons déposé un amendement visant à apporter une amélioration, afin de garantir une parité stricte en corrigeant les effets du nombre impair qui prévaut dans certains groupes. Un autre amendement, présenté par Michèle André, vise à conférer à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes un fondement organique et un véritable statut juridique au sein du CESE.
La question de la désignation des personnalités qualifiées ne doit pas être éludée.
Outre nos propositions tendant, d’une part, à réduire leur nombre pour permettre, notamment, la nomination de représentants du logement social et, d’autre part, à favoriser des ajustements entre les personnalités qualifiées des trois pôles du CESE afin d’assurer une stricte parité, nous sommes favorables, comme l’était initialement M. le rapporteur, à une désignation des personnalités qualifiées du CESE par tiers, par le Président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale.
Nous regrettons, monsieur le rapporteur, que vous ayez retiré l’amendement que vous aviez déposé. C’est pourquoi nous présenterons un amendement allant dans le même sens. La Haute Assemblée pourra ainsi se prononcer. En effet, nous ne saurions nous satisfaire de la désignation des personnalités qualifiées après un simple avis non-conforme – c'est-à-dire qui ne lie pas – des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, selon la modalité qui a été adoptée, ce matin, par la commission des lois.
Pour ce qui concerne les membres non titulaires, c’est-à-dire les anciens conseillers de section rebaptisés « personnalités associées » visés à l’article 9, nous avons déposé un amendement de suppression.
Si nous souhaitons tous aujourd’hui renforcer la légitimité et la crédibilité du CESE, nous pensons que le temps est venu de supprimer ces membres discrétionnairement nommés par le Gouvernement. Il n’est nullement question de stigmatiser un gouvernement plus qu’un autre, les exemples ne sont favorables ni aux uns, ni aux autres ! Il faut simplement supprimer cet anachronisme, comme le soulignait M. Dominique-Jean Chertier dans son rapport intitulé « Pour une réforme du Conseil économique, social et environnemental », remis au Président de la République, et aller vers une démocratie moderne.
Mes chers collègues, telles sont les remarques que je voulais formuler sur la composition du CESE.
Je souhaite maintenant en venir rapidement au second volet du projet de loi, relatif aux modalités de saisine, et aux avis du CESE.
La réforme constitutionnelle a élargi le champ de compétences du Conseil économique, social et environnemental, mais aussi et surtout a apporté une innovation majeure en élargissant sa saisine au Parlement, par l’intermédiaire des présidents des deux chambres, cette saisine n’étant plus réservée au Gouvernement.
Toutefois, en limitant, dans l’article 2 du projet de loi, cette saisine aux seuls présidents et, par conséquent, à la seule majorité, elle prive l’opposition de ce droit nouveau. De ce fait, la majorité parlementaire a le droit exclusif de la saisine.
Comme le CESE représente l’ensemble des composantes de la société française, il nous paraît légitime qu’il puisse être consulté par l’ensemble des groupes politiques formant le Parlement. Un amendement a été déposé en ce sens par le groupe socialiste.
Toujours dans le champ de la saisine, nous souhaiterions des éclaircissements quant aux modalités de la mise en œuvre de la saisine par pétition.
La commission, par l’adoption de l’amendement n° 11, a déjà précisé que l’assemblée plénière du CESE examinera les pétitions déclarées recevables par le bureau dans un délai d’un an. C’est positif, mais il convient d’aller plus loin.
Nous souhaitons également que le travail du CESE et la qualité de ses avis puissent avoir davantage de portée. Il s’agit d’aller au bout de la réforme.
La prise en compte passe, notamment pour le Gouvernement, par une motivation explicite des raisons pour lesquelles un projet de loi soumis pour avis ne prend pas en compte les observations du CESE. Il convient également de placer ce dernier à équidistance de l’exécutif et du Parlement en faisant en sorte que les études du CESE soient transmises au président du Sénat et au président de l’Assemblée nationale, quelle que soit l’origine de la saisie.
Telles sont, mes chers collègues, nos observations sur cette réforme majeure. Nous souhaitons qu’à l’issue de ce débat le Conseil économique, social et environnemental sorte renforcé. Monsieur le ministre, nos propositions sont mesurées, elles vont dans le sens du projet de loi. Au demeurant, nous souhaitons accompagner cette réforme par des ajustements qui nous paraissent légitimes : leur prise en compte déterminera le vote du groupe socialiste sur l’ensemble.