Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’intéresserai non pas aux perspectives d’évolution de nos finances publiques, que Christine Lavarde a déjà largement analysées, mais aux résultats de l’année 2020.
La crise économique la plus grave que nous ayons connue après la Seconde Guerre mondiale a entraîné mécaniquement une dégradation de nos finances publiques, à un niveau jamais atteint depuis 1944 : chute des recettes fiscales, hausse massive des dépenses d’urgence et de relance pour sauver notre économie et, par voie de conséquence, niveaux de déficit et de dette publique record.
Si nous avons soutenu en 2020 les mesures d’urgence nécessaires – notre groupe a voté les quatre collectifs budgétaires l’an passé, ainsi que le projet de loi de finances rectificative adopté voilà quelques jours –, nous estimons que la dégradation de nos finances publiques en 2020 résulte de l’absence d’efforts suffisants de redressement de nos comptes publics au début du quinquennat.
Selon le rapport préparatoire du Gouvernement au présent débat, « l’effort de maîtrise des comptes publics opéré de 2017 à 2019 a permis de disposer de marges de manœuvre pour répondre de manière efficace à la crise sanitaire ». La Cour des comptes ne partage pas du tout cette analyse, notre groupe non plus. Elle observe, au contraire, que la France a abordé la crise alors que ses finances publiques étaient insuffisamment redressées. Notre déficit public avant-crise était de - 3, 1 % en 2019 ; il était, avec celui de la Roumanie, le plus important des vingt-sept États membres de l’Union européenne. Les deux tiers des États membres étaient alors en excédent budgétaire et la moyenne des comptes publics en Europe était à l’équilibre.
Nous ne disposions donc d’aucune marge de manœuvre budgétaire pour financer les mesures de sauvegarde de notre économie, contrairement à la plupart de nos voisins européens, à commencer par l’Allemagne, qui disposait de plus de 13 milliards d’euros d’excédent budgétaire.
Si notre groupe se félicite que les impôts n’aient pas été augmentés, il déplore toutefois l’absence d’économies au début du quinquennat. Exactement comme sous le quinquennat précédent, les économies n’ont cessé d’être repoussées à plus tard : réforme des retraites continuellement reportée, abandon de la promesse de réduction de 50 000 emplois au sein de l’État et de ses opérateurs.
Comme l’a souligné la Cour des comptes en 2019, les dépenses publiques françaises étaient les plus élevées de l’Union européenne, se situant 8, 8 points au-dessus de la moyenne, sans pour autant montrer toute leur efficacité. Au déficit public excessif s’ajoute un déficit commercial sans équivalent en Europe – c’est sans doute ce qui nous inquiète le plus. En cumul glissant sur douze mois, le déficit commercial s’établit à 70 milliards d’euros, soit à un niveau historiquement haut.
Comme le remarquait encore récemment Jean Peyrelevade, notre attractivité continuera d’être interrogée et la question des fonds propres des entreprises, que j’ai déjà évoquée ici, est devant nous. Résultat : alors que la France et l’Allemagne avaient le même niveau de dette avant la crise de 2008, un écart de 40 points s’est creusé entre elles en 2019.
J’en viens aux collectivités territoriales. Si l’impact de la crise a été moindre que redouté, il a tout de même eu des conséquences sur les finances locales. Selon la Cour des comptes, en 2020, l’épargne brute globale des collectivités locales a diminué de plus de 10 % et les dépenses d’investissements se sont contractées de 7, 1 %. Certaines communes ont été particulièrement touchées.
Des filets de sécurité ont certes été mis en place, quelques-uns sur l’initiative du Sénat. Toutefois, pour 2021 et 2022, un certain nombre de questions subsistent. Quid des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des départements, qui vont être confrontés à des pertes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) plus importantes qu’en 2020 ? Quid des conséquences importantes en matière de potentiel fiscal, donc de péréquation, liées à la réforme de la taxe d’habitation ? Le dispositif de neutralisation des indicateurs financiers qui servent à la répartition des dotations et des fonds de péréquation sera-t-il reconduit en 2022 ?
Attention à ne pas faire payer demain la note de la crise aux collectivités, comme on commence à le lire ici ou là ! Cette piste figurait dans le rapport de Jean Arthuis sur l’avenir des finances publiques et on la retrouve dans le projet de loi d’orientation des finances publiques. Les collectivités territoriales ne sont en rien responsables de ce déficit. Elles n’empruntent que pour investir et ne concourent qu’à hauteur de 2 % à la dégradation du solde public.
En conclusion, si nous avons soutenu le Gouvernement dans la lutte contre la crise économique en 2020, nous n’avons pas cautionné l’état des comptes publics du début d’année, avant la survenance de cette crise. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons modifié le projet de loi de finances initiale pour 2020.
De surcroît, les reports de crédits de 2020 sur 2021 atteignent des degrés inédits et, comme l’a souligné M. le rapporteur général de la commission des finances, cette situation nuit à la sincérité des comptes de l’année passée. Je pense notamment aux crédits du programme 203 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur spécial : les 4 milliards d’euros de recapitalisation de la SNCF ont été intégralement reportés, alors même que la situation financière de cette entreprise ne manque pas de nous inquiéter. Monsieur le ministre, vous avez d’ailleurs tracé des perspectives en ce sens pour le projet de loi de finances pour 2022.
Pour toutes ces raisons, les élus du groupe Les Républicains s’abstiendront sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020.