Intervention de Laurence Cohen

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 7 juillet 2021 : 1ère réunion
Audition de M. éric duPond-moretti garde des sceaux ministre de la justice

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Je veux poursuivre sur la lancée de ces questions pour que nous continuions à nous poser, ensemble, la question des tribunaux spécialisés. L'exemple de l'Espagne me paraît tout à fait intéressant. Il me semble que le tribunal spécialisé serait un point d'appui favorisant l'articulation entre le civil et le pénal. Vous l'avez dit, il y a des difficultés, des manques d'articulation. Nous voyons bien, dans nos territoires, qu'il n'y a pas vraiment de communication entre beaucoup de juges aux affaires familiales (JAF) et de procureurs. C'est problématique, notamment lorsqu'il s'agit de décider des droits de visite. Je vous demande tout de même, à la lumière de nos interventions, de réfléchir à nouveau à cette question des tribunaux spécialisés. Ce n'est pas uniquement un sujet émergeant dans les rangs de quelques parlementaires, de toutes sensibilités politiques d'ailleurs. C'est vraiment une revendication des associations féministes qui s'occupent des victimes de violences. C'est important.

Nous n'en avons pas parlé, mais je pense que vous ne pouvez que souscrire au fait que la justice a besoin de moyens supplémentaires pour affronter ses missions. Si nous ne prenons que les violences intrafamiliales, nous constatons tous une lenteur dans les enquêtes, qui durent des mois. Tant que le harceleur n'a pas été entendu, il n'y a pas de protection des victimes, ce qui les met en danger. Elles doivent faire comme si de rien n'était et continuer à côtoyer l'individu. J'aimerais vous entendre sur cette question.

Autre problématique, une victime ne peut pas se présenter dans une unité médico-judiciaire (UMJ) sans avoir déposé plainte, y compris pour faire constater des lésions. Or, seulement 10 % des femmes déposent plainte. Dans d'autres pays, il n'est pas nécessaire de le faire pour avoir recours à l'UMJ. Ne pourrait-il pas y avoir, de votre part, une modification des règles du jeu permettant une simplification, et donc une possibilité supplémentaire pour les femmes d'avoir une réquisition du parquet ?

Je m'interroge également concernant la définition des violences et notamment des violences psychologiques qui sont difficilement prises en compte. Ne devons-nous pas revoir leur définition, qui peut constituer un blocage à la reconnaissance du statut de victime ? C'est également le cas de la définition des violences économiques. 70 % des agresseurs ont un emploi, contre 40 % des victimes seulement. Nous savons pertinemment que ces conditions socio-économiques ont un impact sur le droit de garde. Nous voyons bien les conséquences et les liens qui existent, y compris au niveau du chantage exercé.

Enfin, ma collègue Laurence Rossignol a évoqué la loi de 2016 sur la prostitution. C'est une bataille importante que nous avons menée dans les hémicycles. Je souhaite des éclaircissements sur le parcours de sortie. On a attiré notre attention sur des femmes à qui les proxénètes ont confisqué les papiers. Elles sont tributaires de leurs bourreaux. Leur parole est difficilement prise en compte, en raison d'une certaine défiance à leur égard. Elles sont femmes, sans-papiers, victimes de la prostitution. Certains prétendent qu'elles sont soutenues par des proxénètes, et que le parcours de sortie est un moyen d'obtenir des papiers. Il faut revisiter cette vision et permettre à ces femmes de sortir de la prostitution.

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