Après l'échec de la commission mixte paritaire (CMP) le 9 juillet 2021, l'Assemblée nationale a achevé le 13 juillet dernier l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement. Sur les 36 articles que comprenait le projet de loi, 19 restaient encore en discussion. L'Assemblée nationale a adopté 6 articles sans modification et confirmé une suppression. Elle a adopté les 12 articles restants avec des modifications substantielles, en revenant, pour l'essentiel, à sa rédaction initiale, alors que nous avions beaucoup travaillé avant la commission mixte paritaire. Nous sommes donc face à un écueil pour les dispositions relatives au terrorisme, qu'il s'agisse de l'article 2 ou des articles 3 et 5 qui sont liés entre eux.
Avec mon homologue de l'Assemblée nationale, nous étions très proches d'un accord de principe avant la commission mixte paritaire. Mais l'intransigeance du Gouvernement a rendu inévitable l'échec de la commission mixte paritaire. Cette intransigeance s'est confirmée en nouvelle lecture, car les députés sont revenus au texte initial comme si le Sénat n'avait rien fait !
Je rappelle que notre principal point de désaccord porte sur les modalités de suivi des personnes condamnées pour des actes de terrorisme sortant de détention. Notre commission a déjà beaucoup travaillé sur ce sujet à l'occasion de l'examen de textes qui ont été discutés au Parlement et fait l'objet des mêmes argumentations au Sénat comme à l'Assemblée nationale. Le dernier texte discuté a été proposé par le président Buffet et rapporté par notre collègue Muriel Jourda.
Nous sommes d'accord avec les députés et le Gouvernement sur le constat : les dispositifs existants ne permettent pas d'assurer un suivi satisfaisant de ces personnes, qui représentent pourtant une menace majeure pour notre société. Je rappelle que le procureur du parquet national antiterroriste (PNAT) a estimé à près d'un quart des terroristes sortant de détention le risque de récidive et le nombre de personnes d'une extrême dangerosité. Cela représente, pour les trois ans à venir, 60 personnes sur 240, que l'on ne peut pas laisser dans la nature.
Deux réponses existent : le Gouvernement et l'Assemblée nationale proposent d'allonger la durée des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) à deux ans afin d'assurer la surveillance de ce public, tout en instaurant une mesure judiciaire qui se concentrerait sur leur réinsertion. Nous proposons, quant à nous, de remettre la loi votée en juillet dernier sur le métier, en instaurant une mesure judiciaire d'ensemble à visée non pas seulement de réadaptation sociale, mais également de surveillance de l'individu.
Nous étions éventuellement prêts à envisager une évolution sur les deux ans, malgré nos doutes quant à la constitutionnalité de la mesure - la jurisprudence du Conseil constitutionnel et le commentaire qui en a été fait et que nous avons maintes fois rappelés fait regarder comme inconstitutionnel l'article 3 tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale - mais uniquement si parallèlement était mis en place un suivi judiciaire renforcé. Nous considérons en effet que les mesures de suivi judiciaire présentent plusieurs avantages : prononcées par un juge, elles offrent des possibilités de surveillance plus longue et potentiellement plus contraignante ; elles présentent des garanties plus importantes pour les individus concernés, car elles sont prononcées à l'issue d'une procédure contradictoire ; enfin, elles permettent d'associer aux mesures de surveillance des mesures sociales visant à favoriser la réinsertion de la personne, ce qui leur confère un caractère d'ensemblier.
L'Assemblée nationale n'a pas souhaité donner suite à nos multiples propositions de compromis : pas moins de six de notre côté, autant que nos collègues députés, qui sont chaque fois revenus à leur texte initial, légèrement modifié. Nous avons tout tenté, et l'on nous a clairement fait comprendre que l'opposition frontale émanait du Gouvernement.
Face à cette position de la majorité gouvernementale, nous vous proposerons de supprimer les prolongations des Micas à l'article 3 pour des raisons de cohérence, mais d'adopter à l'article 5 la nouvelle proposition de rédaction discutée avec les députés préalablement à la CMP, témoin de notre volonté d'avancer. Il s'agit, en vue d'assurer la bonne articulation entre les mesures judiciaires et les mesures administratives, de prévoir que, lorsque la mesure de sûreté comprend des obligations qui sont similaires à celles qui sont prononcées dans le cadre des Micas, les premières ne peuvent entrer en vigueur que lorsque les secondes sont levées.
Nous vous proposons également de rétablir le texte du Sénat sur l'article 2 : il permet une caractérisation plus précise des locaux annexes au lieu de culte qu'il sera possible de fermer s'il existe des raisons sérieuses de penser qu'ils seraient utilisés pour faire échec à l'exécution de la mesure de fermeture du lieu de culte. Dans une perspective de conciliation avec l'Assemblée nationale, nous suggérons de supprimer la mention de l'accueil habituel de réunions publiques. Étant entendu que les mesures de police administrative ne peuvent concerner des lieux privés, cette mention semble satisfaite.