Intervention de Florence Duviallard

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 24 juin 2021 : 1ère réunion
Table ronde sur la mobilité au coeur de l'articulation des temps de vie des femmes dans les territoires ruraux

Florence Duviallard, secrétaire de Familles rurales, fédération nationale :

Avant d'entrer plus en détail dans les actions innovantes en matière de garde d'enfants, je voudrais revenir rapidement sur l'association Familles Rurales. Beaucoup d'entre vous nous connaissent sans doute. Nous sommes une association nationale reconnue d'utilité publique, agissant en faveur des familles sur tout le territoire, en milieu rural et périurbain. Il était tout à l'heure question de définir le milieu rural. Il est certain que le périurbain en fait partie. Avec 160 000 familles adhérentes et plus de 2 000 associations locales, 80 fédérations, 40 000 bénévoles, 17 000 salariés, nous sommes le premier mouvement familial associatif. Nous sommes également un acteur incontournable de l'économie sociale et solidaire et de l'éducation populaire sur les territoires où nous sommes implantés. Nous sommes pluralistes, indépendants et laïcs. Nous portons un projet humaniste et social, fondé sur la famille, les territoires et la vie associative.

Pour répondre aux besoins des familles dans les territoires ruraux, il faut souvent faire preuve d'inventivité et d'audace, ce que nous faisons depuis des décennies, tant la société a évolué. Face à la crise sanitaire que nous venons de vivre, nous voyons bien que le milieu rural, de plus en plus attractif, comporte tout de même des aspects négatifs en termes de services proposés.

Les familles adhérentes se regroupent, innovent pour développer des activités et services adaptés. Elles contribuent au développement de leur milieu de vie. Bien que nous soyons aujourd'hui auditionnés sur les modes de garde innovants des jeunes enfants en milieu rural, nous travaillons également depuis plusieurs années sur les deux autres thèmes que sont le transport solidaire et le développement de tiers lieux en milieu rural, perspective tout à fait hybride pour créer du lien social, permettre le télétravail et pourquoi pas innover en termes de garde de jeunes enfants. Aujourd'hui, nous avons ouvert plus de cent de ces lieux d'accueil en milieu rural. Une centaine d'autres sont au stade de projet avancé dans tout notre réseau.

Je vous invite à consulter notre étude réalisée par l'Ifop en mars 2021, Les territoires ruraux : perceptions et réalités de vie. Après un an de crise sanitaire, les représentations des Français sur le monde rural ont beaucoup évolué. La volonté de penser et de consommer local, la prise de conscience écologique, l'expérience du télétravail donnent un rôle majeur aux territoires ruraux, acteurs clés d'un nouveau modèle de développement durable et répondant aux aspirations de la société. En dépit de cette image positive, des faiblesses demeurent. La nécessité d'agir en faveur de la ruralité ne faiblit pas. Le déficit des services publics est le principal frein identifié par le grand public pour s'installer en zone rurale. La situation ne semble pas s'améliorer : 52 % des ruraux considèrent que la commune ne bénéficie pas d'action des pouvoirs publics. Sans surprise, les priorités d'action pour l'avenir du monde rural concernent ces mêmes services publics, la lutte contre la désertification médicale, le scolaire, le manque de services sociaux, dont les structures d'accueil pour l'enfance et la petite enfance.

Réussir à mener de front son travail, l'éducation de ses enfants et les tâches quotidiennes n'est pas chose aisée. Les associations Familles Rurales créent régulièrement des structures pour aider les parents. Je me souviens de structures conçues dans les années 1980 par des parents. La réglementation et les législations étaient, à l'époque, bien différentes. Ce besoin absolu de faire garder les enfants a poussé les parents à se débrouiller. C'était déjà très innovant.

Il existe aujourd'hui 260 lieux d'accueil de la petite enfance Familles Rurales, partout en France, dans 62 départements. Leur présence encourage l'installation de nouvelles familles sur un territoire. Elle fidélise celles qui y vivent déjà.

Vous indiquiez que des structures privées s'installent à condition que la population soit suffisante. Là où la densité de population est faible, il n'existe rien, ou pas grand-chose. Nous voulons être un acteur de proximité. Nous avons à coeur de développer des partenariats locaux pour favoriser des actions innovantes en matière de mode d'accueil du jeune enfant et répondre ainsi aux besoins des familles. Nous avons toujours travaillé de concert avec les collectivités territoriales. Nous avons assisté à une évolution certaine. Par le passé, nous travaillions directement avec les communes sur lesquelles nous étions implantées. Aujourd'hui, si la compétence petite enfance est exercée par l'intercommunalité, nous devons travailler différemment. Surtout, nous devons faire en sorte que notre compétence soit reconnue par ces nouvelles collectivités territoriales. Vis-à-vis des familles, nous avons pour engagement qualité d'être un lieu d'accueil avec des activités garantissant le bien-être et le développement de l'enfant, de prendre en compte les besoins individuels de chaque enfant et de concevoir des actions éducatives pour l'apprentissage de la vie en collectivité. Un accueil et un accompagnement de tous les parents doivent être assurés. Nous devons accueillir les enfants de manière régulière, occasionnelle et en cas d'urgence. La garde régulière est plus simple à concevoir et à organiser, alors que la gestion des places d'urgence, ou pour des enfants porteurs de handicap, ou à la carte, s'avère plus compliquée en termes de taux de remplissage des structures. Ce lieu doit en outre être un espace de participation des familles et de lien social. Nous y tenons absolument car nous ne voulons pas uniquement des familles consommatrices mais des familles qui aspirent à créer du lien entre elles.

L'organisation de l'association implique des parents bénévoles et une équipe de professionnels formés et pérennes. Il est vrai qu'il est plus compliqué sur certains territoires de recruter du personnel compétent. Cela demande une gestion financière transparente sans recherche de profits et une attention particulière au respect des règles de sécurité, d'hygiène et d'alimentation.

Dans notre partenariat avec les institutions et les collectivités territoriales, nous devons adapter l'accueil aux réalités des modes de vie des familles vivant dans les territoires, très différents les uns des autres, travailler avec les acteurs éducatifs tels que les PMI, RAM (relais assistantes maternelles), écoles maternelles, maisons de solidarité ou de santé et les structures spécialisées. Nous devons également réaliser des actions communes avec les autres services ou activités de Familles rurales. Nous privilégions les actions intergénérationnelles, les passerelles avec les accueils de loisirs maternels, les actions de soutien à la parentalité. Nous agissons enfin en lien avec d'autres structures d'accueil. C'est ce qui fait notre force, puisque nous sommes un réseau opérant sur tout le territoire. Ce qui profite aux uns peut également profiter aux autres en termes de retour d'expérience. Nous travaillons en collaboration avec les collectivités et les institutions en communiquant sur nos modes de fonctionnement et les actions réalisées. Nous rencontrons régulièrement les élus et institutions sociales afin d'évaluer les conventions au travers de comités de pilotage et de conventions de suivi. Nous nous inscrivons enfin dans le projet éducatif du territoire et participons aux actions portées par les partenaires.

Nous souhaitons, aujourd'hui comme hier, un fonctionnement respectueux de l'environnement : acheter des matériaux et produits d'hygiène éco labellisés, gérer les déchets, favoriser l'achat de produits locaux et les circuits courts d'approvisionnement, travailler avec les commerçants et réfléchir en concertation avec le propriétaire des locaux à la diminution des consommations d'énergie.

Pour rappel, la petite enfance à Familles rurales représente 260 activités et services : multi-accueil, halte-garderie, halte-garderie itinérante, micro-crèches, RAM, MAM. 31 accueils enfants-parents sont agréés par les CAF locales. 130 actions parentalité sont menées régulièrement au sein des associations. Ce sont aussi des services de garde d'enfant à domicile au sein de services d'aide et d'accompagnement à domicile sur quatorze départements. Les structures petite enfance se situent essentiellement en zone rurale ou périurbaine. Elles comptent en moyenne vingt places et rendent un service adapté au territoire, à proximité des familles.

Qu'en est-il des actions innovantes ? Nous trouvons en Mayenne ou dans l'Hérault des places d'urgence dans les structures permettant aux mamans de se rendre en entretien d'embauche, par exemple, en concertation avec les CAF. Les haltes-garderies itinérantes ont été évoquées plusieurs fois aujourd'hui. Je peux citer Les P'tits Poucets Roul' en Vendée, et La Roulinotte dans l'Ain, accueillant de dix à douze enfants de trois mois à quatre ans en matinée et six en journée. La halte-garderie propose de l'accueil occasionnel, des places d'urgence pour les enfants dont les mamans doivent se rendre à des entretiens professionnels ou en reconversion professionnelle. Cette structure est itinérante sur quatre communes du territoire. Elle est ouverte quatre journées par semaine, de 8 heures 45 à 11 heures 45 puis de 13 heures 45 à 16 heures 45. Deux journées continues sur la semaine permettent à six enfants d'être accueillis sur la journée complète, dès l'âge de deux mois et demi. Quinze enfants peuvent être accueillis à la demi-journée, dont six en journée continue. Les quatre communes mettent à disposition une salle pour le matériel pédagogique. La sieste se fait dans le véhicule pour les enfants accueillis à la journée. Souvent, la maman de ces enfants est en congé maternité ou l'un des parents est en congé parental, et il leur est compliqué de revenir vers l'emploi lorsque les horaires sont calqués sur ceux des écoles. Environ 45 familles bénéficient de ce service.

Concernant les places réservées aux porteurs de handicap ou réservées pour la réinsertion professionnelle, nous pouvons citer l'exemple de la crèche Méli-Mélo dans l'Aveyron. Trois places sont réservées, permettant aux parents de reprendre le travail dès les deux mois et demi de l'enfant. En lien étroit avec le plan action handicap du département, deux places sont réservées pour des parents en parcours de réinsertion professionnelle. C'est peu, mais elles ont le mérite d'exister.

Un petit mot sur la mobilité solidaire. Ce dispositif est porté par des bénévoles. Il permet aux mamans de se rendre à des rendez-vous professionnels, en lien avec la communauté de communes. C'est un service rapide de mise en contact avec les assistantes maternelles pour faire garder l'enfant si l'entretien débouche sur une embauche. Ce dispositif est mis en place en Moselle et dans les Deux-Sèvres.

Il existe également des crèches gérées par des entreprises en milieu rural. Les enfants accueillis sont ceux de mamans embauchées ou en formation, à condition que les structures soient bien dimensionnées et comportent un peu plus de places que nécessaire. Cela suppose que l'entreprise accepte éventuellement de financer des places non attribuées. Pour les communes, la même chose serait possible si les budgets n'étaient pas si contraints. La fédération du Doubs doit par exemple établir des budgets prévisionnels de plus en plus serrés et donc optimiser le planning des enfants, ce qui ne laisse pas de place aux urgences des mamans venant de trouver un emploi. La CAF et l'État les incitent à l'optimisation. Il ne peut y avoir de place pour les familles bénéficiaires des minima sociaux ou d'accueils en urgence. Des objectifs de fréquentation doivent être atteints. La fédération du Doubs a développé ces crèches d'entreprises en milieu rural.

Quelques pistes peuvent être étudiées, parmi lesquelles la mutualisation de tiers lieux et de modes de garde, ou le développement d'établissements accueillant de jeunes enfants clé en main sur les territoires non pourvus de lieux d'accueil et permettant aux entreprises avoisinantes de financer des places non attribuées pour les familles qui trouvent un travail et pour lesquelles un mode de garde est une condition nécessaire. Familles rurales, en partenariat avec la fédération du Doubs et la CNAF, a modélisé le nouveau concept de crèche évolutive clé en main visant à contribuer au développement de places d'accueil tout en offrant une solution aux collectivités locales confrontées à la question des locaux dédiés. En effet, par manque de locaux, certaines communes hésitent à financer des structures. Notre solution consiste en une structure en bois intégrant toutes les exigences réglementaires et techniques, et pouvant selon les besoins s'agrandir, s'ajuster à des capacités d'accueil plus importantes ou être requalifiée en appartements, bureaux ou maisons pour seniors. Le projet ainsi modélisé avec le plan de financement finalisé et des plans validés par la protection maternelle et infantile du Doubs permet un déploiement porté par les associations Familles rurales sur l'ensemble du territoire. Ce concept doit être étudié. Il permettrait aux collectivités de développer des structures de multi-crèches à plus de vingt ou trente places dans des territoires jusque-là non pourvus.

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