Il me faut au préalable reconnaître l’intention a priori louable que constitue le soutien au logement pour les travailleurs considérés comme essentiels ; toutefois, il me semble inutile, voire contre-productif d’instaurer nouveau critère de priorisation dans l’accès au logement social.
Comme vous le savez, des dispositifs existent déjà pour ces travailleurs, au premier rang desquels le système de cotation de la demande de logement social, prévu par la loi ÉLAN. Il est d’ailleurs utile de préciser que plus de six ménages sur dix qui louent un HLM sont composés d’employés, d’ouvriers ou de membres des professions intermédiaires.
En plus d’être inopérant, ce nouveau critère aurait des effets néfastes, notamment pour les dizaines de milliers d’individus, dont 70 000 prioritaires DALO, en attente de relogement. Y a-t-il un quelconque intérêt à ajouter une énième catégorie de personnes prioritaires, alors que les demandeurs sont de plus en plus nombreux et que l’attribution des logements est en baisse en raison d’une plus faible rotation que par le passé ?
Est-il souhaitable de mettre en concurrence des personnes sans logement et ces travailleurs clés ?
Par ailleurs, est-il bienvenu de consacrer législativement une dualité entre ceux qui exerceraient un métier essentiel et les autres ?
À ces interrogations, nous vous répondons par la négative. À notre sens, les solutions à ce problème légitime doivent être cherchées ailleurs. Les acteurs et les associations affirment qu’il faudrait déjà appliquer effectivement les lois et dispositifs existants ; ils appellent aussi à l’intervention étatique via la production de logements pour répondre à la demande exponentielle.
En somme, ce nouveau critère ne ferait qu’aggraver une situation déjà difficile.