Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est en toute responsabilité et avec l’envie de préserver notre pays des effets de la crise que nous avons adopté les quatre projets de loi de finances rectificatives pour 2020 dès la première lecture, ces textes ayant reçu un large soutien sur ces travées.
Chacun des collectifs budgétaires nous aura permis d’ouvrir des crédits supplémentaires pour faire face à la crise.
Ce sont tout d’abord 6, 3 milliards d’euros qui ont été débloqués, dès le mois de mars 2020, pour répondre dans l’urgence à la première vague. Ces crédits ont très vite été complétés par les 38 milliards d’euros ouverts en avril 2020.
Le troisième projet de loi de finances rectificative nous a permis, en juillet 2020, de fournir un effort légèrement supérieur à 12 milliards d’euros au bénéfice des secteurs les plus en difficulté.
Enfin, à l’occasion du quatrième projet de loi de finances rectificative, plus de 19 milliards d’euros de crédits supplémentaires ont été engagés au mois de novembre 2020.
Chaque fois, ce fut un effort considérable pour nos finances publiques, et, chaque fois, un texte fut très largement adopté sur ces travées.
Maintenant vient l’heure du bilan. Le projet de loi de règlement, en effet, rend compte des crédits votés au cours de l’année et dresse l’inventaire de leur exécution. Je m’étonne donc, mes chers collègues, que certains d’entre vous, qui ont voté à nos côtés tous les PLFR, choisissent de s’abstenir ou de rejeter ce texte.
Certains l’ont déjà dit, ce projet de loi de règlement s’illustre, à la fois, par un écart important avec la loi de finances initiale et par d’importants reports de crédits.
L’écart à la loi de finances initiale n’est pas surprenant au regard des montants que je viens d’évoquer et des quatre PLFR que la crise nous a contraints d’adopter.
Les quelques « surbudgétisations », qu’il est bien facile de constater a posteriori, me semblent témoigner uniquement de la prévoyance du Gouvernement. Certes, elles concernent des montants importants, mais n’oublions pas trop vite le contexte d’incertitude dans lequel les PLFR ont été adoptés. Qu’auriez-vous dit si le Gouvernement, s’appuyant sur des hypothèses trop optimistes, n’avait pas prévu des enveloppes assez larges pour financer les mesures d’urgence ?
Je me souviens de certains collègues dans cet hémicycle qui, jouant les Cassandre lors du troisième ou du quatrième projet de loi de finances rectificative, jugeaient déjà qu’il avait retenu des hypothèses trop optimistes. À l’occasion du PLFR 4, souvenons-nous, c’était pourtant l’hypothèse la plus prudente qui avait été prise en compte, avec un confinement prolongé et une perte d’activité importante. Le confinement de novembre dernier a finalement été moins lourd que prévu pour notre économie et pour nos finances publiques.
Bien entendu, nous en voyons la traduction directe dans la loi de règlement, avec d’importantes enveloppes de crédits non consommés en 2020, crédits dont le report nous a d’ailleurs permis d’affronter les nouvelles restrictions intervenues en avril dernier.
Comme vous tous, mes chers collègues, je suis attaché à l’esprit de la LOLF, à la sincérité et à la bonne tenue de nos comptes publics. Mais soyons honnêtes, cette sous-consommation est une bonne nouvelle pour nos comptes publics. Elle est le signe de la prévoyance du Gouvernement, et je la crois inévitable en période de crise.
Venons-en maintenant à la question du déficit et de la dette. Là encore, c’est une situation qui nous préoccupe tous, et la sortie de crise devra être l’occasion de veiller à rétablir l’équilibre de nos finances. Pour cela, nous devrons trouver les moyens de corriger les défauts structurels qui entraînent, depuis plus de cinquante ans, des budgets de l’État en déficit et une explosion de la dette.
Néanmoins, ne faisons pas de ce vote un prétexte ! J’ose espérer que ceux d’entre vous qui ont voté, à nos côtés, chacun des PLFR de 2020 sauront s’en souvenir et auront le courage d’en tirer les conséquences par leur vote de ce jour.
Par ailleurs, le temps approche où nous pourrons discuter en profondeur de nos règles budgétaires et de la transformation du pilotage des finances publiques.
La proposition de loi de nos collègues députés Éric Woerth et Laurent Saint-Martin est une première étape. Il faudra nous saisir de cette occasion, au-delà des clivages partisans ou de nos désaccords du moment : pour les générations futures, il est dans l’intérêt de tous d’améliorer la gestion de nos finances publiques.
Mais comment ? Comment agir pour rééquilibrer les finances publiques sans recourir à des hausses d’impôts, alors que la dépense publique ne cesse d’augmenter depuis plus de cinquante ans ?
Mes chers collègues, le temps est venu de se doter de nouveaux outils, qui nous permettront de transformer efficacement et rapidement notre gouvernance financière.
La commission présidée par Jean Arthuis a proposé trois pistes en ce sens : à chaque nouvelle mandature, nous pourrions voter une norme de dépense pluriannuelle qui fixerait une trajectoire à respecter ; nous pourrions doter la France d’une nouvelle institution indépendante chargée d’évaluer l’impact des politiques publiques sur nos finances et de faire des prévisions macroéconomiques à plus long terme ; nous pourrions également renforcer les temps de contrôle de l’exécution budgétaire pour l’ensemble des administrations publiques et instituer une loi de règlement pour le PLFSS.
Mes chers collègues, cette crise peut être l’occasion de trouver des solutions nous permettant d’accompagner les réformes structurelles qu’a rappelées le Président de la République et de rénover la gestion de nos finances publiques avec lucidité et ambition.