Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'institution qui nous occupe aujourd'hui est souvent méconnue des Français. Mais son rôle aux côtés des pouvoirs publics est bien réel !
Le Conseil économique, social et environnemental est une assemblée qui a toujours souhaité rester pleinement associée, dans le respect des principes humanistes et du souci de réalisme et de confrontation aux réalités du terrain, à la contribution au mieux-être des Français, à la solidarité entre les générations et au maintien de la cohésion sociale dans notre pays. Il est regrettable que certains de ses travaux, d’une brûlante actualité aujourd’hui, n’aient pas eu plus d’échos. Il en est ainsi de la réforme des retraites, de celle de l’enseignement supérieur ou de celle de la sécurité sociale.
J'ai eu la chance, et le plaisir, de siéger prés de vingt ans au sein de cette noble institution. D’abord en tant que représentant de la mutualité française, puis comme personnalité qualifiée.
La réforme que vous nous présentez, monsieur le ministre, ne révolutionnera pas le Conseil économique, social et environnemental, même si, je le reconnais, quelques dispositions témoignent d’un effort louable de s’adapter aux évolutions de notre société. Nous en prenons acte.
La réforme constitutionnelle de 2008 a introduit des modifications dans quatre axes : l’extension du champ de compétence au domaine environnemental ; l’élargissement des possibilités de saisine ; la limitation du nombre de membres du CESE à 233 conseillers ; enfin la possibilité de saisine par voie de pétition.
Deux ans plus tard, la loi organique aujourd’hui soumise à notre examen est la mise en musique de ces quatre axes. Cependant, cette mise en musique est a minima.
Depuis près de quarante ans, nous avons assisté à une sorte de paralysie institutionnelle du CESE. Autrefois, c’est vrai, beaucoup se sont méfiés de sa concurrence avec la représentation parlementaire. Mais, aujourd'hui, toutes les institutions de la Cinquième République ont leur place et nul ne tente d’accaparer le domaine de compétence de qui que ce soit.
Le général de Gaulle voulait faire de la deuxième chambre du Parlement un conseil composé « des représentants des organisations économiques, familiales, intellectuelles, pour que se fasse entendre, au-dedans même de l'État, la voix des grandes activités du pays ». L’histoire en a décidé autrement et ce n'est pas la deuxième chambre qui remplit ce rôle, mais bien le Conseil économique, social et environnemental.
Depuis 2008, l'adjonction de l'environnement au domaine d'intervention du Conseil entraîne la modification de sa composition. Malheureusement, cette modification ne reflète pas notre société. Même si de nouveaux équilibres apparaissent timidement, l'omniprésence de certaines catégories professionnelles demeure, sans toujours correspondre à leur activité économique et sociale.
La représentation des entreprises publiques est également revue à la baisse, et disparaît même dans le texte transmis par l'Assemblée nationale. La commission des lois a rétabli une représentation. Le texte prévoit ainsi que trois personnalités issues d’entreprises publiques sont choisies parmi les personnalités qualifiées. Nous pouvons nous réjouir de cette avancée, dans la mesure où ce secteur emploie aujourd'hui 800 000 personnes.
Espérons que le Gouvernement ne soit pas tenté de revenir sur cette version, adoptée en commission !
Je voudrais m'attarder, assez rapidement toutefois, sur le statut des personnalités qualifiées. Le Gouvernement refuse de modifier leur mode de nomination. Actuellement, celle-ci a lieu sur proposition du Premier ministre.
Notre rapporteur, que je félicite des travaux réalisés, avant de battre en retraite, avait proposé à la commission des lois de permettre la nomination par tiers de quarante personnalités qualifiées. Rassuré par le ministre, il a retiré son amendement. Remplacer le pouvoir de nomination des présidents des assemblées par un avis n’a, reconnaissons-le, ni le même effet, ni les mêmes conséquences.
Votre refus de changer le mode de désignation est bien le signe de votre volonté d’empêcher le Conseil de remettre en cause les orientations ou les décisions du Gouvernement en place. Si les présidents des assemblées et le Gouvernement sont monocolores, la consultation ne posera pas trop de difficultés. Mais s'il y a divergence de majorité, rien n'obligera le Gouvernement à consulter le président de l'assemblée récalcitrante, et surtout de tenir compte de son avis ! Pour justifier votre refus, vous avancez la difficulté de respecter la parité. Vous auriez également pu nous répondre que quarante n'est pas divisible par trois. Passons !
J’en viens justement à la parité. D’après l'article 6, l'écart entre les hommes et les femmes désignés par les organisations ne doit pas être supérieur à un. Cette règle est aussi applicable aux personnalités qualifiées. Certes, il s’agit d’une avancée à même de faire tendre le Conseil économique, social et environnemental vers la parité. Mais la parité totale n'est pas encore à l'ordre du jour !
Aussi, monsieur le ministre, nous espérons que vous approuverez nos propositions pour que cette loi organique permette une vraie réforme du Conseil économique, social et environnemental afin de renforcer son efficacité et d’accompagner les travaux des deux autres chambres.
Bien entendu, notre vote dépendra des réponses qui seront apportées à nos amendements.