L'article 16 vise à approuver le montant de 21, 6 milliards d'euros correspondant à la compensation des exonérations de charges que le Gouvernement consent aux entreprises.
L'introduction de cet article est bien la preuve de la non-application du principe de compensation intégrale prévue depuis la réforme de 1994. L'inscription de ce principe dans la loi organique n'y change rien.
En 2006, il manquera 2, 7 milliards d'euros, notamment en raison des contrats d'avenir et des contrats nouveaux créés par la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, votée au début de l'été dernier, et dont les exonérations ne sont pas compensées. De même, le « bonus exceptionnel » de M. de Villepin, dont nous avons précédemment parlé, ne prévoit pas la compensation des exonérations. Il faudrait donc commencer par appliquer la loi !
A cet égard, je me fais l'écho d'une des recommandations de la Cour des comptes, qui demande que le Gouvernement s'engage à ce que L'État rembourse à la sécurité sociale tout ce qu'il lui doit. Il semble que ce ne soit malheureusement pas le chemin qu'a choisi de prendre ce Gouvernement.
En effet, il est prévu d'affecter neuf taxes et impôts différents, ce qui permet de douter de la réalité de la compensation.
La question doit donc être posée : comment s'effectueront les compensations après 2006 ? On peut penser que le montant des exonérations de charges risque de s'accroître alors que la croissance des recettes ne sera pas aussi dynamique.
Avant que ne soit effectuée la régularisation, le budget de la sécurité sociale servira à fournir les bons de trésorerie des entreprises. Voilà un système bien pratique !
S'agissant du mécanisme de régularisation, je souhaiterais être éclairé sur le V de l'article 41 du projet de loi de finances pour 2006.
Celui-ci dispose que « le Gouvernement remettra au Parlement en 2008 et 2009 un rapport retraçant, au titre de l'année précédente, d'une part les recettes des impôts et taxes affectés aux caisses et régimes mentionnés au III en application du présent article et, d'autre part, le montant constaté de la perte de recettes liée aux allégements de cotisations sociales mentionnées au I. En cas d'écart supérieur à 2 % entre ces deux montants, ce rapport est transmis par le Gouvernement à une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes, désigné par le Premier président de la Cour des comptes et comportant des membres de l'Assemblée nationale, du Sénat, des représentants des ministres en charge de la sécurité sociale et du budget, ainsi que des personnalités qualifiées, qui lui donne un avis sur d'éventuelles mesures d'ajustement. »
Il semblerait que les pertes inférieures à 2 % demeurent à la charge de la sécurité sociale. Vous abrogez donc implicitement la réforme de 1994. Il faudrait que vous vous exprimiez clairement sur ce sujet devant la représentation nationale, monsieur le ministre !
Je ne doute pas que le rapporteur de notre commission, qui exige toujours une compensation intégrale, campera sur ses positions. Rappelons-nous la bataille qui avait été livrée l'année passée contre - allais-je dire - la commission des finances ! C'est un problème dont nous débattrons dans quelques semaines.
Enfin, je veux dire un mot sur le principe même des exonérations de charges.
La part des cotisations patronales en faveur de la protection sociale est passée en un peu plus de vingt ans de 46 % à seulement 20 % des recettes totales, au seul prétexte que le coût du travail pèse sur le dynamisme économique.
Pourtant, cette hypothèse de départ est aujourd'hui décriée de toute part. L'OCDE elle-même, dans sa toute dernière étude, est obligée de convenir qu'il n'existe pas de lien effectif, au regard des situations des différents pays européens, entre le coût du travail, le taux de chômage et la croissance.
Il faut sortir de cette logique libérale d'exonération des charges patronales, qui est non seulement destructrice d'emplois, mais aussi inutilement productrice de pauvreté et d'inégalités sociales, l'actualité le démontre cruellement.