Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, merci de votre présence. Je me rends toujours au Sénat avec grand plaisir, mais aussi beaucoup d'intérêt.
Vous l'avez dit et je le répète avec détermination, l'engagement de la France aux côtés des chrétiens d'Orient et des minorités, qui remonte à 1536, est historique. Il ne s'agit donc pas seulement d'une réaction aux exactions épouvantable commises par Daech à l'encontre des chrétiens d'Orient et des minorités irakiennes et syriennes, qui se sont développées depuis 2014.
Au-delà de la guerre que notre pays a menée et que nous n'avons pas achevée, la persécution des chrétiens d'Orient par les djihadistes du Levant n'est pas notre seule préoccupation à leur égard. Sur fond de guerre, de bouleversements économiques, de discrimination, de violence, ces conditions de vie les ont poussés à l'exil dans des proportions massives, et c'est bien le sujet central. Nous en avions déjà parlé précédemment. La population globale de la région s'en est trouvée drastiquement réduite et les populations qui sont restées occupent désormais une position encore plus minoritaire dans les sociétés auxquelles ils appartenaient.
Ce mouvement de fond constitue notre préoccupation centrale et il est clair que leur situation ne pourra s'améliorer durablement sans résolution des crises politiques et des conflits du Moyen-Orient -c'est une de nos priorités, et j'y consacre une partie de mon temps-, mais cela ne pourra s'améliorer sans des législations plus équitables et des politiques plus inclusives.
Des mouvements sont à souligner dans ce cadre. Nos partenaires semblent, pour certains, s'être engagés dans cette voie. Je pense en particulier à l'Irak, où Noël est devenu, par exemple, un jour férié pour tous. Je pense à l'Égypte, où le président Abdel Fattah al-Sissi a décidé la construction de la cathédrale de la nativité de la nouvelle capitale du Caire, qu'il a inaugurée avec le pape de l'Église copte orthodoxe Tawadros II. Il a également nommé pour la première fois une femme copte à un poste de gouverneur.
Plus généralement, les autorités religieuses musulmanes sont nombreuses à professer leur respect des chrétiens et le devoir de respecter leurs droits. C'est relativement récent par rapport à ma précédente communication sur ce sujet. Il faut également relever le déplacement historique du pape François aux Émirats arabes unis, en 2019 et en Irak, en mars dernier. Il a d'ailleurs, à cette occasion, rencontré la principale autorité religieuse du chiisme, l'ayatollah Ali al-Sistani, après que nous-mêmes ayons pu l'approcher à Nadjaf.
Le pape et le grand imam de la mosquée de l'université al-Azhar ont par ailleurs signé la déclaration d'Abou Dhabi sur la fraternité humaine pour la paix mondiale. Ces deux autorités religieuses ont créé en outre un Haut Comité pour la fraternité, soutenu par l'Égypte et les Émirats arabes unis, chargé de promouvoir la mise en oeuvre des objectifs de la déclaration.
Ce sont des éléments plutôt positifs en matière d'inclusivité. Malheureusement, force est de constater que bien des sujets de préoccupation demeurent, en dépit de ces raisons d'espérer que je viens d'indiquer, et les crises continuent à nourrir la pauvreté, à susciter les violences et à contraindre au départ nombre de femmes, d'hommes et d'enfants.
Je voudrais aussi rappeler que, quelle que soit la force des liens historiques qui nous unissent aux chrétiens d'Orient, les principes au nom desquels notre République s'engage à leurs côtés nous portent aussi à oeuvrer pour la protection et l'intégration de l'ensemble des minorités ethniques et religieuses de la région. Notre action sur le terrain n'en a d'ailleurs que plus de cohérence et d'efficacité.
Notre conviction est que la diversité ethnique et religieuse est non seulement une part constitutive de ces sociétés du Proche et du Moyen-Orient, mais également un atout pour leur avenir. La situation des chrétiens d'Orient est liée à celle des autres minorités de la région. Je pense aux Yézidis, aux Shabaks, aux Baha'is, aux Kakaiyyas, mais aussi aux sunnites en pays chiite et aux chiites en pays sunnite.
Je pense aussi, au-delà des chrétiens appartenant aux églises historiques qui existent depuis 2000 ans au Moyen-Orient, à une partie des chrétiens dont on ne parle pas assez souvent, que sont les millions de chrétiens d'origine étrangère venus dans les pays arabes, notamment dans les pays du Golfe, pour y travailler.
Je pense enfin aux personnes de plus en plus nombreuses converties de l'islam au christianisme, souvent par des églises évangéliques. Nous devons donc agir sur l'ensemble du spectre pour faire respecter les identités et permettre la diversité ethnique et religieuse.
Vous avez rappelé que la France, après avoir appelé l'attention du Conseil de sécurité sur cette question, en mars 2015, avait organisé en septembre la conférence de Paris sur la protection des victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient. Le plan d'action qui en est issu demeure notre feuille de route, tant dans son volet politique que dans son volet humanitaire. Il s'agit de permettre le retour en sécurité des réfugiés et des personnes déplacées ou, dans le domaine judiciaire, de lutter contre l'impunité.
Nous nous attachons encore aujourd'hui à ce que les principes qui sont issus de cette feuille de route restent inscrits à l'agenda international, que ce soit la promotion d'une citoyenneté égale pour tous, l'éducation ou la réinsertion économique des réfugiés.
Nous avions convenu d'une autre conférence de même domaine mettant encore davantage l'accent sur l'enjeu d'une citoyenneté inclusive dans les sociétés de la région. Elle devait avoir lieu fin 2019. Nous avions passé des accords avec les autorités irakiennes pour la coorganiser à Bagdad, afin qu'un événement de portée internationale puisse s'y dérouler à la suite de la réunion de 2015. Il était opportun de le faire à la suite de l'échec et de la fin du califat territorial de Daech. C'était significatif et symbolique à tous égards, mais la situation en Irak nous a conduits à repousser plusieurs fois cette échéance, d'abord du fait des mouvements de contestation populaire et des violences qui ont eu lieu à l'automne 2019, puis à la suite de la démission du Premier ministre Abdel Mahdi et de son remplacement, en mai 2020, par le Premier ministre Moustafa al-Kazimi.
Tout cela a constitué une situation quelque peu tendue. Puis des attaques contre les emprises de la coalition ont eu lieu et se poursuivent d'ailleurs, puisqu'il y en a eu une hier soir à Erbil par drones. Nous avons également assisté à l'élimination du général iranien Qassem Soleimani en janvier 2020, puis la crise sanitaire et il faut maintenant tenir compte de la proximité du scrutin législatif anticipé du 10 octobre en Irak.
Je reste déterminé dans l'idée d'organiser cette réunion en Irak. Je pense que c'est le bon pays et le bon moment, mais on ne pourra le faire que lorsque la situation politique et les conditions de sécurité seront stabilisées. C'est donc après les élections en Irak, en souhaitant qu'elles se passent bien, que nous pourrions envisager un nouveau forum coprésidé par les autorités irakiennes. Je ne pense pas qu'il y aura d'opposition pour l'organiser assez rapidement. Je le souhaite en tout cas. C'est un outil d'affirmation des politiques publiques, de nos principes fondamentaux et de notre volonté de lutter contre toutes les exactions, en particulier contre la résurgence de Daech.
La semaine dernière s'est tenue à Rome, pour la première fois depuis longtemps, une réunion de la coalition contre Daech en présentiel. Les principaux acteurs y ont marqué leur volonté de poursuivre le combat. Nous ne sommes pas sortis de cette situation, on le voit bien. Si l'Irak ne se redresse pas, il peut y avoir des risques de résurgence de Daech.
Il importe donc d'encourager la pacification irakienne, qui n'est pas encore au rendez-vous. Un accompagnement militaire a été une nouvelle fois annoncé par les différents acteurs, dont nous sommes, dans le domaine de la formation. Un redressement économique est indispensable sous peine de voir réapparaître, en particulier dans les zones sunnites, les initiatives de Daech, qui vit aujourd'hui dans la clandestinité, mais qui reste très présent, avec des actes de violence et des dérives de milices pro-iraniennes. Vraisemblablement, ce qui s'est passé hier à Erbil est symbolique de ces mouvements.
Dans la même logique, nous avons mis en place un fonds de soutien aux victimes des violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient doté de 35 millions d'euros, soit 5 millions d'euros par an, pour accompagner des projets concrets, principalement en Irak, mais également en Syrie, au Liban, en Jordanie et en Turquie.
Nous prenons par ailleurs notre part dans l'accueil des réfugiés et des minorités menacées. Nous avons convenu avec la communauté de Sant'Egidio que des corridors humanitaires permettent d'accompagner dignement des réfugiés syriens du Liban vers la France. Nous le faisons sans ostentation ni publicité, dans des créneaux qui ne sont pas nécessairement faciles et des modes de fonctionnement parfois dangereux.
Nous avons accueilli sur notre sol une centaine de femmes yézidies, avec leurs enfants. Mais l'objectif n'est pas de provoquer des migrations de chrétiens ou de minorités vers la France. Face à l'urgence, il faut essayer de faire en sorte que ces minorités puissent vivre sur les terres où elles ont historiquement leur place.
Parallèlement, nous avons intensifié notre soutien au patrimoine des chrétiens et des autres minorités d'Orient. C'est un sujet de référence. J'ai, il y a quelques jours, visité à Beyrouth la bibliothèque orientale de l'université Saint-Joseph, dont nous avons assumé la reconstruction, après les dégâts causés par l'explosion du 4 août dernier.
Nous avons aussi contribué à la réhabilitation du monastère de Mar Behnam, avec l'Association française Fraternité en Irak. Nous avons restauré les temples yézidis détruits par Daech dans la province du Sinjar. Bref, grâce à notre intervention et, en particulier, grâce à la naissance de la fondation ALIPH (Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit), qui remet en état des bâtiments ou des éléments de patrimoine détruits par la guerre. La France y contribue à hauteur de 30 millions de dollars, et nous poursuivons notre action pour la mise en oeuvre de la protection du patrimoine des chrétiens d'Orient.
Nous allons essayer de faire en sorte que cette association puisse avoir une dimension européenne lors de la présidence française. C'est un des objectifs que je me donne au premier semestre 2022 pour faire en sorte que cette protection et cette réhabilitation du patrimoine soient partagées.
Je pense que nous allons y arriver, et j'observe d'ailleurs avec intérêt que la nouvelle présidente du Louvre, Mme Laurence des Cars, qui va prendre ses fonctions le 1er septembre, a décidé de mettre en oeuvre rapidement le projet de création d'un neuvième département dédié à Byzance et aux christianismes orientaux. C'est une bonne nouvelle.
Ce volet culturel et patrimonial de notre action est indissociable du soutien que nous apportons aux écoles chrétiennes du Proche-Orient, confrontées à des difficultés financières, à travers le fonds de soutien aux écoles d'Orient soutenu et présidé par Charles Personnaz.
La création de ce fonds avait été annoncée par le Président de la République en janvier 2020 à Jérusalem. Le travail a commencé l'été dernier, avec une part égale d'un million d'euros de l'oeuvre d'Orient et d'un million d'euros de l'État, qui nous permettent de financer des projets de restauration de locaux et de soutien aux organisations caritatives.
J'en profite pour saluer la sénatrice Christine Lavarde, qui est membre du Conseil d'orientation de ce fonds, et qui s'y investit beaucoup. Ce Conseil va d'ailleurs se réunir vendredi prochain.
Je voudrais à présent passer en revue les situations dans les différents pays, avant que nous puissions échanger sur tous ces sujets, en commençant par le Liban, où il y avait urgence à soutenir les quelque 30 établissements chrétiens du réseau homologué de l'enseignement français à l'étranger, sur un total de 55 établissements. On compte plus largement 333 établissements chrétiens francophones ou enseignant le français au Liban. Ils accueillent 190 000 enfants et constituent le plus gros contingent d'établissements de cette nature dans la région. Pour mémoire, on en compte 90 en Égypte, 47 en Israël, 30 en Palestine, 40 en Jordanie et 6 en Turquie, pour un total évalué à 400 000 élèves.
En raison de la crise économico-politique qui frappe le Liban et l'explosion survenue dans le port, ce patrimoine éducatif extrêmement précieux, qui est aussi un élément essentiel de notre politique d'influence au service des valeurs de la francophonie, s'est trouvé menacé par toutes ces perturbations. Nous avons mobilisé près de 25 millions d'euros, mis à la disposition des établissements français et francophones et des familles libanaises. 21 millions d'euros depuis la rentrée 2020 sont homologués pour le réseau, auxquels s'ajoute le fonds Personnaz, qui va attribuer près de 2 millions d'euros aux écoles francophones chrétiennes du Liban.
En raison de la gravité de la situation, nous avons décidé d'ouvrir à titre exceptionnel en 2021 l'aide à la scolarité pour les élèves de ces établissements. Je me suis rendu au collège des Saints-Coeurs, endommagé par l'explosion du port de Beyrouth, où j'ai pu constater que celui-ci avait pu bénéficier des aides à la reconstruction, aux familles, aux projets pédagogiques.
Je m'entretiens très régulièrement avec le cardinal Raï, patriarche maronite du Liban, sur le diagnostic de la situation politique, sur lequel nos avis concordent mais restent malheureusement impuissants.
S'agissant de la situation en Jordanie, les chrétiens se voient reconnaître l'égalité devant la loi et la liberté de culte. La monarchie hachémite s'attache à tenir un discours de tolérance et de coexistence religieuse sur la scène régionale et internationale. Nous les aidons dans le cadre du fonds minorités que j'évoquais tout à l'heure. Nous soutenons plusieurs projets menés par les églises du patriarcat latin en Jordanie et par Caritas, en particulier en faveur des réfugiés irakiens, afin de favoriser leur intégration économique.
Dans le cadre du fonds de soutien aux écoles d'Orient, nous avons pu aussi intervenir sur plusieurs projets de modernisation d'établissements. La situation est relativement sereine.
Concernant l'Égypte, nous sommes résolument engagés aux côtés des autorités dans la lutte contre le terrorisme, qui a souvent endeuillé la communauté des chrétiens d'Orient. C'est la plus importante, avec entre 6 et 7 millions de Coptes.
Comme vous le savez, le pape Tawadros II a été reçu à Paris par le Président de la République, en octobre 2019. J'ai moi-même eu l'occasion de lui rendre visite à plusieurs reprises. Nous sommes dans une mobilisation active de la population, j'observe l'attitude positive des autorités égyptiennes - ce qui ne nous empêche pas de dire aux Égyptiens et au président Sissi que nous attendons des autorités qu'elles respectent les droits de l'homme. Constatons toutefois que, s'agissant de la communauté copte, certaines positions antérieures étaient différentes de celles d'aujourd'hui.
À propos de la Syrie, afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté entre nous, je souligne que nous n'aurons pas d'attitude positive à l'égard de ce pays tant qu'il n'y aura pas eu un règlement politique. Je parle ici de l'ensemble des acteurs de la coalition contre Daech.
Nous sommes réunis spécialement sur la question syrienne à Rome, et nous considérons qu'en l'absence de solution politique, les mêmes causes continueront à provoquer les mêmes effets, et le risque d'une résurgence de Daech et du terrorisme restera présent en Syrie. L'ensemble des acteurs de cette action - Européens, Américains et pays du Golfe, qui sont parties prenantes - estiment qu'il faut mettre en oeuvre la résolution 22-54 du Conseil de sécurité.
Je vous rappelle que plus de la moitié de la population syrienne est déplacée, à hauteur de 6 millions de personnes en Syrie et 5 millions de réfugiés hors Syrie. Seule une solution politique et inclusive permettra de donner des garanties solides à l'ensemble des minorités. Je dis souvent à ceux qui l'ont oublié que c'est Bachar al-Assad qui a libéré de ses prisons les éléments qui ont encadré Daech ou al-Nosra au moment où il avait besoin de réaffirmer son autorité. Je suis bien placé pour le savoir, ayant été à ce moment-là ministre de la défense.
J'ajoute que nous restons mobilisés avec nos partenaires de la coalition et nos partenaires locaux des forces démocratiques syriennes, notamment kurdes, dans le Nord-Est syrien, pour empêcher la résurgence de Daech dans cette partie de la Syrie où il y a le plus de risques.
Je rappelle qu'il faut rester prudent, car on croise dans le Nord-Est syrien, sur un espace extrêmement restreint, des Russes, des Américains, des Turcs, des Kurdes, quelques Français, des Irakiens, des éléments de Daech. Il faut absolument s'assurer de la sécurité des lieux parce qu'on y trouve des prisons et des camps où il existe des risques de résurgence de Daech.
Je voudrais ajouter quelques mots à propos de l'Irak. Il est important que la crise irakienne aboutisse à une intégration et à une politique inclusive, où chaque communauté puisse trouver sa place, à commencer évidemment par la communauté kurde, avec laquelle nous avons des relations régulières. J'ai reçu il y a peu M. Nechirvan Barzani à Paris. Je lui ai dit l'importance de notre coopération sur le plan sécuritaire et j'ai souhaité avancer avec lui sur le renforcement de notre coopération dans le domaine sanitaire, en particulier pour appuyer l'hôpital d'Halabja, dédié aux victimes de l'attaque chimique de mars 1988, où certaines d'entre elles sont toujours soignées en raison du drame qu'elles ont connu à l'époque.
En Irak, nous sommes aussi en relation avec la communauté yézidie. Nous avons la volonté de relever la région du Sinjar en Irak en soutenant Mme Nadia Murad, qui était à Paris il y a trois jours, en particulier en faisant en sorte que le nouvel hôpital ouvert à toutes les communautés puisse devenir un chantier emblématique. Les travaux ont commencé. C'est un engagement que la France a pu respecter, malgré des complications, dont des problèmes sécuritaires dans cette zone qui n'est pas complètement pacifiée.
S'agissant des territoires palestiniens, les chrétiens qui représentaient 20 % des Palestiniens en 1948 ne constituent plus aujourd'hui que 1 à 2 % de la population israélienne et palestinienne. Je le disais en commençant : c'est une difficulté sur la durée. Ils sont 150 000 en Israël, 50 à 60 000 dans les territoires palestiniens, moins de 20 000 dans l'agglomération de Bethléem, 10 000 à Jérusalem-Est et 2 000 à Gaza.
Leur rôle est traditionnellement très important dans la société et la vie politique palestiniennes, mais malgré leur identité très forte de chrétiens de Terre sainte, ils souffrent d'une double marginalisation, d'une part d'un statut minoritaire de plus en plus affirmé, notamment dans les parties des territoires palestiniens les plus marquées par l'islam politique et, d'autre part, de l'occupation et de la colonisation israélienne qui les touchent au même titre que les autres Palestiniens. Je n'oublie pas, dans ce contexte, l'importance symbolique et religieuse que revêt Jérusalem pour les trois religions du Livre.
Je voudrais rappeler ici, puisque cela fait aussi partie, je pense, de vos préoccupations, que la France a hérité de l'Histoire un rôle spécifique auprès des chrétiens palestiniens et israéliens, qui illustre plus largement ses liens historiques avec les chrétiens d'Orient. Tout cela remonte au Traité de capitulations de 1536. Nous avons un rôle de protection des lieux saints et de garantie du libre accès de ces lieux aux chrétiens. Nous avons un rôle de protection de certaines communautés religieuses d'origine française établies en Terre sainte, en raison des accords de Mytilène de 1901, reconduits par l'accord franco-israélien Chauvel-Fischer de 1948. Enfin, nous avons la propriété de quatre sites relevant du domaine national, dont trois sont chrétiens, l'église Sainte-Anne en vieille ville, que le Président de la République a visitée en janvier dernier, l'église du Pater Noster et le monastère d'Abou Gosh, en Israël.
Vous parliez tout à l'heure, monsieur le président, du consul général de France à Jérusalem, que vous avez reçu. Je voudrais saluer tout particulièrement la mémoire de l'ambassadeur de France Jean Guéguinou, récemment disparu qui, avant de devenir ambassadeur auprès du Saint-Siège, avait occupé les fonctions de consul général de France à Jérusalem, et qui resta toute sa vie mobilisé par la mission de la France auprès des chrétiens d'Orient. Il a eu une action tout à fait remarquable, que je voulais saluer lors de cette audition.
Voilà l'essentiel de ce que je voulais vous dire en introduction. Nous sommes tout à fait déterminés à poursuivre notre action. Nous enregistrons des avancées. Des situations très périlleuses demeurent aussi. Il ne faut pas que nous puissions identifier notre politique d'influence uniquement en direction des minorités, notamment chrétiennes, comme si elles étaient étrangères dans leur propre pays, comme s'il s'agissait de communautés séparées et soutenues par les Occidentaux, alors qu'ils font partie du tissu social du Moyen-Orient depuis deux millénaires. Il ne faut pas que nous puissions être suspectés d'une telle logique, qui n'est pas celle que nous souhaitons.
C'est donc aux États de la région qu'incombe la responsabilité première de protéger les droits des chrétiens d'Orient et des membres des autres minorités et d'en faire des citoyens à part entière dans les sociétés auxquelles ils appartiennent. C'est pourquoi nous veillons à toujours associer les États à nos efforts, les poussons à prendre leurs responsabilités et à prendre des initiatives à cet égard. C'est le cas depuis 2019 dans certains pays. Il faut poursuivre en ce sens par notre action commune, notre présence et notre volonté partagée.