Monsieur le ministre, vous avez fait une distinction tout à l'heure entre les exonérations « vertueuses » et - bien que vous n'ayez pas voulu utiliser ce terme - les exonérations « vicieuses ». Une telle distinction est facile à affirmer, mais beaucoup plus difficile à prouver !
Vous vous êtes référé à une étude de l'INSEE qui aurait démontré que certaines exonérations créaient des emplois, de même qu'il a été dit que la réduction du temps de travail avait créé près de 300 000, 400 000 ou 450 000 emplois.
Je peux, à mon tour, citer une étude, qui vaut ce qu'elle vaut, réalisée en 2001 par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, organisme relevant du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, qui estime que les allégements de cotisations sociales effectués jusqu'en 1995, représentant un coût de 40 milliards de francs, soit près de 6 milliards d'euros, - ce qui n'est rien à côté de ce que l'on dépense maintenant - ont permis 170 000 créations d'emploi au total, ce qui correspond - entendez bien - à un coût de 35 800 euros par emploi créé ! A ce compte-là, l'État aurait pu procéder lui-même à ces embauches, ce qui lui aurait peut-être coûté moins cher !
En réalité, nous manquons cruellement d'études fiables nous permettant d'établir un lien de causalité entre les exonérations de charges et les créations d'emplois.
Cette politique d'exonération s'étant développée, il serait utile de faire le point, ne serait-ce que pour départager, d'un côté, ceux qui affirment sans preuve que de telles exonérations sont assimilables à une subvention publique en faveur des employeurs afin de les encourager à sous-rémunérer les salariés, y compris qualifiés, et de l'autre, ceux qui estiment que la baisse des charges est une mesure gratuite, entièrement compensée par les créations d'emplois.
A cette occasion, il serait également intéressant d'étudier la situation sur le plan international, afin de voir s'il existe un lien entre le coût moyen du travail et le taux de chômage.
Telle est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je serais très heureux si, pour une fois, vous acceptiez notre amendement qui tend à demander au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 1er juin 2006, un rapport déterminant le nombre total d'emplois créés au cours des cinq dernières années grâce aux exonérations, réductions ou abattements d'assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale.
Ce rapport permettrait soit de faire faire des économies à la sécurité sociale, soit de nous engager dans une politique de création d'emplois afin de résoudre les problèmes de chômage que nous connaissons actuellement.
Par conséquent, cet amendement ne peut être que bénéfique ; c'est pourquoi je demande au Sénat de l'adopter.