S'agissant du Liban, je note votre proposition au sujet d'une agence de bailleurs. Nous allons l'étudier. Elle nous paraît a priori intéressante, sous réserve qu'elle s'adresse bien aux domaines sanitaire et éducatif, comme vous l'avez souligné.
Je parle ici avec pondération car, dès que j'évoque le Liban, mes propos font la une de L'Orient-Le Jour. Je répète qu'il n'existe pas d'échappatoire possible pour les Libanais : il faut qu'ils se dotent d'un gouvernement. J'ai bien entendu le Premier ministre par intérim nous demander hier de ne pas abandonner son pays, qui se trouve dans une situation très difficile, y compris au niveau humanitaire. C'est vrai, mais cela fait un an et demi que la communauté internationale demande au Liban de se doter d'un gouvernement. Sans cela, rien ne sera possible et la communauté internationale ne sera pas au rendez-vous financier. On sait que c'est possible mais on n'ignore pas où sont les blocages.
Je ne suis pas opposé à ce qu'il y ait parallèlement des actions d'accompagnement de la population libanaise, qui souffre, mais on a bien identifié les responsabilités. Je rappelle que les représentants des différents courants politiques libanais ont promis, le 1er septembre dernier, à la résidence des pins, de constituer un gouvernement dans les quinze jours, un gouvernement de techniciens dont le but est de commencer les réformes que tout le monde attend et de faire en sorte qu'il y ait des élections en 2022. Ces promesses ne sont pas tenues.
Nous allons faire en sorte qu'une conférence humanitaire se tienne le 20 juillet. Elle va permettre de rassembler des fonds. Cette aide humanitaire doit être au rendez-vous, mais ce pays a énormément de possibilités et ne doit pas continuer à vivre uniquement de l'aide humanitaire. Je valide donc volontiers cette proposition d'une agence qui ne doit concerner que certains secteurs.
L'explosion de Beyrouth remonte à presque un an : à ma connaissance, l'enquête n'a toujours pas abouti. Franck Riester va se rendre à Beyrouth dans quelques jours pour travailler sur des questions techniques et portuaires. Cette situation est dramatique. Il faut que l'opinion publique internationale se réveille !
La nouveauté réside dans le fait que le secrétaire d'État américain, M. Antony Blinken, a pris position. Nous avons pu nous rencontrer avec notre collègue saoudien, il y a quelques jours. J'espère que cette dynamique va perdurer. J'aurai l'occasion d'en reparler avec M. Blinken la semaine prochaine, à Washington. La difficulté, c'est que les acteurs antérieurement parties prenantes se désintéressent à présent de la situation. Je suis toujours un peu ému lorsque j'en parle, parce que la situation est vraiment insupportable.
Pour ce qui est des corridors humanitaires, plusieurs étaient prévus, deux au Nord-Ouest, dont Bab Al-Hawa, qui est toujours ouvert. Il y avait auparavant Bab Al-Salam. Il y en a un au Sud, à la frontière avec la Jordanie, Deraa, mais ce corridor n'a plus tellement d'intérêt parce qu'il y a plus vraiment de réfugiés dans cette partie de la Syrie. Il existe un autre corridor entre Yaarubiya, au Nord-Est, entre l'Irak et la Syrie.
Nous sommes en pourparlers pour une ouverture de ces corridors humanitaires. Cette discussion va se poursuivre devant le Conseil de sécurité. Il se trouve que c'est la France qui le préside depuis le 1er juillet. Je le présiderai en personne pendant plusieurs jours la semaine prochaine. Nous allons essayer de faire avancer ce dossier. La responsabilité en la matière est d'abord celle des Russes. Nous nous battons pour maintenir trois ouvertures. J'espère que nous allons y parvenir. C'est essentiel pour assurer l'aide humanitaire aux populations syriennes dans la partie Nord-Ouest.
Dans la partie nord-est, il est très difficile d'identifier les zones tenues par tel ou tel groupe. Le fait que les États-Unis restent sur la zone évite des confrontations turco-kurdes et une présence russe intempestive. On est pour l'instant dans une situation de stabilité, mais les choses demeurent très complexes, car plusieurs milliers de combattants de Daech sont dans des camps ou des prisons, suite aux combats qui se sont produits dans cette partie de la Syrie, à la frontière avec l'Irak.
La situation politique syrienne n'est pas encore stabilisée. On sait bien que la solution ne sera pas totalement démocratique, mais il faudrait une solution politique. La communauté internationale, réunie à Rome la semaine dernière, a décidé de ne pas bouger en matière de reconstruction ou de réacheminement des réfugiés syriens, dont les deux millions qui se trouvent au Liban, comme en Jordanie, se mélangent à la population. Cela se traduit par un besoin dans les domaines de l'enseignement, de l'emploi. La solution politique n'est pas au rendez-vous. Les élections qui ont récemment eu lieu ont été truquées et ne peuvent être considérées comme une solution politique.
Les Nations unies ont mandaté un envoyé spécial, M. Patterson, qui essaye de trouver le moyen, dans les discussions qui ont lieu à Genève, de passer à une autre étape. Pour l'instant, l'obstruction russe ne nous permet pas de réaliser beaucoup d'avancées.
S'agissant de l'Irak, je pense que les élections étaient souhaitables. On n'a pas à prendre position sur la qualité des autorités politiques, mais je trouve que le Premier ministre actuel a joué l'apaisement. Nous l'avons reçu à Paris il y a peu. Il faut attendre que le processus aille jusqu'à son terme pour faire en sorte d'obtenir une unification des dispositifs de sécurité.
Nous entretenons des relations très suivies et positives avec les représentants du Kurdistan irakien, mais aussi avec les autorités irakiennes. La France a une importante carte à jouer. Nous sommes crédibles par rapport à l'ensemble des acteurs irakiens, et nous accompagnons leur volonté d'inclusion. La mise en oeuvre d'une unité militaire de sécurité afin que les milices populaires ne perturbent pas le processus d'intégration est difficile.
Le discours des autorités religieuses chiites est plutôt positif, comme vous avez pu vous-mêmes le constater. Nous souhaitons que ces élections puissent se dérouler dans les meilleures conditions. Nous enverrons des observateurs pour ce faire. Je souhaite qu'on puisse faire en sorte, avec les nouvelles autorités, que cette conférence puisse se tenir. Je pense qu'il vaut mieux qu'elle se tienne au Moyen-Orient. Le site le plus adapté est Bagdad.
Concernant le patrimoine, vous avez dit ce qu'il convenait de dire. J'ai indiqué combien nous étions attachés à sa préservation, à la reconstruction des sites qui ont été détruits. Cette volonté perdurera grâce à l'ALIPH, que nous voulons étendre dans sa dimension financière grâce à une participation européenne plus forte. J'espère que nous serons au rendez-vous. Nous devrions pouvoir aboutir.
Enfin, pour ce qui est du fonds de soutien, celui-ci est engagé. Il est significatif. L'Agence française de développement (AFD) va aussi entrer en action, à la grande satisfaction du président Cambon. Nous allons faire en sorte que ce fonds en faveur des minorités puisse être abondé. Nous sommes au rendez-vous des 5 millions d'euros et ne dérogeons pas en la matière, pas même dans le cadre du dernier budget.
J'ai été quelque peu solennel concernant le Liban, afin qu'on puisse m'entendre.