Je me joins aux remerciements adressés par Pascale Gruny à Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean pour l'esprit constructif dans lequel nous avons préparé cette CMP. J'ai le sentiment que nous sommes déterminés, de part et d'autre, à faire preuve de responsabilité pour concrétiser une démarche inédite de démocratie sociale et parlementaire. Je salue, à cet égard, l'engagement constant des rapporteures de l'Assemblée nationale ainsi que la qualité des débats dans nos deux assemblées sur un enjeu qui nous rassemble tous : protéger la santé des travailleurs.
Nos échanges entre rapporteurs nous conduisent à vous proposer de parvenir à un texte équilibré qui retienne des apports précieux des deux assemblées. Dans les propositions que nous vous ferons, nous avons veillé à réunir les conditions d'une médecine du travail moderne, au service de la prévention et adaptée aux nouveaux défis posés par l'évolution des technologies et des modes d'organisation du travail.
Tout d'abord, nous pouvons nous accorder sur un premier objectif : l'évaluation des risques professionnels ne doit plus être perçue comme une contrainte administrative subie par les entreprises. Les employeurs doivent s'emparer de cette évaluation pour répondre à leur obligation de sécurité à l'égard de leurs salariés, obligation qui engage leur responsabilité. Pour que cette démarche d'évaluation des risques se répande dans toutes les entreprises et se traduise par la mise en oeuvre effective d'actions de prévention, il est indispensable qu'elle tienne compte de la réalité du fonctionnement des entreprises. C'est pourquoi le Sénat a tenu à adapter, à l'article 2, les modalités de définition du plan d'actions de prévention, afin que celles-ci soient proportionnées aux enjeux et aux moyens internes des entreprises, notamment les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) de moins de 50 salariés. Nous restons fortement attachés à cet équilibre.
Conformément aux préconisations du rapport d'information que Pascale Gruny et moi-même avons produit en 2019, nous avons défendu, lors de l'examen de ce texte, le décloisonnement de la médecine du travail et de la santé publique. À cet égard, nous semblent constituer des avancées notables le renforcement, à l'article 2 ter, du suivi post-exposition des travailleurs exposés à des risques particuliers, ainsi que l'approfondissement de la coopération entre la médecine du travail et la médecine de ville. Ce dernier passe, à notre sens, par un meilleur partage d'informations entre professionnels de santé, dans un objectif de prévention et de coordination des parcours, que ce soit au travers du dossier médical partagé (DMP), du dossier médical en santé au travail (DMST) ou du recours aux consultations à distance.
Enfin, avec Pascale Gruny, nous entendons défendre les spécificités de la médecine du travail, qui, par sa connaissance fine des entreprises, reste la mieux placée pour assurer le suivi médical des travailleurs. Nous plaidons ainsi pour une véritable mobilisation des pouvoirs publics en faveur du renforcement de l'attractivité de cette spécialité. L'expérimentation, à l'article 21 bis, de l'extension du droit de prescription des médecins du travail constitue un premier pas en ce sens, mais les efforts ne sauraient s'arrêter là. J'appelle donc les ministres chargés de la santé et de l'enseignement supérieur à revoir les conditions de stage des étudiants de médecine en externat pour leur permettre de se familiariser aux enjeux de la médecine du travail, afin que ceux-ci soient mieux appréhendés lors du choix de spécialité pour l'internat.
Nous restons convaincus qu'un médecin généraliste ne suffira jamais à remplacer un médecin du travail, d'autant que le problème de la démographie médicale touche tout particulièrement ces deux spécialités. C'est pourquoi nous voyons le dispositif du médecin praticien correspondant moins comme un remède au manque de ressources médicales des services de santé au travail que comme un moyen de susciter des vocations chez des médecins généralistes qui seraient tentés, en milieu de carrière, par un exercice salarié en médecine du travail.
Enfin, nous fondons beaucoup d'espoir dans la montée en compétences cliniques des infirmiers de santé au travail, qui ont vocation à prendre une place croissante dans le suivi de la santé des travailleurs et dont la qualité de la formation devra, selon nous, être garantie.