Intervention de Olivier Véran

Réunion du 23 juillet 2021 à 21h30
Gestion de la crise sanitaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Olivier Véran  :

C’est ce que nous avons toujours fait, dès que nous le pouvions. Nous sommes d’ailleurs régulièrement taxés d’avoir pris trop tôt ou trop tard, voire les deux à la fois, la décision de relâcher de telles mesures.

Voilà pour ce qui concerne le passe sanitaire.

En parallèle, nous entendons booster la vaccination le plus possible ; le Président de la République et le Premier ministre ont été très clairs : nous mettons à la disposition d’un maximum de Français des doses de vaccins dans tous les centres ouverts.

Vous pouvez constater que, même si nous sommes à la fin du mois juillet, il y en a beaucoup. Je tire mon chapeau aux collectivités, aux médecins, aux pharmaciens, aux pompiers, à tous les agents qui, bien que nous soyons fin juillet, non seulement maintiennent leur capacité de vaccination, mais parviennent même à l’augmenter. Ainsi, cette semaine, nous allons battre le record du nombre de vaccinations réalisées dans notre pays. Ce nombre augmente également dans les pharmacies d’officine.

Plusieurs millions de Français pourront donc bénéficier d’une première injection. Vous connaissez l’objectif : atteindre 45 à 50 millions de primo-vaccinations dans les prochaines semaines, sur une cible totale de 52 millions de personnes. Si nous pouvions vacciner 48 ou 49 millions, voire 50 millions sur les 52 millions de personnes concernées, nous atteindrions de fait une immunité collective parmi la population vaccinable.

Les plus petits de nos concitoyens, ceux qui ont moins de douze ans, ne peuvent pas être vaccinés, faute d’autorisation de mise sur le marché des vaccins qui leur sont destinés, les études n’étant pas terminées sur ce point.

Il y a donc bien un double enjeu associant le passe sanitaire et la vaccination.

Ensuite, il y a un public, que nous avons applaudi à vingt heures, pour lequel nous avons le plus grand respect et auquel nous sommes redevables, qui se bat dans les hôpitaux et dont les membres sont nombreux à nous demander d’agir. Or ce public n’est pas suffisamment vacciné. Il s’agit, bien sûr, de l’ensemble des professionnels du soin, de la santé et de l’accompagnement dans les établissements sanitaires et médico-sociaux, et à domicile.

Cette population professionnelle très large connaît un taux de couverture vaccinale variable : chez les médecins et les pharmaciens, on atteint plus de 90 % de vaccinations complètes, chez les infirmiers, 70 % et bientôt 75 %, chez les aides-soignants, entre 60 % et 65 %. Ces chiffres sont sans doute un peu plus importants aujourd’hui ; nous les réactualiserons dans quelques jours. Chez les auxiliaires médicaux et parmi le personnel d’entretien des établissements, le taux de couverture est encore un peu plus faible.

Vous constatez donc, comme moi, que certaines catégories de professionnels en contact quotidien avec des personnes fragiles, malades ou très âgées sont moins vaccinées que la population générale. Même si l’on utilise le masque, même si l’on fait très attention parce que l’on ne veut contaminer personne, même si l’on se lave les mains très régulièrement ou que l’on utilise du gel hydroalcoolique, le risque de faire entrer le virus dans un établissement pour personnes âgées ou dans un hôpital est réel.

Or dans ces établissements, même si les personnes présentes sont vaccinées, leur immunité est par définition très fragile, parce qu’elles sont plus âgées, parce qu’elles souffrent de cancers ou d’infections et que la vaccination, même complète, n’a pas chez elles un effet aussi fort que chez vous, mesdames, messieurs les sénateurs.

Nous devons donc absolument renforcer la couverture vaccinale de ces catégories de personnel. Ce n’est d’ailleurs pas une nouveauté, car on l’a fait pour la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite ou l’hépatite B. Un certain nombre de soignants dans cet hémicycle sont forcément vaccinés contre ces maladies ; à défaut, ils n’auraient pas pu porter la blouse ni être au contact de personnes malades.

Le dispositif existe donc dans le droit commun et nous souhaitons l’étendre à la covid-19, avec un objectif fixé au 15 septembre prochain. À cette date, personne ne sera renvoyé, mais des contrôles seront menés pour mobiliser chacun, individuellement. À partir de là, si l’on constate un véritable refus de vaccination de la part de certains soignants, des procédures disciplinaires pourront être engagées.

De telles mesures figurent déjà dans le droit commun pour la vaccination contre l’hépatite B, depuis le gouvernement d’Édith Cresson, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche ; c’est aussi le cas pour le vaccin DTP, mesdames, messieurs les sénateurs de droite, depuis un gouvernement de droite dont le nom du Premier ministre m’échappe, à cette heure tardive. Il ne s’agit donc en rien d’une mesure qui buterait sur un clivage politique, puisque chaque gouvernement, en responsabilité, en son temps, a été amené à prendre cette décision difficile, mais nécessaire.

J’ai réuni les sept ordres professionnels et les huit fédérations d’établissements de santé, qui se sont engagés par écrit, en considérant que la vaccination, lorsque l’on soigne et que l’on prend soin des personnes fragiles, relevait d’une obligation morale, éthique, professionnelle et déontologique, et que l’on pouvait, s’il le fallait, la rendre obligatoire.

Un autre élément fondamental de ce projet de loi est une mesure autour de laquelle nous avons tourné pendant dix-huit mois et qui est revenue plusieurs fois au cours des débats dans l’hémicycle ; vous connaissez ma position sur cette question et je connais celle des uns et des autres, ici. Il s’agit de l’isolement dit « contraint ».

À ce sujet aussi, la situation a évolué : durant la première et la deuxième vague, la peur était importante face à la découverte du virus et l’effet de sidération jouait. Les personnes malades restaient globalement chez elles.

C’est devenu ensuite un petit peu plus difficile. Nous avons mis à la disposition des personnes concernées des mesures d’accompagnement humain, en proposant systématiquement le passage d’un infirmier et en créant des cellules territoriales d’appui à l’isolement pour les assister dans leurs courses, pour garder leurs enfants et pour leur fournir toutes les aides du quotidien. Cet appui concerne également le domaine administratif, puisque certaines de ces cellules ont même été amenées à remplir les déclarations de revenus de personnes âgées qui ne pouvaient pas recevoir la visite de leur famille pour les aider, comme c’était habituellement le cas. Il existe également une possibilité d’hébergement alternatif pour les gens dont les conditions d’isolement ne sont pas réunies.

Hélas, nous constatons que l’acceptation de l’isolement et son respect par les personnes déclarées positives au coronavirus, notamment peu symptomatiques, donc souvent moins âgées et moins sujettes à des formes symptomatiques, a chuté.

Aujourd’hui, des études montrent que, dans certaines régions, le respect de l’isolement par les gens déclarés positifs, donc contagieux, est inférieur à 40 %. C’est un problème, parce que si vous sortez chez vous alors que vous êtes contagieux, l’épidémie ne va pas s’arrêter, c’est une certitude !

C’est pourquoi nous vous proposons une disposition qui va plus loin que ce que nous avons fait jusqu’à présent et qui se rapproche des décisions prises dans d’autres pays : une mesure d’isolement contraint, avec une automaticité de la contrainte.

J’ai pris connaissance des travaux que vous avez menés en commission. Vous appelez de vos vœux une évolution en deux temps : on prescrit un isolement et, en cas de problème, on prononce une contrainte, avec une possibilité d’intervention. Cela, nous pouvons le faire avec vingt, cinquante, voire cinq cents cas par jour dans le pays. Nous le faisons d’ailleurs pour les personnes qui reviennent de l’étranger, sur arrêté préfectoral individuel.

En revanche, lorsque l’on atteint 21 000, 22 000, demain peut-être 30 000 ou 40 000 contaminations par jour, c’est absolument impossible. D’une part, l’assurance maladie ne dispose pas des capacités de contrôle et de mobilisation d’agents pour se rendre chez les personnes concernées, d’autre part, on fait difficilement plus compliqué en matière de mesure technique, même si je comprends parfaitement l’esprit de cette proposition.

Je vous propose d’en revenir au texte de l’Assemblée nationale, lequel prévoit une automaticité de l’isolement contraint. Cette mesure n’a pas pour philosophie d’envoyer un agent de police chez quelqu’un qui a été diagnostiqué positif au coronavirus et à qui l’on demande de s’isoler. L’assurance maladie et l’ARS continueront de l’appeler comme elles le font, une fois, deux fois ; on lui enverra un médecin, au besoin une infirmière, qui pourra venir de la cellule territoriale d’appui, pour l’accompagner dans la procédure d’isolement.

En revanche, quand arrivera le moment où l’on se rendra compte que l’on ne parvient pas à joindre cette personne, qu’elle n’aura pas répondu au contact tracing et que l’on aura envoyé en vain quelqu’un frapper à sa porte, qui n’aura pas pu la forcer à ouvrir, on ne pourra pas garantir ni que cette personne va bien ni, surtout, qu’elle respecte les conditions d’isolement.

Alors, on pourra saisir les forces de sécurité intérieure qui, elles, sont habilitées à se rendre chez les gens, même si ceux-ci ne sont pas d’accord, pour vérifier qu’ils vont bien et, s’ils sont absents, s’interroger sur leur respect de l’isolement.

On rejoint ainsi un dispositif familier : quand vous êtes placé en arrêt maladie avec un certificat d’arrêt de travail, le médecin signe et coche des cases, parmi lesquelles « sortie libre » ou « sortie interdite ». Dans le premier cas, il impose des horaires de sortie qui peuvent donner lieu à des contrôles inopinés. Cela concerne tous les arrêts de travail, mesdames, messieurs les sénateurs : si vous n’êtes pas chez vous quand on vous contrôle, les indemnités journalières sautent.

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