Intervention de Jean-Michel Arnaud

Réunion du 15 juillet 2021 à 14h45
Orientation des finances publiques et règlement du budget et approbation des comptes de 2020 — Débat et rejet d'un projet de loi

Photo de Jean-Michel ArnaudJean-Michel Arnaud :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 est indéniablement singulier. En effet, il vient clore les comptes d’une année marquée par la plus grave crise que nous ayons eu à traverser depuis la Seconde Guerre mondiale. Fait inédit dans l’histoire budgétaire de notre pays, pas moins de quatre lois de finances rectificatives ont dû être votées par le Parlement pour définir, ajuster, puis recharger les différents mécanismes de soutien à la vie économique du pays.

Contre le cataclysme économique provoqué par la propagation du virus et la suppression d’une partie substantielle de l’offre productive, l’État a pris des décisions inédites, en ouvrant grand les vannes de la dépense publique. À l’effet de ces mesures de soutien s’est ajouté celui de la contraction de l’activité économique sur l’encaissement des recettes publiques. Résultat : la France a vu son déficit public se dégrader de plus de 137 milliards d’euros – c’est vertigineux ! –, et ce pour répondre dans l’urgence à la déflagration de la situation liée au covid-19 et atténuer l’impact des conséquences économiques et sociales de la crise aussi bien sur les familles et les entreprises que sur les collectivités locales.

Le déploiement des mesures d’urgence était nécessaire ; à une écrasante majorité, et sur toutes les travées, nous les avons largement soutenues. Les soutiens publics au titre du chômage partiel ou du fonds de solidarité relevaient d’un impératif de sauvegarde du tissu économique et social. À titre personnel, je pense à l’économie de la montagne dont la survie, dans une période inédite pour elle, reposait exclusivement sur les aides de l’État.

Cela a été rappelé à juste titre : le niveau exceptionnel des crédits reportés en 2021, d’un montant avoisinant les 37 milliards d’euros, entache la sincérité du budget voté. Nous le déplorons d’autant plus, monsieur le ministre, que, depuis le début du quinquennat, vous aviez affiché un respect sourcilleux du principe de sincérité, comme marque de l’exécutif dans la gestion des comptes publics.

Or le dévissage de nos comptes publics traduit surtout le manque d’anticipation et d’efforts du Gouvernement en matière d’assainissement des comptes publics. Oui, si la France avait eu des finances publiques plus saines au début de l’épidémie de covid-19, nos marges de manœuvre auraient été plus grandes aujourd’hui. L’absence de réformes structurelles passées est donc un handicap non seulement pour le temps présent, mais aussi pour l’avenir.

Si l’État est légitime à s’endetter, en particulier en période de relance économique, il ne peut pérenniser un haut niveau d’endettement sans sacrifier notre prospérité de demain, celle de nos enfants. C’est d’ailleurs ce qui nous avait motivés à rejeter, en nouvelle lecture, le projet de loi de finances pour 2020.

Pour paraphraser Jean de La Fontaine, la cigale, ayant emprunté sans compter, se trouva fort dépourvue quand le covid fut venu – et le sera encore plus quand il aura disparu ! Nous ne pouvons plus chanter ni danser tout l’été sans nous soucier de l’avenir de nos enfants. Place au volontarisme, afin d’assainir les comptes de la Nation ! En ce sens, le choix du Gouvernement de ne pas imputer au solde structurel les mesures liées à la crise sanitaire ne fait que renforcer l’illisibilité de la stratégie des finances publiques pour les années à venir.

En bref, le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 est le reflet d’une situation exceptionnelle pour laquelle un effort budgétaire immédiat était indispensable. À moyen terme, la relance économique doit porter ses fruits. À long terme, nous ne pourrons faire l’économie d’une véritable stratégie de redressement des comptes publics, afin de conserver la maîtrise de nos finances publiques, en direction des collectivités locales.

Comme l’a souligné tout à l’heure Vincent Delahaye, la situation des collectivités locales est certainement la plus inquiétante, surtout en ce qui concerne les services publics de proximité. Nous aurons à discuter, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, de l’impact qu’aura eu sur nos finances publiques la manière dont le Gouvernement a géré cette crise.

Notre groupe, très majoritairement, s’abstiendra sur ce projet de loi de règlement. Nous laissons à chacun de nos membres la liberté de voter comme il l’entend, en son âme et conscience – je sais déjà que le vote de certains d’entre eux sera favorable.

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