Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde a changé, mais les mots du Gouvernement restent les mêmes : baisse des impôts et maîtrise des finances publiques. Je note que la différence avec la majorité sénatoriale porte non pas sur la nature de votre politique, mais sur le rythme, l’ampleur, le niveau et les modalités d’exécution. Mon groupe et moi-même ne partageons ni le satisfecit du Gouvernement ni ses orientations politiques.
Disons-le : la crise économique, d’une violence inouïe en temps de paix, a rendu dérisoires les efforts budgétaires opérés au début du quinquennat en faveur des finances publiques, car les sacrifices sur lequel ils reposaient sont douloureux. J’en donnerai deux exemples : la chute de la production de logements depuis le début de ce quinquennat – on sait à quel point cela pèse sur le pouvoir d’achat des Français – et la situation de l’hôpital, mise en exergue de façon ô combien douloureuse.
Nous ne partageons pas non plus le discours actuel du Gouvernement : sortir le plus vite possible du « quoi qu’il en coûte » pour faire comme avant, voire amplifier le déséquilibre provoqué par la politique menée. Bien sûr, il faut maîtriser les finances publiques. La maîtrise reste un terme assez flou, mais nous l’approuvons si tant est qu’elle signifie contrôler notre destin.
Ce n’est pas qu’une histoire de cigale et de fourmi… On peut et l’on doit maîtriser les finances publiques avec la volonté de réduire les inégalités, avec le souci de l’équilibre et de la justice, avec le souci de la capacité d’action publique. C’est d’autant plus essentiel après cette crise !
Je pense aussi que l’on peut y parvenir en changeant de modèle. Telle ne semble pas être votre volonté, monsieur le ministre. Continue-t-on, d’un côté, à baisser les impôts du capital et, de l’autre, à faire semblant de les baisser pour les ménages ? En réalité, en effet, on reprend d’une main ce que l’on donne de l’autre !
Monsieur le ministre, vous oubliez de rappeler la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) au début du quinquennat. Vous oubliez de mentionner le prolongement de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) au moins jusqu’à 2033, pour un montant de 136 milliards d’euros. Vous oubliez de dire que la grande part de l’effort repose, en fait, sur le déficit public, donc sur les générations prochaines.
Même la suppression de la taxe d’habitation, maintenue en 2022-2023, va accroître les inégalités, alors que, dans le programme du candidat Emmanuel Macron, elle était présentée comme une mesure de lutte contre les inégalités. Certes, ces dernières années, le Gouvernement a dû céder un certain nombre de mesures sur la CSG ou l’impôt sur le revenu, mais, s’il l’a fait, c’est face à la contestation de sa politique, en particulier lors de la crise des « gilets jaunes ».
Je remarque que, à défaut de se réinventer, le Gouvernement est aujourd’hui sur la défensive. Il reconnaît que sa politique n’est plus adaptée, puisqu’il renonce aux baisses d’effectifs prévues dans la fonction publique. Je me réjouis de ce renoncement, mais un renoncement ne fait pas une politique.
Quelles sont donc les perspectives du Gouvernement à l’heure actuelle ? L’extinction la plus rapide possible des mesures de soutien ? Restons prudents. La réforme des retraites ? On ne sait plus trop laquelle. La réforme de l’assurance chômage, sans cesse reportée, tellement elle est douloureuse ?
Pendant ce temps, le patrimoine des plus grandes fortunes françaises a augmenté de 30 %. Pour nous, il n’est pas possible de parler de l’avenir des finances publiques sans lier cette question aux deux grands enjeux de l’avenir : la transition écologique et la lutte contre les inégalités.