Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les propos que je tiendrai après cette commission mixte paritaire conclusive ne vous surprendront pas.
Après l’examen d’un projet de loi de finances rectificative bien décevant, mais quelque peu enrichi de propositions sénatoriales, dont certaines émanaient de nos travées, que reste-t-il aujourd’hui ? À peine l’illusion d’avoir pris part à une discussion ! Pourtant, certaines mesures auraient largement mérité d’être retenues. J’y reviendrai tout à l’heure.
Vous ne serez pas surpris non plus si je réaffirme que la politique menée par le Gouvernement depuis quatre ans ne nous convient pas. Alors que la fracture sociale s’amplifie, que la crise sanitaire creuse encore plus les inégalités et que les conséquences de cette crise affecteront durablement nos modes de vie les prochaines années, le Gouvernement maintient son cap.
Parce que, pour nous, l’urgence sociale est une priorité, nous avions proposé un certain nombre de mesures visant à renforcer les services publics, qui sont le patrimoine commun de toutes les Françaises et de tous les Français. Ainsi, le plan d’urgence pour l’hôpital public proposé par le groupe socialiste tirait les conclusions de la crise sanitaire en lui redonnant les moyens nécessaires pour l’accueil et le suivi des patients, mais aussi en garantissant de meilleures conditions de travail pour nos soignants.
Résolument tournés vers l’avenir, et pour laisser entrevoir de l’espoir à notre jeunesse, nous souhaitions aussi nous faire entendre sur la nécessité d’étendre le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans. Symbole de la précarité de notre jeunesse, les files d’attente d’étudiants pour l’aide alimentaire doivent nous interpeller et nous encourager à agir vite. Accompagner la jeunesse, c’est aussi donner les moyens nécessaires à l’éducation nationale. Après les annonces du ministre Blanquer, nous avons tenté d’encourager le Gouvernement à agir sans attendre pour engager la revalorisation du personnel enseignant, là encore en vain !
Nous avons aussi pu regretter l’absence de tout changement de doctrine fiscale, alors même que la crise a considérablement enrichi les plus riches de nos concitoyens et que certains grands groupes ont enregistré des profits record. À aucun moment, il n’a été envisagé de les mettre davantage à contribution ; ainsi, pas de rétablissement de l’ISF ni de hausse de la taxe sur les géants du numérique. Même l’OCDE nous invite pourtant à réfléchir à une fiscalité du patrimoine plus redistributive.
Plutôt que de prendre ces sujets à bras-le-corps, le Gouvernement et la majorité sénatoriale ont préféré se réfugier derrière la hasardeuse théorie du ruissellement, alors que l’argent – il faut bien le constater – n’a jamais ruisselé.
Ne pas envisager de recettes supplémentaires alors que le déficit se creuse et que la dette augmente est difficilement compréhensible, a fortiori lorsque ne sont envisagées pour les réduire que la diminution de la dépense publique et la mise en œuvre de réformes telles que celle des retraites. Nous savons bien toutes et tous ici à qui ces réformes porteront préjudice et à qui elles profiteront.
Nous pensons qu’une autre voie est envisageable.
Puisque la pédagogie est affaire de répétition, l’occasion nous sera donnée, lors de la discussion du prochain projet de loi de finances, de nous montrer particulièrement pédagogues.
Mais nous sommes là sur des divergences de fond et même des divergences de convictions. On peut comprendre qu’il y ait des désaccords ; sinon, nous siégerions tous sur les mêmes travées. Pour autant, s’il y a bien un sujet sur lequel un consensus très large s’est dégagé au sein de notre assemblée, c’est pour soutenir une cause érigée au rang de priorité nationale : la lutte contre les violences faites aux femmes.
Lors de nos discussions, notre assemblée, dans sa très grande majorité, a voté les amendements du groupe socialiste en la matière, notamment celui qui, pour 2 millions d’euros seulement, visait à renforcer les crédits du 3919 et à conforter les moyens financiers des acteurs de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Qu’on ne nous fasse pas croire que la raison de ce blocage est simplement budgétaire !
La commission mixte paritaire n’a pas cru bon de devoir les retenir, souscrivant ainsi à la règle du rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale refusant tous les amendements de crédits. Cependant, mes chers collègues, je suis convaincue que toute règle peut ou doit avoir des exceptions.
En l’espèce, le nombre de femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint ne cesse d’augmenter. Il est de notre responsabilité collective de tout mettre en œuvre pour éviter que de tels drames ne se reproduisent. Il y a, mes chers collègues, des occasions manquées qui sont lourdes de conséquences.
Si notre groupe s’est abstenu en première lecture, pour les raisons que je viens d’évoquer, nous voterons contre le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.