Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, troisième assemblée constitutionnelle de la République, le Conseil économique, social et environnemental est composé des représentants de la société civile. C'est une instance consultative auprès du Gouvernement, à l'origine de rapports et d'avis qui participent à la préparation des lois les plus déterminantes pour chacun d’entre nous.
II est doté d'une triple mission : conseiller le Gouvernement et participer à l'élaboration de la politique économique et sociale ; contribuer à l'information du Parlement ; favoriser le dialogue entre les catégories socioprofessionnelles représentées en son sein.
Son président, M. Jacques Dermagne a contribué à lui redonner tout son poids. II aime d'ailleurs à répéter : « L'Assemblée nationale décide, le Sénat améliore, mais avant, le Conseil ouvre le débat et oriente ». Le CESE est donc là pour exprimer ce que pense la société civile et faire en sorte que les lois ne soient pas en trop profond décalage avec les sentiments et les attentes des Français.
De plus, le CESE a su progressivement élargir ses travaux aux dimensions européennes et internationales. Ces dernières années, il s'est imposé comme une référence sur le plan mondial. Plus de soixante-cinq pays, il est utile de le souligner, se sont dotés d'organismes analogues.
Nous avons eu l’occasion de le souligner, le Conseil économique, social et environnemental a périodiquement été remis en cause et contesté depuis sa création. Sa suppression a même été plusieurs fois proposée, sans jamais être décidée. Le CESE a donc connu de nombreuses transformations au cours de son histoire, la plus importante d’entre elles étant, bien entendu, celle qui a été engagée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, dont nous sommes amenés à débattre aujourd’hui, et qui constitue un premier pas vers sa réforme.
L’article 6 de ce projet de loi organique vise précisément à réformer la composition du Conseil économique, social et environnemental, afin d’y intégrer des membres spécifiquement compétents en matière d’environnement, ainsi que des représentants des jeunes et des étudiants, et de l’adapter aux évolutions intervenues dans la société française.
Cet article constitue donc une disposition centrale et complexe de ce projet de loi organique, puisque la révision de la composition du CESE doit être réalisée dans le respect de l’effectif maximum de 233 membres, inscrit à l’article 71 de la Constitution depuis la dernière révision.
Or mes collègues et moi-même avons constaté avec stupeur que ce projet de loi organique prévoit la disparition pure et simple des représentants des Français établis hors de France, au motif que les Français expatriés vont bénéficier prochainement de onze sièges de députés.
Permettez-moi de pointer cette erreur d’interprétation manifeste, car les départements et collectivités d’outre-mer ont non seulement des députés et des sénateurs, mais aussi des conseils économiques, sociaux et culturels locaux ! Cela ne les empêche pas – ce qui est naturel – de conserver leur représentation individuelle au sein du CESE.
La représentation des Français établis hors de France n’a malheureusement pas été rétablie en première lecture par l’Assemblée nationale. C’est pourquoi nous comptons beaucoup sur la vigilance de nos collègues sénateurs pour revenir sur une situation que je qualifierai d’« injuste ».
Le Gouvernement a organisé la composition du CESE selon trois pôles.
Le premier pôle, qui est relatif à la vie économique et au dialogue social, compterait 140 membres, dont 10 personnalités qualifiées dans le domaine économique.
Le deuxième pôle, qui est relatif à la cohésion sociale et territoriale et à la vie associative, rassemblerait 60 membres, dont 15 personnalités qualifiées dans le domaine social, culturel, sportif ou scientifique, ou agissant en faveur des personnes handicapées.
Enfin, le troisième pôle, qui est relatif à la protection de la nature et de l’environnement, compterait 33 membres répartis en deux groupes : 18 représentants des associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de l’environnement et 15 personnalités qualifiées en matière d’environnement et de développement durable.
Le plafonnement fixé par la Constitution pour la nouvelle répartition des sièges impose donc des choix délicats.
Actuellement, les Français de l’étranger disposent de deux sièges. C’est déjà insuffisant, car ils représentent une population estimée à environ 2, 3 millions de personnes.
Supprimer toute représentation des Français de l’étranger consisterait à priver cette assemblée de l’expertise inégalable des Français expatriés en matière économique, sociale, culturelle et environnementale sur la scène internationale. À l’heure de la mondialisation, cette décision serait vraiment dommageable. Nos élus comme nos compatriotes expatriés ne comprendraient pas un tel abandon.
Mes collègues Christian Cointat et Christophe-André Frassa et moi-même avons déposé des amendements visant à prévoir, pour chacun des pôles, un représentant des Français établis hors de France. Tous nos efforts tendent à faire en sorte que nos concitoyens de l’étranger ne soient pas oubliés et restent associés aux prises de décision en matière économique, sociale et culturelle.
Dans cette optique, il n’est pas envisageable que le CESE perde tous ces représentants établis hors de France. Leur expertise est nécessaire dans chacun des trois pôles économique, social et environnemental.
À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler tout l’intérêt des rapports rédigés par les représentants des Français de l’étranger au CESE.
En 2003, le rapport intitulé « Quel avenir pour l’enseignement français à l’étranger » a débouché sur le premier plan d’orientation de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
En 2009, le rapport sur les attentes et les besoins des Français de l’étranger a permis d’émettre des propositions visant à mieux répondre aux besoins des Français établis hors de France.
En ce moment même, le CESE remet une étude sur l’amélioration de l’image de la France à l’international.
C’est dire si, par leur présence active au sein du CESE, nos représentants contribuent beaucoup à améliorer la participation de nos concitoyens de l’étranger à la vie civique et à la réalisation de leurs projets économiques, éducatifs, culturels et sociaux.
Le monde ne fera face aux grands défis de la mondialisation que grâce au dialogue et à la mise en œuvre de solutions partagées. La pratique de l’échange des idées et des convictions, dans le respect de l’autre, est une nécessité.
L’existence du CESE est un début de réponse. Il représente une chance pour nos concitoyens d’être plus directement associés aux décisions qui conditionnent leur avenir. C’est pourquoi les représentants des Français de l’étranger ne doivent pas être écartés. Il est primordial d’entendre leur voix pour que l’ensemble de nos compatriotes puissent bénéficier de leur expertise de grande valeur.