Intervention de Raymonde Poncet Monge

Réunion du 15 juillet 2021 à 14h45
Différenciation décentralisation déconcentration et simplification — Article 39

Photo de Raymonde Poncet MongeRaymonde Poncet Monge :

Nous savions que cette disposition figurait dans les deux textes. Outre que je partage les raisons exposées par mes collègues pour justifier la suppression de cet article, je préfère voir figurer cette mesure dans le projet de loi relatif à la protection des enfants, car il s’agit bien là de respecter l’intérêt supérieur de l’enfant.

En effet, seuls 30 % des jeunes qui demandent la reconnaissance de leur minorité la voient reconnue lors de l’évaluation par les départements et accèdent ainsi aux dispositifs de protection de l’enfance, selon des modalités plus ou moins satisfaisantes. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point, notamment sur l’hébergement en hôtel, qui devrait être proscrit quand il s’agit d’enfants.

Par ailleurs, près de 60 % des jeunes qui sont déclarés non mineurs par les services départementaux d’aide sociale à l’enfance et qui formulent un recours auprès du juge pour enfant voient leur minorité reconnue par l’autorité judiciaire. La plupart d’entre eux sont donc bien des enfants !

Cela nous interroge sur les modalités d’évaluation mises en œuvre par les départements : leur harmonisation mériterait d’être améliorée. C’est d’ailleurs peut-être l’une des raisons du nomadisme qui a été évoquée.

Durant toute la période d’examen du recours contre la non-reconnaissance de minorité, procédure qui peut durer plusieurs mois, ces enfants ne dépendent souvent d’aucun dispositif. Ils se retrouvent la plupart du temps à la rue, exclus de toute forme de protection comme de subsistance, ce qui les soumet à certains réseaux mafieux.

Ce vide entre la décision de l’aide sociale à l’enfance et celle du juge pour enfants, ce « ni-ni » – ni mineur ni majeur –, sont des situations qui ne respectent pas le droit international, lequel consacre le principe de présomption de minorité de manière claire, tant dans la jurisprudence que dans les textes internationaux. Oui, nous avons signé les conventions en la matière ! Ainsi, en 2019, trois décisions du Comité des droits de l’enfant des Nations unies rappellent que, jusqu’à la décision judiciaire définitive, la personne doit être protégée et traitée comme un enfant.

Dans son avis sur le projet de loi relatif à la protection des enfants, que nous examinerons à l’automne prochain et qui contient un article identique, la Défenseure des droits déplorait qu’une fois de plus le texte ne consacre pas la présomption de minorité telle qu’elle est pourtant affirmée par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies.

Nous avons déposé un amendement en ce sens, qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution – c’est une preuve de la non-application du principe de présomption de minorité. Nous le regrettons comme une occasion manquée pour la France de se conformer sans ambiguïté à la Convention internationale des droits de l’enfant qu’elle a signée.

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