Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 7 juillet 2021 à 16h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le ministre, cher Bruno Retailleau, chers collègues, notre dernière réunion conjointe sur la situation des minorités religieuses au Moyen-Orient s'est tenue il y a maintenant deux ans, le 6 mars 2019, et je me réjouis, monsieur le ministre, de votre présence à ce rendez-vous régulier et malheureusement bien nécessaire.

À l'époque, je le rappelle, nous nous étions particulièrement émus du martyre des Yézidis et des exactions perpétrées par Daech, dont l'emprise territoriale vivait ses dernières heures.

Depuis, nous le savons, la situation a évolué en Syrie et en Irak, et vous nous direz les points favorables que l'on peut relever, mais aussi les nombreux sujets d'inquiétude qui demeurent.

La commission des affaires étrangères a auditionné en février dernier M. Ali Dolamari, représentant à Paris du gouvernement régional du Kurdistan irakien. Il nous a redit tout l'attachement du gouvernement régional à la diversité des peuples qui y vivent - Chaldéens, Assyriens, Turkmènes, Kurdes de confession musulmane, Yézidis et autres composantes -, tout cela dans un climat de tolérance et de compréhension mutuelle.

De même, nous avons reçu plus récemment notre consul général à Jérusalem, René Troccaz, dans une communication tout à fait passionnante mais aussi, quelques jours plus tard, Anne Grillo, ambassadrice au Liban. La même question lancinante se pose et continue de se poser au Proche et au Moyen-Orient : vivre-ensemble est-il toujours possible, dans le respect des convictions de chacun ? La visite du pape en Irak, au mois de mars dernier, qui fut une réussite, n'est-elle qu'une parenthèse ?

Vous savez, monsieur le ministre, l'attachement du Sénat, qui a toujours plaidé et oeuvré, dans la mesure de ses moyens, pour préserver cette diversité religieuse et culturelle au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Nous voudrions croire que cette diversité plurimillénaire va survivre à notre temps. Vous nous direz votre sentiment à ce sujet, mais les derniers événements au Liban démontrent amplement que les dangers sont toujours là.

J'ajoute que cette audition est captée et retransmise sur le site internet du Sénat.

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, merci de votre présence. Je me rends toujours au Sénat avec grand plaisir, mais aussi beaucoup d'intérêt.

Vous l'avez dit et je le répète avec détermination, l'engagement de la France aux côtés des chrétiens d'Orient et des minorités, qui remonte à 1536, est historique. Il ne s'agit donc pas seulement d'une réaction aux exactions épouvantable commises par Daech à l'encontre des chrétiens d'Orient et des minorités irakiennes et syriennes, qui se sont développées depuis 2014.

Au-delà de la guerre que notre pays a menée et que nous n'avons pas achevée, la persécution des chrétiens d'Orient par les djihadistes du Levant n'est pas notre seule préoccupation à leur égard. Sur fond de guerre, de bouleversements économiques, de discrimination, de violence, ces conditions de vie les ont poussés à l'exil dans des proportions massives, et c'est bien le sujet central. Nous en avions déjà parlé précédemment. La population globale de la région s'en est trouvée drastiquement réduite et les populations qui sont restées occupent désormais une position encore plus minoritaire dans les sociétés auxquelles ils appartenaient.

Ce mouvement de fond constitue notre préoccupation centrale et il est clair que leur situation ne pourra s'améliorer durablement sans résolution des crises politiques et des conflits du Moyen-Orient -c'est une de nos priorités, et j'y consacre une partie de mon temps-, mais cela ne pourra s'améliorer sans des législations plus équitables et des politiques plus inclusives.

Des mouvements sont à souligner dans ce cadre. Nos partenaires semblent, pour certains, s'être engagés dans cette voie. Je pense en particulier à l'Irak, où Noël est devenu, par exemple, un jour férié pour tous. Je pense à l'Égypte, où le président Abdel Fattah al-Sissi a décidé la construction de la cathédrale de la nativité de la nouvelle capitale du Caire, qu'il a inaugurée avec le pape de l'Église copte orthodoxe Tawadros II. Il a également nommé pour la première fois une femme copte à un poste de gouverneur.

Plus généralement, les autorités religieuses musulmanes sont nombreuses à professer leur respect des chrétiens et le devoir de respecter leurs droits. C'est relativement récent par rapport à ma précédente communication sur ce sujet. Il faut également relever le déplacement historique du pape François aux Émirats arabes unis, en 2019 et en Irak, en mars dernier. Il a d'ailleurs, à cette occasion, rencontré la principale autorité religieuse du chiisme, l'ayatollah Ali al-Sistani, après que nous-mêmes ayons pu l'approcher à Nadjaf.

Le pape et le grand imam de la mosquée de l'université al-Azhar ont par ailleurs signé la déclaration d'Abou Dhabi sur la fraternité humaine pour la paix mondiale. Ces deux autorités religieuses ont créé en outre un Haut Comité pour la fraternité, soutenu par l'Égypte et les Émirats arabes unis, chargé de promouvoir la mise en oeuvre des objectifs de la déclaration.

Ce sont des éléments plutôt positifs en matière d'inclusivité. Malheureusement, force est de constater que bien des sujets de préoccupation demeurent, en dépit de ces raisons d'espérer que je viens d'indiquer, et les crises continuent à nourrir la pauvreté, à susciter les violences et à contraindre au départ nombre de femmes, d'hommes et d'enfants.

Je voudrais aussi rappeler que, quelle que soit la force des liens historiques qui nous unissent aux chrétiens d'Orient, les principes au nom desquels notre République s'engage à leurs côtés nous portent aussi à oeuvrer pour la protection et l'intégration de l'ensemble des minorités ethniques et religieuses de la région. Notre action sur le terrain n'en a d'ailleurs que plus de cohérence et d'efficacité.

Notre conviction est que la diversité ethnique et religieuse est non seulement une part constitutive de ces sociétés du Proche et du Moyen-Orient, mais également un atout pour leur avenir. La situation des chrétiens d'Orient est liée à celle des autres minorités de la région. Je pense aux Yézidis, aux Shabaks, aux Baha'is, aux Kakaiyyas, mais aussi aux sunnites en pays chiite et aux chiites en pays sunnite.

Je pense aussi, au-delà des chrétiens appartenant aux églises historiques qui existent depuis 2000 ans au Moyen-Orient, à une partie des chrétiens dont on ne parle pas assez souvent, que sont les millions de chrétiens d'origine étrangère venus dans les pays arabes, notamment dans les pays du Golfe, pour y travailler.

Je pense enfin aux personnes de plus en plus nombreuses converties de l'islam au christianisme, souvent par des églises évangéliques. Nous devons donc agir sur l'ensemble du spectre pour faire respecter les identités et permettre la diversité ethnique et religieuse.

Vous avez rappelé que la France, après avoir appelé l'attention du Conseil de sécurité sur cette question, en mars 2015, avait organisé en septembre la conférence de Paris sur la protection des victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient. Le plan d'action qui en est issu demeure notre feuille de route, tant dans son volet politique que dans son volet humanitaire. Il s'agit de permettre le retour en sécurité des réfugiés et des personnes déplacées ou, dans le domaine judiciaire, de lutter contre l'impunité.

Nous nous attachons encore aujourd'hui à ce que les principes qui sont issus de cette feuille de route restent inscrits à l'agenda international, que ce soit la promotion d'une citoyenneté égale pour tous, l'éducation ou la réinsertion économique des réfugiés.

Nous avions convenu d'une autre conférence de même domaine mettant encore davantage l'accent sur l'enjeu d'une citoyenneté inclusive dans les sociétés de la région. Elle devait avoir lieu fin 2019. Nous avions passé des accords avec les autorités irakiennes pour la coorganiser à Bagdad, afin qu'un événement de portée internationale puisse s'y dérouler à la suite de la réunion de 2015. Il était opportun de le faire à la suite de l'échec et de la fin du califat territorial de Daech. C'était significatif et symbolique à tous égards, mais la situation en Irak nous a conduits à repousser plusieurs fois cette échéance, d'abord du fait des mouvements de contestation populaire et des violences qui ont eu lieu à l'automne 2019, puis à la suite de la démission du Premier ministre Abdel Mahdi et de son remplacement, en mai 2020, par le Premier ministre Moustafa al-Kazimi.

Tout cela a constitué une situation quelque peu tendue. Puis des attaques contre les emprises de la coalition ont eu lieu et se poursuivent d'ailleurs, puisqu'il y en a eu une hier soir à Erbil par drones. Nous avons également assisté à l'élimination du général iranien Qassem Soleimani en janvier 2020, puis la crise sanitaire et il faut maintenant tenir compte de la proximité du scrutin législatif anticipé du 10 octobre en Irak.

Je reste déterminé dans l'idée d'organiser cette réunion en Irak. Je pense que c'est le bon pays et le bon moment, mais on ne pourra le faire que lorsque la situation politique et les conditions de sécurité seront stabilisées. C'est donc après les élections en Irak, en souhaitant qu'elles se passent bien, que nous pourrions envisager un nouveau forum coprésidé par les autorités irakiennes. Je ne pense pas qu'il y aura d'opposition pour l'organiser assez rapidement. Je le souhaite en tout cas. C'est un outil d'affirmation des politiques publiques, de nos principes fondamentaux et de notre volonté de lutter contre toutes les exactions, en particulier contre la résurgence de Daech.

La semaine dernière s'est tenue à Rome, pour la première fois depuis longtemps, une réunion de la coalition contre Daech en présentiel. Les principaux acteurs y ont marqué leur volonté de poursuivre le combat. Nous ne sommes pas sortis de cette situation, on le voit bien. Si l'Irak ne se redresse pas, il peut y avoir des risques de résurgence de Daech.

Il importe donc d'encourager la pacification irakienne, qui n'est pas encore au rendez-vous. Un accompagnement militaire a été une nouvelle fois annoncé par les différents acteurs, dont nous sommes, dans le domaine de la formation. Un redressement économique est indispensable sous peine de voir réapparaître, en particulier dans les zones sunnites, les initiatives de Daech, qui vit aujourd'hui dans la clandestinité, mais qui reste très présent, avec des actes de violence et des dérives de milices pro-iraniennes. Vraisemblablement, ce qui s'est passé hier à Erbil est symbolique de ces mouvements.

Dans la même logique, nous avons mis en place un fonds de soutien aux victimes des violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient doté de 35 millions d'euros, soit 5 millions d'euros par an, pour accompagner des projets concrets, principalement en Irak, mais également en Syrie, au Liban, en Jordanie et en Turquie.

Nous prenons par ailleurs notre part dans l'accueil des réfugiés et des minorités menacées. Nous avons convenu avec la communauté de Sant'Egidio que des corridors humanitaires permettent d'accompagner dignement des réfugiés syriens du Liban vers la France. Nous le faisons sans ostentation ni publicité, dans des créneaux qui ne sont pas nécessairement faciles et des modes de fonctionnement parfois dangereux.

Nous avons accueilli sur notre sol une centaine de femmes yézidies, avec leurs enfants. Mais l'objectif n'est pas de provoquer des migrations de chrétiens ou de minorités vers la France. Face à l'urgence, il faut essayer de faire en sorte que ces minorités puissent vivre sur les terres où elles ont historiquement leur place.

Parallèlement, nous avons intensifié notre soutien au patrimoine des chrétiens et des autres minorités d'Orient. C'est un sujet de référence. J'ai, il y a quelques jours, visité à Beyrouth la bibliothèque orientale de l'université Saint-Joseph, dont nous avons assumé la reconstruction, après les dégâts causés par l'explosion du 4 août dernier.

Nous avons aussi contribué à la réhabilitation du monastère de Mar Behnam, avec l'Association française Fraternité en Irak. Nous avons restauré les temples yézidis détruits par Daech dans la province du Sinjar. Bref, grâce à notre intervention et, en particulier, grâce à la naissance de la fondation ALIPH (Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit), qui remet en état des bâtiments ou des éléments de patrimoine détruits par la guerre. La France y contribue à hauteur de 30 millions de dollars, et nous poursuivons notre action pour la mise en oeuvre de la protection du patrimoine des chrétiens d'Orient.

Nous allons essayer de faire en sorte que cette association puisse avoir une dimension européenne lors de la présidence française. C'est un des objectifs que je me donne au premier semestre 2022 pour faire en sorte que cette protection et cette réhabilitation du patrimoine soient partagées.

Je pense que nous allons y arriver, et j'observe d'ailleurs avec intérêt que la nouvelle présidente du Louvre, Mme Laurence des Cars, qui va prendre ses fonctions le 1er septembre, a décidé de mettre en oeuvre rapidement le projet de création d'un neuvième département dédié à Byzance et aux christianismes orientaux. C'est une bonne nouvelle.

Ce volet culturel et patrimonial de notre action est indissociable du soutien que nous apportons aux écoles chrétiennes du Proche-Orient, confrontées à des difficultés financières, à travers le fonds de soutien aux écoles d'Orient soutenu et présidé par Charles Personnaz.

La création de ce fonds avait été annoncée par le Président de la République en janvier 2020 à Jérusalem. Le travail a commencé l'été dernier, avec une part égale d'un million d'euros de l'oeuvre d'Orient et d'un million d'euros de l'État, qui nous permettent de financer des projets de restauration de locaux et de soutien aux organisations caritatives.

J'en profite pour saluer la sénatrice Christine Lavarde, qui est membre du Conseil d'orientation de ce fonds, et qui s'y investit beaucoup. Ce Conseil va d'ailleurs se réunir vendredi prochain.

Je voudrais à présent passer en revue les situations dans les différents pays, avant que nous puissions échanger sur tous ces sujets, en commençant par le Liban, où il y avait urgence à soutenir les quelque 30 établissements chrétiens du réseau homologué de l'enseignement français à l'étranger, sur un total de 55 établissements. On compte plus largement 333 établissements chrétiens francophones ou enseignant le français au Liban. Ils accueillent 190 000 enfants et constituent le plus gros contingent d'établissements de cette nature dans la région. Pour mémoire, on en compte 90 en Égypte, 47 en Israël, 30 en Palestine, 40 en Jordanie et 6 en Turquie, pour un total évalué à 400 000 élèves.

En raison de la crise économico-politique qui frappe le Liban et l'explosion survenue dans le port, ce patrimoine éducatif extrêmement précieux, qui est aussi un élément essentiel de notre politique d'influence au service des valeurs de la francophonie, s'est trouvé menacé par toutes ces perturbations. Nous avons mobilisé près de 25 millions d'euros, mis à la disposition des établissements français et francophones et des familles libanaises. 21 millions d'euros depuis la rentrée 2020 sont homologués pour le réseau, auxquels s'ajoute le fonds Personnaz, qui va attribuer près de 2 millions d'euros aux écoles francophones chrétiennes du Liban.

En raison de la gravité de la situation, nous avons décidé d'ouvrir à titre exceptionnel en 2021 l'aide à la scolarité pour les élèves de ces établissements. Je me suis rendu au collège des Saints-Coeurs, endommagé par l'explosion du port de Beyrouth, où j'ai pu constater que celui-ci avait pu bénéficier des aides à la reconstruction, aux familles, aux projets pédagogiques.

Je m'entretiens très régulièrement avec le cardinal Raï, patriarche maronite du Liban, sur le diagnostic de la situation politique, sur lequel nos avis concordent mais restent malheureusement impuissants.

S'agissant de la situation en Jordanie, les chrétiens se voient reconnaître l'égalité devant la loi et la liberté de culte. La monarchie hachémite s'attache à tenir un discours de tolérance et de coexistence religieuse sur la scène régionale et internationale. Nous les aidons dans le cadre du fonds minorités que j'évoquais tout à l'heure. Nous soutenons plusieurs projets menés par les églises du patriarcat latin en Jordanie et par Caritas, en particulier en faveur des réfugiés irakiens, afin de favoriser leur intégration économique.

Dans le cadre du fonds de soutien aux écoles d'Orient, nous avons pu aussi intervenir sur plusieurs projets de modernisation d'établissements. La situation est relativement sereine.

Concernant l'Égypte, nous sommes résolument engagés aux côtés des autorités dans la lutte contre le terrorisme, qui a souvent endeuillé la communauté des chrétiens d'Orient. C'est la plus importante, avec entre 6 et 7 millions de Coptes.

Comme vous le savez, le pape Tawadros II a été reçu à Paris par le Président de la République, en octobre 2019. J'ai moi-même eu l'occasion de lui rendre visite à plusieurs reprises. Nous sommes dans une mobilisation active de la population, j'observe l'attitude positive des autorités égyptiennes - ce qui ne nous empêche pas de dire aux Égyptiens et au président Sissi que nous attendons des autorités qu'elles respectent les droits de l'homme. Constatons toutefois que, s'agissant de la communauté copte, certaines positions antérieures étaient différentes de celles d'aujourd'hui.

À propos de la Syrie, afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté entre nous, je souligne que nous n'aurons pas d'attitude positive à l'égard de ce pays tant qu'il n'y aura pas eu un règlement politique. Je parle ici de l'ensemble des acteurs de la coalition contre Daech.

Nous sommes réunis spécialement sur la question syrienne à Rome, et nous considérons qu'en l'absence de solution politique, les mêmes causes continueront à provoquer les mêmes effets, et le risque d'une résurgence de Daech et du terrorisme restera présent en Syrie. L'ensemble des acteurs de cette action - Européens, Américains et pays du Golfe, qui sont parties prenantes - estiment qu'il faut mettre en oeuvre la résolution 22-54 du Conseil de sécurité.

Je vous rappelle que plus de la moitié de la population syrienne est déplacée, à hauteur de 6 millions de personnes en Syrie et 5 millions de réfugiés hors Syrie. Seule une solution politique et inclusive permettra de donner des garanties solides à l'ensemble des minorités. Je dis souvent à ceux qui l'ont oublié que c'est Bachar al-Assad qui a libéré de ses prisons les éléments qui ont encadré Daech ou al-Nosra au moment où il avait besoin de réaffirmer son autorité. Je suis bien placé pour le savoir, ayant été à ce moment-là ministre de la défense.

J'ajoute que nous restons mobilisés avec nos partenaires de la coalition et nos partenaires locaux des forces démocratiques syriennes, notamment kurdes, dans le Nord-Est syrien, pour empêcher la résurgence de Daech dans cette partie de la Syrie où il y a le plus de risques.

Je rappelle qu'il faut rester prudent, car on croise dans le Nord-Est syrien, sur un espace extrêmement restreint, des Russes, des Américains, des Turcs, des Kurdes, quelques Français, des Irakiens, des éléments de Daech. Il faut absolument s'assurer de la sécurité des lieux parce qu'on y trouve des prisons et des camps où il existe des risques de résurgence de Daech.

Je voudrais ajouter quelques mots à propos de l'Irak. Il est important que la crise irakienne aboutisse à une intégration et à une politique inclusive, où chaque communauté puisse trouver sa place, à commencer évidemment par la communauté kurde, avec laquelle nous avons des relations régulières. J'ai reçu il y a peu M. Nechirvan Barzani à Paris. Je lui ai dit l'importance de notre coopération sur le plan sécuritaire et j'ai souhaité avancer avec lui sur le renforcement de notre coopération dans le domaine sanitaire, en particulier pour appuyer l'hôpital d'Halabja, dédié aux victimes de l'attaque chimique de mars 1988, où certaines d'entre elles sont toujours soignées en raison du drame qu'elles ont connu à l'époque.

En Irak, nous sommes aussi en relation avec la communauté yézidie. Nous avons la volonté de relever la région du Sinjar en Irak en soutenant Mme Nadia Murad, qui était à Paris il y a trois jours, en particulier en faisant en sorte que le nouvel hôpital ouvert à toutes les communautés puisse devenir un chantier emblématique. Les travaux ont commencé. C'est un engagement que la France a pu respecter, malgré des complications, dont des problèmes sécuritaires dans cette zone qui n'est pas complètement pacifiée.

S'agissant des territoires palestiniens, les chrétiens qui représentaient 20 % des Palestiniens en 1948 ne constituent plus aujourd'hui que 1 à 2 % de la population israélienne et palestinienne. Je le disais en commençant : c'est une difficulté sur la durée. Ils sont 150 000 en Israël, 50 à 60 000 dans les territoires palestiniens, moins de 20 000 dans l'agglomération de Bethléem, 10 000 à Jérusalem-Est et 2 000 à Gaza.

Leur rôle est traditionnellement très important dans la société et la vie politique palestiniennes, mais malgré leur identité très forte de chrétiens de Terre sainte, ils souffrent d'une double marginalisation, d'une part d'un statut minoritaire de plus en plus affirmé, notamment dans les parties des territoires palestiniens les plus marquées par l'islam politique et, d'autre part, de l'occupation et de la colonisation israélienne qui les touchent au même titre que les autres Palestiniens. Je n'oublie pas, dans ce contexte, l'importance symbolique et religieuse que revêt Jérusalem pour les trois religions du Livre.

Je voudrais rappeler ici, puisque cela fait aussi partie, je pense, de vos préoccupations, que la France a hérité de l'Histoire un rôle spécifique auprès des chrétiens palestiniens et israéliens, qui illustre plus largement ses liens historiques avec les chrétiens d'Orient. Tout cela remonte au Traité de capitulations de 1536. Nous avons un rôle de protection des lieux saints et de garantie du libre accès de ces lieux aux chrétiens. Nous avons un rôle de protection de certaines communautés religieuses d'origine française établies en Terre sainte, en raison des accords de Mytilène de 1901, reconduits par l'accord franco-israélien Chauvel-Fischer de 1948. Enfin, nous avons la propriété de quatre sites relevant du domaine national, dont trois sont chrétiens, l'église Sainte-Anne en vieille ville, que le Président de la République a visitée en janvier dernier, l'église du Pater Noster et le monastère d'Abou Gosh, en Israël.

Vous parliez tout à l'heure, monsieur le président, du consul général de France à Jérusalem, que vous avez reçu. Je voudrais saluer tout particulièrement la mémoire de l'ambassadeur de France Jean Guéguinou, récemment disparu qui, avant de devenir ambassadeur auprès du Saint-Siège, avait occupé les fonctions de consul général de France à Jérusalem, et qui resta toute sa vie mobilisé par la mission de la France auprès des chrétiens d'Orient. Il a eu une action tout à fait remarquable, que je voulais saluer lors de cette audition.

Voilà l'essentiel de ce que je voulais vous dire en introduction. Nous sommes tout à fait déterminés à poursuivre notre action. Nous enregistrons des avancées. Des situations très périlleuses demeurent aussi. Il ne faut pas que nous puissions identifier notre politique d'influence uniquement en direction des minorités, notamment chrétiennes, comme si elles étaient étrangères dans leur propre pays, comme s'il s'agissait de communautés séparées et soutenues par les Occidentaux, alors qu'ils font partie du tissu social du Moyen-Orient depuis deux millénaires. Il ne faut pas que nous puissions être suspectés d'une telle logique, qui n'est pas celle que nous souhaitons.

C'est donc aux États de la région qu'incombe la responsabilité première de protéger les droits des chrétiens d'Orient et des membres des autres minorités et d'en faire des citoyens à part entière dans les sociétés auxquelles ils appartiennent. C'est pourquoi nous veillons à toujours associer les États à nos efforts, les poussons à prendre leurs responsabilités et à prendre des initiatives à cet égard. C'est le cas depuis 2019 dans certains pays. Il faut poursuivre en ce sens par notre action commune, notre présence et notre volonté partagée.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Merci, monsieur le ministre, pour ce tableau très contrasté de la situation des chrétiens et des minorités. Il était utile que vous rappeliez l'action de la France, dans un contexte particulièrement difficile, d'autant que les principales autorités religieuses, dont le cardinal Raï, lorsque nous les avons reçues ici, autour du président Larcher, nous ont suppliés de ne pas organiser de rapatriement de ces chrétiens. Le premier réflexe est en effet de les accueillir, mais si nous les accueillons, nous risquons de les rayer de la carte. Or le but de toute action vise au contraire à leur permettre de vivre là où sont leurs racines.

Vous avez aussi souligné l'action de la France vis-à-vis des établissements scolaires. Je crois qu'il faut véritablement insister sur ce point.

La parole est au président Retailleau.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Merci, monsieur le ministre, de vous prêter à cette audition commune à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et au groupe de liaison avec les chrétiens d'Orient et les minorités, que j'ai l'honneur de présider.

Vous l'avez dit en filigrane dans votre déclaration liminaire, la présence de ces minorités, chrétiennes et autres, concerne l'identité, l'histoire mais aussi l'avenir de ces pays. J'ai souvent utilisé une métaphore entre l'abeille, l'environnement, ces minorités et la paix. Ces minorités sont pour les pays ce que l'abeille est à l'environnement, c'est-à-dire les témoins de la santé civique et de la concorde civile.

Ainsi, la communauté des chrétiens d'Orient, que je connais bien, assure très souvent une sorte de passerelles, entre les sunnites et les chiites d'un certain nombre de pays, pour des raisons historiques et culturelles que je veux souligner.

Je ne reviens pas sur ce que vous avez rappelé au sujet des relations historiques et des responsabilités particulières de la France vis-à-vis de ces communautés, et notamment des chrétiens d'Orient.

S'agissant du Liban, vous avez cité la sénatrice Christine Lavarde, qui préside le groupe d'amitié. Avec quelques autres sénateurs, nous nous rendrons au Liban dans quelque temps. Le pays est en train de s'effondrer et ce n'est pas faute de la volonté de la France de le redresser.

Face à cet effondrement, le risque est de perdre des infrastructures et des services publics essentiels dans le domaine de la santé et de l'éducation. Charles Personnaz a écrit au Président de la République pour lui faire part d'une idée que nous souhaitons soutenir, celle d'une agence des bailleurs internationaux, qui pourvoiraient l'aide internationale. Face à la corruption, cette agence recueillerait l'aide pour qu'elle ne s'évapore pas. Elle permettrait de payer directement les salaires des réseaux de santé et d'éducation, car si ceux-ci s'écroulent à leur tour, il sera très difficile de reconstruire le pays. C'est capital pour la population. Cela me semble une idée positive, peu compliquée à mettre en place et qui pourrait être très utile. Je voudrais recueillir votre analyse sur ce sujet, monsieur le ministre.

Le problème du Liban, c'est aussi la Syrie et ses 2 millions de réfugiés. C'est comme si, en France, nous avions 20 millions de réfugiés - et même peut-être plus. Imaginez-vous ce que représente, pour un pays qui est en train de s'effondrer, le fait de devoir soutenir une telle proportion de réfugiés.

La stabilisation de la Syrie est donc importante. J'attire votre attention sur le fait que nous sommes à trois jours de la fin du délai pour la résolution portant sur les corridors humanitaires dans le Nord-Ouest du pays. Les Russes pourraient mettre un veto au Conseil de sécurité, et nous sommes très concernés par l'accès de Bab al Hawa, qui pourrait ne pas être renouvelé. Si c'est le cas, c'est plus d'un million de personnes qui vivent dans le Nord-Ouest du pays qui seront privées d'aide vitale et qui sont en grand danger. Quelle contribution pourrait apporter la France sur ce point ?

Certes, Bachar al-Assad est un criminel, mais certaines des personnalités que vous croisez ont aussi du sang sur les mains. La diplomatie ne consiste pas à dialoguer uniquement avec des gens fréquentables. Comment établir un dialogue constructif avec ce pays pour l'aider à se relever ?

Concernant l'Irak, vous avez souligné la visite du pape François à l'ayatollah al-Sistani. On a tous vu ces deux personnalités se donner la main. C'étaient de très belles images, propres à restaurer un peu de paix civile.

Le retrait militaire américain se poursuivant, où en est-on vraiment du point de vue de l'administration Biden, des cellules dormantes et de la sécurité ? L'attaque de drones sur Erbil pourrait être d'origine iranienne. Vous nous le direz peut-être.

Je suis très heureux que vous ayez abordé le sujet du patrimoine. Dans l'histoire, tous les totalitarismes s'en sont toujours pris à la culture. La culture, c'est l'âme des peuples et, dans la volonté farouche d'éliminer ceux-ci, on va jusqu'à éliminer leur identité culturelle.

Nous avons organisé ici même, il y a quelques jours, une table ronde sur la question de la préservation du patrimoine regroupant l'ALIPH, M. Jean-Luc Martinez et d'autres personnalités. Il n'y aura pas de reconstruction matérielle sans reconstruction immatérielle. Nous avons également accueilli la remplaçante de M. Martinez au Louvre, qui va y créer un département consacré aux chrétiens d'Orient. Nous avons apprécié la nomination de M. Jean-Luc Martinez comme ambassadeur chargé de la préservation du patrimoine à partir de la rentrée.

Il faut par ailleurs soutenir l'ALIPH, non seulement parce que sa vice-présidente est une ancienne sénatrice que vous connaissez bien et que nous aimons beaucoup, mais aussi parce que l'ALIPH fait un travail fantastique. Le monastère de Mar Behnam est d'ailleurs, de ce point de vue, un symbole, puisqu'il est un lieu consacré et vénéré à la fois par les Yézidis, les musulmans et les chrétiens. Je pense que la culture constitue un lien au sein d'un même groupe civilisationnel, religieux, mais, et peut-être aussi entre différents groupes.

Je comptais vous interroger sur la conférence internationale et sur les victimes de violences ethniques et religieuses. La dernière conférence a eu lieu Bruxelles, il y a trois ans. J'y étais. Je suis favorable à ce qu'elle se tienne prochainement à Bagdad, mais il ne faudrait pas qu'on perde encore une année. Je préférerais encore qu'elle se tienne à Paris ou ailleurs, mais qu'elle ait lieu, même si je comprends parfaitement les raisons qui vous poussent à souhaiter l'organiser à Bagdad.

Un dernier mot à propos du fonds de soutien. On l'a vu presque disparaître budgétairement. Cinq millions, c'est assez peu. Il a constitué un levier extrêmement puissant. J'y ai participé. Vous avez aidé des ONG. Des actions très concrètes ont ainsi pu échapper à la corruption. Je pense qu'il faudrait renforcer ce fonds, y associer à nouveau les ONG et quelques élus. Cela permettrait de participer à l'effort de relèvement commun en faveur de ces minorités.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

S'agissant du Liban, je note votre proposition au sujet d'une agence de bailleurs. Nous allons l'étudier. Elle nous paraît a priori intéressante, sous réserve qu'elle s'adresse bien aux domaines sanitaire et éducatif, comme vous l'avez souligné.

Je parle ici avec pondération car, dès que j'évoque le Liban, mes propos font la une de L'Orient-Le Jour. Je répète qu'il n'existe pas d'échappatoire possible pour les Libanais : il faut qu'ils se dotent d'un gouvernement. J'ai bien entendu le Premier ministre par intérim nous demander hier de ne pas abandonner son pays, qui se trouve dans une situation très difficile, y compris au niveau humanitaire. C'est vrai, mais cela fait un an et demi que la communauté internationale demande au Liban de se doter d'un gouvernement. Sans cela, rien ne sera possible et la communauté internationale ne sera pas au rendez-vous financier. On sait que c'est possible mais on n'ignore pas où sont les blocages.

Je ne suis pas opposé à ce qu'il y ait parallèlement des actions d'accompagnement de la population libanaise, qui souffre, mais on a bien identifié les responsabilités. Je rappelle que les représentants des différents courants politiques libanais ont promis, le 1er septembre dernier, à la résidence des pins, de constituer un gouvernement dans les quinze jours, un gouvernement de techniciens dont le but est de commencer les réformes que tout le monde attend et de faire en sorte qu'il y ait des élections en 2022. Ces promesses ne sont pas tenues.

Nous allons faire en sorte qu'une conférence humanitaire se tienne le 20 juillet. Elle va permettre de rassembler des fonds. Cette aide humanitaire doit être au rendez-vous, mais ce pays a énormément de possibilités et ne doit pas continuer à vivre uniquement de l'aide humanitaire. Je valide donc volontiers cette proposition d'une agence qui ne doit concerner que certains secteurs.

L'explosion de Beyrouth remonte à presque un an : à ma connaissance, l'enquête n'a toujours pas abouti. Franck Riester va se rendre à Beyrouth dans quelques jours pour travailler sur des questions techniques et portuaires. Cette situation est dramatique. Il faut que l'opinion publique internationale se réveille !

La nouveauté réside dans le fait que le secrétaire d'État américain, M. Antony Blinken, a pris position. Nous avons pu nous rencontrer avec notre collègue saoudien, il y a quelques jours. J'espère que cette dynamique va perdurer. J'aurai l'occasion d'en reparler avec M. Blinken la semaine prochaine, à Washington. La difficulté, c'est que les acteurs antérieurement parties prenantes se désintéressent à présent de la situation. Je suis toujours un peu ému lorsque j'en parle, parce que la situation est vraiment insupportable.

Pour ce qui est des corridors humanitaires, plusieurs étaient prévus, deux au Nord-Ouest, dont Bab Al-Hawa, qui est toujours ouvert. Il y avait auparavant Bab Al-Salam. Il y en a un au Sud, à la frontière avec la Jordanie, Deraa, mais ce corridor n'a plus tellement d'intérêt parce qu'il y a plus vraiment de réfugiés dans cette partie de la Syrie. Il existe un autre corridor entre Yaarubiya, au Nord-Est, entre l'Irak et la Syrie.

Nous sommes en pourparlers pour une ouverture de ces corridors humanitaires. Cette discussion va se poursuivre devant le Conseil de sécurité. Il se trouve que c'est la France qui le préside depuis le 1er juillet. Je le présiderai en personne pendant plusieurs jours la semaine prochaine. Nous allons essayer de faire avancer ce dossier. La responsabilité en la matière est d'abord celle des Russes. Nous nous battons pour maintenir trois ouvertures. J'espère que nous allons y parvenir. C'est essentiel pour assurer l'aide humanitaire aux populations syriennes dans la partie Nord-Ouest.

Dans la partie nord-est, il est très difficile d'identifier les zones tenues par tel ou tel groupe. Le fait que les États-Unis restent sur la zone évite des confrontations turco-kurdes et une présence russe intempestive. On est pour l'instant dans une situation de stabilité, mais les choses demeurent très complexes, car plusieurs milliers de combattants de Daech sont dans des camps ou des prisons, suite aux combats qui se sont produits dans cette partie de la Syrie, à la frontière avec l'Irak.

La situation politique syrienne n'est pas encore stabilisée. On sait bien que la solution ne sera pas totalement démocratique, mais il faudrait une solution politique. La communauté internationale, réunie à Rome la semaine dernière, a décidé de ne pas bouger en matière de reconstruction ou de réacheminement des réfugiés syriens, dont les deux millions qui se trouvent au Liban, comme en Jordanie, se mélangent à la population. Cela se traduit par un besoin dans les domaines de l'enseignement, de l'emploi. La solution politique n'est pas au rendez-vous. Les élections qui ont récemment eu lieu ont été truquées et ne peuvent être considérées comme une solution politique.

Les Nations unies ont mandaté un envoyé spécial, M. Patterson, qui essaye de trouver le moyen, dans les discussions qui ont lieu à Genève, de passer à une autre étape. Pour l'instant, l'obstruction russe ne nous permet pas de réaliser beaucoup d'avancées.

S'agissant de l'Irak, je pense que les élections étaient souhaitables. On n'a pas à prendre position sur la qualité des autorités politiques, mais je trouve que le Premier ministre actuel a joué l'apaisement. Nous l'avons reçu à Paris il y a peu. Il faut attendre que le processus aille jusqu'à son terme pour faire en sorte d'obtenir une unification des dispositifs de sécurité.

Nous entretenons des relations très suivies et positives avec les représentants du Kurdistan irakien, mais aussi avec les autorités irakiennes. La France a une importante carte à jouer. Nous sommes crédibles par rapport à l'ensemble des acteurs irakiens, et nous accompagnons leur volonté d'inclusion. La mise en oeuvre d'une unité militaire de sécurité afin que les milices populaires ne perturbent pas le processus d'intégration est difficile.

Le discours des autorités religieuses chiites est plutôt positif, comme vous avez pu vous-mêmes le constater. Nous souhaitons que ces élections puissent se dérouler dans les meilleures conditions. Nous enverrons des observateurs pour ce faire. Je souhaite qu'on puisse faire en sorte, avec les nouvelles autorités, que cette conférence puisse se tenir. Je pense qu'il vaut mieux qu'elle se tienne au Moyen-Orient. Le site le plus adapté est Bagdad.

Concernant le patrimoine, vous avez dit ce qu'il convenait de dire. J'ai indiqué combien nous étions attachés à sa préservation, à la reconstruction des sites qui ont été détruits. Cette volonté perdurera grâce à l'ALIPH, que nous voulons étendre dans sa dimension financière grâce à une participation européenne plus forte. J'espère que nous serons au rendez-vous. Nous devrions pouvoir aboutir.

Enfin, pour ce qui est du fonds de soutien, celui-ci est engagé. Il est significatif. L'Agence française de développement (AFD) va aussi entrer en action, à la grande satisfaction du président Cambon. Nous allons faire en sorte que ce fonds en faveur des minorités puisse être abondé. Nous sommes au rendez-vous des 5 millions d'euros et ne dérogeons pas en la matière, pas même dans le cadre du dernier budget.

J'ai été quelque peu solennel concernant le Liban, afin qu'on puisse m'entendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Nous approuvons le langage de vérité que vous tenez aux dirigeants libanais.

S'agissant du dernier point, vous vous rappelez mon entêtement à faire en sorte que l'AFD abonde le fonds de soutien. Nos rapporteurs nous signalent que les grilles de critères qu'impose l'AFD sont telles que cela se termine généralement par des contributions bien trop modestes.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Cela dépend des projets.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Nous allons vous fournir des indications pour éclairer ce point. L'AFD fait des déclarations de principes positives mais, finalement, le projet n'est pas finançable parce que les choses sont trop compliquées. L'AFD représente 13 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien. En l'occurrence, elle peut servir la présence française en alimentant ce fonds de soutien.

La parole est à présent à nos collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Monsieur le ministre, la guerre du Liban s'est conclue par l'accord de Taëf, qui a finalement fragilisé les chrétiens, qui ont dû céder une partie de leurs pouvoirs. L'équilibre est aujourd'hui d'ordre confessionnel, avec toute la fragilité que cela comporte. Il a été dit qu'on ne souhaitait pas encourager l'émigration des chrétiens vers l'Occident. Ce sont malheureusement eux qui aspirent à fuir le pays. Comment pourrions-nous les en empêcher ?

A contrario, la forte immigration chiite et sunnite déstabilise cet équilibre national. Que risque-t-on ? Le pays est le seul de la zone à disposer aujourd'hui d'un président chrétien. Il est donc important, me semble-t-il, de demeurer vigilant. Vous l'avez dit, beaucoup de choses sont faites par la France - et nous ne pouvons que vous en remercier - pour éviter que les chrétiens ne se sentent de plus en plus en difficulté sur ce territoire très fragile.

L'ambassadrice du Liban s'est rendue récemment en Arabie Saoudite avec l'ambassadrice des États-Unis. La question des chrétiens a-t-elle été évoquée lors de cette rencontre ?

Enfin, concernant les crimes commis sur des chrétiens, que ce soit en Irak ou en Syrie, des enquêtes sont-elles conduites pour déterminer les responsabilités en la matière ? Un tribunal international condamnera-t-il les auteurs de ces exactions pour éviter qu'elles puissent se reproduire demain ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Monsieur le ministre, votre propos introductif nous permet d'appréhender la globalité des difficultés auxquelles sont confrontés les chrétiens d'Orient.

En Jordanie, l'impression est que rien ne change depuis l'arrivée des réfugiés irakiens, en 2014. Ces derniers ne peuvent travailler qu'au sein d'une église, en attendant de pouvoir émigrer vers le Canada ou l'Australie. Ils ne veulent plus rentrer chez eux en Irak, comme le confirment plusieurs témoignages.

Vous avez mentionné le fonds destiné à aider les minorités géré par nos postes diplomatiques. Le président Retailleau vient de souligner son utilité. Laurence Ledger, notre conseillère des Français de l'étranger pour la Jordanie et l'Irak, suggère que l'on maintienne ce fonds, si possible qu'on l'augmente et qu'elle puisse donner un avis sur les projets d'aide aux minorités présentés à l'ambassade. Que pensez-vous de cette suggestion ?

Au Liban, la distinction faite par la France entre un Hezbollah politique et un Hezbollah armé a eu pour conséquence de nous éloigner des Américains. C'est un des paramètres qui a contribué à diviser les chrétiens du Liban. Cela a également eu pour effet de créer le désarroi, eux qui sont les premiers candidats au départ du Liban. Mécaniquement, cela renforce le Hezbollah et la ligne Téhéran-Damas. Rien n'est pire pour la France que de menacer de sanctions et de ne rien faire.

Le projet du cardinal Raï, qui prône la neutralité du Liban, soutenu par toutes les communautés libanaises souveraines - chrétiens, sunnites, druzes et chiites -, échappe au contrôle du Hezbollah et n'a toujours pas eu d'échos dans la diplomatie française.

L'ambassadrice, Mme Anne Grillo, nous a confié le 22 juin, au Sénat, que le patriarche ira début juillet à Rome. Elle plaide pour qu'il passe par Paris afin qu'il puisse être entendu. Nous sommes le 7 juillet, le patriarche a vu le pape, qui a adopté le projet de neutralité. Nous allons vraisemblablement connaître le retour en force d'un acteur de premier plan de la région dans les jours qui viennent, en soutien à cette démarche, mais le patriarche n'a pas été reçu à Paris. Vous venez de nous dire que vous vous entretenez régulièrement avec lui. Soutenez-vous son projet en faveur de la neutralité du Liban ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Nous le recevons au Sénat. Je l'ai déjà vu deux fois avec le président Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Monsieur le ministre, il existe deux catégories de chrétiens ou de minorités, ceux qui vivent dans des pays où ils sont très fortement minoritaires - Syrie, Irak, Iran, Arabie Saoudite, etc. - et ceux qui sont dans des pays où ils sont plus nombreux, comme au Liban. Ces situations sont différentes.

Le Liban, vous l'avez souligné, est au bord de l'écroulement. Il est nécessaire d'accompagner le pays, en mettant en oeuvre l'aide humanitaire. On a dit ce matin, en faisant référence à la situation de l'Arménie et du Haut-Karabagh, que des avions partent « chargés de couches-culottes et de pâtes ». Ne pourrait-on rediriger cette aide humanitaire d'urgence et l'envoyer vers le Liban, où beaucoup de besoins se font sentir, en particulier chez les chrétiens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Saury

Monsieur le ministre, je souhaitais vous poser une question sur l'AFD, mais vous l'avez déjà évoquée. Nous aurons prochainement l'occasion d'en parler en commission.

Par ailleurs, il y a quatre mois, le pape François foulait pour la première fois le sol d'Irak. Quelques mois plus tard, il recevait au Vatican le Premier ministre al-Kazimi. Tout récemment, il intervenait à propos de la situation au Liban de façon très remarquée.

Quel est aujourd'hui le poids du Saint-Siège sur la scène diplomatique, et plus spécifiquement dans cette région du monde ? Pouvez-vous nous dire quelles sont les relations des services de votre ministère avec ceux du Vatican ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cuypers

Monsieur le ministre, vous avez dit que la France n'adopterait pas une attitude positive tant qu'il n'y aurait pas de solution politique globale. Qui anime la solution politique ? Dans un an ou deux, ce sera la même chose ! La France a-t-elle du poids, et auprès de qui ? Sur qui pouvons-nous compter ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le ministre, je vous remercie de la large définition que vous avez donnée des chrétiens d'Orient. Je souhaiterais toutefois attirer votre attention sur la situation des chrétiens en Inde, qui sont 32 millions, où je me suis rendu plusieurs fois. J'ai rencontré à Delhi les représentants de la communauté chrétienne, à 70 % catholiques. C'est une petite population à l'échelle du sous-continent, mais ce qu'ils m'ont raconté m'a rappelé ce que j'avais entendu en Égypte dans les années 1970-1980 : les lieux de culte sont interdits, pour ne pas dire envahis, et la politique nationaliste et monoreligieuse que le Premier ministre Narendra Modi tente d'imposer aujourd'hui est un problème. Ils appellent au secours et ont le sentiment d'être largement oubliés par la communauté internationale.

Qu'est-ce que la France fait ou peut faire ? Compte tenu des relations assez bonnes que nous avons avec le pouvoir fédéral en Inde, y a-t-il moyen de faire comprendre au Premier ministre que ces communautés ne s'adonnent pas au prosélytisme et ne sont pas dangereuses pour le reste de la population ? Peut-on demander un peu plus de respect à leur égard ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Monsieur le ministre, je souhaitais intervenir au sujet de la situation des droits humains en Iran, qui est inquiétante, avec une utilisation de plus en plus fréquente de la peine de mort. Deux prisonniers politiques kurdes ont été notamment exécutés en 2020.

Par ailleurs, la situation des chrétiens est de plus en plus difficile, notamment du fait d'une loi restrictive qui a été mise en place en février. Nous sommes également interpellés par Amnesty International sur la situation de Zeinab Jalalian, défenseuse des droits kurdes, détenue depuis 2008, à qui on refuse des soins dont elle a urgemment besoin.

Enfin, le sommet de l'OTAN du 14 juin a-t-il permis de déboucher sur un plan d'action et des perspectives ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Pour compléter ce qui a pu être dit, la France soutient beaucoup le Liban, et la Banque mondiale nous disait hier encore que notre pays est l'un des bailleurs du fonds en matière de soutien à la reprise de PME.

J'aimerais revenir sur le sujet des sanctions. Cela nous éloigne spécifiquement de la thématique des minorités, mais seule la mise en place d'un nouveau système politique permettra la cohabitation.

La France est précurseur dans ce domaine. Vous avez fait des annonces en ce sens, monsieur le ministre. Si nous voulons être plus forts, il me semble que nous avons besoin d'agir de concert avec nos partenaires de l'Union européenne. Je sais que vous avez abordé ce sujet lors du dernier Conseil des affaires étrangères. Certains États membres ont tenté de faire décaler l'audit sur la corruption au Liban, qui pourrait contribuer à inscrire ce pays sur une liste noire. Les choses évoluent-elles ou continuons-nous à faire cavalier seul ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Je veux tout d'abord saluer l'action de Mme Lavarde.

Pour ce qui est des sanctions concernant les responsables libanais qui, pour diverses raisons, contribuent au blocage politique ou sont supposés être complices de corruption, nous avons pris position en matière de retrait de visas. On ne voit pas pourquoi aujourd'hui, dans la situation que connaît le Liban, telle ou telle personnalité pourrait venir faire des courses sur les Champs-Élysées, tout en se lamentant sur la situation que connaît son pays. Il y a des moments où il faut exprimer son mécontentement. Les déclarations ne suffisent pas, et d'autres mesures seront soumises au Conseil des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne lundi prochain à Bruxelles.

Les États-Unis d'Amérique ont fait de même, de façon tout à fait complémentaire. Certains États membres peuvent s'interroger sur les sanctions qui pourraient viser des chrétiens. C'est d'ailleurs le cas des sanctions américaines. Ceux qui m'entendent se reconnaîtront.

Je reviens à la question du Hezbollah, qui m'a été posée tout à l'heure : certains chrétiens sont alliés avec le Hezbollah. Je le constate.

C'est sans doute une des raisons pour laquelle tout est bloqué. Il faut assumer ses alliances. C'est ce que je dirai à mes collègues qui connaissent moins bien la situation libanaise et qui peuvent éventuellement être influencés par tel ou tel, dont on connaît les arrière-pensées. Je serai très clair à ce sujet.

Pour revenir à ce que disait M. Guerriau, ce qui s'est passé entre Mme Grillo, l'ambassadeur des États-Unis à Riyad et les responsables saoudiens s'est produit à la suite de la rencontre que j'ai eue avec M. Blinken, à Rome, la semaine dernière. Tout ceci relève du même processus. Il s'agit d'agir en faveur de la composition d'un gouvernement. Tant qu'il n'y aura pas un gouvernement à Beyrouth, on n'arrivera à rien.

Nous proposons un gouvernement de techniciens. Le Premier ministre a été désigné par l'Assemblée. Il faut qu'il puisse composer son gouvernement, mais les contraintes sont telles qu'il n'y parvient pas. S'il y parvenait, le gouvernement ne gouvernerait d'ailleurs pas, ce qui n'est pas la solution. Certains sont spécialistes du blocage. Le Premier ministre désigné considère qu'il ne peut gouverner face à un droit de blocage. Optons donc pour un gouvernement qui gouverne, avec des techniciens !

Nous sommes en train d'essayer de travailler sur cette réorientation, mais il faut peser de toutes nos forces pour y aboutir. C'est le sens de la démarche que vous avez évoquée. Pour que les chrétiens restent sur le territoire, il faut un gouvernement qui mène des réformes permettant à ce pays qui bénéficie de nombreuses ressources de retrouver une dynamique. C'est la seule solution : pour éviter que la fuite ne se produise, il faut qu'ils se prennent eux-mêmes en main.

Quant au cardinal Raï, je le vois à chaque fois que je vais à Beyrouth mais, à ma connaissance, les communautés chrétienne et maronite ne l'écoutent pas. C'est la raison pour laquelle il s'exprime publiquement et va voir le pape pour obtenir un message commun.

Aujourd'hui, les forces armées libanaises (FAL) sont la seule colonne vertébrale du Liban. Elles connaissent de très grandes difficultés parce qu'elles n'arrivent plus à payer les soldes des soldats. Leur force vient de leur capacité d'inclusion. C'est une structure qui n'est pas soumise à toutes les difficultés claniques qui existent par ailleurs. Il faut la soutenir.

Nous avons organisé, il y a quelques jours, une réunion de soutien financier aux FAL, le 17 juin. C'est la seule entité qui tienne encore. Les chrétiens ont des positions politiques différentes, que je respecte. Certains soutiennent le Hezbollah, d'autres veulent qu'une autre solution s'impose dans ce pays. Nous souhaitons que le cardinal Raï soit entendu par les chrétiens du Liban. Cela nous permettra peut-être d'avancer.

Monsieur Folliot, vous disiez que le pays est au bord de l'écroulement. Je crois que l'écroulement a commencé. La dernière fois que je suis allé au Liban, j'ai dit que c'était le Titanic sans l'orchestre. Le bateau commence à couler. C'est vraiment dramatique. L'électricité ne fonctionne plus que durant deux heures par jour. La réforme de l'énergie fait partie du sujet que nous avions abordé ici, à Paris, lors de la réunion du groupement international de soutien (GIS) au Liban, que j'avais organisé moi-même. C'était une priorité.

C'est une préoccupation qui s'impose, y compris la fin du subventionnement de l'essence. Le travail est gigantesque. Ce pays ne s'est pas réformé depuis de très nombreuses années. Personne ne veut bouger. Voilà où en est à présent la situation, la corruption aidant. L'aide humanitaire d'urgence sera bien sûr au rendez-vous de la conférence humanitaire que nous organisons.

Pour ce qui est du poids du Saint-Siège, je suis convaincu de l'intérêt de la diplomatie vaticane. Lorsque je vais à Rome, je rencontre généralement le cardinal Pietro Parolin, qui joue le rôle de Premier ministre du Saint-Père, et je le reçois à Paris. Nous avançons utilement sur des sujets importants, dont certains concernant l'Amérique latine ou l'Afrique. Il y aura d'ailleurs une manifestation particulière sur la diplomatie vaticane sous forme de colloque, à l'automne, avec le cardinal Parolin, afin de marquer l'anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Vatican. Ce sont des relations auxquelles je suis attaché et qui fonctionnent concernant le Proche-Orient, l'Afrique et l'Amérique latine.

Monsieur Cuypers, la solution politique passe par une réforme constitutionnelle qui puisse aboutir à un processus inclusif débouchant sur des élections, quels que soient leurs résultats. Pour l'instant, rien ne bouge, mais il faudra aussi que la solution politique prenne en compte les minorités et l'histoire des populations des différentes parties de la Syrie. Ce sera un processus inévitablement très long, qui n'a pas encore commencé.

L'envoyé spécial des Nations unies est à la manoeuvre. Nous parlons souvent avec lui. Il serait souhaitable que nous puissions obtenir de la Russie qu'elle évolue. Pour l'instant, ce n'est pas le cas. On peut penser que la pression de la communauté internationale et, singulièrement, des pays arabes voisins pourra aider à en sortir car, aujourd'hui, le statu quo n'est plus possible pour personne, pas même pour Bachar al-Assad. Il faut donc trouver une porte de sortie. Nous ne prétendons pas qu'il faut d'abord que Bachar al-Assad s'en aille avant de trouver une solution politique. Ce n'est pas ce que je dis. Je réaffirme qu'il faut une solution politique et l'élaborer avec tous les acteurs qui interviennent sur le territoire. On vient de sortir de situations conflictuelles, qui perdurent dans le Nord-Ouest et le Nord-Est de la Syrie, pour ne pas parler de guerre larvée.

Monsieur Gattolin, j'entends ce que vous dites à propos de l'Inde. Je n'avais pas mesuré la situation. Nous avons de bonnes relations avec ce pays. Si d'aventure il fallait agir, nous pourrions le faire. C'est un pays, d'après ce que disent les ONG, où la liberté de religion recule le plus. Vous faites donc bien de le signaler. Les musulmans en sont les principales victimes, mais les chrétiens aussi. Ce n'est pas un dossier sur lequel nous étions très mobilisés jusqu'à présent. J'en ferai part.

S'agissant de la situation en Iran, le nouveau président n'a pas encore composé son gouvernement. Ce sera chose faite début août. Les difficultés se concentrent sur les personnes de confession baha'ie. C'est une de nos grandes préoccupations, car ces populations subissent de mauvais traitements, sans parler des autres atteintes aux droits de l'homme.

Nous interpellons sans cesse le gouvernement iranien, y compris s'agissant des personnes que vous indiquez, pour que la question des droits de l'homme en Iran soit prise en compte et soit à l'ordre du jour de l'Assemblée générale des Nations unies, en septembre prochain. La situation est extrêmement alarmante et les victimes nombreuses. Le régime est de plus en plus autoritaire, et je ne suis pas certain que la nouvelle présidence permette des ouvertures comme on pouvait en attendre précédemment. Le président Raïssi est un élément très conservateur soumis au guide suprême.

Pour ce qui est des accords de Taëf, il est vraisemblable que ceux-ci ne correspondent plus à la réalité de la situation actuelle, mais les remettre en cause supposerait de modifier la constitution du Liban. Je pense qu'il ne faut pas entrer dans cette logique. Un certain nombre d'acteurs, au Liban, développent l'idée qu'il faudrait la réformer avant toute chose : c'est le meilleur moyen de faire durer la situation !

Un gouvernement de transition, composé de techniciens, doit engager les réformes jusqu'aux élections de 2022, qui devront se dérouler sur la base de la loi constitutionnelle actuelle, afin que le nouveau parlement puisse envisager la réforme constitutionnelle, voire la remise en question des accords de Taëf.

Enfin, concernant les poursuites contre les crimes qui se sont déroulés en Irak, nous n'avons pas la possibilité de saisir aujourd'hui la Cour pénale internationale (CPI). Seul le Conseil de sécurité pourrait agir, mais notre proposition est bloquée par la Russie.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Merci, monsieur le ministre.

Avant de laisser le président Bruno Retailleau conclure cette réunion qui, comme vous le constatez, a été suivie par de nombreux sénateurs, ce qui montre une fois de plus l'attention que nous portons à ces sujets, je voudrais saluer vos deux collaborateurs, l'ambassadeur Jean-Christophe Peaucelle, conseiller aux affaires religieuses, et l'ambassadeur Christophe Farnaud, directeur des affaires Afrique du Nord-Moyen-Orient, qui sont toujours très attentifs lorsqu'on les sollicite sur ces sujets. Je les remercie, ainsi que l'ensemble de l'équipe qui vous accompagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Merci, monsieur le président, d'avoir accepté d'organiser à nouveau cette audition.

Merci, monsieur le ministre, de vous êtes prêté à notre jeu de questions, répondant de façon très précise à toutes celles qui vous ont été posées, sans en négliger aucune.

J'ajoute, s'agissant de l'Irak, que ce pays n'est malheureusement pas partie prenante à la convention de Rome, échappant ainsi à la compétence de la CPI...

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

On pourrait passer par le Conseil de sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

En effet.

André Gattolin soulignait que des chrétiens et des minorités sont persécutés ailleurs dans le monde. L'index de la persécution des chrétiens dans le monde, établi par la très belle ONG Portes Ouvertes, témoigne que la Chine fait désormais partie des aires géographiques où c'est le cas.

De même, l'Afrique sahélienne connaît des luttes ancestrales entre Peuls, Dogons, habitants sédentaires et nomades, notamment au Nigeria. On n'en parle malheureusement pas suffisamment.

Merci enfin, monsieur le ministre, de veiller à ce que la conférence de Bagdad puisse se tenir et d'aider les ONG à travers le fonds de soutien. Nous y sommes très sensibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Merci.

La réunion est close à 18 heures 05.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.