La délégation aux droits des femmes a décidé de procéder, en 2021, à un bilan de la situation des femmes dans les territoires ruraux. Elle aborde des sujets aussi divers que l'orientation scolaire et universitaire, l'emploi, l'entrepreneuriat, l'engagement politique et associatif, la santé ou encore la lutte contre les violences.
Lors de nos auditions et tables rondes, une problématique récurrente nous est apparue : celle de la mobilité. En effet, les difficultés de mobilité en zone rurale sont lourdes de conséquences pour les femmes. Elles signifient un accès plus compliqué à l'emploi, aux services publics, aux offres de soins, aux modes de garde des enfants, aux associations et aux loisirs. La mobilité est à l'intersection de tous les sujets qui touchent de près les femmes vivant en zones rurales. Elle est au coeur de l'articulation des temps de vie des femmes dans les territoires ruraux. C'est pourquoi nous avons décidé d'en faire le thème de notre table ronde ce matin.
La délégation a désigné une équipe de huit rapporteurs associant tous les groupes politiques de notre assemblée et représentant des territoires aussi divers que la Vienne, la Drôme, la Lozère, le Rhône, les Hautes-Alpes, la Haute-Garonne, le Finistère et la Dordogne.
Je rappelle que cette réunion fait l'objet d'un enregistrement vidéo, accessible en ce moment même sur le site Internet du Sénat puis en VOD.
Nous sommes heureux d'accueillir ce matin Mmes Claire Caminade et Céline Drapier, représentantes de la Fédération nationale des Centres d'information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF) ; Corinne Mérand Leprêtre, cheffe de service « Réseau transports des Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes » à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ; Sylvie Landriève, co-directrice du Forum Vies Mobiles ; Agnès Lacassie-Dechosal, médecin départemental de PMI, directrice adjointe de la Direction Enfance-Famille du département de la Haute-Savoie ; Florence Duviallard et Valérie Bernardoni, représentantes de la fédération nationale Familles rurales et Karine Babule, chargée de mission à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT).
Nous avons souhaité vous entendre et échanger avec vous sur les sujets de mobilité et d'articulation des temps de vie. Notre objectif est bien sûr de connaître vos analyses sur ces sujets mais aussi, et surtout, vos recommandations et les solutions concrètes que vous avez pu mettre en place ou dont vous pouvez avoir connaissance. L'un des objectifs de notre rapport est en effet de mettre en avant des initiatives locales innovantes afin d'en proposer la diffusion à plus grande échelle.
Premier axe de notre réflexion aujourd'hui : la mobilité comme enjeu d'accès à l'emploi, aux services publics et aux loisirs.
À titre liminaire, je vous indique que nous sommes intéressés par les données genrées dont vous pourriez disposer sur les différences de pratiques de mobilité entre femmes et hommes, souvent mal documentées sur le plan statistique.
Nous le savons, les zones rurales sont le territoire de l'automobile. Elle représente 80 % des déplacements en zone rurale, contre 34 % dans l'agglomération parisienne par exemple. Disposer d'une voiture peut souvent y constituer un critère d'embauche et, comme nous l'avions souligné en 2016 dans un rapport de la délégation sur les femmes et l'automobile, la voiture constitue un enjeu de lutte contre la précarité, d'orientation professionnelle et de déconstruction des stéréotypes. Or les femmes y ont globalement moins accès, 80 % d'entre elles ont le permis de conduire contre 90 % des hommes. Lorsqu'un ménage possède une voiture, c'est principalement l'homme qui l'utilise. Il s'agit donc, d'une part, de faciliter l'accès des femmes au permis de conduire et à l'achat de véhicules, d'autre part, de développer des alternatives à la voiture.
Un premier volet de solutions concerne l'accès aux transports en commun. Cependant, les transports publics desservent de moins en moins de communes rurales. Comment maintenir des dessertes et/ou développer des solutions intermodales ? Que fait par exemple la région Sud en la matière ?
En outre, alors que les deux tiers des passagers des transports en commun sont des femmes, leurs habitudes de déplacement ne sont souvent pas prises en compte dans la planification des transports. Les femmes effectuent 75 % du travail domestique et cela affecte leurs besoins en déplacement. Alors que les trajets des hommes sont essentiellement des trajets domicile-lieu de travail, les femmes multiplient et enchaînent les trajets, vers leur lieu de travail, les commerces, les écoles, les personnes de l'entourage à aider, etc. Avez-vous des recommandations pour mieux prendre en compte ces besoins spécifiques ?
Au-delà des transports publics, quelles formes alternatives de mobilité envisager ? Avez-vous connaissance d'initiatives efficaces, par exemple de covoiturage, d'auto-partage ou de transport à la demande ?
Enfin, si la mobilité des femmes est limitée, une autre solution consiste à installer au plus près et faire venir à elles, via des modalités itinérantes, les services publics, les gynécologues, les structures d'accueil des jeunes enfants, ou encore des tiers lieux.
Nous espérons pouvoir échanger sur tous ces sujets.