Intervention de Richard Yung

Réunion du 5 mai 2010 à 14h30
Conseil économique social et environnemental — Adoption d'un projet de loi organique en procédure accélérée

Photo de Richard YungRichard Yung :

La méconnaissance dont souffre le Conseil économique et social s’explique par le fait qu’il est noyé dans un océan d’organismes consultatifs concurrents et ne bénéficie pas de la même notoriété que, par exemple, la Cour des comptes, dont le rapport annuel est toujours très attendu. Pour lui donner à l’avenir plus de poids et de lisibilité, sans doute serait-il opportun de mettre enfin en pratique – au lieu de le supprimer, comme le propose l’article 15 bis du présent projet de loi – l’article 27 de l’ordonnance de décembre 1958, qui prévoyait la suppression des « organismes consultatifs dont les attributions feraient double emploi avec celles du Conseil économique et social ». Quel sens y a-t-il, en effet, à maintenir des comités tels que le Conseil d’analyse de la société ou le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale – dont on ne voit d’ailleurs pas en quoi il diffère du Conseil d’orientation pour l’emploi ? Nous avons une « foultitude » de comités et conseils de ce genre !

Le Conseil économique, social et environnemental souffre également d’être peu considéré par les pouvoirs publics. En 2008, un quart seulement de ses travaux résultait d’une saisine gouvernementale – contre la moitié dans les années 1970 –, les trois autres quarts correspondant à des autosaisines. On constate donc une baisse significative du nombre des avis demandés au Conseil par le Gouvernement. En outre, M. Chertier affirme dans son excellent rapport que de nombreux avis et études « demeurent insuffisamment exploités ». Tel fut notamment le cas de l’avis sur le travail dominical, « qui n’a trouvé aucun écho dans le débat conduit sur ce sujet sensible ».

Par ailleurs, le Premier ministre ne respecte que rarement l’obligation qui lui incombe de faire connaître « les suites données aux avis du CES ». Il conviendrait donc de renforcer ce droit de suite en rendant obligatoire la publication par le Gouvernement d’un rapport annuel sur les suites données aux avis du CES. Nous déposerons un amendement en ce sens.

Le renforcement du rôle du Conseil ne passe donc pas seulement par l’élargissement de ses compétences et de ses saisines : il faut également qu’il soit davantage écouté par le Gouvernement.

La composition du Conseil et le mode de désignation de ses membres constituent évidemment le principal enjeu du présent projet de loi. Le défi est d’autant plus difficile à relever que la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a gelé à 233 le nombre de conseillers.

Je constate d’abord avec soulagement qu’il n’est pas prévu d’introduire une représentation des cultes. Pour mémoire, je rappelle que le Président de la République, en décembre 2007, avait exprimé son souhait d’élargir la représentation du Conseil aux « grands courants spirituels ».

Nous approuvons également les dispositions de l’article 6 visant à introduire la parité – nous ferons des propositions pour en améliorer les modalités –, celles de l’article 8 tendant à limiter à deux le nombre de mandats successifs, ainsi que l’annonce de l’abaissement à dix-huit ans de l’âge minimal pour exercer un mandat. La représentation des jeunes et des étudiants, qui est également prévue à l’article 6, devrait aussi permettre un rajeunissement des membres du Conseil. Cependant, notre collègue Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la commission des finances, m’a chargé d’attirer votre attention sur le fait que cette réforme aura nécessairement des conséquences sur l’équilibre, déjà préoccupant, de la caisse de retraite du CESE.

Enfin, le paragraphe II de l’article 6 propose que les membres représentant les salariés soient désignés par les organisations professionnelles les plus représentatives. Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, sur quelles bases ces conseillers seront nommés, dans la mesure où, d’après notre rapporteur, les critères fixés par la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail « seront appliqués à l’issue de la première mesure de l’audience des syndicats et permettront de connaître au plus tard en 2013 la liste des organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel ».

Le présent projet de loi organique est censé mieux asseoir la représentativité du CESE, lui permettre de mieux « coller », si j’ose dire, à la société française. Pourtant, il laisse de côté certains pans de cette société. On comprendra donc que, étant sénateur des Français établis hors de France, je m’émeuve, avec mes collègues et nos deux millions et demi de concitoyens vivant à l’étranger, de la suppression des deux conseillers qui les représentaient. Ces deux sièges, créés en 1984, sont pourvus par décret pris sur le rapport du ministre des affaires étrangères après consultation de l’Assemblée des Français de l’étranger.

Dans son scénario n° 1 – qui est pourtant celui que vous avez suivi pour la plus grande partie, monsieur le ministre –, M. Chertier proposait de maintenir à deux le nombre de conseillers représentant les Français établis hors de France. Or, dans le schéma proposé par le Gouvernement, pour que les Français de l’étranger continuent d’être représentés, il faudrait qu’au moins un conseiller soit désigné parmi les dix personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine économique ou les quinze personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine social. Cela laisse donc peu d’espoir pour le maintien de la représentation des Français de l’étranger, car nous savons que la concurrence est dure dans ces collèges restreints !

Autre solution : que soit nommée au moins une personnalité associée représentant les Français établis hors de France. Cette alternative n’est pas plus satisfaisante. Nous ne sommes pas favorables à un tel système, qui, de surcroît, ne garantirait pas la pérennité de la représentation des Français de l’étranger au sein du Conseil. Après avoir instauré leur représentation à l’Assemblée nationale, grand progrès que nous avons salué, il est pour le moins paradoxal de vouloir supprimer celle dont ils bénéficient au sein de la troisième assemblée constitutionnelle de la République !

Pour le justifier, on souligne que les Français établis hors de France disposent de leur propre assemblée, qu’ils sont représentés au Sénat et le seront prochainement à l’Assemblée nationale. Ce ne sont pas là des arguments qui nous convainquent. Dans le présent projet de loi, par exemple, les départements et régions d’outre-mer, les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle-Calédonie continuent d’être représentés par onze conseillers alors qu’ils bénéficient également d’une représentation au Parlement et qu’ils ont leurs propres conseils économiques et sociaux. Dans ces conditions, pourquoi vouloir supprimer la représentation des Français de l’étranger ? La spécificité de leur apport au Conseil économique et social est pourtant indéniable, en particulier grâce au prisme particulier à travers lequel ils abordent les questions de l’économie, de la société.

Quid également de la représentation des consommateurs, du secteur de l’économie sociale ou de celui du logement ? On mesure ici certaines lacunes ! Pour les combler, il faudrait, de mon point de vue, réduire le nombre de personnalités qualifiées en le ramenant à son niveau de 1958 – je sais, ce sera douloureux ! –, soit quinze au lieu de quarante.

Je m’interroge aussi sur les modalités de nomination des personnalités qualifiées. La question ayant déjà été abordée à plusieurs reprises, je n’y reviens pas ; mais je continue de penser que, pour la plupart d’entre elles, ces nominations restent un lot de consolation.

Enfin, le présent projet de loi instaure un fléchage dans la désignation de ces personnalités. Cette disposition permettra peut-être d’empêcher certaines nominations surprenantes. Il est pourtant nécessaire d’aller plus loin, et je proposerai de reprendre l’idée, avancée par la commission Vallon de 1963 – je continue de remonter le temps ! –, de recourir à des « comités de sages », composés de personnalités dont les compétences et l’autorité sont unanimement reconnues dans chaque domaine, qui seraient chargés de soumettre des listes de candidats aux autorités.

Enfin, je souhaiterais savoir si les scientifiques qui remettent en cause la thèse du réchauffement climatique

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