Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 15 novembre 2005 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Article 15

Xavier Bertrand, ministre :

Avec la réforme de 2004, des efforts ont été demandés à tous les acteurs du système de santé, et c'est d'abord aux efforts des Français que nous devons les premiers résultats enregistrés.

Nous leur avons demandé de choisir leur médecin traitant ; ils l'ont fait à près de 70 % au moment où je vous parle et, avant la fin du mois, 33 millions de nos concitoyens auront choisi leur médecin traitant.

Nous leur avons demandé d'utiliser davantage les médicaments génériques ; ils l'ont fait, et 89 % d'entre eux disent même être prêts à le faire encore plus.

Les Français ont donc accepté de faire preuve de responsabilité pour conserver leur système de sécurité sociale.

Nous avons cependant estimé que deux acteurs du système de santé pouvaient nous aider davantage.

Je ne parle pas là des médecins, car je n'oublie pas que, par leurs efforts, ils nous permettent d'être aujourd'hui au rendez-vous de la maîtrise médicalisée des dépenses, à laquelle je crois : les 998 millions d'euros ne figuraient pas dans la réforme, mais dans la convention médicale. Quand les professionnels de santé s'engagent, ils ont à coeur de tenir leurs engagements ! Sans le concours des Français, c'est-à-dire des usagers du système de santé, sans le concours des professionnels et, je tiens à le rappeler, sans celui de l'assurance maladie, jamais nous n'aurions eu ces 998 millions d'euros.

Les deux acteurs du système de santé qui peuvent nous aider davantage sont l'industrie du médicament et les organismes complémentaires.

Lors de la discussion générale, j'ai expliqué comment les organismes complémentaires peuvent nous aider à prendre en charge certaines dépenses - je pense aux 18 euros -, de manière que les assurés sociaux ne soient pas, directement ou indirectement, pénalisés. Nous aurons l'occasion de revenir au cours du débat sur le détail des dépenses nouvelles pour les organismes complémentaires, mais aussi et surtout sur les économies nouvelles qu'ils peuvent réaliser. En la matière, je ne prendrai qu'une seule référence : l'avis rendu voilà quelques jours par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Quant à l'industrie du médicament, non seulement son chiffre d'affaires est important, mais celui-ci connaît une progression très significative. Nous avions, de concert avec l'industrie du médicament, misé sur une augmentation de 1 % des dépenses de médicaments en 2005. Elle se situera en fait entre 4 et 5 %.

Il nous a paru possible d'imiter de nombreux pays européens : faire en sorte que le médicament soit payé à son « plus juste prix ».

Monsieur Mercier, je souhaite que nous puissions dépenser davantage pour le médicament quand il est innovant. Convaincu de la nécessité de favoriser la recherche, je me suis rendu, après l'annonce faite par M. le Premier ministre, sur le site d'Alsace BioValley. J'y ai visité des entreprises qui travaillent à la recherche de nouveaux médicaments pour lutter contre l'obésité, contre les maladies neuro-dégénératives. Il faut qu'elles avancent rapidement dans la recherche de nouveaux médicaments grâce auxquels, nous le savons pertinemment, nous combattrons des fléaux que j'espère voir disparaître demain ou après-demain.

Un pays comme le nôtre se doit d'être au rendez-vous du juste prix de ces nouveaux médicaments. Parmi eux, je pense à l'herceptine, qui permet de diminuer de moitié la mortalité du cancer du sein chez les femmes réceptives à un certain facteur. La prise en charge de ce médicament, qui coûte 1 500 euros par mois, ne doit pas être un problème dans un pays comme la France. De même, il est normal que nous prenions en charge le nouveau traitement contre la polyarthrite rhumatoïde, dont le coût est de 1 375 euros par mois.

Nous sommes aujourd'hui en train de faire des efforts : en 2004, nous avons engagé 1 milliard d'euros de dépenses nouvelles pour 196 nouveaux médicaments. La dépense sera la même en 2005, pour un nombre de nouveaux médicaments moins élevé. C'est normal : plus le volume est faible, plus le prix est élevé.

Si je souhaite que notre système de santé continue de financer ces nouveaux médicaments, je m'intéresse aussi à d'autres médicaments que nous pouvons payer moins cher qu'auparavant. Je le dis au vu de ce qui se pratique dans d'autres pays européens : si le générique s'est développé chez nous, pourquoi ne pas le payer au niveau de prix qu'il atteint ailleurs en Europe ? Et si un certain nombre de médicaments de marque, aujourd'hui concurrencés par des génériques, voient leur prix baisser, pourquoi les patients, l'assurance maladie et les organismes complémentaires ne les paieraient-ils pas moins cher ?

C'est dans cet esprit, et parce que la progression dépasse les prévisions, que nous avons souhaité aller au-delà de ce qui avait été décidé dans la réforme de l'assurance maladie ; c'est un choix que j'assume.

Nous en sommes persuadés, l'équilibre que nous avons trouvé nous permet de répondre à l'impératif de recherche et de développement. Nous avons en effet besoin, en Europe, et plus encore en France, d'une industrie pharmaceutique qui maintienne des emplois, car je suis également très attentif à cet enjeu.

En matière pharmaceutique, où nous nous devons d'avoir une stratégie innovante, il importe que l'industrie mondiale continue de considérer la France comme un pays attractif.

Les mesures que nous présentons ont, cette année, un caractère exceptionnel, ce qui nous amènera à repousser un amendement qui voudrait faire de cette taxe sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques un outil pérenne.

Quand on parle du médicament, il faut penser à tous les acteurs de la chaîne, des laboratoires pharmaceutiques aux pharmaciens d'officine, en passant par les grossistes-répartiteurs et les génériqueurs. Ces quatre acteurs, nous les avons rencontrés avec Philippe Bas pour parler de l'ensemble des dispositions du plan.

En ce qui concerne le médicament, il y a deux aspects : d'abord, l'aspect législatif, dont nous débattons dans la plus grande transparence, ici au Sénat comme à l'Assemblée nationale ; ensuite, de nombreux dispositifs réglementaires, dont je me dois de rendre également compte devant la Haute Assemblée.

Ces dispositifs réglementaires, au sujet desquels nous continuons en ce moment à discuter avec les génériqueurs, ne modifient en rien l'équilibre financier qui vous a été proposé dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Nous nous sommes engagés sur un ONDAM, nous nous sommes engagés sur un déficit. Les discussions que nous avons ne sauraient remettre en cause l'équilibre entre les dépenses et les recettes que nous déterminons avec le Parlement, et nous sommes toujours dans la logique de ce déficit de 6, 1 milliards d'euros. C'est l'objet de l'amendement que je présenterai dans quelques instants au nom du Gouvernement.

Vis-à-vis des pharmaciens, nous avions souhaité mettre en place un certain nombre de dispositifs. La logique des médicaments à service médical rendu insuffisant, qui existe depuis 1999, a été mise en place à l'époque par Mme Aubry. On s'est arrêtée aussitôt après une première vague. Je ne sais pas si la proximité des échéances de 2002 a empêché que l'on aille au bout de cette logique scientifique, mais toujours est-il que c'est la réalité, et personne n'en disconvient tant il apparaît que des décisions de ce genre ne sont pas toujours faciles à prendre.

La Haute Autorité de santé a pris ses responsabilités. En tant que ministre de la santé, j'ai pris les miennes. Mais je pense que les Français comprennent bien aujourd'hui que, au-delà de la querelle plus ou moins sémantique sur ce qui est efficace et ce qui ne l'est pas, le véritable enjeu concerne le caractère prioritaire ou non des médicaments.

Or les médicaments dont nous avons parlé, portant sur de nouvelles pathologies ou destinés à faire face à des maladies comme le cancer ou la polyarthrite, sont aujourd'hui prioritaires dans notre pays.

Nous devons toutefois être attentifs à l'impact de telle ou telle mesure. Voilà pourquoi, avec les pharmaciens, nous sommes convenus d'éviter les mauvais choix.

Qu'implique le tarif forfaitaire de responsabilité ? Qu'au bout d'un certain temps, une classe de médicaments est remboursée sur la base du générique. En définitive, le médicament de marque devrait normalement être payé plus cher que le générique, mais remboursé au prix du générique. Cela, c'est la théorie, car les choses ne se passent jamais ainsi. Pourquoi ? Parce que les médicaments de marque alignent leurs prix sur ceux des génériques, et ce qui est a priori une bonne idée se révèle, en définitive, ne plus en être une, car il n'y a plus de lisibilité, il n'y a plus à proprement parler de choix entre le générique et le médicament de marque.

Or le tarif forfaitaire de responsabilité, qui existe depuis des années, a été confirmé dans la réforme de l'assurance maladie. Mais, à en discuter avec les pharmaciens, nous avons pensé que l'application d'un tarif forfaitaire de responsabilité systématique et automatique à 24 mois, s'appliquant en plus sur le stock actuel, allait à l'encontre de la capacité des officinaux à stimuler le développement du générique.

Philippe Bas et moi-même ne voulons pas prendre de décision qui aille à l'encontre des objectifs que nous avons définis. Appelez cela comme vous le voulez : moi, j'appelle cela de l'écoute et du pragmatisme ; ce choix, je le revendique et je l'assume. Je pense qu'il ne sert à rien de chercher quelque chose d'automatique et de systématique quand on peut être aussi efficace en étant un peu plus pragmatique.

Nous avons donc préféré, en accord avec les officinaux, faire le choix de la montée en puissance continue du générique, dont le taux de pénétration peut augmenter cette année de six points. S'il n'y avait plus de marge de progression possible pour les génériques, nous n'aurions pas fait ce choix.

Au-delà des pharmaciens, j'en ai parlé aussi avec les représentants de l'assurance maladie et avec les médecins. Médecins et pharmaciens vont conclure des accords pour que, en matière de prescription de génériques, les uns et les autres cessent de se renvoyer la balle.

Nous avons fait un choix qui a été confirmé : la possibilité d'élargir, dans le respect du droit européen, chaque fois que ce sera possible, le répertoire du générique, de prescrire davantage en dénominations communes internationales, pour permettre aussi de promouvoir le générique.

Il y a de la place pour le générique dans ce pays, comme il y a de la place pour les médicaments de marque. Mais je pense que les officinaux ne voulaient pas d'une mesure qui leur donnait le sentiment de voir ruinés tous les efforts qu'ils avaient déployés pour promouvoir le générique. En effet, si le générique marche depuis quelques années et si nous atteignons environ 60 % de médicaments génériques dans une classe généricable, on le doit principalement, j'en suis parfaitement conscient, aux officinaux.

Il n'était pas question de revenir sur cette montée en puissance. Si nous pouvons trouver des mesures nous apportant les mêmes sommes, mais en nous écartant du systématisme, ce sont ces mesures-là que nous retenons.

Plutôt que d'appliquer le tarif forfaitaire de responsabilité, nous avons donc décidé de rester dans la logique qui avait été celle de la réforme. Nous avons privilégié les baisses de prix des génériques et des princeps de la même classe pour aller jusqu'à 15 % de baisse, ce qui nous place au niveau de la moyenne européenne.

Je sais que, parmi les mesures aujourd'hui mises en place pour les pharmaciens, certaines étaient attendues de longue date ; je pense au service médical rendu insuffisant, ainsi qu'à un certain nombre de mesures du plan qui étaient connues depuis longtemps. Mais ils ont eu le sentiment qu'avec le tarif forfaitaire de responsabilité systématique à 24 mois, tous leurs engagements passés n'avaient plus lieu d'être. C'est la raison pour laquelle nous avons fait cet autre choix, celui de la baisse de prix des génériques et du répertoire y afférent.

En contrepartie, dans le cadre de la loi Jacob-Dutreil, il convient de revenir sur les marges arrière, dont le montant a été important par le passé. La disparition de ces marges arrière doit profiter à tous les acteurs en termes de diminution des prix.

Nous n'avons pas parlé que de cela avec les génériqueurs, avec les pharmaciens, avec le LEEM, avec les grossistes-répartiteurs : nous avons également évoqué l'avenir de la profession. Des sujets sont sur la table depuis bien longtemps. J'ai mentionné l'élargissement du répertoire. Il y a aussi la façon dont les pharmaciens peuvent nous aider, dans le cadre du dossier médical personnel, à lutter contre l'iatrogénie, contre les interactions médicamenteuses. Je pense que, dans le respect de la confidentialité du patient, ils peuvent également beaucoup nous apporter à cet égard, grâce à la très large expérience qu'ils ont acquise.

Autre question importante, celle des officines minières, dont nous allons parler dans le cadre de ce débat parlementaire.

Quant au système de rémunération des gardes médicales, il est actuellement tout sauf moderne : il est fonction du nombre d'ordonnances prescrites au cours de la nuit, alors que cela nécessite bien souvent du personnel et que vous n'avez même pas l'assurance que les gardes pharmaceutiques correspondent aux gardes médicales dans un département.

Nous nous sommes engagés à ce que siègent dans les CODAMUPS - comités départementaux de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires - des représentants des pharmaciens, de manière que les gardes médicales et les gardes pharmaceutiques soient mises en adéquation.

Il est en outre nécessaire que l'assurance maladie dégage des moyens pour mieux rémunérer les gardes des officinaux.

Autant de perspectives qui sont devant nous, autant d'engagements qui doivent être pris avec l'assurance maladie.

À la sanction collective du TFR je préfère des engagements, des objectifs individuels. Et je compte fermement sur l'engagement des pharmaciens à nous faire gagner le pari d'une poursuite de l'essor du générique. Je pense que nous pouvons, à l'instar de certains pays européens, aller bien au-delà des 60% actuels.

À la sanction, à tout ce qui relève du systématisme, je préfère la confiance. Et je veux dire à ceux qui travaillent dans la chaîne du médicament qu'ils peuvent continuer à avoir confiance dans ce pays, qui saura toujours permettre la présence sur tout le territoire des officinaux, qui saura permettre à l'industrie pharmaceutique de chercher et de trouver les médicaments dont nous avons besoin.

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